| Édition du jeudi 12 juin 2025 |
Normes
Pour mieux s'adapter aux « réalités locales », le Sénat étend le pouvoir de dérogation des préfets
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En étendant le pouvoir de dérogations des préfets dans les territoires, les sénateurs comptent faciliter la mise en œuvre de certains projets et favoriser l'accès à certaines aides publiques. Les petites communes pourraient notamment obtenir le versement anticipé du FCTVA lors d'investissements importants.
« Simplifier les normes et les adapter aux réalités des territoires. » C’est ce que souhaitent les sénateurs qui ont facilement adopté, en première lecture, dans la nuit de mardi à mercredi, une proposition de loi visant à renforcer le pouvoir de dérogation des préfets « dans un souci de différenciation territoriale ».
Soutenue par la droite et le centre, elle a recueilli 241 voix pour et 32 contre, issues des rangs des communistes et des écologistes, les socialistes ayant préféré s’abstenir. Transmis à l’Assemblée, ce texte doit dorénavant être examiné par les députés.
Des dérogations encore « limitées et inégales »
Avec ce texte, « on va imaginer que le préfet va devenir le dernier kilomètre de la simplification et c’est une bonne chose pour nos élus qui attendent ça avec impatience », s’est félicité le sénateur du Cher, Rémy Pointereau (LR), à l’origine du texte et d’un rapport en début d’année sur le sujet avec sa collègue de Lozère, Guylène Pantel (RDSE). Cette dernière a ainsi confirmé, en séance, que ce serait « un pas de plus pour aider nos collectivités […] dans l’avenir ».
Cette initiative a été soutenue dernièrement par le Premier ministre qui a fait part de son désir de simplifier l'action des collectivités. Notamment lors des troisièmes Assises de la simplification, organisée au Sénat le 3 avril dernier.
« Le pouvoir de dérogation, d’interprétation, de bon sens élémentaire du préfet doit être rendu au préfet », avait assuré le maire de Pau, dont l’objectif est de faire sortir de terre plus facilement les projets et d’encourager les maires bâtisseurs. François Bayrou avait ainsi rapidement évoqué les demandes de subventions compliquées pour les collectivités, en particulier celles qui n’ont pas de services pour effectuer les démarches dans ce qu’il a appelé des « labyrinthes ».
Car si les préfets sont dotés d'un pouvoir de dérogation aux normes réglementaires qui a été étendu et pérennisé depuis 2020, seuls « quelque 900 arrêtés préfectoraux de dérogation » ont été pris ces cinq dernières années (pour l’essentiel au bénéfice des collectivités territoriales et, dans la plupart des cas, cela concerne l’attribution d’une subvention publique). Le recours à ce dispositif reste donc encore « faible » et « peine à produire ses effets », selon les sénateurs qui le jugent « limité et inégal ».
Faciliter les projets et l’accès aux aides
Pour y remédier, la « chambre des territoires » a donc décidé de renforcer et créer toute une série de dérogations en étendant le périmètre et la portée du pouvoir accordé aux préfets dans les territoires. Ce qui doit leur permettre de faciliter certains projets, d’adapter certaines normes ou encore de « favoriser l'accès aux aides publiques », de « réduire les délais de procédure » et d’« alléger les démarches administratives ».
Le texte prévoit notamment de leur accorder le pouvoir de déroger à des normes relevant de services ou d'agences locales (qui ne relèvent pas aujourd'hui de sa compétence) et de créer de nouveaux régimes législatifs de dérogation aux normes, concernant par exemple les normes des fédérations sportives.
Sur ce dernier point et alors que les collectivités territoriales sont propriétaires de 80 % des 330 000 équipements sportifs en France, les sénateurs expliquent que cela permettrait d’octroyer aux collectivités « un délai pour la mise en conformité d’installations sportives », notamment dans le cas d’accès à un niveau supérieur de compétition.
Il est également prévu d’ouvrir aux préfets la possibilité de déroger au Code de l'environnement afin de faciliter la construction ou le maintien d’ouvrages construits dans les cours d’eau, tels que des moulins mais aussi de « nettoyer un fossé afin d'éviter une inondation », comme l'a précisé Rémy Pointereau en séance.
Versement anticipé du FCTVA
Lors de la discussion, les sénateurs ont également permis aux préfets de prévoir des « adaptations mineures » de normes, lorsqu'elles ont « pour effet de faciliter la réalisation de projets locaux ».
Afin soutenir l’investissement des petites communes, ils ont également décidé, contre l'avis du gouvernement, que les collectivités bénéficiaires du FCTVA pourraient demander au préfet l’obtention d’un versement anticipé lorsqu’elles réalisent « une opération d’investissement d’un montant particulièrement élevé ». Ce versement dérogatoire a pour objectif « d’éviter, en particulier aux petites communes, de faire face à des difficultés de trésorerie liées au décalage du versement des compensations attribuées au titre du FCTVA ».
Par ailleurs, la chambre haute a introduit un dispositif spécifique de dérogation à l’obligation de participation minimale financière des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage, au bénéfice des petites communes rurales les plus défavorisées (celles de moins de 2000 habitants au faible potentiel financier).
Reprenant une proposition de Boris Ravignon, le gouvernement a profité de l’occasion pour faire adopter des dérogations aux obligations pour les collectivités de créer un « conseil citoyen », un « conseil de développement dans les EPCI de plus de 50 000 habitants » ou encore « d'organiser la caisse des écoles sous forme d'établissement public ».
Doutes et craintes
Reste que la rédaction actuelle du texte a suscité des réserves du côté du gouvernement et de la gauche. Avec une crainte : voir ce pouvoir de « dérogation » devenir dans certains cas un « pouvoir de substitution », notamment car il confère aux préfets un rôle de « délégué territorial » pouvant notamment prendre des décisions en lieu et place de certaines agences de l'Etat.
« Un principe de dérogation n'est pas une dérogation de principe », a ainsi déploré le sénateur socialiste Pierre-Alain Roiron.
La sénatrice écologiste des Yvelines, Ghislaine Senée, a aussi fait part de ses « doutes » et de sa « très forte inquiétude » vis-à-vis du « droit environnemental », mais aussi des municipalités « confrontées à des préfets leur imposant des projets qui ne rentrent pas dans la vision qu’elles défendent ». « Lorsque l’on donne un pouvoir à un préfet qui pourra décider, seul, s’il attribuera [ou non une dérogation] à une municipalité, je pense que cela crée de l’injustice et de la défiance », a-t-elle dénoncé.
Consulter le texte adopté.
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Finances locales
Baisse de la compensation des exonérations de TFPNB : le gouvernement reconnaît une « erreur »
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Le gouvernement a été interrogé hier au Sénat sur la situation des communes rurales touchée par la hausse, non compensée, des exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties consenties aux agriculteurs. Le gouvernement a reconnu une « erreur ».
C’est le président de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat, Bernard Delcros, qui a soulevé le problème hier lors de la séance de questions au gouvernement : de nombreux maires ruraux ont eu « la désagréable surprise » de constater que leurs recettes fiscales sont en forte baisse pour 2025, parfois « jusqu’à 6 % », alors que les bases ont été revalorisées de presque 2 %.
Perte sèche
Cette situation s’explique – et elle était même prévisible, même si le gouvernement s’est gardé de communiquer sur le sujet. En toute fin des débats sur le projet de loi de finances pour 2025, pour répondre aux difficultés des agriculteurs, le gouvernement et le législateur ont décidé de porter de 20 à 30 % le taux d’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). Les parlementaires ont modifié l’article 1394 B bis du Code des impôts qui fixait jusque-là à 20 % le taux d’exonération de TFPNB pour les terrains agricoles classés dans les catégories « terres, prés, pâturages, vergers, vignes, bois et landes, lacs, étangs et jardins ». Ce taux est passé à 30 %.
Mais la compensation versée par l’État, elle, n’a pas été modifiée : depuis 2005 qu’existe cette exonération de 20 % de TFPNB sur les terrains agricoles, l’État la compense entièrement, sur la base de 20 %. Il va continuer à le faire sur cette base, cette année, bien que l’exonération soit, elle, supérieure. C’est donc une perte sèche pour les communes concernées.
Les services fiscaux étaient conscients du problème, puisque dans une note publiée le 12 mars dernier, la DGFiP écrit, à propos des exonérations de TFPNB : « À noter que compte tenu de l’adoption tardive de la loi de finances pour 2025, ces bases prévisionnelles exonérées ne tiennent pas compte du rehaussement de 20 % à 30 % du taux d’exonération des terres agricoles issu de l’ article 66 de la loi de finances pour 2025. Elles ont été calculées avec un taux de 20 %, le montant prévisionnel indiqué est donc minoré ».
Engagement du gouvernement
Le gouvernement, devant les sénateurs hier, a également reconnu le problème : le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a reconnu que la compensation de l’exonération de TFPNB « n’a pas été ajustée pour tenir compte de l’augmentation à 30 % ». Il s’agit bien pour le ministre d’une « erreur » qui ne « correspond pas à la volonté du gouvernement ».
Cette erreur est coûteuse pour les communes les plus dépendantes de la TFPNB – c’est-à-dire celles qui ont peu d’habitants et une grande superficie. Dans ces communes, la TFPNB peut représenter jusqu’à 50 % des recettes fiscales, et la perte issue de « l’erreur » gouvernementale se payera comptant. Le ministre s’est engagé solennellement à « corriger cette erreur » dans le projet de loi de finances pour 2026. Mais il n’a pas précisé si les sommes dues au communes au titre de 2025 seraient remboursées.
Cet épisode montre une fois encore les problèmes que posent les « compensations » qui ont de plus en plus tendance à remplacer la fiscalité locale. Ces compensations sont à la merci d’un amendement, voire d’une simple erreur, ce qui fait de plus en plus perdre la main aux maires sur leurs propres recettes.
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Equipement et travaux
Vols de câbles en cuivre dans les communes : le ministère de l'Intérieur s'organise pour endiguer le phénomène
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Depuis plusieurs années, une recrudescence des vols de cuivre est constatée. Les câbles des réseaux téléphoniques et des candélabres de l'éclairage public sont ciblés par les voleurs. Les forces de sécurité s'organisent pour lutter contre ces exactions.
En peu de temps, le cuivre est devenu le nouvel or noir de ces dernières années. En 2020, le prix d’une tonne de cuivre était de 5 700 euros avant de passer à 8 200 euros en 2024 pour atteindre des sommets en 2025 où la tonne « se revend environ 10 000 euros et encore plus au marché noir », comme le souligne la députée du Puy-de-Dôme, Delphine Lingemann, à l’occasion d’une question écrite au gouvernement.
C’est dans ce contexte économique que les affaires de vols de câbles en cuivre se multiplient. Ces vols interviennent surtout sur le domaine public : les voleurs s’en prennent le plus souvent aux câbles des réseaux téléphoniques. En 2024, Orange estime à environ 1 400 vols de câbles en cuivre sur son réseau l’année dernière. Les malfaiteurs ouvrent également depuis plusieurs années les trappes techniques des candélabres d’éclairage des communes pour découper les câbles de cuivre. De plus en plus organisés, les malfaiteurs n’hésitent pas à recourir à des équipements professionnels (tenues et panneaux de chantier, véhicules équipés de gyrophares) pour agir en plein jour.
Selon Delphine Lingemann, dans le Puy-de-Dôme, 14 km de câbles ont été dérobés sur le depuis le 1er janvier 2024 et « 40 communes ont été victimes de vols de câbles électriques, privant des rues ou des communes d’éclairage public ou pénalisant les associations qui ne peuvent plus utiliser les terrains de sport (foot et rugby) en nocturne ». En Gironde, Pyrénées-Atlantiques, Seine-et-Marne, Charente-Maritime, dans le Morbihan, en Loire-Atlantique, de nombreuses communes ont déjà été confrontées à ces larcins qui pèsent parfois très lourd dans les budgets et mettent à mal le quotidien des habitants.
Plusieurs parlementaires ont alerté le gouvernement sur cette situation qui risque de s’empirer dans les années à venir alors que le chantier de décommissionnement du cuivre s’accélère, à l’instar de la sénatrice des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac l’été dernier (lire Maire info du 9 septembre). Après ces multiples alertes, le ministère de l’Intérieur a apporté hier une réponse, souhaitant démontrer son implication.
Le ministère de l’Intérieur mobilisé
La gendarmerie – et la police nationale en zone urbaine – met en œuvre au niveau départemental des plans d’action conjoints avec les opérateurs de télécommunication, ce qui a notamment permis de « mieux comprendre les modes opératoires » des voleurs.
« La manière d’opérer est souvent similaire, explique le ministère de l’Intérieur. Après avoir ouvert les trappes d’accès, les malfaiteurs attachent les câbles à un véhicule qui les tracte sur plusieurs centaines de mètres jusqu’à ce qu’ils rompent. Les câbles sont ensuite brûlés pour les débarrasser de leur gaine afin, d’une part, de faire disparaître les traces permettant de déterminer leur origine, et, d’autre part, de revendre le produit "brut" plus cher. Le cuivre dérobé alimente des filières de recel via des ferrailleurs ou des récupérateurs de métaux malhonnêtes, qui s’abstiennent volontairement d’assurer la traçabilité (livre de police). »
Afin d’apporter une réponse pour lutter contre ce phénomène, le ministère de l’intérieur indique qu’il déploie dans les territoires « une approche globale fondée, d’une part, sur la prévention des phénomènes et le partenariat avec les entreprises privées et, d’autre part, sur le démantèlement des groupes relevant de la criminalité organisée. La mise en place de dispositifs préventifs permet d’accompagner les victimes potentielles de ce type de vols », notamment les municipalités. « La gendarmerie et la police nationale mènent des actions de prévention pour sensibiliser les acteurs locaux, y compris les entreprises, les ferrailleurs et le grand public, aux risques associés aux vols de métaux et aux moyens de protection. » Par exemple, une coordination est mise en œuvre au travers d’une convention entre l’opérateur Orange et la gendarmerie pour mieux détecter et prévenir ces vols, mais également préserver les traces et indices utiles à l’enquête.
Les référents sûreté, aussi bien en zone gendarmerie qu’en zone police, sont mobilisés pour conseiller les communes exposées dans la mise en place de dispositifs de sécurité (détection ou vidéoprotection notamment).
Concernant plus particulièrement le cas des réseaux d’éclairage public, « la coopération inclut également des dispositifs de surveillance tels que l’installation de caméras dans les zones à risque pour accroître la sécurité. C’est pourquoi la gendarmerie nationale active tous les leviers de coproduction de sécurité tels que l’aide aux diagnostics dans le cadre des projets de vidéoprotection ou l’impulsion forte au profit des dispositifs de participation citoyenne. »
Plus globalement, de nombreuses conventions ont été signées entre les départements, la gendarmerie nationale et la fédération française des entreprises de recyclage. Par exemple, la gendarmerie organise régulièrement des opérations pour contrôler les points de vente de métaux et les centres de recyclage.
Le ministère de l’Intérieur rappelle enfin qu’il a signé en mars 2021 une convention nationale avec les grands opérateurs de télécommunications et d’infrastructures qui a été déclinée dans les départements aux fins de lutter efficacement contre les actes de malveillance et les vols commis au préjudice des opérateurs nationaux de télécommunications. Pour prévenir ce phénomène, une étude est en cours pour renforcer la capacité à détecter qu’un réseau est touché.
Des réparations qui restent à la charge des communes
En plus de pénaliser toute une population au sein d’une commune, lorsque ce sont les candélabres de l'éclairage public qui sont ciblés par les voleurs, ces actes de vandalisme ont des conséquences financières lourdes pour les collectivités locales. « Les coûts engendrés par ces vols comprennent le recâblage, le remplacement des lanternes ou des mâts, les travaux de terrassement souterrain pour le raccordement de chaque mât, voire le remplacement des fourreaux », expliquait la sénatrice Frédérique Espagnac à Maire info.
Par exemple, dans la commune de Lescar, 150 candélabres ont été vandalisés l’année dernière. « Il faut compter environ 1 000 euros pour remettre un candélabre en état », explique la sénatrice. La commune a donc dû débourser 150 000 euros pour réparer les dégâts. « Malheureusement, les collectivités locales ne sont pas assurées contre ces vols, ce qui rend leur prise en charge très lourde d’un point de vue financier. Ces coûts qui n’ont pas été prévus représentent une tension financière pour les communes » qui font déjà face à une contrainte inflationniste forte.
Évidemment le ministère de l’Intérieur a pris soin de ne pas répondre à cette partie de la question qui a été posée aussi par la députée du Puy-de-Dôme. Par ailleurs, on peut craindre qu’une fois le réseau cuivre totalement retiré, les voleurs se focalisent à l’avenir uniquement sur les candélabres des communes, faisant peser le risque d’une facture encore plus salée pour les communes qui seraient ciblées.
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Fonction publique territoriale
Les centres de gestion préparent les services publics locaux de 2030
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Le Congrès de la Fédération nationale des centres de gestion s'est tenu à Lille du 4 au 6 juin. Les acteurs de la fonction publique territoriale ont tenté de dessiner les contours de ce que devrait être le service public local dans cinq ans alors que les finances locales se contractent et que les collectivités sont confrontées à un manque d'attractivité des emplois qu'elles offrent.
[Article initialement paru sur le site de Maires de France]
Dans les travées lilloises du Congrès de la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), les acteurs du service public local font grise mine. Principales inquiétudes des élus et dirigeants des établissements publics locaux qui accompagnent les collectivités dans la gestion et le pilotage de leurs ressources humaines : la contraction des finances publiques et le manque d’attractivité de la fonction publique territoriale.
Dans ces conditions, auxquelles il convient de rajouter une possible réorganisation territoriale, proposée par les récents rapports Woerth et Ravignon, « le service public va nécessairement évoluer », prévoit le président de la FNCDG, Michel Hiriart. Aujourd’hui se pose légitimement la question du « comment faire mieux avec moins face aux attentes sociales, sociétales, environnementales nouvelles [des citoyens] et comment avoir des agents efficients », résume Eric Durand, président du centre de gestion du Nord et maire de Mouvaux. Les besoins de la population changent, les métiers changent (en raison des transitions environnementales, numériques…), et près de 36% des agents des collectivités vont partir à la retraite d’ici 2030, selon le rapport 2024 de France Stratégies sur la perte d’attractivité de la fonction publique…
Aider les collectivités à anticiper
« Les centres de gestion sont là pour aider les collectivités à anticiper », rappelle Michel Hiriart. Encore faut-il que l’État réponde présent pour apporter les réponses et de la visibilité (sur les finances publiques, sur le statut de l’élu, sur la protection des agents, sur la protection sociale complémentaire, etc). Ce fut la douche froide : initialement annoncé, le ministre chargé de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, s’est désisté quelques jours auparavant, officiellement pour des raisons d’agenda.
Au même moment, il était en fait en déplacement en Haute-Savoie sur le thème de… « l'attractivité de la fonction publique », de l’accès au logement comme enjeu pour recruter et fidéliser les agents publics. Ses services ont transmis aux congressistes un message vidéo de 2 minutes… Un choix qui a mis très en colère le président de la FNCDG (et c’est un euphémisme). Michel Hiriart a décidé en réaction de boycotter la réunion de la coordination des employeurs territoriaux, prévue le mardi 10 juin, à laquelle le ministre devait participer pour la première fois.
Vocation à fédérer
Cette absence n’a pas empêché le débat sur ce que peut être le service public local en 2030. L’ancien ministre de la Fonction publique (1981-1984), Anicet Le Pors, était lui bien présent. A 94 ans, le père du statut de la fonction publique territoriale reste un fidèle participant. « La preuve de [l’existence de] l’intérêt général, c’est le service public, remet-il en perspective. Le service public a vocation à être le facteur capable de fédérer toute la société tout entière. Là doit se trouver le centre de gravité de notre réflexion et de notre action ».
Quant à la fonction publique territoriale, qu’il juge être « un grand succès », on peut lui « prévoir un nouvel âge d’or », estime-t-il car elle présente un certain nombre d’atouts (« dynamisme », « lieu particulier de démocratie » qu’elle représente dans le triptyque « élus, fonctionnaires, usagers »…). En 2030, elle sera toutefois, selon l’ancien ministre, « le résultat d’un rapport de forces » entre ses atouts et « les facilités qui lui sont préjudiciables : confusion entre les règles statutaires et de gestion, contractualisation des emplois, servilité par rapport au modèle de management de l’entreprise privée ».
Choix de société
Les frontières du service public sont en effet bien floues et surtout évolutives, ont fait remarquer les intervenants au débat. « Il existe beaucoup de confusion et cela mérite une réflexion de fond. Les contours du service public ne recouvrent pas exactement ceux de la fonction publique territoriale : certains services publics sont gérés par le privé. [Ailleurs, comme] à Sceaux, des agents publics gèrent le cinéma [une activité lucrative], que la mairie considère comme relevant de l’intérêt général. En 1946, le Conseil national de la Résistance a considéré que les fonctions collectives devaient être opérées par le public. Est-ce qu’un service public doit être assuré par une fonction publique, cela relève d’un choix de société », éclaire Philippe Laurent, maire de Sceaux, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux (CET).
L’avocat Eric Landot trouve le cadre juridique du service public « flou, remis en question », dont les limites « viennent [encore] de reculer » au gré des jurisprudences constitutionnelles.
Clarification des responsabilités et droit à l'erreur pour les élus
Une clarification des responsabilités entre collectivités et entre collectivités et l’État serait la bienvenue pour le préfet d’Occitanie et de Haute-Garonne, Pierre-André Durand, également président de l’association du corps préfectoral. Ce serait « plus clair et donc plus sain » pour le «, citoyen qui a peu de culture administrative et civique. C’est important qu’il y ait un cadre le plus commun possible pour éviter les concurrences entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes ». « Il faudrait aussi réfléchir au rôle du Parlement qui fait des lois mais qui ne vient pas sur le terrain », ajoute Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Barœul et président de l’Association des maires du Nord.
« Les élus sont découragés par l’inflation des normes qui nous pourrissent la vie. On ne gère pas une commune comme on appuie sur un bouton ! Et je réclame le droit à l’erreur (un élu a le droit de se tromper) et que la procédure de rescrit soit réellement appliquée avec publication des décisions dans une banque de données pour qu’elles puissent servir à tous. Nous aurons un service public local en 2030 si nous avons [aussi] l’intelligence de conserver une administration formée. Le statut [de la fonction publique territoriale] est une force car l’administration est là pour servir le concitoyen, quand une entreprise sert des usagers qui consomment », explique-t-il.
Les pistes pour recruter et fidéliser
Reste à trouver des agents et à les fidéliser. C’était l’autre grand sujet du congrès : comment attirer les candidats, recruter et conserver les agents ? En dehors de la rémunération, « qui reste la vraie question », souligne Philippe Laurent, les travaux ont énuméré quelques pistes : santé et sécurité au travail, qualité de vie au travail, protection sociale complémentaire, logement des agents, communication autour des 245 métiers territoriaux, amélioration de l’image, etc.
Il semble cependant qu’une fracture existe bel et bien entre discours local et le discours national. Les ministres Eric Lombard (Économie et finances) et Amélie de Montchalin, pourtant ancienne ministre de la Fonction publique, aujourd’hui aux Comptes publics, ont à nouveau entamé la musique de réduction du nombre de fonctionnaires pour rééquilibrer les finances publiques.
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Mobilité durable
Encourager la marche à pied dans sa commune : le Cerema donne des pistes aux maires
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Le Cerema vient de publier un guide pour accompagner les élus locaux à mettre en place une stratégie en faveur de la marche dans les villes et territoires ruraux. Bénéfique pour la santé, la marche constitue aussi une opportunité pour le développement d'une commune.
Un Essentiel d’une dizaine de pages intitulé « Développer la marche » a été publié il y a quelques jours par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
Le but : présenter aux maires, à leurs équipes, et aux intercommunalités « les points-clés pour agir afin de construire une stratégie en faveur de la marche dans les villes et territoires ruraux ». Les auteurs de ce document expliquent qu’en « donnant aux piétons toute leur place dans la réflexion sur les mobilités à l'échelle du territoire, les collectivités favorisent le cadre de vie, la sécurité des déplacements, le dynamisme des centres-villes et centres-bourgs. »
Aller vers une politique de la marche
La marche représente près du quart des déplacements quotidiens des Français. Ce chiffre augmente depuis dix ans, et atteint 26 % dans les agglomérations de plus de 20 000 habitants et 13 % en milieu rural. C’est donc un mode de déplacement largement adopté dans les communes. De plus, le vieillissement de la population oblige à sécuriser davantage les piétons, notamment les plus âgés – 51 % des piétons tués ont plus de 65 ans, alors qu’ils représentent 21 % de la population. Aussi, comme le souligne le Cerema, la présence de piétons a un impact positif sur l’économie locale et le dynamisme d’un territoire, que ce soit pour le tourisme ou le commerce. On observe par exemple dans les villes de taille moyenne que 46 % des clients des petits commerces de centre-ville viennent à pied. C’est dans ce cadre que déjà 214 collectivités ont adopté une stratégie de développement de la marche du quotidien.
Pour se lancer, que cela soit au niveau d’une métropole ou d’une petite commune rurale, le Cerema invite les décideurs locaux à suivre trois axes : améliorer l’accessibilité en même temps que l’apaisement de la ville ; concilier des réaménagements à long terme avec des actions temporaires ; et agir sur des itinéraires structurants et sur les espaces publics de proximité.
Plusieurs exemples sont présentés dans le guide, notamment celui de la commune de La Chapelle-Glain (800 habitants – Loire-Atlantique) qui a mis en place un réseau de sentes piétonnes aménagées afin de relier les zones d’habitat, les équipements et les services du bourg. « Des piétonisations temporaires peuvent également être mises en place, souvent à moindre coût, pour sécuriser les déplacements à pied ou favoriser l'appropriation de l'espace public par la vie locale : rue scolaire comme à Bourg-Saint-Maurice (9 500 habitants), piétonisation estivale comme à Die (4 800 habitants), etc. »
Pour aller plus loin, le Cerema propose même une formation de deux jours sur cette thématique, afin notamment de faire découvrir des outils concrets comme la marche exploratoire (observation des usages et analyse de la marchabilité des espaces publics) ou encore des visites virtuelles d’aménagements.
Consulter l’Essentiel du Cerema.
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Journal Officiel du jeudi 12 juin 2025
Lois
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
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