| Édition du lundi 17 février 2025 |
Ecole
Carte scolaire : l'AMF réclame une méthode respectueuse des réalités des territoires
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C'est la douche froide dans de nombreux territoires, au fur et à mesure que les directions académiques dévoilent les conditions de la prochaine rentrée scolaire 2025. Ce qui provoque de vives réactions dans les communes, notamment rurales. L'AMF interpelle le gouvernement.Â
Dans un communiqué publié jeudi 13 février, l’AMF dénonce les « décisions brutales » de fermetures « de classes et d’écoles » prises par les directions académiques ces dernières semaines.
« Fragilisation de l'école publique »
Ces annonces sont d’autant plus mal vécues que « le renoncement à la suppression de près de 4 000 postes d’enseignants pouvait laisser espérer des conditions plus propices pour la rentrée prochaine ». Or « le nombre de fermetures de classes ou d’écoles s’avère sur le terrain plus élevé qu’attendu et confirme les craintes des maires d’une fragilisation de l’école publique notamment dans la ruralité », explique l’association.
La méthode est particulièrement critiquée, et notamment « l’absence de concertation préalable ». Les observatoires des dynamiques rurales mis en place dans les départements « représentent davantage un alibi qu’un réel outil de concertation » fustige l’association.
Lors d’une réunion conjointe des commissions Éducation et Territoires ruraux de l’AMF, jeudi 6 février, tous les maires avaient témoigné d’une même incompréhension face aux arbitrages que les uns et les autres venaient d’apprendre – ou redoutaient. Une élue de l’Allier y témoignait de sa colère et son désarroi, confrontée une nouvelle fois à des pressions insoutenables et des décisions arbitraires, malgré les promesses d’organiser les rentrées sur trois années. Les observatoires des dynamiques rurales « n’observent pas grand-chose et sans doute pas de dynamique, car c’est bien l’inverse que l’on constate », s’emportait un maire de la Haute-Marne. « On observe une baisse des effectifs, qui certes est réelle, mais il faudra un jour cesser de compter les gamins et voir quel service de l’école on assure ! ». En Charente-Maritime, une élue était encore sonnée de l’annonce inattendue de la réduction de postes, malgré des effectifs constants. « De l’intimidation ! », réagit l’élue, prévenant : « on ne cédera pas ».
Autant d’échos qui ne cessent de se confirmer dans les territoires, provoquant de vives réactions dans la Creuse, le Cantal, la Vienne, en Charente, etc., où les mobilisations s’organisent.
Réactions
Dans le Cantal, vendredi 14 février, pour marquer leur « colère », les membres du CDEN (organisations syndicales, associations de parents d’élèves, et l’association départementale des maires) ont boycotté la réunion prévue. À la place, ils ont pris la parole pour dénoncer dans un texte unitaire le « rythme effréné » des réductions de postes depuis plusieurs années, et qui « conduit notre école publique dans une impasse ».
En septembre 2025, le rectorat prévoit de supprimer 11 postes, qui s’ajoutent aux 13 de 2024 et 12 de 2023. « Poursuivre sur cette pente dangereuse conduirait, à l'horizon 2050, à fermer 310 postes de professeurs des écoles sur les 680 que compte actuellement le département », expliquent-ils. Agitant la menace de la « désertification scolaire à court et moyen termes » dans certains « pans entiers » du département si la logique reste la même. Un risque est « réel » et « imminent », insistent les signataires.
Dans le Cantal, les maires défendent une protection des territoires les plus fragiles (isolés, faiblement peuplés). Ou encore une « charte de l’école rurale et de Montagne ». Dans la Vienne, l’Association des maires et présidents d'intercommunalité appelle à la tenue « d'états généraux de l'Éducation nationale ».
Dans la Creuse, à Lussat, c’est même tout le conseil municipal qui a démissionné, jeudi 13 février, pour protester contre l’annonce de la fermeture de la classe unique à la prochaine rentrée. Les 10 élus ont pris cette décision à l’unanimité, rapporte La Montagne. « Il y a soi-disant eu un courrier (du Dasen), raconte le maire, Daniel Malleret, mais nous ne l’avons pas reçu. Si l’on n’a plus d’école dans notre commune, que nous reste-t-il à faire ? Je ne veux pas devenir gestionnaire d’un grand Ehpad ! »
Dans son communiqué de jeudi, l’AMF lance un appel solennel à la ministre de l’Éducation nationale, en lui réitérant « sa proposition d’un accord-cadre national, décliné à l’échelle départementale et locale, visant à poser une méthode de collaboration constructive avec les maires et permettant de sortir d’une logique de carte scolaire déconnectée des réalités du terrain et basée uniquement sur des ratios ».
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Mayotte
Mayotte : une « solidarité nationale » plus que modeste
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Une circulaire mise en ligne le 13 février par le gouvernement détaille les aides d'urgence aux particuliers, particulièrement modestes, qui sont mis en Å“uvre à Mayotte après les dévastations causées par le cyclone Chido. Les aides aux collectivités seront détaillées dans un deuxième temps.Â
Deux mois après le passage de Chido à Mayotte, le gouvernement donne dans une circulaire le détail de l’usage des trois fonds d’urgence mobilisés pour venir en aide aux particuliers et aux agriculteurs : le fonds de secours pour les outre-mer (Fsom), le régime d’aide exceptionnelle en faveur des exploitations agricoles de Mayotte et le fonds d’aide au relogement d’urgence (Faru).
Expression de « la solidarité nationale envers les sinistrés », ces fonds sont destinés à aider en particulier les habitants « les plus modestes ». Mais cette solidarité nationale, c’est le moins que l’on puisse dire, est fort modeste.
Indemnisation réservée aux personnes en situation régulière
Premier fonds mobilisé : le Fsom, alimenté par le programme budgétaire 123 (Conditions de vie outre-mer). Ce fonds permet d’indemniser aussi bien les particuliers que les entreprises et les collectivités territoriales pour les dégâts causés par des catastrophes naturelles, mais le gouvernement précise que la circulaire publiée le 13 février ne concerne pas les collectivités : leur aide sera alimentée par « d’autres outils budgétaires » qui seront déterminés « par ailleurs ».
La publication de cette circulaire donne le point de départ du déblocage de ces crédits, qui iront aux particuliers, et aux « petites entreprises à caractère artisanal ou familial ». Mais l’instruction des dossiers sera longue et les bénéficiaires ne sont pas près de recevoir les aides : la circulaire décrit en effet une instruction pouvant durer jusqu’à 6 mois, avec un certain nombre d’allers et retours entre Mayotte et la métropole, puisque les dossiers seront traités centralement par un « comité interministériel du fonds de secours » (CIFS), qui décidera en dernière analyse « de l’attribution définitive de l’aide financière par dossier présenté ».
Une fois l’avis du CIFS connu, le préfet de Mayotte arrêtera la liste des bénéficiaires, et les aides seront versées « par virement bancaire ». Ce qui, naturellement, pose question dans une île où de très nombreux habitants très démunis ne possèdent pas de compte en banque. La circulaire précise tout de même qu’à « titre exceptionnel », les versements pourront être effectués en espèces. Pour percevoir l’aide, il faut fournir une pièce d’identité, une photocopie de la carte Vitale ainsi qu’un titre de propriété pour les aides concernant les biens immobiliers. Les victimes sans papiers seront exclues de cette aide, comme on peut le lire en page 7 de la circulaire : les personnes éligibles sont « les particuliers résidant à Mayotte de manière régulière ».
Immobilier : une aumône
Afin de cibler ces aides sur les personnes les plus modestes, un plafond de ressources a été fixé à 1 430 euros mensuels, soit un tout petit plus que le smic. Ces fonds visent prioritairement à aider les personnes qui ne sont pas assurées.
Deux types de bien sont concernés : les biens mobiliers « de première nécessité » (ameublement, électroménager) ; et les biens immobiliers non assurés, hors des annexes (clôtures, garages, ateliers…). Il est, là encore, clairement indiqué que l’aide ne pourra être versée pour « les biens immobiliers construits sans autorisation » ou construits en zone non constructible. Les « habitations temporaires, précaires ou assimilées », type « mobile-home », ne sont pas non plus concernées.
Quant au montant des aides, il est tellement modeste qu’il s’apparente à une aumône. Pour les biens mobiliers, il s’élève à 700 euros pour les personnes ayant perdu « plus de trois biens de première nécessité ». Et surtout, pour les biens immobiliers, il est plafonné à 1 000 euros si le bien a été endommagé et 1 800 euros si le bien a été détruit. Rappelons que le Premier ministre, François Bayrou, avait lui-même estimé peu après le cyclone que la réfection d’un toit se chiffrait entre « 60 000 et 80 000 euros ». Même si ces chiffres apparaissaient anormalement élevés, on reste tout de même très loin du compte avec 1 000 euros d’aide.
Rappelons également que le gouvernement a promis que des prêts à taux zéro seraient institués pour les particuliers, jusqu’à 50 000 euros, pour réparer les biens immobiliers. Les maires de l’île avaient alors fait part de leurs doutes sur cette solution – beaucoup d’habitants de l’île étant trop pauvres pour pouvoir espérer un prêt – et demandé qu’un fonds d’urgence soit plutôt débloqué. C’est le cas, mais les montants débloqués, en particulier sur l’immobilier, vont le rendre peu opérant.
Aides aux entreprises et aux agriculteurs
L’État ne se montrera pas beaucoup plus généreux avec les TPE et les artisans. D’abord, les conditions d’attribution sont drastiques : seuls pourront être indemnisés les entreprises (de moins de 20 salariés) non assurées, à jour de leurs déclarations fiscales, n’ayant pas de dette fiscale supérieure à 5 000 euros. Les stocks et matières premières détruits par le cyclone ne seront pas indemnisés par ce fonds, pas plus que les pertes de production de poissons pour les pêcheurs ni leurs navires.
Les demandeurs devront fournir une estimation de la valeur des biens à indemniser, sur laquelle les services instructeurs appliqueront un taux d’abattement de 5 à 80 % en fonction de l’obsolescence des biens. L’aide versée sera de 30 % de ce qui reste.
Pour les agriculteurs, seront indemnisés les pertes sur les plantes, les pépinières, les ouvrages tels que fossés, ponts et clôtures, mais pas sur les équipements ou les bâtiments agricoles. Là encore, un taux de 30 à 35 % d’aide sera versé après abattement calculé par les services instructeurs.
Il est à noter qu’une seconde aide pourra être accordée aux agriculteurs, cette fois sur le « régime d’aide exceptionnel en faveur des exploitations agricoles de Mayotte », qui est une aide européenne. La circulaire fixe le barème de ces aides : 4 500 euros à l’hectare pour l’arboriculture, 7 euros par tête de volaille, 1,40 euro par litre de lait, etc.
Aide au relogement d’urgence
Enfin, la circulaire fixe les conditions de versement du Faru (Fonds d’aide au relogement d’urgence), destiné à « apporter une aide financière aux communes, aux établissements publics locaux, et aux groupements d'intérêt public compétents qui réalisent des dépenses de relogement d'urgence de personnes occupant des locaux qui présentent un danger pour leur santé ou leur sécurité, notamment en cas de catastrophe naturelle ».
Sont éligibles les dépenses notamment des communes qui ont relogé des personnes évacuées d’un logement « dangereux pour leur santé ou leur sécurité », en particulier dans les communes reconnues en état de catastrophe naturelle, ce qui est le cas de toute les communes de Mayotte après Chido. Dans ce cas, le taux de subvention des dépenses de relogement est de 100 %. Le relogement d’urgence est pris en charge pour 6 mois maximum, renouvelables une fois par le préfet.
Un dossier assez complet sur le fonctionnement du Faru est disponible sur le site de l’Agence nationale pour l’information sur le logement.
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Ecole
Financement des AESH pendant la pause méridienne : un décret enfin publié
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Un décret relatif à l'intervention des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sur la pause méridienne a été publié dimanche au Journal officiel. Il vise à régler les problèmes qui subsistent dans de nombreuses communes quant à la mise en application de la loi Vial.
La loi Vial, promulguée en mai 2024, impose à l'État de prendre en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne à compter de la rentrée 2024, alors que jusque-là il revenait aux communes de le faire (depuis une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020). Dès septembre, Maire info alertait sur le fait que dans de nombreux départements l'Éducation nationale n'appliquait pas cette loi et que la charge restait alors aux communes (lire Maire info du 18 septembre).
Depuis la mise en lumière de ces dysfonctionnements, le gouvernement a tardé à apporter des réponses – le contexte politique instable n’arrangeant rien à la situation. Le sénateur Cédric Vial, tout comme l’AMF, n’ont eu de cesse de demander au gouvernement de régler la situation dans les plus brefs délais afin de ne plus faire peser sur les communes une charge administrative et financière qui ne relève plus de leur compétence depuis septembre 2024.
L'ancienne ministre chargée de l'Éducation nationale, Anne Genetet, avait annoncé en fin d’année 2024 la publication d'un décret pour remédier à cette situation. Il vient enfin d’être publié hier au Journal officiel.
Un décret pour simplifier et encadrer
La mise en œuvre de la loi Vial « a été entravée par une complexité administrative excessive introduite par une circulaire d'application rendant la procédure particulièrement complexe et par un manque de moyens financiers affectés (estimation de 10 millions d'euros nécessaires pour le dernier trimestre 2024 et 31 millions nécessaires pour l'année 2025 si la loi était appliquée dans son entièreté) », rappelait le sénateur Cédric Vial à l’occasion d’une question au gouvernement posée il y a quelques jours.
La semaine dernière, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, avait annoncé avoir bel et bien signé ce fameux décret et assurait que le gouvernement avait bien « prévu les financements nécessaires pour assurer la prise en charge des AESH sur la pause méridienne, et que le décret a vocation à simplifier les choses et non à les compliquer. » (lire Maire info de jeudi)
Jusqu’ici, une « circulaire d’application de 8 pages pour une loi de deux lignes » – comme l’a dénoncé à plusieurs reprises son auteur – détaillait la mise en place opérationnelle des modalités prévues dans la loi. Il a été question de la récrire, de l’abroger, de la simplifier… Finalement, le gouvernement estime que la publication d’un décret constitué de deux articles devrait rectifier la situation pour que l'État assume comme prévu « toutes les charges et obligations inhérentes à sa qualité d'employeur. »
À l’article 1er du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des AESH sont ajoutés, via ce nouveau décret, deux alinéas. L’un précise que lorsque les AESH « exercent leurs fonctions sur le temps de la pause méridienne, l'État continue d'assumer toutes les charges et obligations inhérentes à sa qualité d'employeur. » L’autre précise que pendant la pause méridienne, les AESH « se conforment aux consignes du responsable du service de restauration ou des activités périscolaires ayant pour objet la sécurité des élèves et le bon fonctionnement du service. Celles-ci ne peuvent avoir pour objet de les investir d'une autre mission que celle de l'accompagnement des élèves en situation de handicap désignés par les services de l'État. »
Cette précision a son importance. La loi Vial acte le fait que les AESH qui interviendront sur le temps scolaire et sur la pause méridienne n’auront plus qu’un seul employeur : l’Éducation nationale. Ainsi, le gouvernement s’assure que les activités prises en charge par l’État soient strictement encadrées et que, concrètement, « le responsable du service de restauration ou des activités périscolaires » ne donne pas une autre mission à l’AESH comme par exemple la surveillance et l’encadrement des autres élèves que ceux dont ils ont la charge, ces missions relevant de la commune dans le premier degré (ou, le cas échéant, de l’EPCI s’il exerce cette compétence) et du chef d’établissement dans le second degré.
Des questions qui restent sans réponse
Si l’on part du principe que c’est en effet la circulaire d’application de la loi qui posait problème, on peut s’interroger sur ce qu’il en adviendra. Le décret n’en fait pas mention. Or la hiérarchie des normes est claire sur ce point : une circulaire n’ayant pas de valeur règlementaire, le décret d’application prend le pas en précisant les modalités pour une application uniforme de cette dernière sur tout le territoire. Reste à savoir si ce décret sera suffisant pour faire réagir les services dans tous les départements. Selon les informations du syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), le ministère proposera dans un second temps d’intégrer les autres éléments de la circulaire au cadre de gestion des AESH qui devrait être rénové en 2025.
Plus préoccupant encore, aucune réponse n’a été apportée sur la compensation des charges engagées par les collectivités territoriales depuis la rentrée en l’absence de financements de l’État. Pourtant, les investissements portés sont souvent très importants. À Marseille par exemple, la commune prend en charge le salaire de 400 personnes en charge de 650 enfants, selon la presse régionale. Compte tenu des fortes contraintes qui pèsent déjà sur les budgets locaux, l’AMF demande un remboursement intégral des dépenses engagées depuis la rentrée par les communes au titre de la gestion des contrats et de la rémunération des AESH en lieu et place de l’État.
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État civil
L'interdiction du mariage lorsqu'un des époux est en situation irrégulière jugée inconstitutionnelle par la commission des lois du Sénat
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C'est cette semaine – jeudi 20 février – que la proposition de loi du sénateur Demilly « visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire » va être débattue au Sénat. Mais dès son passage en commission, elle a été rejetée, tout simplement parce qu'elle est inconstitutionnelle. Explications.Â
Dans la semaine à venir, on entendra beaucoup parler maires et mariages. D’abord, parce que c’est demain que le maire de Béziers, Robert Ménard, va passer devant un tribunal pour avoir refusé, en 2023, de marier un couple dont l’époux était sous OQTF ; ensuite, parce que deux jours plus tard sera débattue en séance publique au Sénat une proposition de loi visant à interdire, précisément, le mariage d’un couple dont l’un des membres serait en situation irrégulière.
La proposition de loi Demilly
Mercredi dernier, lors des questions au gouvernement au Sénat, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a réitéré son soutien à cette proposition de loi, soutien déjà exprimé dans les médias quelques jours plus tôt (lire Maire info du 10 février). Le ministre était interrogé sur la comparution du maire de Béziers devant le tribunal : « N'est-ce pas le monde à l'envers ?, demandait le sénateur Reichardt. C'est la personne en situation irrégulière, qui viole la loi et doit obligatoirement quitter le territoire, qui fait un procès au maire qui refuse de le marier ! » Gérald Darmanin, sans se prononcer sur le cas spécifique du maire de Béziers, a déclaré : « Nous donnerons, sous l'autorité de M. le Premier ministre, un avis favorable à la proposition de loi visant à interdire un mariage en France lorsque l'un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire », a déclaré Gérald Darmanin, tandis que la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie lui lançait : « Elle est inconstitutionnelle ! ».
La sénatrice a raison (et, comme on le verra, le garde des Sceaux le sait parfaitement) : la commission des lois du Sénat, le même jour, a examiné la proposition de loi du sénateur Christian Demilly, et l’a rejetée, dans la mesure où elle « contrevient manifestement à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ». Une telle proposition de loi, concluait la commission, « n’est pas envisageable en l’absence de révision constitutionnelle ».
Rappelons que ce texte est composé d’un article unique, qui ajouterait un article 143-1 au Code civil : « Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. » Il ne s’agit donc pas tout à fait, comme l’avait dit Gérald Darmanin la semaine dernière dans une interview, de prévoir « que le maire puisse s’opposer » à un tel mariage, puisque le texte ne fait que prévoir une interdiction générale, sans déterminer « l’autorité qui serait en charge de se prononcer sur le respect de la condition de régularité du séjour », relève la commission des lois dans le rapport très détaillé qu’elle a rendu public depuis. Pour la commission, seul le procureur de la République aurait autorité pour le faire, et non le maire.
Liberté fondamentale
Mais la question fondamentale n’est pas là. Elle tient au fait que le Conseil constitutionnel, à plusieurs reprises, a jugé impossible, sans modification de la Constitution, de conditionner la liberté de mariage à la régularité du séjour d’un ou des époux. « La liberté matrimoniale », ont maintes fois répété les Sages, est partie intégrante de « la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 ». La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales va dans le même sens, tout comme l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, qui dispose qu’« à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille ».
En France, cette liberté n’est pas absolue : le Code civil fixe quatre restrictions à ce droit. Ces restrictions sont la minorité, la polygamie, la consanguinité et l’absence de consentement.
C’est ce dernier cas, notamment, qui peut conduire un procureur – par exemple saisi par le maire en cas de doute – à s’opposer à un mariage, en cas de suspicion de mariage arrangé ou de mariage blanc. Mais de nombreux maires – dont Gérald Darmanin lorsqu’il était maire de Tourcoing – se sont plaints ces dernières années que le procureurs ne répondent pas, ou qu’ils répondent, pour reprendre les termes de Gérald Darmanin devant le Sénat il y a un an : « Mariez quand même ».
Selon la commission des lois du Sénat, « le nombre d’oppositions au mariage formulées par le procureur de la République au motif d’une suspicion de mariage simulé ou arrangé s’élève approximativement à quelques centaines de cas chaque année ».
Mais en tout état de cause, relève la même commission, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : « La liberté de mariage n’est pas conditionnée à la régularité du séjour », et « le maire en tant qu’officier d’état civil ne dispose d’aucun pouvoir pour s’opposer formellement à un mariage y compris impliquant une personne sous OQTF ». Il ne peut que « surseoir à un mariage suspect et saisir le procureur de la République », mais celui-ci ne pourra pas s’opposer au mariage sur le seul critère de l’irrégularité de séjour.
Le représentant de l’AMF auditionné par la commission lui a par ailleurs rappelé que « l’officier d’état civil ne dispose de toute façon pas, en l’état du droit, des informations nécessaires pour apprécier la régularité du séjour des futurs mariés, dans la mesure où l’article 63 du code civil, qui liste les pièces justificatives que les futurs époux doivent fournir avant célébration du mariage, n’inclut aucunement un visa ou un titre de séjour ».
Revirement du ministre
On peut noter, au passage, que la position de Gérald Darmanin vis-à-vis de cette proposition de loi constitue un revirement, puisqu'un an plus tôt, en tant que ministre de l’Intérieur, il avait défendu une position strictement inverse lors de l’examen du projet de loi immigration. Pendant ce débat, des amendements allant dans le même sens que l’actuelle proposition de loi Demilly avaient été proposés. Le ministre de l’Intérieur s’y était opposé au nom du gouvernement, précisant qu’une telle disposition serait « contraire non seulement à nos engagements internationaux, mais également à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’appuie, excusez- du peu, sur deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ». Le ministre avait alors déclaré qu’en adoptant une telle disposition, « on se ferait plaisir quelques instants », avant que celle-ci soit « à coup sûr » censurée par les Sages.
Le ministre a changé d’avis, maintenant convaincu que les sénateurs « trouveront les moyens de rendre ce texte conforme à la Constitution », leur a-t-il dit mercredi dernier. Comment ? il ne l’a pas dit, et en tout état de cause, la commission des lois ne partage pas ce point de vue, estimant qu’il faudrait d’abord passer par une réforme de la Constitution.
En revanche, Gérald Darmanin a donné deux pistes d’évolution – toujours lors des questions au gouvernement – qui, elles, seraient « en tout point conformes à la Constitution » : d’abord, « faire en sorte que le maire ait le dernier mot quand le procureur ne répond pas ». « Aujourd’hui c'est l'inverse qui se produit : quand le procureur de la République ne répond pas, le maire est obligé de procéder au mariage. » Deuxièmement, le ministre souhaite que la loi change pour intégrer aux pièces à fournir à l’officier d’état civil, avant le mariage, « une preuve de la régularité du séjour », avec « possibilité de recours » en cas de refus.
On verra, lors de l’examen de ce texte, jeudi, si de telles mesures sont proposées par amendement.
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Voirie
Réseau routier : les dépenses de voirie progressent davantage dans les communes où la construction de logements est la plus forte
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Entre 2017 et 2023, les dépenses de voirie ont progressé de 37 % dans les territoires où la construction de logements est la plus marquée, contre près de 23 % dans les cas de faible construction, selon une étude de la DGCL. Cette dernière souligne également les fortes disparités entre les départementaux ruraux et urbains.
La Direction générale des collectivités locales (DGCL) a publié, la semaine passée, une étude sur les dépenses de voirie des collectivités locales entre 2013 et 2023, dans le cadre de son dernier bulletin d'information statistique (Bis).
Une part des dépenses en baisse
Elle rappelle ainsi que le réseau routier français est « l’un des plus vastes d’Europe » avec ses 1,1 million de kilomètres et que sa gestion repose principalement sur les collectivités locales. Avec 717 000 km pour l'échelon communal (65,5 %) et 377 000 km à l’échelon départemental.
Les dépenses de voirie ne pouvant être quantifiées que pour les collectivités de plus de 3 500 habitants (les communes moins peuplées n’étant « pas tenues de ventiler leurs dépenses par fonction »), la DGCL estime que ces dernières gèrent environ la moitié du réseau national et ont ainsi consacré 13,3 milliards d’euros de dépenses à la voirie en 2023.
Si ces dépenses ont augmenté de 2 milliards d’euros entre 2017 et 2023, passant de 11 à 13 milliards d’euros, leur part dans l’ensemble des dépenses a, elle, diminué de 0,2 point (passant de 7,1 % à 6,9 %), observe l’auteur de la note, qui explique ce recul par « une progression plus rapide des dépenses totales des collectivités ».
En outre, il souligne que la part des dépenses de voirie dans les dépenses totales varie largement selon le type de collectivités puisqu’elle atteignait les 4,9 % pour les communes de plus de 3 500 habitants en 2023 (contre 5,2 % en 2017), 9,7 % pour les groupements à fiscalité propre (8,7 % en 2017) et 7,6 % pour les départements (contre 8,1 % en 2017).
Les deux tiers étaient consacrés aux dépenses d’investissement, le reste aux dépenses de fonctionnement.
De fortes disparités départementales
Pour les départements, la voirie a représenté le premier poste d’investissement en 2023 (4 milliards d’euros) et n’a cessé d’augmenter depuis 2016 (de plus d’un milliard d’euros). En l’espace de dix ans, leurs dépenses d’investissement ont ainsi progressé de plus de 8 points, passant de près de 60 % des dépenses de voirie à un peu plus de 68 %.
À l’inverse, les dépenses de fonctionnement de voirie ne représentaient que le cinquième poste des départements, celles-ci ayant diminué de 300 millions d’euros entre 2016 et 2023, passant de 2,2 milliards à 1,9 milliard d’euros.
De fortes disparités existent, toutefois, entre départements. Sur la longueur d’abord. Si en moyenne, la longueur de la voirie départementale s’élève à un peu plus de 3 800 km, certains départements, comme la Manche et l’Eure-et-Loir, voient la leur largement dépasser les 7 000 km, quand celle de Mayotte, des Hauts-de-Seine et de Seine-Saint-Denis est réduite à moins de 400 km.
Une autre disparité apparaît également entre les zones urbaines et rurales. En milieu urbain, les dépenses par kilomètre sont ainsi plus élevées et les dépenses par habitant plus modérées que dans les départements ruraux qui suivent une logique inverse.
Dans le détail, plus un département est rural, plus ses dépenses de voirie par habitant sont élevées. Ainsi, si les départements ruraux affichent des dépenses presque deux fois supérieures à celles des départements urbains, le même phénomène se reproduit au sein même des départements ruraux. Résultat, « les 16 départements ruraux de moins de 250 000 habitants dépensent par habitant en voirie deux fois plus que les dix départements ruraux de 500 000 à 749 999 habitants », constate l’auteur de l’étude.
À l’opposé, les départements urbains enregistrent des dépenses de voirie par kilomètre nettement supérieures à leurs homologues ruraux puisqu’ils dépassent les 57 000 euros/km. Les territoires ruraux présentent, eux, des dépenses de voirie en deçà des 10 600 euros/km. En cause, « une faible longueur de voirie [des départements urbains] qui concentre les investissements sur un réseau limité mais intensément utilisé, des infrastructures complexes, incluant des signalisations, des pistes cyclables… ou encore des contraintes opérationnelles, notamment la nécessité de limiter la durée des travaux dans des zones à forte circulation, ce qui pourrait engendrer des coûts supplémentaires », explique la DGCL.
Bloc communal : lien entre logement et voirie
S’agissant du bloc communal, la DGCL a analysé quelques cas-types qui permettent de confirmer ce constat, tout en mettant en lumière « l’importance de la dynamique de construction de logements dans les dépenses de voirie ».
Concrètement, le fait d’avoir un fort niveau de construction de logements entraînerait mécaniquement une forte hausse des dépenses de voirie.
L’auteur de la note remarque ainsi qu’entre 2017 et 2023 « une augmentation plus marquée du nombre de constructions de logements individuels s'accompagne d'une hausse plus importante des dépenses de voirie dans les blocs communaux étudiés ». Ainsi, les dépenses de voirie ont progressé de 37 % dans ces territoires, « contre + 22,9 % dans les cas de faible construction et + 29,8 % pour une construction modérée ».
Plus globalement, on peut également noter que, durant cette même période, les dépenses de voirie de l’échantillon étudié ont augmenté de près de 26 %, une hausse portée principalement par « une dynamique plus soutenue des dépenses d'investissement par rapport à celles de fonctionnement ».
Consulter le Bis.
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Journal Officiel du dimanche 16 février 2025
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
Journal Officiel du samedi 15 février 2025
Lois
Ministère de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation
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