Édition du jeudi 6 février 2025

Petite enfance
Micro-crèches : le gouvernement répond à la campagne des gestionnaires privés
Plusieurs parlementaires ont interrogé le gouvernement sur le projet de décret relatif aux micro-crèches, se faisant le relais d'informations parfois erronées diffusées par les gestionnaires privés. La réalité semble bien plus nuancée. Décryptage.

Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les questions se suivent et se ressemblent. Mardi 4 février, Assemblée nationale : « Le projet de décret [sur les micro-crèches] aura un impact désastreux. (Il) menace directement l’avenir de la petite enfance, 15 000 professionnels risquent d’être licenciés », lance le député RN Émeric Salmon à la ministre Catherine Vautrin. Mercredi 5 février, Sénat : « Lundi dernier, les micro-crèches étaient en grève. (Le projet de décret) risque de mettre en péril ces structures, (leur) avenir est menacé. Les inquiétudes des familles, des élus et des professionnels sont vives, clarifiez la situation ! », exige la sénatrice indépendante Marie-Claude Lermytte. On peut aussi citer plusieurs questions écrites adressées tout récemment au gouvernement, comme celle de la députée Anne Le Hénanff (Horizons, Morbihan), disant redouter « la suppression directe de 40 % des emplois dans les micro-crèches » ; ou celle d’Hervé Saulignac (PS, Ardèche), faisant part d’une « très grande inquiétude sur les conséquences que l’application de ces mesures pourraient engendrer ». 

On le voit, de la gauche à l’extrême droite, députés et sénateurs ont manifestement été sensibles au lobbying actif mené par les gestionnaires de crèches privées contre ce projet de décret. Mais la situation est-elle réellement aussi alarmante ?

Micro-crèches : de quoi parle-t-on ?

Pour mémoire, les micro-crèches existent depuis 2007. Elles peuvent accueillir au maximum 12 places. Elles peuvent être financées ou par la Paje (prestation d’accueil du jeune enfant) ou par la PSU (prestation sociale unique). Ces deux dispositifs de la Caf, rappelons-le, ne fonctionnent pas de la même façon : la PSU est versée directement aux gestionnaires de la micro-crèche, en complément de la participation des familles, tandis que la Paje est versée aux familles, pour rembourser une partie des dépenses de crèche.

Près de 90 % des micro-crèches fonctionnent avec la Paje, et 92 % de celles-ci appartiennent au secteur privé. On dénombre plus de 6 000 micro-crèches Paje dans le pays. 

Ce que prévoit le projet de décret

Le projet de décret dont il est question ici – actuellement en cours d’examen au Conseil d’État – prévoit d’aligner, à terme, les normes d’encadrement des micro-crèches sur celles des petites crèches classiques. Pour doper le développement des micro-crèches, un certain nombre de dérogations ont en effet été mises en place, mais plusieurs rapports parlementaires ou d’inspections générales ont conclu, ces dernières années, que ces dérogations avaient conduit à une dégradation de la qualité d’accueil – on se rappelle de l’épisode particulièrement tragique de la mort d’une petite fille de 11 mois à Lyon, en 2022, après qu’une professionnelle l’eut forcée à ingérer de la soude caustique. 

Le projet de décret instaurerait notamment l’obligation d’employer au moins un titulaire d’un diplôme d’État éducateur de jeunes enfants ou auxiliaire de puériculture. Par ailleurs, le texte prévoit que seul un professionnel diplômé d’État puisse prendre en charge seul trois enfants à la fois (en particulier lors des ouvertures et fermetures de l’établissement), alors qu’aujourd’hui une telle prise en charge est possible pour un titulaire de CAP petite enfance. Enfin, le décret va interdire qu’un directeur exerce sa fonction sur plus de deux établissements. 

« Il n’est pas question de licencier qui que ce soit »

Il n’en fallait pas plus pour provoquer une vive réaction des gestionnaires de micro-crèches privées, qui ont entamé une intense campagne contre ce texte, à coups de pétition, de courriers adressés aux parents pour les avertir du « danger », voire leur demander d’écrire à leur maire pour protester, et d’articles de presse reprenant l’argument des « 10 000 licenciements » que provoquerait l’application de ce décret. Point culminant de cette campagne : la journée « micro-crèches mortes » du lundi 3 février, qui n’en déplaise à la sénatrice Marie-Claude Lermytte, n’était en rien « une grève ». Comme le signale avec bon sens le SNPPE (Syndicat national des professionnels de la petite enfance), « cette opération n’étant pas initiée par les salariés mais par les syndicats patronaux, ce n’est pas une grève » – le syndicat rappelant au passage que dans ces conditions, « les salariés ne peuvent pas être privés de leur rémunération ». 

En répondant au député Salmon, la ministre Catherine Vautrin a été claire : « Je pèse mes mots : il n’est pas question de faire le moindre chantage ni de licencier qui que ce soit. » La ministre a réexpliqué que le gouvernement, par ce décret, ne faisait que suivre les préconisations de plusieurs inspections générales. « Quel que soit le mode de garde, ce qui importe c’est la qualité offerte aux enfants », a-t-elle également expliqué au Sénat, et il n’y a rien d’absurde à souhaiter que la qualité d’accueil soit la même dans toutes les crèches et sur tout le territoire. 

Dans un courrier adressé au président de l’AMF David Lisnard, le 24 janvier, Catherine Vautrin évoque « des courriers adressés aux maires, (…) issus d’une démarche des fédérations de crèches privées ». Souhaitant que « les maires disposent d’une vision claire de ce que prévoient ces projets et de ce qu’ils ne prévoient pas », la ministre reprend les mêmes arguments que ceux qu’elle a développés devant le Parlement : « Les enfants qui sont accueillis dans les micro-crèches et dans les petites crèches classiques sont les mêmes : il n'y a aucune raison acceptable que les conditions prévues pour l'encadrement ne soient pas similaires. » 

La ministre a plusieurs fois eu l’occasion de rejeter l’argument des « 10 000 licenciements » : « Des mesures dérogatoires sont prévues pour les personnels déjà en poste, et les nouvelles normes ne s'appliqueront aux recrutements qu'à partir du 1er septembre 2026, afin de laisser le temps nécessaire pour s'organiser et pour préserver les structures existantes », rappelle-t-elle dans son courrier à l’AMF. « Le décret prévoit une obligation de formation pour les nouveaux recrutements à partir du 1er septembre 2026 », a-t-elle complété devant les sénateurs.

Les syndicats de la petite enfance dénoncent une campagne « alarmiste »

Du côté de certains syndicats, comme le SNPPE ou la Fneje (Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants), on s’agace de la campagne menée par les gestionnaires privés. Pour le SNPPE, « les fédérations de gestionnaires privés ne défendent pas l’intérêt général mais un modèle économique basé sur la rentabilité, souvent au détriment des enfants, des familles et des professionnelles ». La Fneje, de son côté, estime que ce projet de décret « est un signal fort pour la qualité de l’accueil et une avancée majeure pour ce secteur ». Elle dénonce les gestionnaires privés qui « crient au loup à grands coups de message alarmistes sur les réseaux sociaux (…) avec du chantage à l’emploi, (…) et créent de la division entre les professionnels, les plus diplômés versus les moins qualifiés ». La Fneje invite les entreprises de crèches « à s’atteler dès à présent à ce chantier et à se réjouir d’une telle réforme plutôt que d’organiser une campagne délétère pour le secteur ». 

Vers une réforme du financement

Il reste que tout n’est pas réglé. L’AMF, dont les représentants ont émis un avis favorable à ce projet de décret lors de son examen en Conseil national d’évaluation des normes, ne manque pas par ailleurs de rappeler que la question essentielle reste la pénurie de professionnels, « qui entraîne le gel de berceaux existants et ralentit la création de nouvelles places ». 

À cela, la ministre Catherine Vautrin répond que les nouvelles exigences en matière de formation, dans les micro-crèches, constituent aussi un enjeu d’attractivité : « La pénurie ne pourra pas se résoudre en dégradant les conditions d'accueil et les conditions de travail pour être en mesure de recruter et de maintenir l'offre : cette dynamique suivie au cours des quinze dernières années a montré toutes ses limites et a conduit à la crise que nous connaissons aujourd'hui ». 

La ministre rappelle enfin qu’elle souhaite engager « une réforme du financement de l’accueil du jeune enfant », estimant notamment que « le modèle économique global » des micro-crèches « pourrait atteindre ses limites ». Cette réforme, que l’AMF appelle également de ses vœux, va être lancée « dès à présent », et les élus, indique la ministre, « y seront associés le moment venu ». 




Finances locales
Les finances du bloc communal se replient, celles des départements se détériorent encore
Alors qu'elle avait bien résisté jusque-là, la santé financière du bloc communal s'est, à son tour, dégradée en 2024. Plus globalement, c'est l'épargne brute des collectivités, dans leur ensemble, qui s'est repliée, la situation des départements étant particulièrement inquiétante. 

Comme le redoutait l’AMF lors de son congrès, en novembre dernier, les budgets communaux ont vécu une année 2024 difficile avec un repli de leur épargne brute de 5,5 % sur un an. Un recul qui a même dépassé les 17 %, après déduction des remboursements de dettes, selon les premiers chiffres de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) qu’elle a publiés, la semaine dernière, dans une note sur la situation comptable des collectivités à la fin décembre.

Une situation financière encore « provisoire », prévient toutefois la DGFiP, qui souligne que celle-ci doit être « interprétée avec prudence, en attendant d’être définitivement stabilisée au second trimestre 2025 ».

Départements : l'épargne en chute libre

Contrairement aux départements et aux régions, les communes avaient pourtant, jusque-là, bien résisté aux difficultés budgétaires avec un autofinancement qui progressait encore de plus de 10 % en 2023. Le constat est similaire du côté des EPCI. Après avoir sauvegardé une épargne en hausse, celle-ci a, elle aussi, chuté (de 3,5 %) en 2024.

Et si les régions ont vu la leur également se replier (de près de 6 %), la dégradation de la santé financière des collectivités est essentiellement portée par la détérioration de l’épargne brute des départements qui s’effondre une nouvelle fois. De plus de 49 %. Encore davantage qu’en 2023, où la chute avait pourtant déjà tutoyé les 46 %. 

Après déduction des remboursements de dettes, l’épargne des départements a même plongé de plus de 95 % par rapport à l’année précédente. Résultat, les ressources disponibles pour investir ont été réduites à 147 millions d’euros en 2024, contre 3,1 milliards en 2023 et 8,4 milliards d’euros en 2022. En cause notamment, la crise du marché immobilier qui a entraîné la forte baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ainsi que la hausse de leurs dépenses sociales et médicosociales. 

Investissements en hausse

In fine, c’est la capacité d’autofinancement des collectivités, dans leur ensemble, qui a diminué de plus de 16 % l’an dernier pour s’élever à près de 21 milliards d’euros (contre 25 milliards en 2023 et 29 milliards en 2022).

Une situation qui s’explique par une progression de leurs recettes (de 5 milliards d'euros, + 2,4 %) bien moins importantes que celle de leurs dépenses de fonctionnement qui ont augmenté de plus de 9 milliards d'euros (+ 4,8 %).

Sur un an, ces dernières ont ainsi crû sous l’impulsion des frais de personnel (+ 4,5 %, soit 3,3 milliards d'euros) et des achats et charges externes (+ 9,4 %, soit 3,1 milliards d'euros),

Reste que cela n'a pas enrayé les dépenses d’investissement des collectivités qui ont progressé de 6,8 %, notamment grâce à l’action du bloc communal (+ 9,4 %) et des régions (+ 8,5 %), probablement au prix d’une augmentation de la dette, selon l’analyse de l’AMF. Cependant, la situation délicate dans laquelle se trouvent les départements les a conduits à revoir leurs efforts et leurs projets à la baisse (- 2,4 %).

Budget de l'Etat définitivement adopté

Dans ce contexte, les parlementaires ont décidé, avec l’aval du gouvernement, de revoir à la baisse l’effort initialement demandé aux collectivités pour 2025, en le faisant passer de 5 à 2,2 milliards d’euros.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit ainsi un gel de la TVA (qui coûtera 1,2 milliard d’euros aux collectivités) et la mise en place d’un dispositif de mise en réserve d'un milliard d’euros, appelé Dilico (« dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales ») et ciblant quelque 2 000 collectivités.

Dans le détail, celui-ci ponctionnerait les recettes des communes et des EPCI à hauteur de 500 millions d’euros, tandis que la contribution des départements et des régions s’élèverait respectivement à 220 millions et 280 millions d’euros, selon le texte établi vendredi par la commission mixte paritaire (CMP)

On peut également retenir le pouvoir accordé aux départements de relever de 4,5 % à 5 % le plafond des DMTO pour trois ans (avec exonération pour les primo-accédants) ainsi que la possibilité donnée aux régions de voter un versement mobilité jusqu’à 0,15 % de la masse salariale des entreprises de onze salariés et plus.

Après plus de quatre mois d’un marathon budgétaire inédit, le projet de budget a été définitivement adopté par le Parlement, à la suite d'un ultime vote des sénateurs en toute fin de matinée, aujourd'hui. Hier, l'Assemblée nationale avait rejeté la motion de censure de la France insoumise contre François Bayrou, ce qui avait entraîné l’adoption du texte sur lequel ce dernier avait engagé sa responsabilité (en amendant à la marge le compromis issu de la CMP).

Reste désormais à franchir l’étape du Conseil constitutionnel (certaines mesures sont considérées comme juridiquement fragiles), avant une promulgation prévue d’ici à la fin du mois. La France aura alors – enfin – un budget pour l’année.

Consulter la note de la DGFiP.
 




Parité
Plusieurs associations d'élus demandent au Sénat d'adopter « d'urgence » le scrutin de liste paritaire dans les communes de moins de 1 000 habitants
L'AMF, l'AMRF, Intercommunalités de France et le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes ont publié ce matin un communiqué pour demander au Parlement de « légiférer dans les plus brefs délais » pour instaurer le scrutin de liste paritaire dès les élections municipales de l'an prochain. 

Il y a trois ans presque jour pour jour, le 3 février 2022, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture la proposition de loi « visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal ». Mesure la plus emblématique de ce texte : étendre aux communes de moins de 1 000 habitants le mode de scrutin en vigueur dans les autres communes, à savoir le scrutin de liste paritaire avec alternance hommes-femmes. Cette adoption avait été ainsi saluée en séance par l’auteure du texte, Élodie Jacquier-Laforge : « Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour la femme ! ». 

Ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale quelques jours avant la période de vacance parlementaire qui a précédé les élections présidentielle et législatives de 2022. Ce calendrier n’a pas permis que le texte soit inscrit au Sénat avant la fin de la législature. Au lendemain de l’adoption du texte, Maire info écrivait : « Il faut espérer que ce contretemps ne sera pas synonyme d’envoi du texte aux oubliettes. » 

Cette hypothèse s’est hélas révélée exacte, et le texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Il faut peut-être y voir le résultat d’une certaine tiédeur du camp macroniste – qui n’avait pas déclenché la procédure accélérée, à l’époque, et n’avait prononcé qu’un avis de « sagesse » plutôt qu’un soutien franc et massif au texte. Et du manque d’enthousiasme des Républicains pour cette réforme, ce qui est un euphémisme lorsque l’on se souvient que pas un seul des 102 députés LR n’était présent dans l’Hémicycle au moment du débat et du vote sur ce texte, en février 2022. Pour être tout à fait justes, il faut rappeler que les députés socialistes avaient fait à peine mieux, puisqu’ils n’avaient dépêché en tout et pour tout… qu’une seule députée. Il faut croire que les grands partis sont quelques peu frileux à l’idée de soutenir une réforme qui n’est pas forcément populaire chez tous les maires. 

Arrêter les « atermoiements »

L’AMF, l’AMRF et Intercommunalité de France se montrent plus courageux. Rappelons que l'AMF, dès le début des années 2020, s'est clairement prononcée pour cette réforme, au nom de la parité, et a soutenu le texte de 2022.

Les trois associations remettent donc aujourd’hui le dossier sur la table par un communiqué demandant au Sénat « d’inscrire très rapidement à son ordre du jour la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale en février 2022 ». « Il y a urgence », écrivent les associations : il s’agit bien « d’un enjeu de vitalité démocratique locale. Au-delà de constituer un levier nécessaire pour la parité, le scrutin de liste assure, de surcroît, la diversité et le renouvellement d’équipes municipales autour du maire et d’un projet commun. Il permet aux citoyens qui souhaitent s’investir dans leur village de le faire avec un cadre clair et identique pour toutes les communes. » Les associations rappellent par ailleurs que le même texte permet le dépôt de listes incomplètes, ce qui « apporterait de la souplesse, attendue par les élus ». « Les atermoiements ont assez duré », concluent les associations, et il faut « voter ce texte au plus vite ». 

On le sait, cette réforme suscitera des débats chez les maires, dont beaucoup craignent qu’elle rende plus difficile la constitution de listes dans les petites communes. Mais comme l’avait rappelé la député Marie-George Buffet pendant les débats de 2022, « exactement les mêmes arguments nous étaient opposés il y a 20 ans », lors des débats sur la loi du 6 juin 2000 instaurant, pour la première fois, l’obligation de parité dans les communes de 3 500 habitants. Et pourtant, cette loi n’a empêché aucune liste de se constituer. Quant à l’argument souvent brandi que ce dispositif serait plus difficilement applicable dans les communes rurales, l’ancien ministre Marc Fesneau y avait, en 2022, répondu de façon plaisante : « Les femmes représentent la moitié de l’humanité. Je vous ferai une confidence : elles représentent aussi la moitié de l’humanité dans les communes rurales. » 

Questions de droit

Reste la question de « l’urgence » évoquée par l’AMF et les autres associations : l’article L567-1 A du Code électoral – introduit par une loi de 2019 – dispose en effet « qu’il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin ». Autrement dit, les prochaines élections municipales étant fixées à mars 2026, il ne reste en théorie que quelques semaines pour inscrire cette proposition de loi à l’agenda du Sénat, en débattre, la voter et la promulguer, ce qui ne paraît pas impossible mais pour le moins peu probable.

Mais il faut rappeler que contrairement à une idée reçue, le fait de ne pas pouvoir modifier le régime électoral moins d’un an avant un scrutin ne figure pas dans la Constitution. Jusqu’en 2019, ce principe n’était même pas inscrit dans la loi mais considéré comme un simple « usage républicain ». 

Toutefois, l’inscription de ce principe dans la loi ne ferme pas la porte à toute modification, dans la mesure où une loi, contrairement à la Constitution, peut être modifiée… par une autre loi. D’ailleurs, rappelle chez nos confrères de la Gazette des communes le spécialiste du droit électoral Philippe Bluteau, l’auteur de la proposition de loi de 2019, le sénateur Alain Richard, avait alors déclaré que son texte « pose un principe, auquel le législateur pourrait déroger, cas par cas ». 

Il n’est donc pas formellement impossible, même à moins de 12 mois des prochaines élections, de modifier le mode de scrutin dans les communes de moins de 1000 habitants. Ce ne sera qu’une question de volonté politique, de la part du gouvernement, qui pourrait peser dans ce sens, ou pas. Et du parti majoritaire au Sénat, les Républicains. 

Vont-ils écouter l’AMF et les autres associations ? On le saura sans doute très vite. Les adversaires de cette mesure pourraient en tout cas méditer les belles paroles du député Christophe Euzet qui, en 2022, expliquait dans l’Hémicycle son évolution personnelle : adversaire de la parité obligatoire en 2000, il s’y était rallié en 2022. « J’avoue que je n’étais pas vraiment favorable à ce genre de mesure, car j’estimais que les consciences devaient avancer plus vite que le droit. Je refusais de considérer que le droit pouvait, de temps en temps, faire évoluer les consciences. » 




Restauration collective
Malgré les contraintes, les politiques alimentaires des collectivités se dynamisent
Les collectivités, et notamment les communes, s'engagent de plus en plus à transformer leurs territoires par l'alimentation. C'est ce qu'observe l'association Un Plus Bio, qui vient de publier les conclusions de son Observatoire des paysages alimentaires.

En 2024, l’association Un Plus Bio a adressé aux élus et techniciens des collectivités un questionnaire afin de recenser les dynamiques des territoires en matière d’alimentation et de mieux connaître les initiatives portées par des collectivités à travers la France. 

Au total, 159 collectivités ont répondu. Si les résultats de cette étude sont loin d’être exhaustifs, ils montrent cependant l’investissement croissant des collectivités en matière de restauration collective mais aussi sur d’autres sujets comme « le foncier nourricier ».

Restauration collective : remunicipalisation et relocalisation

L’Observatoire pointe qu’en 2024, 76 % des communes répondantes ont la compétence restauration collective, 9 % des départements et 6 % des régions. Tous types de collectivités confondus, le mode de production des repas est davantage celui d’une « cuisine sur place » (63 %) que celui d’une cuisine centrale (37 %). Par ailleurs, la restauration collective est à 85 % en gestion directe, à 12 % en gestion déléguée et à 12 % en gestion mixte (pour les collectivités qui cumulent deux modes de gestion pour différents établissements). 

Selon Un Plus Bio, « ces cinq dernières années, seules 10 % des collectivités ont changé de mode de gestion, témoignant du fait que la restauration scolaire conserve généralement une organisation assez stable ». Or, en 2024, 20 % des collectivités annoncent avoir pour projet de remunicipaliser leur service de restauration collective dans les années à venir. « Pour elles, le passage en gestion directe de l’ensemble de leurs établissements est un levier pour relever leurs ambitions de qualité dans les assiettes », peut-on lire dans l’étude. 

Par ailleurs, l’Observatoire confirme que le bio à la cantine est en progression. L’association suit depuis 2017 trente-trois collectivités ayant sous leur responsabilité 874 cantines scolaires. La part de leurs achats bio a augmenté de 58 % en six ans. Dans le même temps, le coût alloué aux denrées pour chaque repas n’a augmenté que de 14,5 % en six ans, soit 30 centimes environ par repas. 

Pourtant, les collectivités ont dû faire face à une envolée des prix liée à l’inflation. L’AMF a publié une enquête en juin dernier sur la restauration scolaire, mettant en avant le fait que les communes subissent une hausse du coût moyen du repas à 8,49 euros (contre 7,63 euros déclarés en 2020), avec un reste à charge supérieur à 50 % pour 71 % des répondants. Gilles Pérole, co-président du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF, avait indiqué à Maire info qu’un meilleur accompagnement à la fois technique et financier de la part de l’État auprès des communes était désormais nécessaire (lire Maire info du 20 juin 2024).

L’année 2024 a aussi été marquée par une tendance intéressante : « Les collectivités territoriales s’emploient à relocaliser leurs approvisionnements en fonction des ressources disponibles sur leurs territoires. » Dans le détail, 47 % des collectivités parviennent à relocaliser en passant leurs achats auprès des agriculteurs et 45 % des collectivités disent ne s’appuyer sur aucun outil de transformation de leur territoire pour relocaliser leurs achats. « Par exemple, bien que les légumes soient relocalisés par 61 % des collectivités, seules 23 % d’entre elles déclarent s’être directement appuyées sur une légumerie. » Concernant le coût de la relocalisation, pour la moitié des collectivités la relocalisation amène à de l’achat de matériel spécifique (pour la découpe par exemple) ou la création de nouveaux espaces de travail. Cependant, « 67 % des collectivités n’ont pas eu besoin d’augmenter leurs effectifs et les changements de pratiques se sont donc fait à effectif constant ».

Un partenariat renforcé avec le monde agricole 

L’observatoire s’intéresse enfin à une variable de la politique alimentaire menée par les collectivités qui est peu mise en avant : celle des liens entretenus avec le monde agricole. Une grande partie de l’étude montre que la gestion des terres agricoles s’impose désormais « comme une préoccupation pour les collectivités territoriales » qui sont « conscientes des enjeux liés à la préservation et au développement de terres nourricières ». 

Au total, 63 % des collectivités déclarent avoir mis en place une stratégie foncière ou être en train d’en élaborer une. 51 % de ces stratégies foncières « visent à maintenir les surfaces agricoles, notamment à travers des documents d’urbanisme (PLU, SCoT) ». Aussi, l’association indique qu’en moyenne les intercommunalités possèdent 466,71 ha de foncier agricole. Cependant, les collectivités méconnaissent généralement le foncier dont elles sont propriétaires ce qui est fort dommageable puisque les collectivités propriétaires et averties font souvent le choix de mettre à disposition ces terres. 49 % de ces collectivités propriétaires choisissent de les mettre à disposition d’agriculteurs dans 71 % des cas. 

Ce partenariat avec le monde agricole est intéressant à plusieurs titres. D’abord, 36 % des collectivités qui mettent à disposition des terres profitent de ce partenariat pour imposer un cahier des charges qui intègre l’obligation pour les exploitants de convertir l’exploitation en agriculture biologique. En termes de vente, pour 61 % des collectivités ayant mis à disposition, « la production bénéficie en premier lieu aux habitants qui peuvent venir acheter la production directement sur la ferme ou sur les marchés ». Par ailleurs, « parmi les collectivités qui mettent à disposition leur foncier agricole, la restauration collective représente le deuxième débouché pour les productions issues de ces terres ».

L’association regrette cependant qu’actuellement 14 % des collectivités propriétaires délaissent encore leur foncier agricole, sans envisager de vocation spécifique pour leurs terres, ce qui en freine la valorisation.

Consulter l’Observatoire.

Consulter l’enquête de l’AMF. 




Élections
La réforme du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille divise fortement les élus
À un an des élections municipales de 2026, la volonté du gouvernement de réformer le mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille divise fortement sur le terrain, nombre d'élus soupçonnant un calcul électoraliste, tandis que des experts en droit y voient une avancée démocratique.

Serpent de mer, la réforme de la loi PLM, appelée de ses vœux par Emmanuel Macron et désormais François Bayrou, est de nouveau sur la table. Un texte déposé en octobre par quatre députés Renaissance servira « de support à l'évolution de ce mode de scrutin » pour une discussion « au mois de mars au plus tard », a confirmé mercredi la porte-parole du gouvernement Sophie Primas. 

En vertu de la loi PLM de 1982, les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille se déroulent par arrondissements ou par secteurs, et non à l'échelle de la ville. Avec le jeu de la prime majoritaire de 50 % accordée aux listes arrivées en tête dans les arrondissements, ce système peut conduire à ce que le maire d'une ville soit élu avec moins de voix que son adversaire. Un scénario qui ne s'est toutefois jamais produit à Paris.

La réforme propose d'élire les membres du conseil des trois métropoles au suffrage universel direct, comme c'est le cas dans les autres villes. Une « mesure démocratique de bon sens » puisqu'« un citoyen égale une voix », défendent les auteurs de la proposition de loi, favorables à une prime majoritaire de 25 % pour la liste arrivée en tête.

Dans la capitale, que rêvent de conquérir les macronistes, le retour de cette réforme que beaucoup croyaient enterrée ne passe pas. « Nous dénonçons cette méthode précipitée et le risque de décisions expéditives », ont réagi mercredi les élus LR parisiens, redoutant « un conseil de Paris centralisé gouvernant seul, au détriment des mairies d'arrondissement ». « La démocratie locale à Paris fonctionne. Je constate et je me félicite d'une très grande convergence de vues autour de cette réforme précipitée et sans fondement », a abondé la maire PS Anne Hidalgo, qui avait dénoncé la veille un « tripatouillage ».

Effet « swing states »

« Si ce débat peut avoir du sens, je m'interroge sur la méthode et la temporalité d'une réforme », a estimé sur X Emmanuel Grégoire, député PS et candidat à la mairie de Paris, appelant à une concertation des Parisiens. 

Les réactions sont tout aussi hostiles à Lyon. « Pas un Lyonnais ne s'intéresse à ce sujet », avait déclaré le 18 janvier au média ActuLyon le maire écologiste Grégory Doucet, pour qui il faut d'abord se demander « pourquoi les gens vont moins voter ». « Honnêtement, la mesure qui est mise sur la table (...) ressemble plus à du tripatouillage électoral qu'à une vraie volonté de travailler sur la représentativité et les fondements de la démocratie », avait-il ajouté.

Les avis sont plus partagés à Marseille. « Il n'y a pas de raison de ne pas s'inscrire dans le droit commun. (...) Cela va dans le sens de l'équité, de la simplification et du droit commun », a déclaré à l'AFP le maire DVG Benoît Payan. « Cette réforme n'est ni prête techniquement, ni urgente pour le pays, ni consensuelle sur le plan politique, et elle n'est pas adaptée au calendrier parlementaire ! », a au contraire taclé Renaud Muselier (Renaissance), président de la région Paca.

Interrogés par l'AFP, plusieurs universitaires comparent les effets de la loi PLM à ceux du mode de scrutin en vigueur aux Etats-Unis, avec les "swings states", ces États pivots décisifs. « Une réforme serait plus juste en supprimant l'effet "swing states". Si votre voix est la énième voix de gauche dans le 20e, ou la énième voix de droite dans le 7e, elle ne sert à rien », commente Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Panthéon-Assas. « Il n'y a pas d'obstacle juridique mais je ne suis pas certain qu'il existe une majorité à l'Assemblée nationale », a-t-il toutefois ajouté. « Réformer cette loi est relativement légitime, mais cela n'a pas de sens d'instaurer une prime majoritaire à 25 % alors qu'elle est de 50 % dans toutes les autres villes de plus de 1 000 habitants », observe pour sa part Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à Paris VIII.






Journal Officiel du jeudi 6 février 2025

Ministère de la Justice
Décret n° 2025-107 du 5 février 2025 portant diverses mesures urgentes en matière civile applicables à Mayotte pour faire face aux conséquences du cyclone Chido
Ministère de l'Intérieur
Arrêté du 20 janvier 2025 portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

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