Édition du jeudi 5 juin 2025

Transition énergétique
Le gouvernement va suspendre MaPrimeRénov' « cet été », mais promet de la rétablir d'ici « la fin de l'année »
Face à une « avalanche » de demandes et une hausse des « fraudes », l'exécutif a décidé d'interrompre temporairement ce dispositif d'aides à la rénovation énergétique des logements. Mais promet de « sanctuariser » le budget alloué. Opposition et artisans s'inquiètent notamment pour l'emploi dans le secteur.

Le dispositif d'aides à la rénovation énergétique MaPrimeRénov' va bien être suspendu cet été. C’est ce qu’a annoncé le ministre de l'Économie Éric Lombard, hier, devant les sénateurs, confirmant une information du Parisien, publiée la veille. Selon le journal, MaPrimeRénov' pourrait être interrompue à compter de juillet, sans que le gouvernement n’ait, pour l’heure, corroboré précisément cette échéance. 

Trop de demandes et de fraudes

En cause, une « avalanche » de demandes et un nombre important de « fraudes ». « Il y a à la fois un encombrement en ce moment et un excès des fraudes commises sur lequel nous voulons reprendre la main, d'où la suspension », a expliqué hier l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts au Sénat, lors des questions au gouvernement puis devant la commission des affaires économiques, soulignant que « les services ont besoin d’un peu de temps pour rétablir la situation ».

Pointant « la censure » de l’ancien gouvernement qui a « bloqué le sujet pendant un certain temps » et « la stabilité des règles [qui] permet aussi aux fraudeurs de s'organiser », le ministre a évoqué « 16 000 dossiers suspicieux, [représentant] 12 % du stock ». Il faut ainsi « veiller à ce que les failles soient comblées avant de remettre le système en fonctionnement ».

Éric Lombard a, toutefois, assuré qu’« une fois que cela sera réglé » et que « les failles seront comblées », « le processus pourra continuer », celui-ci souhaitant « rétablir son fonctionnement avant la fin de l'année ». « On ne lâche pas MaPrimeRénov’ », a-t-il certifié.

Dans la foulée, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a confirmé, dans un communiqué, « la fermeture temporaire cet été des dépôts des dossiers pour la rénovation globale individuelle et pour les travaux individuels d'isolation ou de changement de système de chauffage », les dossiers de rénovation de copropriétés n’étant pas concernés. Ceux-ci pourront être de nouveau déposés « d'ici la fin du mois de septembre », selon elle.

Pas d’économies « en cachette »

« Il ne s'agit pas de faire une économie en cachette comme ça, en bloquant le système », a assuré le ministre de l’Économie, alors même que le gouvernement cherche une quarantaine de milliards d'euros pour redresser les finances publiques en 2026. « Il n'y a pas de problème budgétaire. […] On a prévu au budget 3,6 milliards d’euros [pour MaPrimeRénov' en 2025] et on a dépensé pour le moment 1,3 milliard », a-t-il détaillé, assurant que « le budget serait engagé et resterait en place ».

Toutefois, l’enveloppe accordée à MaPrimeRénov' en 2025 a été calquée sur les dépenses effectives réalisées en 2024 et le problème est que le nombre de logements rénovés avec ce type de subventions a déjà triplé en début d'année. Le risque est donc que le budget ne soit donc pas suffisant pour suivre l'envolée du nombre de demandes.  

De nombreuses collectivités territoriales, dont la Meuse, l'Ardèche, la métropole de Lyon, ont ainsi déjà épuisé leur enveloppe budgétaire pour ce dispositif, destinée aux ménages modestes et très modestes pour la rénovation globale de leurs logements.

Sept d'entre elles ont d’ailleurs écrit début mai au gouvernement pour alerter sur une « situation de blocage », disant « faire face à une explosion des demandes d'aides et à une insuffisance des crédits alloués » par l’Agence nationale de l'habitat (Anah), chargée du dispositif.

« Vous fracassez une dynamique »

« Sur la rénovation thermique, vous ne pouvez pas nous jouer le truc de la fraude », a critiqué le sénateur écologiste de Paris Yannick Jadot, lors de l’audition du ministre de l’Economie devant la commission des affaires économique du palais du Luxembourg. « Vous êtes en train de faire exactement ce qu’il s’est passé avec le Pinel et le PTZ » (prêt à taux zéro), a notamment fustigé l’ancien candidat à l'élection présidentielle, en rappelant que cela a participé au « cataclysme dans le domaine de la construction ». 

« Pour faire des économies, […] vous dites "on stoppe, on fait un moratoire" et ça détruit l’économie de la rénovation thermique des logements. C’est 200 000 emplois potentiels. C’est tout un secteur que vous déstabilisez complètement. Vous fracassez une dynamique », a-t-il lancé.

De la même manière, le collectif Rénovons, qui réunit des associations du secteur du logement et des fédérations de professionnels de la rénovation, a dénoncé le « non-sens total » de la décision gouvernementale. Une pause de MaPrimeRénov' briserait « l'élan des ménages engagés dans un parcours de rénovation énergétique », selon le collectif. 

Las des changements intempestifs de cadre réglementaire, « les entreprises artisanales du bâtiment ont besoin de visibilité et de stabilité, en particulier dans ce contexte économique compliqué où leur activité et leur trésorerie sont fragilisées », a alerté Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, le syndicat des artisans du bâtiment, qui voit dans cette suspension « un nouveau coup de massue » pour le secteur. 

« Derrière ce possible gel des aides, ce sont des milliers de clients laissés pour compte et des milliers d’emplois dans le secteur qui pourraient être durablement menacés », a-t-il mis en garde alors que « des chantiers, dont les dossiers étaient dans l’attente d’une validation de l’Anah, ne verront pas le jour ».
 




Élections
Le vote par correspondance pour les détenus ne sera plus possible pour les élections locales
Les députés ont adopté hier en première lecture la proposition de loi modifiant les modalités de vote des personnes détenues, votée par le Sénat le 20 mars. Alors que le texte avait été totalement modifié en commission des lois, les députés ont rétabli la version initiale. Explications.

Comment remédier à la trop faible participation des personnes détenues à la vie électorale, sans pour autant risque de bouleverser les équilibres démocratiques locaux ? C’est la question à laquelle entendait répondre la sénatrice Laure Darcos (LR) avec sa proposition de loi « relative au vote par correspondance des personnes détenues ». 

Effets de bord de la loi Lecornu

Pour mémoire, il n’a longtemps existé que deux possibilités pour les détenus de participer à une élection : le vote par procuration et l’autorisation de sortie. La deuxième solution n’étant que très exceptionnellement accordée, il ne restait que le vote par procuration, lui aussi peu utilisé du fait, notamment, de l’isolement d’un grand nombre de détenus et de la lourdeur des procédures. Résultat : la participation des détenus aux élections a longtemps oscillé autour des 2 %.

En 2019, la loi Lecornu a changé la donne en instaurant le vote par correspondance pour les personnes emprisonnées. Si l’expression de « vote par correspondance » est couramment utilisée, il s’agit d’une facilité de langage, parce qu’on ne parle pas ici d’un envoi de bulletin de vote sous pli fermé. En fait, chaque prison organise un vote à l’urne ; l’urne est ensuite scellée et remise par le directeur de la prison au bureau de vote communal auquel est rattaché l’établissement pénitentiaire. La loi a fixé par principe que ce bureau devait être située dans la commune chef-lieu du département où se situe la prison. 

C’est ici que le bât blesse. Si ces dispositions ont eu pour effet une forte augmentation du taux de participation des détenus, qui tourne autour de 20 % depuis cette loi, le dispositif a un défaut pour ce qui concerne les élections locales : ce système fait participer à l’élection, dans une commune, plusieurs centaines de personnes n’ayant, en réalité, aucune attache avec la commune. Versailles, par exemple, étant le chef-lieu des Yvelines, les détenus des prisons de Bois-d’Arcy et de Poissy y votent, ce qui représente plus de 1 000 inscrits supplémentaires. Dans une élection municipale, qui peut parfois se jouer à quelques centaines de voix près, cet apport de voix sans lien avec la commune est problématique, comme l’a pointé, notamment, le Conseil d’État. 

Pour pallier ce problème, la proposition de loi initiale de Laure Darcos prévoyait que les votes par correspondance ne soient plus comptabilisés dans la commune chef-lieu de département de la prison, mais dans la commune de résidence du détenu avant son incarcération, ou celle d’un membre de sa famille.

Mais en séance, ce texte a été largement amendé et a changé de nature : les sénateurs ont plutôt décidé de restreindre ce droit de vote par correspondance aux seules élections dans lesquelles il n’y a qu’une circonscription dans tout le pays, à savoir les élections présidentielle et européennes et les référendums. Dans ce cas, les bulletins de vote étant comptabilisés nationalement, le problème ne se pose pas. 

Pour les scrutins locaux, le texte adopté au Sénat propose de revenir aux deux seules possibilités antérieures – l’autorisation de sortie et le vote par procuration. Pour élargir l’usage de ce vote par procuration, il est proposé d’élargir la liste des communes dans  lesquelles les détenus peuvent être inscrits en y ajoutant la commune de résidence de leurs descendants. 

Un texte entièrement transformé en commission

Arrivé à l’Assemblée nationale, ce texte a été examiné le 28 mai par la commission des lois, où il a fait l’objet d’une vive opposition d’un certain nombre de députés. Les socialistes, les écologistes et les membres du groupe Liot ont demandé à revenir à la version initiale de Laure Darcos (comptabilisation des votes par correspondance dans la commune de résidence du détenu avant son incarcération), dénonçant le dispositif adopté par le Sénat comme « un recul des droits civiques des personnes détenues » (Paul Molac, Liot). Les députés PCF et LFI se sont, eux, opposés à tout aménagement du droit de vote par correspondance, qui a permis de « décupler le taux de participation des détenus ».

Au final, le texte adopté par la commission des lois n’avait plus rien à voir ni avec celui de Laure Darcos ni avec celui adopté par le Sénat en séance : l’article unique de ce texte a été supprimé, et un nouvel article, proposé par La France insoumise, a été adopté, instaurant « un véritable bureau de vote physique » dans chaque prison. Un autre amendement, issu des écologistes, a été adopté en commission, étendant « à toutes les personnes détenues » le droit à la permission de sortie pour aller voter, « quelle que soit leur situation pénale, sauf en cas de risque de trouble grave à l’ordre public ». 

Retour à la case Sénat

Arrivé hier en séance, ce texte entièrement détricoté a fait l’objet des mêmes débats qu’en commission, mais avec un rapport de force différent. Le bloc central et Les Républicains ont défendu le retour au texte voté par le Sénat, et l’ont obtenu malgré l’opposition de la gauche et de Liot. Représentant le gouvernement, le ministre auprès du ministre de l’Intérieur, François-Noël Buffet, a lui aussi défendu cette position, estimant que la position choisie par le Sénat permet de « conserver les grands acquis de la loi de 2019 » tout en « gommant ses effets de bord négatifs ». 

Une majorité de député a suivi cet avis et le texte du Sénat a été rétabli tel quel : les amendements adoptés en commission ont été supprimés et l’on revient au dispositif du Sénat, à savoir que le vote par correspondance, avec centralisation des votes dans la commune chef-lieu du département, sera réservé aux élections présidentielle et européennes et aux référendums. Pour toutes les autres élections, les détenus ne pourront voter que par procuration ou avec une autorisation de sortie. 

Le texte ayant été adopté « conforme », c’est-à-dire strictement identique à la version sortie du Sénat, il est maintenant définitivement adopté. Il sera donc rapidement promulgué et entrera en vigueur dès les prochaines élections municipales. 




Aménagement numérique du territoire
À l'Assemblée, un maigre espoir de pouvoir enfin légiférer sur les raccordements à la fibre
Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (communistes et apparentés), les députés ont choisi de présenter un texte qui devrait intéresser particulièrement les maires. Son objectif : réduire les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre et dont de nombreuses communes sont victimes.

Ce jeudi, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (communistes et apparentés) a choisi, à l’occasion de sa niche parlementaire, de présenter neuf textes au total en séance publique à l’Assemblée nationale. 

Dès neuf heures de matin, une proposition de résolution présentée par le député communiste Stéphane Peu visant à abroger la réforme des retraites de 2023 – qui avait progressivement repoussé l’âge légal de départ à 64 ans, et a été adoptée par 49-3 – a été mise au vote. Rappelons qu’une proposition de résolution n’a pas de valeur législative et que, par conséquent, ce vote permet à l’Assemblée nationale d’exprimer symboliquement le rejet de cette réforme, ce qui est une première.

Cette actualité de premier plan a quelque peu éclipsé les autres textes présentés ce jour. Pourtant, le dernier texte inscrit à l’ordre du jour pourrait, s’il est adopté, soulager bien des élus et des citoyens, las de devoir faire face à des dysfonctionnements dans les raccordements à la fibre optique. 

« Malgré une généralisation de la fibre optique en France, de nombreux Français sont confrontés à des pannes et à un service de qualité insuffisante, a indiqué Elsa Faucillon, députée communiste des Hauts-de-Seine. Nous souhaitons par conséquent donner des moyens concrets aux collectivités afin de renforcer la responsabilité des opérateurs et de résoudre ces inégalités. »

Encadrer les raccordements et donner des outils aux collectivités  

Une proposition de loi visant à réduire les dysfonctionnements des réseaux de communication électroniques à très haut débit en fibre optique par la responsabilisation des opérateurs et la protection des consommateurs a donc été inscrite à l’agenda de l’Assemblée nationale ce jour.

Alors qu’il reste quelques années pour opérer la bascule du cuivre vers la fibre, les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre d’utilisateurs finals (débranchements, câbles emmêlés, malfaçons, etc.) perdurent et inquiètent.

D’ailleurs, cette proposition de loi pour davantage cadrer les déploiements de la fibre est la troisième en la matière (lire Maire info du 20 février). Le sénateur de l’Ain Patrick Chaize avait déposé en juillet 2022 une proposition de loi ayant pour ambition de « contraindre les opérateurs à réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l'art et de sécurité » et de « garantir aux consommateurs une connexion Internet de qualité » (lire Maire info du 22 juillet 2022). Cette dernière avait été votée au Sénat en mai 2023 (lire Maire info du 3 mai 2023). Mais le texte est resté bloqué à l’Assemblée nationale. En octobre 2024, une autre proposition de loi du même type avait été déposée à l’Assemblée nationale par Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne, mais n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour.

La proposition de loi du PCF « reprend de façon exhaustive les dispositions adoptées par le Sénat » qui sont donc celles du texte porté par Patrick Chaize. Sans revenir dans le détail sur le texte qui avait été voté au Sénat, retenons que ce texte prévoit de fixer un cadre à la mise en œuvre du mode « Stoc » (recours aux sous-traitants en cascade), de renforcer les contrôles sur la qualité du raccordement à la fibre et enfin de protéger les droits des usagers notamment en cas d’interruption du service d’accès à internet. Le mode Stoc est clairement le point névralgique du texte. Ce terme désigne le mode de raccordement des utilisateurs finals à la fibre par lequel l’opérateur d’infrastructure (OI), responsable du réseau, délègue le déploiement des derniers mètres à un opérateur commercial (OC). C’est cette manière d’opérer qui est, depuis le début, largement dénoncée, notamment par l’Avicca. La sous-traitance en cascade serait à l’origine de nombreuses malfaçons constatées dans les communes. 

Une nouveauté par rapport à la proposition de loi Chaize est à noter : pour les zones très denses (106 communes en France) et moins denses (zone Amii et zone Amel), les députés proposent qu’en cas de sinistralité de la fibre sur une infrastructure réseau supérieure à 6 mois, le gouvernement ou la collectivité puisse augmenter le montant de la redevance d’occupation du domaine public. De même, en cas de sinistralité de plus de six mois, les députés communistes proposent que la durée de la convention d’occupation du domaine public puisse être réduite par la collectivité territoriale. Ces mesures visent à donner des outils aux collectivités pour pouvoir agir face à des opérateurs qui, bien souvent, n’apportent pas de réponse en cas de problème et se renvoient la balle en termes de responsabilité. 

Course contre la montre et sauts d’obstacles  

Reste à savoir si en une douzaine heures, les députés auront le temps d’arriver à l’examen de ce neuvième texte – sachant que les discussions, dans le cadre d'une niche parlementaire, doivent obligatoirement s'achever à minuit. D’abord, les discussions autour de la proposition de résolution concernant la réforme des retraites ont pris fin aux alentours de 10 h 30. La résolution a finalement été adoptée à 198 pour et 35 contre. D'autres textes vont désormais être discutés, huit au total (en comptant celui sur la fibre) dont deux qui ont fait l'objet respectivement d'une trentaine et d'une soixantaine d'amendements : la proposition de loi portant plusieurs mesures de justice pour limiter les frais bancaires et celle visant à un meilleur encadrement du Pacte Dutreil. 

Au-delà de cet obstacle du temps, et si le texte sur la fibre est effectivement discuté adopté ce jour – ce qui semble peu probable – il ne faudra pas crier victoire trop vite. La proposition de loi de Patrick Chaize semble s’être perdue à l’Assemble nationale depuis juillet dernier. Le sénateur de l’Ain déplore lui-même depuis des années cette impossibilité de légiférer sur ce problème de fibre, qui s’explique par la réticence des opérateurs, renforcée par celle d’un gouvernement convaincu par les opérateurs eux-mêmes. Pendant les discussions au Sénat, le gouvernement s’était en effet fait l’avocat du mode Stoc. En cause : « le lobby », avait indiqué Patrick Chaize lors d’une conférence de presse en octobre dernier.  « Certains acteurs dépensent une énergie folle pour bloquer ce texte » , avait-il confié (lire Maire info du 17 octobre). 

Une chose est sûre, c’est qu’avec la disparition prochaine de l’ADSL, les interventions expéditives et mal réalisées et les déconnexions vont être de plus en plus mal vécues, la fibre devant devenir l’infrastructure numérique de référence à l’horizon 2030.




Transition énergétique
La Cour des comptes demande à l'État de davantage contrôler la filière des diagnostiqueurs DPE
La Cour des comptes vient de publier un rapport sur les diagnostics de performance énergétique (DPE). Elle dénonce un « manque d'anticipation » des conséquences de ce dispositif, et appelle l'État à renforcer son rôle dans le contrôle des diagnostiqueurs. 

Créé en 2006 et fortement renforcé en 2021, le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui permet de classer les logements de A à G en matière de consommation énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre, est devenu un élément majeur dans les transactions immobilières. Il est en effet, désormais, opposable : il n’est plus possible depuis le 1er janvier de louer un logement classé G, et le calendrier prévoit l’interdiction de location des logements classés F en 2028 et E en 2034. 

Conséquence de cette évolution : le nombre de DPE a augmenté en flèche et s’élève aujourd’hui, rapporte la Cour des comptes, à 350 000 par mois. Selon les chiffres de la Cour, 12 millions de logements ont été diagnostiqués depuis 2021 (sur un total de 37 millions de logements dans le pays) ; 54 % des logements diagnostiqués appartiennent aux catégories D ou E, 17 % aux catégories F ou G (passoires thermiques). 10 800 diagnostiqueurs sont certifiés à ce jour.

Règles d’urbanisme

Ce dispositif fait l’objet de nombreuses critiques. Sur le fond, d’abord, parce que l’interdiction de location des passoires thermiques pose un réel problème en pleine période de crise du logement, d’autant plus lorsqu’ils appartiennent à des propriétaires qui n’ont pas forcément les moyens de procéder à de coûteux travaux de rénovation. Dans ce contexte, la suspension de MaPrim’Rénov annoncée hier ne va faire qu’aggraver la situation (lire article ci-contre). Sur la forme, les critiques vont également bon train sur la qualité et la fiabilité des diagnostics : d’innombrables enquêtes ont montré qu’un même logement peut gagner ou perdre deux, voire trois niveaux de « notation » selon le diagnostiqueur qui intervient. 

La Cour des comptes reconnaît que « les difficultés de mise en œuvre du DPE ont été insuffisamment anticipées ». Les magistrats pointent deux écueils majeurs. D’abord, ceux des règles de copropriété : il y a, expliquent-ils, une forme d’inégalité entre les propriétaires de maisons individuelles et les copropriétaires, dans la mesure où ces derniers ne peuvent procéder aux travaux de rénovation qu’avec l’accord de la copropriété, ce qui conduit souvent à des blocages. II apparait particulièrement problématique que des propriétaires qui ne peuvent faire les travaux pour cause de blocage de la copropriété se retrouvent dans l’impossibilité de louer leur logement.

La Cour préconise donc, sur ce sujet, un assouplissement des règles.

Deuxième « écueil » : les contraintes d’urbanisme. Les travaux de rénovation énergétique, en particulier l’adjonction d’une isolation par l’extérieur, peut se heurter aux règles d’urbanisme  - par exemple les règles d’alignement des façades ou l’empiètement sur une zone non constructible. Là encore, des propriétaires peuvent se retrouver dans des situations inextricables, avec l’impossibilité de rénover, et donc de louer… et une aggravation de ce fait de la carence de logements disponibles. 

La Cour des comptes demande donc de « s’assurer de la bonne articulation du dispositif DPE avec la réglementation de la copropriété et de l’urbanisme ». 

Vers un « Ordre des diagnostiqueurs »

Le rapport se penche aussi sur la délicate question de la fiabilité des contrôles. La Cour salue certes le « renforcement significatif des exigences de compétence des diagnostiqueurs » introduit par la réforme entrée en vigueur le 1er juillet dernier, et le travail « d’harmonisation des pratiques professionnelles » en cours. Néanmoins, elle rappelle que le contrôle de cette filière n’est pas assuré par l’État mais par « des organismes tiers ». Les magistrats demandent que l’État s’assure, à tout le moins, de « l’indépendance » des experts certificateurs, chargés de délivrer les certifications aux diagnostiqueurs, dans la mesure où « l’observation du fonctionnement de la filière et le recueil de nombreux témoignages au cours de l’enquête ont mis en évidence que nombre d’organismes de formation et de certification ont entre eux des liens structurels ou financiers » susceptibles de faire naître des conflits d’intérêts. 

Pour prévenir les risques de fraude, la Cour préconise également la mise en place d’une carte professionnelle de diagnostiqueur, et plus généralement « un contrôle accru de la part de l’État afin de prévenir les risques de fraude et d’irrégularité ». 

Une telle évolution est déjà en cours : rappelons que le 19 mars dernier, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a lancé un « plan d’action » pour renforcer la fiabilité des DPE, avec plusieurs avancées concrètes. Une concertation a été lancée avec les professionnels pour aboutir à la re-rédaction des deux arrêtés encadrant la profession – ils pourraient être publiés d’ici l’été, indique le ministère. Une mission parlementaire a, par ailleurs, été confiée au député Daniel Labaronne sur l’éventualité de la création d’un « ordre des diagnostiqueurs immobiliers », ce qui pourrait, selon la ministre, « être une réponse efficace à ce besoin de transparence, de déontologie et de qualité ». 

Accéder au rapport de la Cour des comptes.




Politique de la ville
Politique de la ville : les associations d'élus appellent l'État à tenir ses engagements
Avant la tenue demain du comité interministériel de la ville, l'USH, l'AMF, l'AMIF, l'APVF, France urbaine, Villes de France et Intercommunalités de France demandent au gouvernement de respecter les engagements pris en 2023, en particulier concernant le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Après avoir fait l’objet de plusieurs reports, un Comité interministériel des villes (CIV) va finalement se tenir demain à Montpellier sous la présidence du Premier ministre (lire Maire info du 16 mai). 

À la veille de cette journée et des journées nationales de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) « Mieux vivre dans les quartiers », les associations d’élus appellent « solennellement le gouvernement à lancer sans attendre la préfiguration d’une nouvelle étape du renouvellement urbain, qui garantisse la continuité de l’action publique, évite les effets de “stop and go”, et permette d’engager, avec méthode, un nouveau programme national, ciblant les quartiers les plus fragiles. »

Bilan : des avancées mais des inquiétudes 

C’est en octobre 2023 qu’a eu lieu le dernier Comité interministériel des villes à Chanteloup-les-Vignes, dans les Yvelines. À l’occasion du Conseil des ministres d’hier, François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation, et Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la Ville, ont présenté une communication sur la politique de la ville.

Depuis la tenue du dernier CIV, « 70 % des mesures ont été réalisées ou sont en cours de déploiement », selon le gouvernement. Les contours de la nouvelle géographie prioritaire ont été retracés, les nouveaux contrats de ville « Engagement Quartiers 2030 » ont fait l’objet d’un cycle de réécriture collective qui se clôturera avec la signature des contrats des territoires d’outre-mer à la fin de l’année 2025. 

Le gouvernement rappelle également que 77 millions d’euros ont été investis dans la transition écologique des quartiers prioritaires, « portés par le programme Quartiers Résilients de l’Anru ou encore le fléchage de 15 % du Fonds Vert en direction des projets situés en QPV ». Sur ce point, les associations d’élus vont se montrer attentive à ce que l’État tienne « pleinement ses engagements en apportant dès 2026 à l’Anru les financements promis pour le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), afin de garantir la poursuite des projets engagés localement ». Dans un communiqué de presse commun, les associations d’élus notent qu’aujourd’hui 450 quartiers et plus de 3 millions d’habitants sont concernés par les projets en cours du NPNRU.

Rappelons que depuis le début de l’année les associations d’élus s’inquiètent d’une dégradation de la situation et du « manque d’ambition » du gouvernement. Les élus demandant la préservation des financements de l’Anru et notamment le fléchage d’une somme suffisante dans le projet de loi de finances 2026 pour pouvoir financer son deuxième programme de rénovation. 

Le gouvernement souligne que d’autres mesures en faveur de l’éducation et de la jeunesse ont été mises en œuvre telles que « le dédoublement des classes de CP et CE1 et des grandes sections dans les REP et REP+ qui bénéficient à plus de 380 000 élèves, le déploiement des offres de stages pour les 3e , des dispositifs "devoirs faits" et "quartiers d’été"» et d’autres actions sont en cours de déploiement comme l’ouverture des collèges de l’éducation prioritaire de 8 h à 18 h et la poursuite de la généralisation des cités éducatives.

Un plan en trois axes 

Ce prochain comité interministériel des villes a donc fait l’objet d’une « vaste concertation préalable avec plus de 250 acteurs de la politique de la ville » : associations, bailleurs sociaux, acteurs économiques (grandes entreprises, fondations privées), associations d’élus, maires et parlementaires. Il aura pour thème principal la santé mentale des enfants et des jeunes.

Concernant le plan qui sera présenté demain, il comportera trois axes principaux : bâtir la grande alliance pour l’épanouissement et l’émancipation des enfants et des jeunes ; assurer une vie digne et en sécurité dans les quartiers ; et investir dans la réussite économique pour toutes et tous.

Les ministres ont également indiqué hier qu’ « un peu plus de la moitié des mesures du prochain CIV poursuivent et adaptent les actions déjà initiées en 2023 ». L’autre moitié des mesures seront nouvelles « et feront l’objet d’un suivi trimestriel tant au niveau national que local, sous l’égide des préfets, recteurs et directeurs généraux des agences régionales de santé ». 

Ce plan sera détaillé demain à Montpellier et Maire info reviendra sur le sujet mardi prochain. 







Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés