Édition du mercredi 14 mai 2025 |
Gouvernement
Emmanuel Macron : beaucoup de bruit pour (presque) rien
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Le président de la République a répondu hier soir, sur TF1, aux questions de multiples interlocuteurs, sans faire finalement d'annonces nouvelles, ni sur les éventuels référendums à venir, ni sur les collectivités, ni sur la situation économique et sociale. Â
Ceux qui espéraient en savoir plus sur les intentions du chef de l’État notamment en matière de référendum en seront pour leurs frais. Alors que l’entourage du président avait fait fuiter, la semaine dernière, des informations selon lesquelles, lors de cette interview, Emmanuel Macron allait annoncer plusieurs référendums dont un sur « l’organisation territoriale », il n’en a rien été.
Augmenter la TVA ?
Après une séquence consacrée à la politique internationale, le chef de l’État a notamment été confronté à la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sur les questions économiques et sociales, au maire de Béziers, Robert Ménard, sur les sujets de sécurité et d’immigration, ou encore à la présidente du groupe de réflexion libéral Ifrap, Agnès Verdier-Molinié, sur la question des finances publiques.
Sur tous ces sujets, le chef de l’État a oscillé entre la défense de son bilan et le constat d’une forme d’impuissance, dans une situation bien différente de celle de son premier quinquennat – puisqu’il ne dispose plus d’une majorité à l’Assemblée nationale pour faire passer ses projets. Bien que confronté, dès le début, au mécontentement des Français qui ne sont, selon un sondage dévoilé en ouverture de l’émission, que 7 % à penser que la France a changé « en mieux » grâce à Emmanuel Macron, celui-ci s’est tout de même félicité de son « bilan », que ce soit en matière d’emploi, de lutte contre le terrorisme, d’action climatique ou de baisse des impôts. « On est sorti du chômage de masse », s’est félicité le chef de l’État, bien que la situation économique actuelle fasse craindre que le pays y retourne très vite. Emmanuel Macron ne compte pas rompre avec son crédo de « la politique de l’offre » : pressé par Sophie Binet de renoncer aux « cadeaux aux entreprises sans conditions ni contreparties », le chef de l’État est resté ferme – tout comme il a clairement refusé toute option de « nationalisation » d’ArcelorMittal, qui vient d’annoncer la suppression de plus de 600 postes.
Il a, au contraire, estimé qu’il faut encore diminuer les cotisations patronales (« le modèle social français repose trop sur le travail »). Pour continuer à financer malgré tout ce modèle social, il a évoqué une piste : « Taxer davantage la consommation ». Emmanuel Macron n’a pas donné plus de précisions sur cette idée – il demande au gouvernement d’y travailler – mais on ne peut que supposer qu’il envisage une hausse de la TVA. Une telle hausse est réclamée depuis plusieurs mois par le patronat, mais c’est une arme à double tranchant, puisqu’elle est non seulement douloureuse socialement mais peut également peser sur la consommation des ménages.
Face à Agnès Verdier-Molinié (qui, de façon tout à fait exceptionnelle, a réussi à faire une intervention sans fustiger les collectivités locales), le chef de l’État a là encore défendu son bilan en matière de finances publiques, sans se satisfaire, naturellement, du niveau abyssal du déficit. Il a rappelé que les deux premières années de son premier quinquennat avaient été marquées, pour la première fois, par une baisse du déficit, mais que la succession des crises qui ont éclaté par la suite – Gilets jaunes, covid, guerre en Ukraine, explosion des prix de l’énergie… – a fait exploser la dépense publique sans qu’il en soit « responsable ».
Mariage des personnes en situation irrégulière
Face à un Robert Ménard très offensif sur les questions de sécurité et estimant que les maires n’ont pas les moyens législatifs d’assurer la sécurité des habitants, Emmanuel Macron n’a, là encore, pas fait d’annonce nouvelle. Quand le maire de Béziers lui a demandé s’il était pour doter les policiers municipaux de nouvelles compétences de police judiciaire, le chef de l’État a répondu positivement, « si le maire le souhaite ». Cela correspond aux positions défendues par le gouvernement et par l'AMF lors des discussions du « Beauvau des polices municipales », qui durent depuis plusieurs mois. Il a également dit son soutien à la proposition de loi du sénateur Demilly visant à interdire le mariage pour les sans-papiers, après avoir été apostrophé par Robert Ménard sur sa propre situation – le maire de Béziers encourt une condamnation pour avoir refusé de marier un couple dont l’époux était sous OQTF. « Le droit est mal fait, a déclaré le chef de l’État. Il permet à un maire de s’opposer à (…) un mariage blanc, mais après on ne reconnaît que la liberté de se marier qui est une liberté constitutionnelle. On ne protège pas le maire. » Il estime qu’il est « de bon sens » de permettre à un maire de ne pas marier des personnes en situation irrégulière et souhaite que la proposition de loi Demilly, adoptée au Sénat, soit « inscrite rapidement à l’ordre du jour de l’Assemblée ».
Interrogé, enfin, par le maire de Béziers sur l’échec de son projet de construire « 15 000 places de prison », Emmanuel Macron s’est dit « pas fermé » à l’idée suggérée par Robert Ménard de « louer » des places de prison à l’étranger : « Il n’y a pas de tabou là-dessus ».
Référendum : le grand flou
Très attendu, on l’a dit, sur la question du référendum, Emmanuel Macron n’a finalement donné que très peu de précisions sur le sujet – ce qui est dommage car c’est l’un des seuls points abordés dans cette émission qui relève réellement de ses prérogatives présidentielles. Il a certes évoqué la perspective de « plusieurs référendums en même temps dans les mois qui viennent », mais sans dire ni sur quoi ni quand. Sur le budget, comme l’a évoqué François Bayrou ? « Pourquoi pas », a d’abord lancé le chef de l’État, avant de reconnaître que « la fiscalité, le budget, c’est une prérogative du Parlement, pas un sujet de référendum ».
Le seul sujet sur lequel Emmanuel Macron a évoqué avec plus de précision l’hypothèse d’une consultation des électeurs est la question de la fin de vie, qui fait actuellement l’objet d’un texte examiné par l’Assemblée nationale. « Si, à l’issue de la première lecture, il y a un enlisement, le référendum peut être une voie pour débloquer », a assuré le chef de l’État. Mais il n’empruntera cette voie qu’avec « beaucoup de précautions » et uniquement « si c’est bloqué ».
Emmanuel Macron a, en revanche, exclu un référendum sur la question des retraites et sur la question de l’immigration.
Au terme de plus de trois heures d’émission, le président de la République a finalement balayé de nombreux sujets sans vraiment donner d'orientations nouvelles, rappelant fréquemment qu’il n’est pas « un homme-orchestre » et que c’est le gouvernement qui gouverne, pas lui. S’il a certes donné son avis personnel sur un certain nombre de sujets et réitéré sa confiance dans son Premier ministre, il n’aura pas réussi à aller à l’encontre de l’image d’une présidence marquée par une forme d’impuissance, après une dissolution qui a rendu la France ingouvernable.
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Santé publique
Déserts médicaux : le Sénat vote la participation des médecins à une « mission de solidarité territoriale »Â
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Souhaitée par le gouvernement, cette participation des médecins dans des zones jugées prioritaires pourrait durer jusqu'à deux jours par mois. En cas de refus, une pénalité maximale de 1 000 euros par journée non effectuée est prévue. D'autres dispositions pour résorber la désertification pharmaceutique ont été adoptées.
Après l’adoption d’un premier texte visant à réguler l’installation des médecins par l’Assemblée nationale la semaine dernière, les sénateurs ont validé, à leur tour, hier soir, en première lecture, leur propre proposition de loi. Votée par 190 voix en sa faveur et 29 voix contre, elle est jugée moins coercitive et promet d’« améliorer l'accès aux soins dans les territoires ». Seuls les communistes et quelques centristes s’y sont opposés alors que socialistes et écologistes ont préféré s’abstenir.
Si le texte porté par le député socialiste Guillaume Garot – et cosigné par 250 députés de tout bord, hormis le RN – n’a pas eu les faveurs de l’exécutif, celui défendu hier par la majorité sénatoriale a reçu son soutien grâce à l’intégration, par voie d’amendement, de la mesure phare défendue par François Bayrou dans son « pacte » pour lutter contre les déserts médicaux.
Solidarité ou pénalité financière
Une concurrence parlementaire et un parcours législatif parallèle qui créent une certaine confusion, d’autant que le texte sénatorial peut désormais compter sur le déclenchement par le gouvernement de la procédure accélérée (qui permet une seule lecture par chambre), contrairement à l’initiative transpartisane des députés qui doit poursuivre sa navette et attendre son inscription à l’agenda du Sénat.
Souhaitant imposer aux médecins jusqu’à deux jours par mois de temps de consultation dans les zones prioritaires du territoire, le gouvernement a donc réussi à faire adopter par amendement sa « mission de solidarité territoriale obligatoire ».
Le Premier ministre avait annoncé que ce dispositif se mettrait d’abord en place, dès cette année, pour aider les territoires les plus prioritaires identifiés par les Agences régionales de santé (ARS), en lien avec les préfets et les élus. Ensuite, progressivement, cette mission serait étendue à l’ensemble des zones sous-denses et non plus uniquement à ces zones rouges.
Dans l’amendement gouvernemental, on apprend que cette participation des médecins (libéraux, salariés ou remplaçants) situés dans les territoires les mieux dotées sera indemnisée et s’exercera « sur la base du volontariat, ou à défaut, sur désignation du directeur général de l’agence régionale de santé ». En cas de refus, le médecin sera passible d’une pénalité financière qui pourrait aller jusqu’à 1 000 euros par journée non effectuée.
À noter que les modalités d'identification des zones prioritaires prévues par le gouvernement ne s'appliqueront que « durant une période transitoire ne pouvant s'étendre au-delà du 1er janvier 2027 », ont précisé les sénateurs. Ensuite, ces zones devront être identifiées « dans des conditions de droit commun ».
De nombreux élus ont, toutefois, fustigé le flou entourant la mise en œuvre de cette mission (dont les modalités doivent être fixées par décret) : que ce soit sur les pénalités financières justement, mais aussi le périmètre des zones sous-denses ou encore les remplacements dans les cabinets...
Conditionner l'installation
Cette participation devra ainsi s'articuler avec le dispositif voulu par les sénateurs qui prévoit que l’installation des médecins généralistes (libéral ou salarié) exerçant « en zone sur-dense » soit conditionnée à « un engagement d'exercice à temps partiel en zone sous-dense », là où il y a un déficit de soignants. Grâce à un cabinet secondaire, par exemple.
Et, pour les spécialistes, l’autorisation d’installation serait conditionnée au départ d’un praticien dans la même spécialité et sur le même territoire. Là aussi, une dérogation serait possible si le spécialiste s'engage à exercer en plus, à temps partiel, dans une zone où l’accès aux soins est jugé déficitaire.
Dans ce cas, les sénateurs ont décidé que les médecins ne pourraient pas être contraints, en plus, de participer à la « mission de solidarité territoriale » voulue par François Bayrou.
En parallèle, ils ont validé plusieurs dispositions visant les médecins diplômés hors de l'UE (Padhue), qui seront orientés « prioritairement » vers les zones privées de médecins et verront le concours préalable à leur accès à un plein exercice remplacé par un « examen ».
Lutte contre la désertification pharmaceutique
Le Sénat a, par ailleurs, avalisé d'autres mesures dont le but est de gagner du « temps médical », en élargissant notamment les actes réalisés par les audioprothésistes - comme « le retrait non-instrumental des bouchons de cérumen » - ou les compétences des préparateurs en pharmacie - telles que « la réalisation des tests rapides d’orientation diagnostique Covid » (l’arrêté le permettant durant la crise sanitaire ayant été abrogé).
Pour lutter contre la « désertification pharmaceutique », les sénateurs ont également élargi les « aides conventionnelles hors territoires fragiles », en accordant « davantage de latitude » pour définir les officines qui nécessiteraient un « soutien spécifique ».
De même, ils ont étendu le dispositif expérimental de création d'antennes pharmaceutiques dans les communes déléguées en zone de montagne en « ouvrant la possibilité pour les pharmaciens titulaires de la commune nouvelle ou d’une commune limitrophe de créer une antenne d’officine au sein de la commune déléguée où la dernière pharmacie a cessé son activité, dès lors que l’approvisionnement en médicaments est compromis ». L’objectif étant de « maintenir une présence pharmaceutique minimale dans les zones isolées ».
Agressions des soignants : sanctions renforcées
Ils ont aussi décidé d’assouplir les règles applicables aux « médecins propharmaciens », ceux-ci ayant la possibilité de délivrer les médicaments qu'ils prescrivent a leurs patients. Bien que « relativement peu nombreux en France, ils sont pourtant essentiels à certaines communes rurales et insulaires, qui ne bénéficient pas […] des services d'une pharmacie ». L’amendement adopté vise notamment a les autoriser a « délivrer les médicaments prescrits par leurs collègues dans le cadre des maisons de sante mais également par leurs collègues spécialistes ». Il permet également aux « infirmiers pratiquant des soins a domicile pour les patients des propharmaciens de délivrer les médicaments prescrits par ces derniers ».
On peut, enfin, signaler que le Sénat a renforcé, hier, les sanctions pénales encourues par les auteurs d'agressions et violences visant les professionnels de santé, en nette augmentation depuis plusieurs années. Déjà adoptée par l'Assemblée nationale en mars 2024, la proposition de loi du député Horizons Philippe Pradal a aisément passé le cap de la chambre haute avec une adoption unanime.
Une des principales mesures de ce texte, l'aggravation des sanctions encourues en cas de violences contre les personnels de nombreux établissements de santé (soignants mais aussi personnel non-médical) pourraient atteindre dans certains cas jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Soutenu par le gouvernement, le texte doit désormais faire l'objet d'un accord entre les deux chambres du Parlement, lors d'une commission mixte paritaire (CMP) dont la date n'a pas encore été fixée.
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Fonction publique territoriale
Financement de la CNRACL : face à l'urgence, le député Stéphane Delautrette trouve 1,6 milliard d'euros de recettes sans ponctionner les collectivités
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Stéphane Delautrette, président de la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, a présenté le 13 mai son rapport d'information sur le financement de la caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Il propose des mesures qui, si elles sont prises dès cette année, rapporteraient davantage de recettes à la CNRACL que la seule hausse des cotisations employeurs qui pèse lourdement sur les budgets locaux.Â
[Article initialement paru sur le site de Maires de France.]
Devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, hier, le député de la Haute-Vienne Stéphane Delautrette a débuté la présentation de son rapport sur le financement de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) en rappelant quelques chiffres vertigineux : la caisse verse, par an, 26 milliards d’euros de prestations vieillesse et invalidité, soit 7 % du montant total des pensions versées en France, à 1,57 million de pensionnés. 2,2 millions de fonctionnaires des collectivités locales et du secteur hospitalier cotisent à ce régime. Son ratio démographique (nombre de retraités / nombre de cotisants) s’est fortement dégradé puisqu’il n’est plus aujourd’hui que de 1,4 en 2023 contre 4,53 au début des années 1980. « Les comptes de la CNRACL, qui étaient encore excédentaires en 2017, ont plongé dans le rouge en 2023 à - 2,5 milliards d’euros, et à - 3,5 milliards en 2024 », souligne le rapporteur. Le déficit pourrait atteindre les 10 milliards d’euros en 2030.
Hausse des cotisations : une « solution de facilité »
En septembre 2024, les inspections générales (finances, affaires sociales, administration) ont produit un rapport assorti de 11 recommandations pour rétablir l’équilibre financier de la caisse. Mais, devant le Comité des finances locales du 8 octobre 2024, « alors que les élus locaux comme les parlementaires attendaient que le gouvernement reprenne ces mesures, il n’a fait qu’une seule préconisation : celle d’augmenter le taux de cotisation des employeurs territoriaux de 12 points sur trois ans pour passer de 31,65 % à 43,65 % en 2028 », a fait remarquer Stéphane Delautrette. « Cette solution de facilité est apparue comme une contribution supplémentaire des collectivités locales au redressement des finances publiques ! » Même si l’augmentation finalement retenue a été lissée sur quatre ans au lieu des trois initialement prévus, cette décision pèse fortement sur les budgets locaux : 1,2 milliard d’euros en 2025. Ce poids supplémentaire pèsera in fine 3,9 milliards d’euros par an à compter de 2028.
Diagnostic partagé
Pour faire le point sur la situation, la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale a entendu les différents acteurs concernés au travers de trois tables rondes. La hausse des cotisations employeurs ne résoudra pas les problèmes financiers de la caisse, selon le rapporteur. Mais le président de la CNRACL, les employeurs publics territoriaux, les organisations syndicales partagent le diagnostic sur les causes multifactorielles de la dégradation financières des comptes de la caisse : hausse des effectifs et donc des pensionnés à la suite des lois de décentralisation et de la réduction du temps de travail, spécificités de la fonction publique territoriale (espérance de vie des retraités affiliés plus importante que la moyenne nationale, les retraites pour invalidité qui ont bondi de 21 % en 10 ans), la proportion toujours plus importante de contractuels (un quart des effectifs de la FPT, qui ne cotisent pas à la CNRACL), recettes de la caisse quasi totalement assises sur la cotisation contrairement aux autres régimes (financés pour une part non négligeable par l’impôt), contribution de solidarité de la caisse aux autres régimes (100 milliards d’euros constants depuis sa création et encore 475 millions en 2024, ce qui « heurte le bon sens » et apparaît même comme une « injustice », pour Stéphane Delautrette).
Mesures ciblées
De ces différentes tables rondes, le député de la Haute-Vienne a tiré quelques conclusions car il y a une « urgence manifeste » à prendre des mesures ciblées dès 2026, même si la situation exige par ailleurs « une réponse structurelle ».
À l’avenir, la CNRACL devrait pouvoir bénéficier comme les autres régimes d’un socle de fiscalité transférée (proposition n° 7 du rapport) qui reste à déterminer.
À plus court terme, la Caisse nationale d’allocations familiales et le Fonds de solidarité vieillesse pourraient prendre en charge les prestations qui relèvent de leur secteur et que la CNRACL finance, contrairement, là encore, aux autres régimes de retraite : majoration à partir du troisième enfant (gain de près d’un milliard d’euros pour la CNRACL) (proposition n° 3), dépenses associées à la validation des périodes de demi-traitement au titre des congés maladie et la garantie minimale pour les pensionnés pour invalidité lorsque le taux d’invalidité est égal ou supérieur à 60 % (gains de 275 millions d’euros) (propositions n° 4 et 5).
Quant au sujet des contractuels, certains souhaiteraient un rapprochement ou une réunion des contractuels et des titulaires dans un régime commun, mais le rapporteur préfère y renoncer pour cause de très grande complexité opérationnelle. Instaurer une taxe sur la masse salariale des contractuels pour neutraliser le déséquilibre dans la gestion des ressources humaines entre les deux catégories d’agents n’apparaît pas non plus pertinent, selon Stéphane Delautrette : « Cela augmenterait les charges pour les employeurs », donc sur les budgets.
En revanche, les cotisations relatives aux 75 000 titulaires travaillant en deçà du seuil de 28 heures hebdomadaires (agents à temps non complet) versées aujourd’hui au régime général et à l’Ircantec pourraient être rapatriées au sein de la CNRACL. Montant estimé de la recette : 290 millions d’euros (proposition n° 6).
Usure professionnelle et compte pénibilité
En tout, ces mesures rapporteraient 1,6 milliard d’euros de recettes à la CNRACL dès la première année, un chiffre supérieur à la seule hausse de trois points des cotisations employeurs (1 milliard). Qui plus est, ces mesures permettraient d’annuler la hausse de la cotisation employeurs pour l’année 2026, allégeant la charge sur les budgets locaux…
Sur le plan de l’endettement, les députés proposent la reprise totale de la dette par la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) (proposition n° 1).
Concernant les évolutions structurelles, Stéphane Delautrette a affirmé son attachement au caractère paritaire de la gouvernance de la CNRACL qui devrait toutefois faire l’objet d’une étude. Il recommande également une étude pour connaître le coût du risque invalidité et invite le gouvernement à mettre en œuvre le fonds d’usure professionnelle, préconisé par le rapport de Michel Hiriart, président de la Fédération nationale des centres de gestion. Stéphane Delautrette propose en outre l’instauration d’un compte pénibilité pour les agents.
Les solutions existent. Elles n’attendent plus qu’une mise en œuvre dans les prochains projets de loi de finances. Il serait temps : l’AMF avait appelé, dans un manifeste, à une remise à plat de l’ensemble du système de protection sociale (dont les retraites) à l’automne 2024…
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Télécommunications
Déploiement de la fibre : les acteurs de la filière face au casse-tête des derniers irritantsÂ
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Le TRIP de printemps de l'Avicca, qui réunit chaque année élus, industriels et opérateurs, s'est ouvert hier. Largement marqués par la publication récente d'un rapport de la Cour des comptes sur la fibre, les échanges ont principalement porté sur les problématiques économiques et techniques qu'il reste à surmonter pour assurer la pérennité de la fibre dans tous les territoires.Â
Nous y sommes : l'échéance du 100 % fibre en 2025 est pour demain et les fragilités du Plan France très haut débit ressurgissent, tout comme les impensés d’un système de déploiement qui, en pratique, est parfois économiquement intenable dans certains territoires.
« Ne laissons pas l’improvisation être la règle », a lancé le président de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), Patrick Chaize, lors de son discours d’ouverture du TRIP de printemps.
Sur le terrain, le déploiement de la fibre rencontre encore des blocages – qu’ils soient d’ordre économiques (fragilité du modèle économique de financements des Réseaux d’initiative publique/RIP, portés par les collectivités), techniques (malfaçons dans les raccordements) ou encore communicationnels (réussir la transition de l’ADSL vers la fibre).
Des améliorations mais des défis à relever
Le rendez-vous d’hier a été l’occasion pour la fédération InfraNum – qui représente l’ensemble de la filière avec les opérateurs, constructeurs intégrateurs, équipementiers, etc. – de présenter les résultats de son observatoire de la transition numérique des territoires.
Plus de 91 % des locaux sont aujourd’hui raccordables à la fibre et encore 4 millions de prises sont encore à raccorder dont 2 millions de prises à construire sur Réseaux d’initiative publique. « Le cap est loin, estime Hervé Rasclard, délégué général d’InfraNum, mais on va être au rendez-vous en 2026. » Bonne nouvelle : il apparaît clairement dans les résultats de cet observatoire que les zones rurales rattrapent les zones urbaines en matière de connectivité à la fibre et que les Français adoptent de plus en plus cette technologie, les plus jeunes comme les plus âgés.
Cependant, l’observatoire met en lumière trois défis principaux à prendre au plus vite en considération pour finaliser et pérenniser le plan France très haut débit. D’abord, « un changement de règles est attendu dès cette année » pour répondre à la menace sur l’équilibre financier à long terme des réseaux d’initiative publique. « 80 % des collectivités interrogées affirment que le compte n’y est pas », explique Hervé Rasclard.
Cette problématique a largement été mise en avant il y a un mois dans un rapport de la Cour des comptes (lire Maire info du 7 avril). Concrètement, les modèles économiques initiaux établis en 2015 par l’Arcep ne sont plus en adéquation « avec le niveau de recettes attendu, en raison d’un taux de pénétration de la fibre parfois plus lent que prévu ou d’une modification du niveau de cofinancement des réseaux par les opérateurs commerciaux. » De plus, des opérateurs d’infrastructures ont pu conclure des contrats avec des collectivités locales en minimisant les coûts, afin de remporter le marché public. Résultats : « Certaines charges n’ont donc pas été correctement anticipées, comme le coût des raccordements complexes, c’est-à-dire les plus coûteux ou difficiles, ou encore les surcoûts d’exploitation liés aux problèmes de qualité des réseaux et de résilience. »
Selon Patrick Chaize, certaines collectivités sont depuis avril dernier en cessation de paiement et « survivent par une dette de confort de l’ANCT ». Une table ronde dédiée aura lieu demain sur ce sujet qui apparaît comme étant le principal irritant actuellement. Maire info suivra les débats.
Autre défi : il reste 440 000 prises considérées comme étant des raccordements complexes à réaliser dont plus de la moitié concerne ces RIP. Cela représente un chantier global de 1,3 milliard d’euros et qui « nécessite une réponse nationale ».
Enfin, ces nouveaux réseaux nécessitent des investissements pour assurer leur résilience, c’est-à-dire s’assurer de leur pérennité pour les prochaines décennies, en particulier face aux conséquences directes du dérèglement climatique. Plus de deux tiers des collectivités estiment qu’il faut prévoir des budgets supplémentaires d’environ 1 milliard d’euros pour les RIP.
« L’Arcep ne dispose pas de bouton magique »
Sur la question du modèle économique des RIP, l’Arcep, le régulateur de ce chantier titanesque, a lancé des travaux pour « établir les écarts de coûts constatés entre les modèles initiaux et la réalité » avant d’envisager « d’éventuelles révisions des modèles ou une mobilisation supplémentaire de fonds publics ».
Cependant, Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, a tenu à rappeler que le régulateur seul ne pourrait pas changer la donne. « On ne dispose pas d’un bouton magique sur lequel appuyer pour clarifier toutes ces situations variables d’un territoire à l’autre, a-t-elle expliqué. Certaines situations sont le fruit d’enchevêtrements contractuels entre les collectivités, les opérateurs, les sociétés, qui répondent à des logiques qui leur sont propres. » La bonne volonté de chacun entre donc largement dans l’équation. « Il faut que chacun se fasse un petit peu mal », résume de son côté Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca.
Les travaux de l’Arcep devraient aboutir d’ici la fin de l’année et dans deux mois, le régulateur publiera une consultation publique sur cette question.
D’un autre côté, des malfaçons continuent d’être constatées dans les territoires. « Dans mon département, l’Ain, nous sommes passés de 80/90 % de malfaçons en 2022 à "seulement" 70 % fin 2024 en zone RIP », a regretté Patrick Chaize, qui plaide depuis des années pour que l’installation de la fibre ne fasse pas l’objet de sous-traitances en cascade, autorisées par ce qu’on appelle le mode STOC. Sur ce point, la présidente de l’Arcep a assuré que l’autorité ne disposait pas de levier pour imposer aux opérateurs un déploiement de la fibre sans sous-traitance.
Une nouvelle fois, le sénateur de l’Ain a regretté que sa proposition de loi déposée en juillet 2022 au Sénat visant à notamment à renforcer les pouvoirs de contrôle et de sanction de l’Arcep ait été annihilée par le lobby des opérateurs.
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Transports
Infrastructures ferroviaires : le plaidoyer de la SNCF pour des investissements massifs
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Le groupe SNCF a diffusé hier sa « contribution » à la Conférence de financement des mobilités. Il estime que sans une aide massive de l'État (un milliard d'euros par an), le réseau français deviendra « un réseau de second rang » et ira vers « un effondrement » de la qualité de service.Â
La SNCF tire le signal d’alarme. Alors que le nombre de passagers dans les trains atteint un plus haut historique (5 millions de voyageurs par jour l’an dernier), le réseau ferré est « menacé » aujourd’hui dans sa « viabilité » même, victime du « sous-investissement chronique » de la période 1980-2010.
C’est le constat fait par le groupe SNCF dans un document d’une vingtaine de pages qu’il a rendu public hier, dans le cadre de la conférence « Ambition France transports », destinée à réfléchir aux pistes de financement des mobilités dans les années à venir.
Sombres perspectives
Le constat est sans appel. Le réseau ferré « structurant », c’est-à-dire les 17 000 km de lignes TGV, Intercités et TER qui concentrent « 90 % du trafic », est plus que vieillissant. L’âge moyen des postes de signalisation est de 26 ans, celui des voies de 30 ans, celui des caténaires, de 40 ans. « 21 % des caténaires et sous-stations sont hors d’âge », alerte la SNCF. En 2030, « un tiers du réseau cuivre » permettant la communication le long des voies sera « obsolète ». En outre, le coût de la rénovation des ouvrages d’art à traiter dans les 20 prochaines années atteindrait 12 milliards d’euros.
La dégradation de ces installations va se payer en baisse de la qualité de service, prévient le groupe – comme cela a été le cas en Allemagne où « le sous-investissement général » dans la modernisation du réseau a conduit à une dégradation « brutale » de la qualité de service : outre-Rhin, « la ponctualité des trains longue distance a atteint [en 2023] le niveau historiquement bas de 61 % ». C’est 13 points de moins qu’en 2014.
En France, le même danger guette si les investissements ne sont pas à la hauteur, plaide la SNCF, qui liste une série de perspectives plutôt sombres : « dégradation des performances, fermetures de lignes », explosion des coûts d’entretien, incapacité de répondre aux obligations européennes en matière d’interopérabilité… et même impossibilité de mettre en œuvre les fameux « RER métropolitains » promis par le chef de l’État, les Serm.
Un milliard d’euros par an à trouver
Pour ce qui la concerne, la SNCF estime qu’elle fait le maximum et qu’elle a budgété des « investissements massifs » : entre 2024 et 2027, elle aura investi « 14 milliards d’euros » dans les réseaux. Le groupe s’engage, à partir de 2028, à verser « une contribution supplémentaire de 500 millions d’euros chaque année » pour les investissements. Mais c’est le « maximum » que le groupe peut faire « sans mettre en péril ses équilibres, recréer de la dette ou remettre en cause des investissements cruciaux comme le matériel roulant ».
Ce sera insuffisant : pour répondre aux besoins, la SNCF estime qu’il faudra consacrer 1,5 milliard d’euros supplémentaires chaque année à la modernisation et la régénération du réseau. Puisqu’elle apporte 500 millions d’euros, il reste donc un milliard d’euros par an à trouver – ce qui est, insiste le groupe, une somme « minimale », pour permettre « un équilibre entre sécurité, exploitation et maîtrise des coûts ».
La SNCF fait donc un certain nombre de propositions pour dégager ce milliard d’euros annuel nécessaire.
Trois pistes de financement
Première option : s’appuyer sur le système européen d’échange de quotas d’émission (SEQE). Pour mémoire, depuis 2005, les entreprises dont l’activité est émettrice de CO2 – le transport aérien par exemple – n’ont le droit d’émettre qu’une quantité limitée de gaz à effet de serre. Si elles dépassent le plafond, elles doivent acheter des quotas supplémentaires sur un marché réglementé par l’Union européenne – qui fixe le prix de la tonne de CO2 supplémentaire. Les fonds collectés par les États peuvent, entre autres, être affectés au financement de la transition écologique, dont le transport ferroviaire, très peu émetteur de gaz à effets de serre.
La SNCF estime que la réforme récente du SEQE va rapporter à l’État français quelque 5 milliards d’euros supplémentaires par an à partir de 2028. Le fameux milliard annuel à trouver pourrait donc venir de là.
Deuxième possibilité : profiter de la fin à venir des concessions autoroutières pour « repenser le modèle actuel de gestion et de financement du réseau concédé ». L’idée de la SNCF est de flécher, lors du prochain renouvellement des concessions autoroutières, une partie des recettes de péage vers les investissements dans le ferroviaire. Par ailleurs, elle propose d’instaurer une nouvelle redevance touchant le fret par poids lourds, qui pourrait là encore être fléchée vers la régénération du réseau ferroviaire.
Enfin, le groupe suggère une troisième piste : l’intégration du ferroviaire dans le dispositif des CEE (certificats d’économie d’énergie). Le secteur ferroviaire ne fait en effet pas partie des secteurs historiquement bénéficiaires de ce dispositif qui oblige les fournisseurs d’énergie et vendeurs de carburants à financer des économies d’énergie réalisées par des tiers. La SNCF souhaite donc être intégrée au dispositif et pouvoir signer des conventions avec les entreprises « obligées ». En augmentant les objectifs d’économies d’énergie fixés par le gouvernement pour la 6e période des CEE (2026-2030), des recettes supplémentaires substantielles pourraient être touchées, ce qui permettrait d’intégrer le ferroviaire au dispositif sans diminuer la part qui revient aux autres secteurs bénéficiaires.
Ces propositions, intéressantes, sont maintenant sur la table. Elles seront discutées lors des réunions de la conférence Ambition France transports, lancée par le gouvernement le 5 mai dernier, et notamment dans l’atelier n° 3, consacré aux « infrastructures et services ferroviaires de voyageurs ». Cette conférence va se dérouler sur dix semaines, et se conclura mi-juillet par la remise au gouvernement d’un rapport synthétisant les propositions faites dans les différents ateliers.
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Journal Officiel du mercredi 14 mai 2025
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
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