| Édition du mercredi 11 juin 2025 |
Sécurité
Le gouvernement veut agir « maintenant » pour endiguer la prolifération des armes blanches dans les établissements scolaires
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Après la mort d'une assistante d'éducation poignardée par un collégien à Nogent, le Premier ministre a annoncé hier l'interdiction de la vente de « tout couteau » aux mineurs et le lancement d'une nouvelle mission parlementaire destinée à prendre des « mesures concrètes » le plus rapidement possible. Le débat sur les portiques revient également sur le devant de la scène.
C’est sous les yeux des gendarmes, pendant un contrôle des sacs à l’entrée d’un collège de Nogent (Haute-Marne), qu’un adolescent de 14 ans a mortellement poignardé une assistante d’éducation de 31 ans. Ce drame illustre à quel point le renforcement de la présence policière aux abords des établissements ne suffit pas, à lui seul, à empêcher de tels faits – même si les gendarmes ont réussi à maîtriser rapidement le jeune homme.
Ce meurtre fait suite à plusieurs autres survenus ces derniers mois, comme l’a rappelé la députée Horizons Naïma Moutchou hier, à l’Assemblée nationale : « Hier c’étaient Élias, Laurène, Thomas, Sékou, Inès, Enzo, Matisse, tant d’autres encore, tous tués à l’arme blanche par des mineurs ». La députée connaît bien le sujet puisque, au lendemain de la mort d’une adolescente de 15 ans tuée au couteau dans un lycée de Nantes, elle s’est vu confier par le Premier ministre une mission avec l’objectif de « rendre sous quatre semaines des propositions concrètes en matière de prévention, de réglementation et de répression (…) pour endiguer le phénomène des violences commises par les mineurs avec des armes blanches ».
Mais le drame d’hier semble montrer avec une ironie amère la difficulté de répondre à la montée de la violence chez certains jeunes : c’est après une agression au couteau dans un établissement scolaire de l’Essonne que le gouvernement avait décidé de faire procéder à des fouilles de sacs par les forces de l’ordre devant les établissements… et c’est précisément pendant une telle opération que les faits se sont produits.
Les propositions du rapport Moutchou
Il y a une quinzaine de jours, Naïma Moutchou avait rendu son rapport, intitulé Mineurs- armes blanches, où elle constatait que « la violence juvénile est de plus en plus armée » et que les armes blanches sont utilisées dans près de 60 % des homicides commis par des mineurs. La rapporteure a fait plusieurs propositions pour tenter d’endiguer ce phénomène, à commencer par le fait de se pencher sur la vente de poignards via les réseaux sociaux – rappelons que la vente de couteaux type poignard aux mineurs est déjà interdite, mais que certains réseaux sociaux permettent de contourner cette interdiction.
La députée propose aussi la généralisation de la vidéoprotection aux abords des établissements scolaires, de manière obligatoire, ainsi qu’une expérimentation, dans certaines collectivités, de la vidéoprotection à l’intérieur des établissements, après autorisation du conseil d’administration.
À l’Assemblée nationale, hier, Naïma Moutchou a rappelé les autres mesures préconisées dans son rapport : « imposer le défèrement systématique » des mineurs surpris en possession d’une arme blanche, « prévoir des sanctions pénales bien plus rapides et des peines minimales ». Mais la députée ne veut pas s’en tenir à la répression : elle estime indispensable « d’investir dans la prévention, dans la santé mentale des jeunes, dans la médecine scolaire », mais également de « s’attaquer aux conséquences délétères des réseaux sociaux en interdisant le téléphone portable à l’école ».
En réponse, le Premier ministre François Bayrou a assuré que le gouvernement est déterminé à agir « maintenant », et il a annoncé à la députée Moutchou qu’il lui confiait une nouvelle mission « afin que (ses) préconisations soient matériellement et directement concrétisées ».
Portiques de sécurité
Le Premier ministre s’est également exprimé dans les médias sur ce sujet, hier, ainsi que le chef de l’État.
Emmanuel Macron, sur France 2, a affirmé que désormais « un jeune de quinze ans ne pourra plus acheter un couteau sur internet », ce qui ne peut passer que par l’interdiction de la vente de ces armes : « On va durcir les règles, (…) mettre des sanctions massives, financières, des interdictions. On ne pourra plus vendre ces armes blanches. » Le chef de l’État a également dit avec détermination souhaiter l’interdiction de l’accès des enfants de moins de quinze ans aux réseaux sociaux. « On ne peut pas attendre », a-t-il martelé. Il donne « quelques mois » à l’Union européenne pour agir sur ce terrain, faute de quoi, « on commence(ra) à le faire en France ».
De son côté, le Premier ministre, sur TF1, a affirmé que le gouvernement va faire interdire « tout de suite » la vente aux mineurs de « tout couteau qui peut constituer une arme », sans préciser comment, en dehors de la proposition de ne remettre un colis contenant une arme blanche qu’à un majeur – ce qui paraît pour l’instant assez vague.
Le chef du gouvernement a également évoqué la question – très sensible – des portiques de sécurité à l’entrée des établissements scolaires. Ceux-ci vont être « expérimentés » à l’entrée de certains établissements, a simplement déclaré François Bayrou.
Cela fait plusieurs dizaines d’années que la question des portiques de sécurité à l’entrée des établissements est évoquée par certains politiques, souvent au lendemain de faits de violence. Mais beaucoup d’acteurs de la communauté éducative doutent de l’efficacité de cette solution, craignant même un effet contre-productif en favorisant les « embouteillages » à l’entrée des collèges et lycée, ce qui pose un problème certain eu égard au risque terroriste. Le coût considérable de ces dispositifs est également pointé : un portique détecteur de métaux coûte entre 2 000 et 6 000 euros, et il y a environ 11 000 collèges et lycées en France. À supposer que chaque établissement se dote d’un seul portique – ce qui semble évidemment insuffisant pour les grands établissements –, la facture tournerait autour de 55 millions d’euros.
Mais la question principale est surtout celle du personnel : si un établissement est équipé d’un portique et que celui-ci détecte un objet suspect, que faire ? Qui va fouiller le sac – les personnels de l’Éducation nationale n’en ont pas le droit, et ne souhaitent pas l’avoir si l’on en croit leurs organisations syndicales. Rappelons qu’une proposition de loi sénatoriale est actuellement en cours de navette parlementaire, prévoyant précisément de permettre aux chefs d’établissements et aux CPE de fouiller les effets personnels d’un élève – et que cette proposition de loi a rencontré l’hostilité des syndicats intéressés.
Vidéoprotection
Des questions complexes vont également se poser à propos de la proposition de Naïma Moutchou de rendre obligatoire la vidéoprotection aux abords des établissements. Rappelons qu’à ce jour, le choix d’installer ou non un système de vidéoprotection dans une commune relève de la seule compétence de celle-ci. Même si de plus en plus de communes s’en équipent, un certain nombre de maires y sont farouchement opposés, et mettent davantage en avant la nécessité de mener un travail collectif entre les acteurs de la communauté éducative et d’utiliser les outils de prévention de délinquance qui existent déjà.
S’il s’agit d’imposer, par la loi, l’installation de caméras de vidéoprotection sur la voirie dans toutes les communes qui abritent au moins un établissement scolaire (soit plus de 21 000), cela représenterait indéniablement un sérieux accroc au principe de libre administration. Sans compter qu'il s'agirait d'une nouvelle – et importante – dépense budgétaire contrainte, au moment où il est demandé aux collectivités de moins dépenser.
Il reste à savoir ce que la nouvelle mission confiée à Naïma Moutchou va proposer en la matière, et quelles suites le gouvernement donnera à ces propositions. Le débat est loin d’être clos.
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Déchets
Et revoilà la consigne des bouteilles plastiques... ?
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L'éco-organisme Citéo a relancé hier une campagne de lobbying pour la « généralisation » de la consigne pour les bouteilles plastique, dans le sillage du sommet sur les océans qui se tient actuellement à Nice et des déclarations du chef de l'État, qui a demandé que le débat reprenne sur ce sujet.Â
« Il faut continuer le combat sur la consigne et que le gouvernement choisisse le bon chemin à prendre », a déclaré Emmanuel Macron à la presse, en marge du sommet de l’Onu sur les océans, qualifiant ce dispositif d’« absolument clé ».
Il n’en fallait pas plus à Citéo pour se déclarer « tout à fait favorable à la généralisation d’un système de consigne pour les bouteilles en plastique PET » (1), fait savoir l’AFP, la directrice Opérations et territories de Citéo, Anne-Sophie Louvel, estimant que « la consigne est un levier puissant en faveur du recyclage et va certainement faire l'objet de nombreuses discussions dans les semaines qui viennent ».
Les associations d’élus farouchement opposées
On croyait pourtant le sujet enterré depuis que Christophe Béchu, l’ancien ministre de la Transition écologique, avait annoncé, lors des Assises des déchets le 27 septembre 2023, que le gouvernement renonçait à imposer la consigne pour les bouteilles plastique. Le ministre avait alors constaté que cette consigne « ne remportait pas la pleine adhésion », ce qui était un doux euphémisme dans la mesure où la totalité des associations et réseaux d’élus, AMF et Amorce en tête, y étaient farouchement opposés.
Cela faisait alors quatre ans que le gouvernement, en 2019, avec le plein soutien des industriels de la boisson, avait sorti du chapeau l’idée d’imposer la consigne des bouteilles plastique, alors même que de nombreuses collectivités venaient de dépenser des millions d’euros pour recalibrer et moderniser leurs installations de tri pour traiter ces bouteilles. Dès le départ, les associations d’élus se sont élevées contre cette idée consistant à augmenter le prix des bouteilles, à installer des dispositifs de collecte dans les supermarchés et à inviter les consommateurs à les restituer contre quelques centimes. Les associations avaient dénoncé un dispositif injuste socialement, puisqu’il amène les consommateurs à payer deux fois – une fois via la Teom et une autre fois avec l’augmentation du prix des bouteilles. Et surtout, elles ont pointé le risque « d’assèchement » de la collecte en bac jaune, et de se retrouver avec des installations de tri surdimensionnées – alors que les PET est l’un des rares déchets valorisables financièrement.
Enfin, les associations d'élus ont régulièrement rappelé que la mise en œuvre de la consigne ne permet pas de se diriger vers la disparation progressive du plastique dans ce secteur, ce qui devrait être l'objectif, mais ne fera que le consolider en créant en nouveau marché.
Rappelons que les associations d’élus ne sont, en aucune façon, pour le statu quo sur ce sujet, puisqu’elles ont publié en 2023 un document très précisément argumenté présentant 14 propositions « pour lutter efficacement contre la pollution des emballages plastique ».
« Complémentarité »
Ce débat risque donc d’être relancé – les industriels de la boisson n’ayant jamais renoncé à en faire le lobbying, y voyant une source importante de profits supplémentaires. Le secrétaire général de Citéo, hier, tout en se disant favorable à la généralisation de la consigne, a voulu déminer le débat en déclarant à l’AFP que ce dispositif doit néanmoins « rester complémentaire à celui des bacs jaunes » et « ne pas se faire au détriment d’une partie prenante ». Il a par ailleurs proposé que les poubelles de rue et les 60 000 tonnes de matières recyclables qu’elles reçoivent soient « associées » au recyclage.
Les responsables de Citéo ont pointé hier le « retard » de la France sur les objectifs européens, puisque la France est « à peine à 53 % » de collecte séparée des bouteilles et canettes, alors que l’Europe a fixé un objectif de 90 % en 2029. Pour le recyclage, la France plafonne « à 28 ou 30 % », selon Citéo, quand l’objectif de l’UE est de 50 % en 2029.
Citéo demande qu’un décret soit pris pour généraliser la consigne. Il va donc falloir que les associations d’élus reprennent leur bâton de pèlerin si elles veulent convaincre le gouvernement que la consigne des bouteilles plastique est, comme l’avait dit le Sénat lui-même dans un rapport, « une fausse bonne idée ».
(1) Polyéthylène téréphtalate.
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Ruralité
Ruralité : les élus expriment leurs nombreuses attentes
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Les premières Rencontres nationales des ruralités, organisées le 10 juin par l'AMF, ont permis de mesurer l'avancement de certaines réformes sous l'impulsion de l'association. Mais les élus attendent davantage de soutien de la part de l'État. Â
[Article initialement paru sur le site du magazine Maires de France.]
« La ruralité n’est pas une survivance du passé mais une partie intégrante de notre pays » dans laquelle « l’avenir se joue », a affirmé David Lisnard, président de l’AMF, le 10 juin, lors des premières rencontres nationales des ruralités organisées par l’association avec ses différentes commissions et le réseau des associations départementales. Objectif de ce rendez-vous : cerner les grands enjeux pour les communes rurales en cette fin de mandat mais surtout dans la perspective du prochain mandat dans la foulée des élections municipales de mars 2026.
ZAN : priorité à la souplesse
Amélioration des conditions d’exercice du mandat, hausse des moyens financiers, renforcement de la liberté d’agir, allègement des normes, développement des services publics…, les élus ruraux ont exposé leurs principales attentes tout au long de la journée. « Il y a encore beaucoup trop de décisions prises par l’État sans écouter les maires », a estimé Dominique Peduzzi, président de l’association des maires et des présidents d’intercommunalité des Vosges, en faisant notamment référence au zéro artificialisation nette (ZAN).
Véronique Pouzadoux, maire de Gannat (Allier), lui a emboîté le pas en rappelant que « l’aménagement du territoire est de la très haute couture qui nécessite non pas du centralisme mais de la souplesse afin de permettre à chaque élu de mener à bien ses projets ». La coprésidente de la commission aménagement de l’AMF a déploré « l’instabilité juridique qui entoure la mise en œuvre du ZAN » malgré les efforts de l’AMF pour stabiliser les modalités d’application de la réforme. Elle a appelé de ses vœux « un assouplissement des règles nationales [ce que prévoit la proposition de loi TRACE en cours de discussion au Parlement] qui ne doivent pas s’imposer au local et bloquer les réalisations des maires bâtisseurs ». Elle a rappelé que l’AMF souhaite aussi « l’invention d’un nouveau modèle financier et fiscal pour accompagner le ZAN ».
Le rôle clé des secrétaires généraux de mairie
Les premières Rencontres nationales des ruralités ont permis de rappeler l’investissement de l’AMF dans plusieurs domaines parmi lesquels l’amélioration du statut des secrétaires de mairie, à travers la loi du 30 décembre 2023 qui les a rebaptisés secrétaires généraux de mairie, et celle des conditions d’exercice du mandat, en cours de discussion au Parlement. Sur le premier point, Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF et coprésidente de sa commission FPT et RH, s’est félicitée que l’association ait concouru « par ses propositions à renforcer l’attractivité des secrétaires de mairie face au mur des départs à la retraite dans les prochaines années », tout en reconnaissant qu’il faut encore agir « sur une revalorisation indiciaire, sur leur formation initiale et sur les modalités de leur remplacement ».
« C’est un métier indispensable, les secrétaires de mairie sont le couteau suisse des maires », a souligné la maire de Lampertheim. « Ils sont le lien entre le maire et les habitants, a complété Karine Gloanec Maurin, co-présidente de la commission communes et territoires ruraux de l’AMF, en insistant, comme d’autres intervenants, sur l’intérêt de « mutualiser leurs compétences et leur recrutement » au niveau intercommunal ou dans les communes nouvelles pour éviter leur isolement et conforter leur temps de travail.
Statut de l’élu : il y a urgence
« Dès 2023, l’AMF a formulé 78 propositions pour améliorer les conditions d’exercice du mandat local, a rappelé Catherine Lhéritier, coprésidente du groupe de travail sur le sujet. Il est urgent de conforter cet engagement républicain », a insisté la maire de Valloire-sur-Cisse, en résumant l’impatience des élus de voir aboutir la proposition de loi portée par Françoise Gatel, ex-sénatrice d’Ille-et-Vilaine aujourd’hui ministre déléguée chargée de la Ruralité. Adopté par le Sénat en mars 2024, ce texte devrait enfin être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en juillet, dans le cadre d’une session extraordinaire, laissant augurer son adoption définitive cet automne, à quelques mois des élections municipales. « Nous devons susciter des vocations, inciter à l’engagement, diversifier et rajeunir le profil des élus, limiter l’incidence du mandat sur leur vie professionnelle et personnelle, renforcer leur formation et leur reconversion », a résumé Catherine Lhéritier.
« Il faut mettre les moyens notamment financiers », a confirmé Hugo Biolley, élu maire de Vinzieux (Ardèche) en 2020, à l’âge de 18 ans, en soulignant la nécessité d’un statut de l’élu étudiant face à l’exercice d’un mandat « chronophage ». Pour son premier mandat, l’élu est malheureusement venu grossir la liste des maires agressés, ce qui n’entamera pas cependant sa volonté de se représenter l’an prochain.
« Nous prônons une tolérance zéro vis-à-vis des agresseurs d’élus », a insisté Catherine Lhéritier, en rappelant la mobilisation de l’AMF sur le sujet qui a abouti à l’adoption de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux et à la mise en place d’un « pack sécurité élus ». Elle a aussi, comme plusieurs autres intervenants, fortement encouragé les élus agressés à porter plainte.
Scrutin de liste dans les petites communes
L’application pour la première fois du scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants, lors des prochaines élections municipales, a évidemment été évoquée quelques semaines après la promulgation de la loi du 21 mai 2025. « C’est l’aboutissement d’une mobilisation importante de l’AMF à travers son groupe de travail sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux, a rappelé Cécile Gallien, maire de Vorey. Je trouve formidable de pouvoir créer des équipes municipales mixtes dans les petites communes, ceci permettra de susciter l’engagement des femmes ». Pour Hugo Biolley, « le scrutin de liste permettra de constituer véritablement une équipe d’élus pour mener des projets ».
L’État doit mieux faire
Si l’AMF, « première association des maires ruraux », a rappelé David Lisnard, est parvenue à faire avancer de nombreux sujets, beaucoup reste à faire, ont convenus les élus. « Les ruralités ont une singularité puissante qui doit se retrouver dans les politiques publiques concernant la santé, les transports, la sécurité, le développement économique, les services publics, etc., a souligné le maire de Cannes. Il faut aussi privilégier la liberté d’action et la subsidiarité ascendante pour les communes rurales. L’État doit renforcer les moyens en ingénierie locale et promouvoir un aménagement du territoire équilibré » entre l’urbain et le rural.
Or, le compte n’y est pas. André Laignel l’a rappelé à Françoise Gatel lors de la rencontre. « Les élus doivent faire face à des injonctions contradictoires, a déploré le premier vice-président délégué de l’AMF. L’État leur demande de participer à la réindustrialisation de la France mais il supprime la CVAE, impôt économique local qui était un retour sur investissement pour les communes, tout en leur faisant perdre la maîtrise de leurs sols à cause du ZAN ». Le maire d’Issoudun a critiqué l’absence de mesures concrètes du gouvernement pour résoudre la crise du logement, remédier aux déserts médicaux et soutenir les efforts des élus ruraux en faveur de la mobilité. Le président du Comité des finances locales (CFL) a enfoncé le clou en estimant à « 8 milliards d’euros » le montant des prélèvements effectués par l’État sur les budgets locaux cette année. Il a demandé à la ministre chargée de la Ruralité de « redonner le pouvoir d’agir aux élus » en adaptant les lois, en allégeant la règlementation et en leur donnant des moyens financiers.
« Je ne nie pas les difficultés mais pas de fatalité », lui a répondu Françoise Gatel en affirmant sa volonté notamment « d’alléger les normes » tout en permettant aux préfets de pouvoir adapter la règlementation au niveau local. La ministre, qui évalue actuellement le plan France ruralités dont elle devrait annoncer quelques évolutions dans les prochaines semaines, a identifié plusieurs chantiers prioritaires : la prise en compte du vieillissement de la population, la nécessité de « redonner à la ruralité une dimension productive », le renforcement de l’accès aux soins et la relance de la construction de logements. Les élus attendent des mesures concrètes.
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Assurances
Le montant des primes d'assurance des communes a augmenté de plus de 40 % en quatre ans
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Des données produites par l'Observatoire des finances et de la gestion locales (OFGL) permettent d'objectiver la situation extrêmement compliquée des collectivités face aux assureurs : pour les communes, les primes ont augmenté de 43 % en quatre ans.
« La hausse des primes d’assurance accélère en 2024 pour les collectivités ». C’est la conclusion d’une étude flash de l’OFGL effectuée à partir de l’étude des comptes de gestion fournis par la DGFiP. En 2024, les collectivités (tous niveaux confondus) ont payé 1,17 milliard d’euros de primes d’assurance, soit 220 millions de plus que l’année précédente. Ces primes ont augmenté de 22,9 % en 2024, contre 11,2 % en 2023. « L’accélération » pointée par l’OFGL est donc très nette.
Augmentation massive pour les communes
Pour les communes, la situation est particulièrement tendue, puisque les primes ont augmenté en 2024 autant que sur les trois exercices précédents cumulés. « 85 % des communes ont vu leurs primes augmenter cette année », note l’Observatoire, et l’ensemble des communes a payé, en 2024, quelque 729 millions d’euros de primes, soit 43 % de plus qu’en 2020. Les primes ont augmenté dans toutes les strates, avec « un pic » de 27 % d’augmentation pour la strate 5 000-50 000 habitants.
Dans les communes touchées par des événements climatiques ou des violences, la situation est pire encore. Ainsi, l’Observatoire note que les 41 communes d’Île-de-France les plus gravement touchées par les émeutes de 2023 ont connu une hausse des primes approchant les 40 % en 2024, dix d’entre elles ayant même subi une hausse de plus de 67 %.
Conséquence logique : le poids des primes d’assurance dans les dépenses de fonctionnement augmente : il est de 0,9 % en 2024, contre 0,7 % l’année précédente. « Pour un quart des communes, cette part dépasse même les 3 %, avec un impact plus fort dans les petites communes. »
L’Observatoire relève tout de même que 15 % des communes ont vu leur prime baisser en 2024. Mais il n’y a guère de raison de se réjouir, puisque cette baisse provient en général d’une diminution des équipements assurés voire d’une suspension de contrat…
L’étude indique enfin que les primes ont augmenté en 2024 de 24 % pour les EPCI, de 19,5 % pour les départements et de 13,5 % pour les régions.
Les propositions du gouvernement
La situation pourrait, on l’espère, évoluer avec la signature, le 14 avril dernier, d’une « charte » entre État, assureurs et associations d’élus, pour faire en sorte qu’aucune collectivité ne puisse se retrouver « sans solution d’assurance » face à l’explosion des primes. Plusieurs mesures ont été annoncées (lire Maire info du 15 avril) : création d’une « cellule d’accompagnement des collectivités en difficulté assurantielle » d’ici l’été, adaptation des règles de la commande publique pour favoriser la négociation, promesse d’un décret permettant de plafonner le montant des franchises dans les petites communes…
Mais il n’est pas certain que ces mesures, en l’état, suffisent à endiguer la hausse des primes dans un secteur marqué par le quasi-monopole de deux compagnies et un manque criant de concurrence. Aucune des mesures contenues dans la charte ne concerne le montant des primes.
Plus de 60 % d’augmentation pour les Sdis
Au Sénat, hier, le sénateur LR du Vaucluse Jean-Baptiste Blanc a soulevé une question connexe : celle des difficultés d’assurance des Sdis (services départementaux d’incendie et de secours). Dans son département, a-t-il relevé, « les primes ont augmenté en 2022 de 62 % pour les risques statutaires, de 61 % pour les dommages aux biens et de 37 % pour la responsabilité civile ». Les Sdis « sont contraints à des négociations de gré à gré, souvent dans des conditions inacceptables, ce qui compromet leur couverture de risques et nuit à la sécurité de nos concitoyens ». Le sénateur a demandé au gouvernement s’il entendait « repenser le modèle assurantiel des Sdis » et « les responsabilités des assureurs dans la protection civile ».
Le ministre auprès du ministère de l’Intérieur, François-Noël Buffet, a répondu que le gouvernement ne s’était pas penché « spécifiquement » sur la situation des Sdis en la matière – ce qui est un problème en soi – mais a espéré que les propositions faites le 14 avril bénéficieront également aux Sdis, puisqu’elles visent à « améliorer les relations entre les assureurs et les établissements publics locaux, dont les Sdis font partie ».
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Transparence de la vie publique
La Cour des comptes critique le recours croissant des collectivités aux cabinets de conseil
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Un recours qui serait « insuffisamment motivé » et mal piloté, estiment les magistrats financiers qui notent, toutefois, que « l'influence de prestataires dans la définition de politiques publiques n'a pas été relevée ». Contrairement à ce qu'avait observé le Sénat, en 2022, pour l'État.
Le recours aux cabinets de conseil privés par les collectivités locales a enregistré « une croissance significative » ces dernières années, alors même que leur utilité reste « le plus souvent faiblement justifiée ». C’est ce que constate la Cour des comptes, dans un rapport publié hier.
Réalisée dans le cadre d’une proposition citoyenne, cette enquête porte sur 15 collectivités réparties dans les régions Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Nouvelle-Aquitaine ainsi que le Pays de la Polynésie française. Elle porte aussi bien sur les régions, départements, que sur les communes et les intercommunalités et concerne au total 10 millions d'habitants.
Une demande en hausse de 20 %
La Cour des comptes constate, d’abord, une demande croissante de prestations de conseil privées, bien que les collectivités disposent, selon les magistrats financiers, de ressources internes disponibles.
Si les prestations intellectuelles commandées par les collectivités contrôlées n’ont représenté qu’une « part relativement modeste » de leurs dépenses (environ 1 %), elles ont représenté 195 millions d’euros, en valeur absolue, entre 2019 et 2023, pour les 15 collectivités métropolitaines.
Une tendance qui est « à la hausse » avec « une croissance significative de l’ordre de 20 % », constatent les magistrats financiers qui rappellent toutefois que la proportion est « bien moindre que celle constatée pour l’État ».
Pour justifier leur recours à ces cabinets, les collectivités évoquent ainsi « la réalisation de certaines études prescrites par les textes, le défaut d’expertise en interne, un surcroît temporaire d’activité, ou encore le besoin d’un regard extérieur ».
Des recours « peu étayés »
Des raisons que les magistrats financiers jugent « peu étayées » dans leur « grande majorité ». Dans plusieurs situations, les collectivités n’ont ainsi « pas démontré » que « les ressources disponibles en interne – ou au sein de leurs satellites ou d’autres organismes publics présents sur leur territoire – n’étaient pas en capacité de répondre à la commande ».
Résultat, « dans bon nombre de situations, des tâches relevant de missions permanentes des collectivités, et pour lesquelles elles disposaient pourtant de services structurés, ont été externalisées », déplore la Cour.
Et celle-ci de citer le fait de confier à un cabinet extérieur la mesure annuelle du taux de fraude dans les transports en commun, d’externaliser « l’élaboration, l’évaluation ou le renouvellement de plusieurs schémas dans le champ social » ou encore de recourir à des experts pour des missions de conseil stratégique en communication alors que « la direction de la communication de la collectivité compte 67 agents ». Il est à noter que France urbaine, dans une réponse à la Cour, émet des réserves sur ces arguments : « La seule mise en regard du recours à des prestations de conseil avec le nombre total d’agents de catégorie A de la collectivité ou encore avec la vocation de son territoire dans le domaine de la prestation – le tourisme en l’occurrence et le fait d’avoir accueilli une manifestation de rayonnement européen – ne sauraient constituer une démonstration rigoureuse du fait que le recours à un prestataire était injustifié. En effet, comme le rapport le rappelle, certains recours peuvent notamment être justifiés par « le besoin d’un regard extérieur » à la collectivité voire au territoire. »
La Cour pointe aussi des « situations d’abonnement » avec la pérennisation « d’année en année » du recours aux mêmes consultants, pour des expertises relevant notamment de la gestion de la dette et de la trésorerie, mais aussi des ressources humaines. Des situations qui exposent les collectivités à « un risque de dessaisissement des services sur leurs fonctions d’expertise technique et de pilotage », préviennent d’ailleurs les magistrats financiers.
Il faut toutefois noter qu"une importante proportion des recours aux cabinets de conseil relève de la rédaction des rapports légalement obligatoires, comme le rapport annuel sur l'environnement ou sur l'urbanisme. « Internaliser » la rédaction de ces rapports, comme le préconise la Cour des comptes, paraît difficilement imaginable pour de nombreuses collectivités qui n'en ont pas les moyens humains, rappelle-t-on ce matin à l'AMF.
Mieux évaluer l’utilité des prestations
Dans « un contexte de recherche d’économies face aux enjeux de redressement des comptes publics », ce type de dépenses offrirait des « opportunités d’arbitrage » entre « internalisation et externalisation de prestations », fait ainsi remarquer la Cour. Une recommandation qui tombe au meilleur moment pour l’exécutif qui a déjà annoncé vouloir faire participer l’an prochain les collectivités au redressement des comptes publics, notamment dans sa recherche de quelque 40 milliards d’économies dès 2026.
Cependant, la tâche s’avère délicate « en l’absence de vision globale et exhaustive des prestations commandées » et d’un cadre comptable autorisant « des imputations très hétérogènes ». La Cour pointe aussi une « organisation interne, quasi systématiquement décentralisée » qui permet aux services « d’agir de manière autonome, le plus souvent sans validation au plus haut niveau des prestations commandées ».
Et « si les règles de publicité et de mise en concurrence ont été globalement respectées lors de la passation des marchés de prestations intellectuelles, dans la grande majorité des cas, le besoin n’était pas clairement justifié, ni défini », note la Cour qui rappelle aussi que « l’expression préalable des besoins est lacunaire et la mise en concurrence peu intense » et doit être « renforcée ».
Certaines collectivités n’ont ainsi pas, systématiquement, mis en concurrence les prestataires, ou ont tendance à la « surreprésentation des entreprises locales », quand d’autres privilégient « les offres des prestataires en place, présents depuis plusieurs années, […] au motif, notamment, que la qualité de leur travail avait apporté pleine satisfaction à ces collectivités ».
En outre, « elles déclarent être satisfaites de leur qualité, les collectivités procèdent rarement à une évaluation formalisée des prestations réalisées, ce qui ne permet pas d’apporter objectivement la preuve de l’utilité de ces prestations ».
Une proposition de loi en suspens
Cependant, les magistrats financiers reconnaissent que « l’influence de prestataires dans la définition de politiques publiques n’a pas été relevée », contrairement à ce qu’avait observé le Sénat, en 2022, pour l’État et qui avait conduit à une polémique en pleine campagne pour l’élection présidentielle.
Les sénateurs avaient, en effet, révélé l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, et notamment les « manquements » et le « manque de transparence » dans les administrations centrales. Alors que l'État avait dépensé plus d'un milliard d'euros l'année précédente en prestations de cabinets de conseil. Un « phénomène tentaculaire », selon les termes du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le sujet qui réclamait la « maîtrise » de ces dépenses.
À la suite de ces révélations, les sénateurs avaient fait adopter, en octobre 2022, une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.
Après avoir tardé à inscrire ce texte à l'ordre du jour de l’Assemblée (en début d’année 2024), les députés avaient décidé de faire entrer les collectivités dans son champ, au grand dam des associations d’élus et alors même que les députés avaient reconnu qu’« aucune dérive réelle [des collectivités] n'ait été constatée en matière de recours aux prestations de conseil ». Lors de la navette parlementaire, en deuxième lecture, le Sénat les en avait toutefois à nouveau exclues.
Reste que, depuis l’an passé, l’examen du texte est interrompu, celui-ci attendant désormais d’être examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, où les députés pourraient y réintégrer les collectivités.
Juste avant la dissolution de cette dernière, les sénateurs avaient d'ailleurs poussé le gouvernement à ce que le texte arrive plus vite à la chambre basse que lors de la première lecture. « Voilà deux ans que nous examinons ce texte, il est temps d’atterrir », s’impatientait ainsi à l’époque Michel Masset (RDSE), tandis que le sénateur communiste Éric Bocquet dénonçait « la machine gouvernementale a sapé le travail parlementaire ».
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Journal Officiel du mercredi 11 juin 2025
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