| Édition du mardi 6 mai 2025 |
Ecole
Carte scolaire : l'État s'engage Ă associer les maires en amont de toute Ă©volutionÂ
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Un protocole d'accord a été signé, le 8 avril, entre l'AMF, le ministère de l'Éducation nationale et le ministère des Sports, portant notamment sur les modalités d'établissement de la carte scolaire. Objectif : promouvoir une meilleure coopération entre les services académiques et les maires.
Les fermetures de classe, d’écoles et plus généralement la carte scolaire sont un motif récurrent de tension entre les maires et les directions académiques, les premiers n’étant trop souvent ni associés ni mêmes consultés lors des décisions prises par les secondes.
Les choses pourraient changer avec la signature d’un protocole d’accord, en avril, conclu entre les ministres de l’Éducation nationale et du Sport, Élisabeth Borne et Marie Barsacq, et le président de l’AMF, David Lisnard. Ce protocole « s’inscrit dans une volonté commune d’établir un cadre de coopération et une relation de confiance » entre ces différents acteurs, face aux « défis » nouveaux de la période, allant de la baisse de la démographie scolaire au « climat scolaire » parfois tendu, en passant par la transition écologique ou la « continuité éducative ».
Ce protocole sera présenté, aujourd'hui, aux membres de la commission éducation de l'AMF.
Concertation sur la carte scolaire
Le premier point de l’accord concerne la carte scolaire : le ministère et l’AMF sont tombés d’accord sur « l’importance de garantir un maillage scolaire sur l’ensemble du territoire » et surtout de « mieux anticiper les ouvertures ou les fermetures de classes » en « associant étroitement » les maires aux réflexions en amont.
Le protocole fixe les modalités de cette « concertation avec les maires » : « Le travail de préparation de la carte scolaire s'appuie sur des échanges continus avec les élus locaux et se fait sur la base d'une appréciation fine et objective de la situation de chaque école et de son inscription dans un bassin de vie ». Par ailleurs, les parties ont convenu que les services de l’Éducation nationale « partagent avec les maires une projection à trois ans sur l’évolution des effectifs scolaires ». Ces prévisions devront être « vérifiées à l'occasion de la préparation de chaque rentrée scolaire, à partir des données communiquées par les inspections académiques aux maires dès le mois d'ocotbre de l'année précédente ».
Ces différents points répondent à des revendications de longue date de l’AMF, qui n’a cessé de répéter ces dernières années que les maires sont les meilleurs connaisseurs de leur territoires et les plus à même d’avoir un avis sur ses besoins. Et qu’ils ont besoin de visibilité sur l’avenir.
Le protocole précise que la concertation sur « les mesures d’ajustement de la carte scolaire » visera à rechercher « les solutions les plus adaptées aux caractéristiques locales ». Point essentiel : seront pris en compte « les projets de développement des communes », en particulier la construction de logements, ainsi que « les incidences de la fermeture d'une classe ou d'une école pour les élèves, notamment en ce qui concerne le temps de transport ».
École inclusive, activités périscolaires
Au-delà de la carte scolaire, le protocole prévoit également une « concertation préalable » avec les maires sur les sujets liés à l’école inclusive, « afin de s’assurer des modalités de mise en œuvre opérationnelle ». Les maires sont « associés aux pôles d’appui à la scolarité » qui sont appelés à remplacer les Pial (pôles inclusifs d’accompagnement localisés). Autre point important : le protocole réaffirme que sur le sujet de la présence d’AESH pendant la pause méridienne, « le cadre est posé par la loi Vial du 27 mai 2024 » – loi qui impose à l’Éducation nationale de prendre en charge le paiement des AESH pendant le temps méridien à l’école. On sait que cette loi tarde à être mise en œuvre par les services de l’Éducation nationale dans de nombreuses communes.
Le protocole dispose également que toutes les mesures liées aux « dispositifs de coopération entre les services de l’Éducation nationale et les collectivités territoriales », comme les territoires éducatifs ruraux ou les cités éducatives, seront « discutées préalablement avec l’AMF ».
Le ministère s’engage aussi à accompagner les communes dans l’organisation des activités périscolaires, en lien avec la Cnaf notamment, « pour permettre le développement de ces activités et une attractivité des métiers de l’animation ».
Le protocole comprend d’autres engagements intéressants sur le bâti scolaire (l’État s’engage à « renseigner les élus » sur les financements disponibles) ou sur le numérique éducatif (l’État accompagnera financièrement l’expérimentation Territoires numériques éducatifs).
Climat scolaire et sport
Enfin, les signataires du protocole ont convenu de mieux coopérer et coordonner leurs actions en matière de « climat scolaire », sujet qui requiert « une culture commune entre tous les acteurs concernés », dont les maires. Il est notamment prévu, pour aller dans ce sens, de développer des « formations communes » entre les agents de l’Éducation nationale et celle des communes et EPCI.
Un « dialogue étroit » entre les directeurs d’école et les maires est encouragé au sujet de la mise en place de mesures disciplinaires pour les enfants perturbateurs.
Enfin, les deux ministères et l’AMF vont travailler « de manière concertée » sur la question de l’ouverture des équipements sportifs scolaires aux clubs sportifs locaux, ouverture qui est considérée comme « un levier majeur pour permettre au plus grand nombre d’accéder à une pratique sportive encadrée ».
L’application de toutes ces décisions, qui semblent répondre de façon très positive à des demandes récurrentes de l’AMF, sera suivie par un « comité de pilotage » commun entre les ministères et l’association. Il se réunira une fois par an, notamment pour « identifier les actions à mener pour lever les éventuels freins » à la mise en œuvre des mesures du protocole.
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Transports
L'État lance les travaux de la conférence nationale dédiée au financement des infrastructures de transport
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Les rĂ©flexions des quatre groupes de travail installĂ©s par le gouvernement devraient aboutir en juillet. L'AMF dĂ©plore la non-prise en compte des routes gĂ©rĂ©es par les communes et leurs groupements, qui reprĂ©sentent 65 % du rĂ©seau.Â
[Article initialement publié sur le site Maires de France]
Le gouvernement a lancé, le 5 mai, à Marseille, les travaux d’« Ambition France Transports », la conférence nationale destinée à « construire l’avenir des transports » mais surtout à trouver des pistes de financement pour l’entretien et le développement des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales. L’État veut en effet relever trois défis : régénérer et moderniser les réseaux, augmenter l’offre de transports et « accélérer la transition écologique des mobilités ». La conférence doit permettre de « repenser la manière dont nous finançons, collectivement, les mobilités », souligne le gouvernement dans le dossier de presse diffusé le 5 mai.
Présidée par Dominique Bussereau (lui-même ancien ministre des Transports), la conférence nationale réunit l’État, les collectivités locales (à travers les associations nationales d’élus), les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), les fédérations professionnelles et les représentants des usagers. Ses travaux seront nourris par quatre ateliers thématiques (entre 11 et 16 membres avec deux co-pilotes) : « Modèle économique des AOM et des services express régionaux métropolitain (SERM) » ; « Financement des infrastructures routières » ; « Infrastructures et services ferroviaires de voyageurs » ; « Report modal et transport de marchandises ».
Une journée de clôture à la mi-juillet
Ces ateliers se verront remettre chacun un « livret de diagnostic » établi par un « groupe de travail interministériel » composé « de plus de 30 experts de l’État ». Ils se réuniront à Paris « entre mai et début juillet et procèderont à des auditions d’acteurs » (le dossier de presse indique que les premières réunions débuteront les 13 et 15 mai, puis les 10 et 12 juin). « Trois journées ciblées sur les attentes de la société civile [20 mai], les nouveaux financements [26 mai] et l’innovation » [23 juin] viendront « éclairer et enrichir les travaux de la conférence ».
Début juillet, une « réunion de convergence » permettra « de mettre en cohérence les conclusions des quatre ateliers ». À la mi-juillet, un « rapport général » sera remis au gouvernement qui devrait annoncer ses arbitrages lors d’une journée de clôture de la conférence. Pour mémoire, c’est aussi à la mi-juillet que le Premier ministre doit faire connaître ses arbitrages budgétaires dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026.
L’AMF veut une remise à plat du financement
L’AMF participera aux travaux de la conférence mais, curieusement, le gouvernement ne l’associe que dans l’atelier de travail numéro 1 consacré au « Modèle économique des AOM et des services express régionaux métropolitain (SERM) ». L’association ne figure pas notamment dans l’atelier numéro 2 qui traite du financement des infrastructures routières à laquelle Départements de France et Régions de France participeront.
Interrogé par Maires de France au sortir de la séance d’installation de la conférence, Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (Loiret) et coprésident de la commission « transports, mobilité, voirie » de l’AMF (avec Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux dans l’Isère), confirme que l’association « veut participer aux travaux de cet atelier sur le financement », dont elle a demandé, le 22 avril, une remise à plat . Plus globalement, souligne l’élu, « l’AMF considère que le gouvernement commet une erreur essentielle en concentrant les travaux de la conférence sur le financement des routes nationales et des autoroutes, qui ne représentent que 2 % du réseau, et en oubliant 65,5 % du réseau routier composé des routes gérées par les communes et leurs intercommunalités ». Frédéric Cuillerier rappelle que « cela représente 717 000 kilomètres de voiries et 120 000 ponts dont la responsabilité incombe aux maires et aux président d’EPCI, un réseau essentiel dans les zones peu denses mais aussi pour le développement des SERM ». Pour l’élu, « si nos routes continuent de se dégrader, nous serons confrontés à une explosion de la dette grise. Or, les petites communes n’ont plus les moyens de financer leur entretien alors que l’État, lui, perçoit 90 % des produits et recettes de la route pour financer 1% du réseau. Il faut trouver une solution pour désenclaver les zones rurales et garantir l’égalité territoriale ».
Dans un communiqué publié à l’issue de la conférence nationale, l’AMF indique qu’elle « sera particulièrement vigilante » à ce que « les enjeux liés à l’accessibilité des espaces ruraux soient bien à l’ordre du jour des travaux à venir ». Elle appelle le gouvernement « à sortir d’une approche centralisée et technocratique du transport » et réclame « une véritable politique de financement des infrastructures locales, la réouverture de l’accès à la compétence mobilité pour les EPCI volontaires, et une pleine association des élus communaux et intercommunaux aux grandes décisions, notamment sur les SERM et l’avenir des concessions autoroutières ».
Signalons enfin que le 3 mai, Sylvain Laval, co-président de la commission transports de l’AMF, a été nommé au Conseil d’orientation des infrastructures (COI), ce que l’association réclamait de longue date.
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Santé publique
Au Sénat, un nouveau pas vers un élargissement des compétences des infirmiers
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Le SĂ©nat a adoptĂ© hier, après l'AssemblĂ©e nationale, la proposition de loi sur la profession d'infirmier, qui donne, pour la première fois, une dĂ©finition lĂ©gislative de ce mĂ©tier. Le texte, après son adoption dĂ©finitive, permettra aux infirmiers de jouer un rĂ´le nouveau dans le parcours de soin : sans se substituer aux mĂ©decins, ils pourront diagnostiquer et prescrire.Â
C’est à l’unanimité que les sénateurs ont adopté, hier en fin de soirée, la proposition de loi sur la profession d’infirmier déjà adoptée par les députés le 11 mars.
Ce texte, très attendu tant par la profession que par les élus locaux – l’AMF le soutient pleinement – vise à inscrire dans la loi une définition du métier d’infirmier, ce qui n’existait pas jusque-là, et à donner à ces soignants de nouvelles missions dans le cadre de la lutte contre la désertification médicale.
Six missions et de nouvelles compétences
La principale innovation de cette proposition de loi, comme l’a souligné hier le ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick Neuder, est de « concrétiser les notions de consultation et de prescription infirmière ». Si le ministre a clairement indiqué que « le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical », il est clair que donner la possibilité aux infirmiers de procéder à des consultations, d’établir un diagnostic et de prescrire certains médicaments est une façon de pallier la carence de médecins dans certains territoires. Ces dispositions viennent compléter les évolutions récentes sur la pratique dite « avancée », qui permet déjà aux infirmiers d’exercer certaines compétences jusque-là dévolues aux seuls médecins, comme le renouvellement d’ordonnances par exemple.
L’article 1 du texte définit la profession d’infirmier : celui-ci « initie, réalise, organise et évalue les soins infirmiers. Il effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier. Il prescrit les produits de santé et les examens complémentaires nécessaires à l’exercice de sa profession. » Le texte prévoit que la liste des produits et examens que les infirmiers pourront prescrire sera déterminée par arrêté ministériel. Les « domaines d’activité et de compétences » précis des infirmiers seront, eux, définis par décret en Conseil d’État.
La proposition de loi fixe six missions aux infirmiers, dont la première est de « dispenser des soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique ». Il doit aussi « contribuer à l’orientation » des patients et à « la mise en œuvre de (leur) parcours de santé » ; participer aux soins de premier recours, participer à la prévention, aux actions de dépistage, à « l’éducation thérapeutique » ; concourir à la formation des étudiants placés sous leur responsabilité ; et enfin « mobiliser les données probantes dans la pratique professionnelle et concourir à la recherche ».
Sur la pratique avancée, la proposition de loi va encore plus loin, puisqu’elle autorise une expérimentation de trois ans lors de laquelle « l’État peut autoriser les infirmiers à prendre en charge directement les patients pour des actes ne relevant pas de leur rôle propre », dans les structures d’exercice coordonné. Les conditions précises de cette expérimentation seront précisées par décret. Cette disposition, contrairement à beaucoup d’autres dans ce texte, n’a pas fait l’unanimité, certains sénateurs estimant qu’il s’agit d’un « transfert de compétences », qui placerait de surcroît les infirmiers dans une situation « d’insécurité juridique ». Ils n’ont pas été entendu et le Sénat a adopté le principe de cette expérimentation.
Spécialités
Autre apport important de ce texte : la consécration de la santé scolaire au rang de « spécialité infirmière autonome ». Il existe déjà un certain nombre de spécialités infirmières (bloc, anesthésie, puériculture, pratique avancée…) ; les infirmiers « du corps de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur » en constitueraient désormais une nouvelle, qui pourra « être sanctionnée par un diplôme de niveau 7 ».
Cette disposition, ajoutée par amendement au Sénat, n’a pas été soutenue par le ministre, qui estime qu’elle pourrait être contre-productive : « Si l'on restreint l'exercice en milieu scolaire aux infirmiers spécialisés, on se prive d'un vivier », a souligné Yannick Neuder, qui préfère « laisser un maximum de professionnels de santé embrasser une carrière dans l’Éducation nationale ».
Les sénateurs ont en revanche rejeté un amendement proposant de recréer une spécialité d’infirmier en psychiatrie – supprimée à la fin des années 1990.
Nouvelles conventions
Le texte a donc été adopté à l’unanimité, malgré ces quelques désaccords. Étant différent du texte adopté par les députés, il nécessitera la réunion d’une commission mixte paritaire. Une fois qu’il sera définitivement adopté viendra la seconde étape – qui sera peut-être la plus difficile : la négociation des conventions. En effet, l’exercice de missions supplémentaires par les infirmiers devra nécessairement s’accompagner d’une « reconnaissance financière », comme l’a expliqué le ministre chargé de la Santé hier. Yannick Neuder s’est engagé devant les sénateurs à envoyer une « lettre de cadrage » à la Cnam dans les prochains jours, « pour engager des discussions conventionnelles ». Les premières réunions sur ce sujet se tiendront « avant l’été », promet le ministre, « et se poursuivront à l’automne avant le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ».
La présidente du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, Sylvaine Mazière Tauran, participera cet après-midi à la commission santé de l’AMF pour échanger avec les élus sur cette nouvelle loi.
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Territoires
Malgré des « efforts », l'ANCT reste « difficilement accessible » aux élus des petites communes
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Dans un nouveau bilan sur l'action de l'Agence nationale de cohésion des territoires, la délégation aux collectivités du Sénat estime que « l'offre de l'agence bénéficie toujours à un nombre réduit de collectivités », bien que celle-ci ait amélioré son offre d'ingénierie.
Du mieux mais encore des marges de progression non négligeables. Un an et demi après la publication d’un premier bilan très critique sur l'action de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), l’établissement qui fête ses cinq ans a déjà tenté de redresser la barre, selon les conclusions d'un nouveau rapport.
C’est ce que constate la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales du Sénat, à l’origine du premier travail sur le sujet. Selon elle, la moitié de ses recommandations ont ainsi été « suivies d'effets », mais « l'autre moitié a connu un sort plus varié ».
Bilan négatif en 2023
Des conclusions – tout juste publiées – qui datent, toutefois, déjà un peu puisqu’elles ont été rendues en novembre dernier.
Pour rappel, dans son premier bilan, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat demandait d’améliorer sérieusement une agence « mal connue » et « mal comprise » par les élus. Un comble pour un organisme censé « faciliter l'accès des collectivités locales aux ressources nécessaires pour concrétiser leurs projets », comme il l’explique sur son site internet.
L'agence était ainsi majoritairement perçue comme « inadaptée », « inefficace » et « bureaucratique ». Les résultats de l’enquête menée en 2023 par les sénateurs Charles Guené et Céline Brulin auprès des élus et de leurs associations n’étaient donc franchement pas rassurants pour l’agence.
Plus de la moitié des élus avouaient ne même pas connaître l’ANCT, les trois quarts n’y ayant jamais fait appel. Les élus auditionnés avaient ainsi été « majoritairement critiques sur l’action de l’ANCT », celle-ci « ignor[ant] les dynamiques locales », manquant de dialogue et restant éloignée de la promesse de simplification dans les démarches. Les élus assuraient avoir « le sentiment de complexité, de lourdeur et de bureaucratie » sur toutes les missions de l’agence.
Un nombre réduit de collectivités bénéficiaires
« Dix-huit mois plus tard [en novembre dernier donc, date du dépôt du rapport], si des progrès ont été constatés en matière de rapprochement de l’agence avec les élus locaux ainsi que de remobilisation des préfets, l’offre de l’agence bénéficie toujours à un nombre réduit de collectivités et peine à atteindre les élus des communes de petite taille », constatent les deux rapporteures, Sonia de La Provôté et Céline Brulin, de ce nouveau bilan.
Celles-ci déplorent, en effet, le fait que « les dispositifs de l’agence se concentrent sur un nombre réduit de collectivités ». « À titre d’exemple, le programme Action cœur de ville (ACV) concerne 244 villes-moyennes, le programme Petites villes de demain (PVD) concerne 1 644 territoires regroupant des communes de moins de 20 000 habitants, et 2 458 communes sont labélisées villages d’avenir (VA). Il en est de même avec les prestations d’ingénierie sur mesure », détaillent-elles avant de conclure que « le nombre de collectivités soutenues reste modeste, en rapport avec le budget de l’agence qui représente environ 200 millions d’euros » et le nombre de communes et d’EPCI français.
Reste que l’agence a pris plusieurs initiatives afin de se rapprocher des élus, telles qu’une « présence systématique aux congrès des associations nationales d’élus et à certains congrès départementaux », de multiples déplacements de sa direction dans toute la France, mais aussi l’organisation de « nombreux forums locaux d’ingénierie » ainsi que des deux premières éditions de « l’ANCTour ».
Cet événement conçu pour « faire découvrir les solutions concrètes que propose l’ANCT » aux collectivités, élus, associations ou encore aux porteurs de projets locaux fera d’ailleurs halte, cette année, le 3 juin, à Dijon, ville du ministre de l’Aménagement des territoires, François Rebsamen.
Ingénierie locale : des progrès à consolider
Pour ce qui est de la remobilisation des préfets en tant que délégués territoriaux de l’agence (autre point critiqué en 2023), les sénatrices constatent qu’une circulaire interministérielle leur a été adressée depuis et que le nombre de chargés de mission territoriaux a été doublé, conformément aux recommandations de la délégation.
Si les rapporteures s’en félicitent, elles estiment néanmoins qu’il « n’est pas normal » que l’inventaire de l’ingénierie – l’une des missions premières de l’agence – « ne soit pas encore achevé dans tous les départements ». Elles constatent, en outre, que, bien que minoritaires, « certains préfets ne se sont toujours pas appropriés leur rôle de délégué territorial, n’ont pas communiqué d’information particulière sur l’agence, voire n’ont pas réellement mis en place d’instance de dialogue avec l’ingénierie locale ».
Alors que la circulaire demande notamment aux préfets de mettre en place un guichet unique local d’ingénierie, Sonia de La Provôté et Céline Brulin « s’interrogent sur la pertinence de cette mesure dans les départements où les circuits fonctionnent ». « Centraliser les demandes et donner aux services de l’État le rôle d’"aiguilleurs" ne semble pas forcément une solution optimale et risque même de perturber des fonctionnements établis », pointent-elles.
Et si, de manière générale, l’agence a amélioré son offre d’ingénierie, les sénatrices considèrent qu’elle « contribue très peu à renforcer les acteurs de l’ingénierie locale ». Les montages permettant le soutien direct à des structures locales sont ainsi « encore trop rares », selon les rapporteures alors même que « l’accès au marché d’ingénierie nationale de l’ANCT reste difficile pour les petites structures, sauf à se constituer en groupements ». Plus de la moitié des prestataires retenus par l’agence avaient notamment leur siège social en Île-de-France.
La recherche d’une meilleure cohérence dans l’action des opérateurs publics reste, en outre, « partielle ». Déplorant le caractère parfois confus des interventions des différentes agences de l’État en matière d’ingénierie, le rapport fait remarquer que « jusqu’à cinq opérateurs sont compétents sur un même sujet ». De quoi y voir « un signe inquiétant de dispersion de compétences, voire de doublons et peut être même de concurrence ».
Bien que l’évolution des contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE) – qui permettent d’identifier les projets locaux nécessitant un accompagnement financier et en ingénierie – aille « dans le sens préconisé par la délégation, la mise en cohérence de l’action des opérateurs de l’État reste perfectible », selon les rapporteures qui mettent en avant un autre « point de vigilance très fort » : « la pérennisation des crédits de l’agence face au contexte budgétaire contraint ».
Á noter que Sonia de La Provôté et Céline Brulin plaident pour une pause dans le développement des missions de l’agence pour lui laisser le temps de s’adapter et de conforter ses missions actuelles.
Consulter le rapport.
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Santé publique
Santé : la Défenseure des droits dénonce des discriminations graves dans les parcours de soins
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La Défenseure des droits vient de publier un rapport inquiétant sur les discriminations constatées en France dans l'accès aux soins et dans la prise en charge des patients. Une stratégie nationale de prévention apparaît nécessaire pour prendre en compte certaines situations intolérables.
Des départements sous-dotés en ressources et équipements sanitaires, une pénurie de personnel soignant qui va croissant, des conditions de travail dégradées pour les professionnels de santé, une augmentation des actes de violences contre les médecins, une réduction du temps médical à consacrer aux patients… Dans son dernier rapport, la Défenseure des droits estime que tous ces « dysfonctionnements » du système de santé actuel « érodent les conditions de réalisation d’une égalité réelle dans l’accès aux soins et sont susceptibles d’alimenter des pratiques discriminatoires ».
La publication de ce rapport intitulé Prévenir les discriminations dans les parcours de soins : un enjeu d’égalité met en lumière « les actes susceptibles de constituer des discriminations afin de permettre aux acteurs de mieux les identifier et de proposer des leviers d’action à la hauteur de ces enjeux ». Cet état des lieux s’appuie sur plus de 1 500 témoignages de patients et de personnels soignants.
Inégalités de traitement
Avant même la prise en charge des personnes, l’entrée dans un parcours de soin est « une première étape semée d’embûches » pour certaines personnes. Selon les témoignages rapportés au Défenseur des droits, les soins en urgence sont « un terreau favorable pour l’expression des discriminations et le renforcement des inégalités d’accès aux soins. » Ainsi, il apparaît que les jeunes femmes d’origine étrangère subissent régulièrement « une sous-évaluation, par les services d’urgence, de la douleur et de la gravité des symptômes ».
Plus généralement, les personnes « perçues comme non blanches » sont moins bien prises en charge aux urgences. La Défenseure des droits fait le lien avec un préjugé raciste nommé le « syndrome méditerranéen » et qui consisterait à dire que les personnes « d’origine nord-africaine ou noires exagèrent leurs symptômes ou douleurs ».
Enfin, « plusieurs refus discriminatoires de prise en charge aux urgences, motivés par la particulière vulnérabilité économique et/ou l’état de santé du patient, ont également été rapportés au Défenseur des droits ». Ce sont d’ailleurs souvent ces personnes précaires qui se voient également refuser l’accès à un rendez-vous médical. Par exemple, un secrétariat médical a précisé à une patiente que « la prise de rendez-vous était conditionnée à "des critères", expliquant que les patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaires (CSS) n’étaient pas reçus et ce, "car [le docteur] ne veut pas avancer les frais" ».
En dehors du flux tendu des urgences, d’autres abus ont été observés par la Défenseure des droits dans la prise en charge de certains patients. Pendant la prise en charge médicale, le droit au respect à la vie privée, à l’information et au consentement se retrouvent parfois bafoués notamment pour des jeunes femmes en consultation gynécologique ou des mineurs hospitalisé en service de psychiatrie. Le rapport relève également des cas de harcèlement discriminatoire caractérisé par des propos. Selon un témoignage, un médecin généraliste a sermonné une femme enceinte en tenant des propos racistes « sur la "folie" des personnes d’origine africaine de faire "autant d’enfants" ». Le Défenseur des droits a également été alerté, par le biais de ses saisines et des témoignages recueillis, d’actes de maltraitance commis sur des personnes dont l’état de santé est altéré, en perte d’autonomie, ou en situation de handicap.
La Défenseure des droits précise que le phénomène mis en exergue dans le rapport est largement sous-estimé et que, selon certaines études et travaux, « l’ampleur de ces discriminations dépasse largement le nombre de plaintes et de réclamations reçues par le Défenseur des droits, les ordres professionnels et l’assurance maladie. »
Des « collectivités locales volontaristes »
Claire Hédon souligne l’existence « d’initiatives en faveur de l’égalité dans l’accès aux soins et dans la prise en charge des patients sont prises à travers le territoire, principalement à l’échelon local » qui « sont souvent le fait de professionnels de santé, d’associations, d’établissements de santé ou même d’instances académiques ou de collectivités locales volontaristes. » Par exemple, certaines collectivités ont mis en place des centres de soins gratuits et inconditionnels pour faciliter l’accès aux personnes en situation de vulnérabilité économique et/ou vivant en habitat précaire en maintenant des plages de consultation en soins de ville sans rendez-vous. Ce type d’initiative permet de répondre également à une autre recommandation émise par la Défenseure des droits qui est d’adapter « le système de santé aux besoins des patients » en développant des dispositifs « d’aller vers ».
Cependant, « face à l’insuffisance des politiques publiques en la matière, la Défenseure des droits recommande, à titre principal, d’élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les discriminations dans les soins, transversale à tous les critères avec notamment la création d’un Observatoire national des discriminations pour développer et valoriser la production scientifique sur les discriminations dans l’ensemble des domaines ».
Au-delà de la publication de ce rapport et de ses résultats inquiétants, la Défenseure des droits estime qu’il faut mesurer « les discriminations existantes » et développer « la formation des professionnels de santé à la lutte contre les stéréotypes et la prévention des discriminations en matière d’accueil et de soins ».
Consulter le rapport.
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Journal Officiel du mardi 6 mai 2025
Ministère de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
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