Édition du mardi 1 octobre 2024 |
Fonction publique territoriale
La CNRACL lourdement déficitaire, notamment du fait de sa contribution à l'équilibre des autres caisses
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Une fois de plus, l'État alerte sur le déficit préoccupant de la caisse de retraites des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui pourrait dépasser les 10 milliards d'euros d'ici à 2030, selon un récent rapport. Plusieurs causes expliquent cette situation, dont le système dit de « compensation démographique », devenu particulièrement injuste.
Les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration se sont mis à trois pour élaborer un rapport sur « la situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales » (CNRACL), qui verse aujourd’hui des prestations vieillesse (de base et complémentaire) à environ 1,3 million de fonctionnaires retraités. Elle couvre également le risque invalidité, et verse au total quelque 26 milliards d’euros par an de prestations.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les cotisations perçues par la CNRACL sont de 24,4 milliards d’euros (2023), soit 1,6 milliard de moins que les prestations versées. La caisse, qui était encore excédentaire en 2017, est aujourd’hui lourdement déficitaire et, par projection, on peut s’attendre à un déficit de 11 milliards d’euros à la fin de la décennie.
Diverses causes identifiées
Quelles sont les causes de cette situation ? Selon le rapport, c’est avant tout « la dégradation du ratio démographique ». Alors qu’il y avait au début des années 1980 plus de 4,5 cotisants pour un pensionné, ce chiffre est aujourd’hui de 1,46. Ces chiffres s’expliquent par l’allongement de l’espérance de vie – et un tel basculement s’opère dans tous les régimes de retraites – mais ils sont accentués par la proportion plus importante de femmes employées par ce régime, les femmes étant très largement majoritaires dans la fonction publique hospitalière et dans la catégorie C de la fonction publique territoriale. Les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes et, de surcroît, « elles bénéficient de départs anticipés dans une proportion importante », notent les inspecteurs.
Une autre cause du déséquilibre est le fait que les embauches concernent de plus en plus des contractuels et non des fonctionnaires. Or les agents contractuels ne cotisent pas à la CNRACL, mais au régime général pour le régime de base et à l’Ircantec pour la complémentaire.
Les inspections constatent par ailleurs que les recettes de la Caisse sont « trop peu diversifiées » : les prestations qu’elles versent sont financées « à 97 % par les cotisations » des employeurs et des agents, quand ce chiffre n’est que de 66,6 % en moyenne pour les autres régimes.
Compensation démographique
Mais l’un des problèmes de fond du fonctionnement de la CNRACL, que l’AMF ne cesse de pointer du doigt depuis des années, est le système de la « compensation démographique », « sujet d’incompréhension » selon les inspections. Rappelons qu’en 1974, le système a été mis en place pour « compenser les déséquilibres démographiques et les différences de capacités contributives » des différents régimes. En clair, les caisses ayant les capacités contributives les plus importantes compensent le déficit des autres, au nom d’un principe de « solidarité nationale entre les régimes vieillesse ».
La CNRACL a très largement contribué à cette solidarité – peut-être même au-delà des estimations des employeurs, qui ont coutume de dire que le régime a été ponctionné de quelque 80 milliards d’euros depuis 1974. En réalité, les inspections estiment qu’il s’agit plutôt « d’au moins 100 milliards » d’euros courants. « Cette compensation démographique est à l’origine de la part la plus importante du déficit du régime », notent les inspecteurs, qui expliquent que ces contributions ont « mécaniquement réduits les capitaux propres » de la Caisse, jusqu’à ce qu’ils deviennent négatifs à partir de 2018.
Mais le plus surprenant est que la CNRACL continue d’être ponctionnée à ce titre… alors même qu’elle est déficitaire ! Le fait qu’une caisse soit contributaire ou bénéficiaire de ce dispositif ne dépend pas, en effet, de la situation absolue de la baisse mais de sa situation relative par rapport aux autres caisses. En d’autres termes, la situation de la CNRACL est mauvaise, mais moins que celle des autres caisses de retraite.
Au rythme où vont les choses cependant, la Caisse devrait devenir bénéficiaire du système de compensation « à court terme », jugent les inspections.
« Les pistes de redressement »
Remédier à cette situation ubuesque semble être la première mesure de bon sens à prendre pour redresser les comptes de la CNRACL.
Ce n’est toutefois pas la première piste envisagée par les inspections – même si elles estiment que le Conseil d’orientation des retraites doit se pencher sur cette question.
Elles préconisent d’abord une « individualisation des cotisations par risque (retraite de base, retraite complémentaire, invalidité) » et un alignement des ressources externes sur celles des autres caisses, afin de diversifier les sources de recettes. Par ailleurs, il est proposé de « compenser le manque de cotisation issu du recours à des agents contractuels en instaurant un prélèvement au bénéfice de la CNRACL sur les salaires versés aux agents contractuels ».
Enfin, il semble aux inspections qu’il ne sera pas possible d’échapper à une hausse importante des cotisations employeurs : même en prenant les mesures correctives listées plus haut, le rapport estime que ces cotisations devraient, a minima, passer de 31,65 % aujourd’hui à … plus de 45 %. Ce qui semble bien compliqué à faire admettre, à un moment où l’État répète matin, midi et soir que les collectivités doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement.
Pour faire passer une telle mesure, les inspections appellent l’État à faire un geste de son côté, en se chargeant « d’apurer le passif de la caisse et de réduire ses frais financiers », afin de « faire écho aux efforts demandés aux employeurs publics ».
Rappelons qu'en juillet dernier, le Bureau de l'AMF a adopté, à l'unanimité, un Manifeste pour la reconnaissance d'un système de protection sociale à l'ensemble de la FPT cohérent, pertinent et spécifique (lire Maire info du 19 juillet). L'association plaide pour une remise à plat complète du système, et estime aussi impossible qu'inefficient de ne considérer le problème que sous l'angle du taux de cotisation des employeurs.
Accéder au rapport.
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Sports
30 minutes d'activité physique quotidienne à l'école : une généralisation « loin du satisfecit présidentiel »
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Quatre ans après le lancement du dispositif et plus de deux ans après sa généralisation, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat a évalué la mise en œuvre territoriale de ce dispositif.
Lancé à la rentrée 2020, le programme « 30 minutes d'activité physique quotidienne » est généralisé depuis septembre 2022 à l’ensemble des écoles primaires. Depuis, aucun état des lieux global de cette innovation n’a été fait – seule existe une étude dressant un état des lieux de la mise en place des 30 minutes d’APQ sur le territoire de l’académie de Créteil (lire Maire info du 12 décembre 2023).
Les sénatrices Béatrice Gosselin et Laure Darcos ont publié vendredi leur rapport d’information sur ce programme ambitieux mais visiblement loin d’être abouti à l’heure actuelle.
Déjà, le déploiement de ce dispositif dans toutes les écoles a été ralenti par sa présentation tardive et son manque de clarté. « Il a fallu attendre plus de 6 semaines pour qu’une note de service du ministère de l’Éducation nationale du 27 juillet 2022 publiée au cœur de l’été vienne traduire la déclaration présidentielle », écrivent les rapporteures. Cette dernière, peu détaillée, n’a pas répondu aux interrogations « nombreuses » des enseignants. La partie commençait mal…
Taux de participation faible et mise en œuvre parcellaire
En avril 2024, le président de la République saluait la réussite de ce dispositif AQP, « évoquant plus de 90 % des élèves du primaire effectuant une demi-heure de sport par jour ». Dans la réalité, on en est loin : le rapport sénatorial relève que seules 42 % des écoles appliquent le dispositif pour la majorité de leurs élèves.
Ces chiffres décevants ne sont pas le résultat d’une mauvaise volonté des écoles et des équipes pédagogiques mais plutôt celui d’une faille organisationnelle. Par exemple, pour une mise en œuvre facilitée, chaque école devait recevoir un kit sportif cofinancé par le ministère des Sports et l’Agence nationale du sport, contenant du petit matériel sportif. Ce kit « devait être distribué à l’ensemble des écoles avant la fin de l’année 2023, puis en raison de retards de livraison avant la fin de l’année scolaire 2024 ». Cependant, « ce nouveau délai n’avait pas été respecté sur l’ensemble du territoire en raison des difficultés d’acheminement entre le lieu de stockage des kits au niveau académique ou de la circonscription et chaque école, mais aussi en raison de leur nombre insuffisant. »
La mission sénatoriale pointe aussi « la situation spécifique des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) » qui a « été oubliée » : « Si d’un point de vue juridique, ils ne forment qu’une seule école, les sites d’un même RPI sont éloignés les uns des autres. Un seul kit pour l’ensemble du RPI diminue la portée du dispositif. »
Une politique publique à améliorer
Le rapport souligne l’ « absence regrettable d’une évaluation de santé publique » et des effets – question sur laquelle les enseignants sont très partagés. Pour plus de 51 % d’entre eux, les 30 minutes d’APQ n’ont aucun effet positif sur les élèves tandis que pour plus de 48 % ces pauses permettent « aux élèves de se reconcentrer et se remettre dans des conditions propices d’apprentissage ».
Pour que perdure ce dispositif « au-delà des Jeux olympiques et paralympiques », et ce de manière plus efficiente, les sénatrices proposent dans un premier temps de le renommer « Pabe » pour « pauses actives et de bien-être ». L’objectif est d'éviter toute confusion entre APQ et EPS et de réaffirmer « sa vocation première : lutter contre la sédentarité ».
À peine une école sur quatre indique avoir été accompagnée à l’occasion de la mise en œuvre des 30 minutes d’APQ, notamment en ce qui concerne la formation des enseignants. La mission recommande par conséquent de veiller à un meilleur accompagnement de ces derniers en veillant à ce que, dans chaque école, une personne ait bénéficié d’une formation dédiée à l’APQ, présentant des mises en œuvre concrètes.
Les sénatrices identifient également l’aménagement des cours d’école comme un axe prioritaire « pour inciter les élèves à se dépenser pendant les récréations et les temps périscolaires. » Elles ajoutent que, à cet égard, « il est regrettable que les communes, actrices pourtant essentielles dans la mise en œuvre de ce dispositif du fait de leurs compétences en termes d’aménagement des cours et des salles de classe, mais aussi en tant que responsables du temps périscolaire, n’aient pas été associées et informées de ce dispositif ».
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Services publics
Santé, petite enfance, Ehpad : France urbaine appelle le gouvernement à ne pas « abîmer » le service public
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À l'approche de l'examen du Projet de loi de finances (PLF) et du Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025, « huit propositions pour un service public accessible et universel » ont été formulées par les élus des grandes villes et des métropoles.
Alors que l’envoi du projet de budget du gouvernement au Haut conseil des finances publiques est prévu pour mercredi, au plus tard, France urbaine a partagé vendredi une publication dans laquelle l’association interpelle le gouvernement.
« À l’heure où [les collectivités sont] pointées à tort comme l’une des causes du déficit public », les élus des grandes villes et métropoles rappellent qu’ils se substituent « aussi parfois, dans des situations d’urgence sociale, à une solidarité nationale qui fait défaut ». Ainsi, France urbaine porte huit propositions à l’attention du gouvernement pour « réaffirmer le modèle d’un service public, protecteur, accessible et universel ».
Santé
Alors que la problématique de désertification médicale concerne aujourd'hui 87 % du territoire, France urbaine invite le gouvernement à prendre en compte plusieurs mesures en matière de santé. D’abord, les élus locaux espèrent un soutien pour les centres de santé non lucratifs : « Nous demandons un fonds d’urgence face aux risques de nombreuses fermetures imminentes (un reste à charge structurel pèse sur les finances des centres de santé, qu’ils soient municipaux ou associatifs) ainsi que la pérennisation et la généralisation, pour les centres volontaires, de méthodes de tarifications plus adaptées à leurs missions d’intérêt général. »
Par ailleurs, France urbaine rappelle qu’il est nécessaire de « soutenir les villes délégataires en santé scolaire » qui ne sont actuellement « compensées qu’à hauteur de 5 % de leur effort financier ». Les élus sont également favorables à la poursuite des « efforts engagés en matière de la santé mentale notamment des jeunes ».
Concernant les Ehpad publics et les résidences autonomie, France urbaine demande « l’ouverture avant la fin d’année d’une négociation sur le financement de la dépendance, un fonds d’investissement pour la rénovation des résidences autonomie, la garantie de conditions de financement et de rentabilité adaptées aux missions et publics pris en charge, une cohérence d’application des normes statutaires. »
École et petite enfance
La loi Vial, promulguée en mai dernier, impose à l'État de prendre en charge le financement des AESH pendant la pause méridienne, alors que jusque-là il revenait aux communes de le faire. Rappelons au passage que son entrée en vigueur à la rentrée 2024 ne s’est pas vraiment passée comme prévu (lire Maire info du 18 septembre). France urbaine indique que la mise en œuvre de cette nouveauté nécessite « l’inscription transparente des crédits correspondants ainsi que la communication des prises en charge aux collectivités, gestionnaires des temps périscolaires. »
Concernant le service public de la petite enfance, les élus demandent « un pouvoir accru de régulation de l’offre au niveau local » et une révision « des modes financements aujourd’hui défavorables aux structures publiques ».
Social
France urbaine plaide également pour « préserver ce qui fonctionne » en matière de politiques publiques pour favoriser l’inclusion : « Territoire zéro chômeur de longue durée, cités de l'emploi, bataillons de la prévention, cités éducatives, contrat d’engagement des jeunes – jeunes en rupture, pactes métropolitains des solidarités… Nombreux sont les dispositifs déployés ces dernières années mais dont la pérennisation est remise en question de budget en budget, créant de fait une incertitude et une insécurisation tant pour les professionnels que les bénéficiaires. »
Enfin, à l’approche de l’hiver, l’association d’élus interpelle une nouvelle fois le gouvernement sur les situations humaines et sanitaires alarmantes des familles à la rue. France urbaine demande d’inscrire « des mesures en urgence pour la mise à l’abri » de ces personnes afin de « garantir par les places en hébergement d’urgence et par les procédures engagées au niveau local le respect transparent de cette obligation légale et morale. »
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Climat
Le Haut Conseil pour le climat critique les coupes budgétaires envisagées
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Alors que le Fonds vert risque d'être fortement amputé en 2025, l'organisme estime que les annulations de crédits sont « contre productives ». D'autant que « les aléas climatiques s'intensifient plus rapidement que les moyens mis en Å“uvre pour en limiter les impacts ».Â
« Les annulations récentes de crédits nuisent à la confiance dans la transition climatique. » Alors que le Premier ministre va présenter, cet après-midi, son discours de politique générale et que son gouvernement cherche à réduire le déficit public, le Haut conseil pour le climat (HCC) a décidé de mettre la pression à Michel Barnier lors de la publication, vendredi, de la version grand public de son rapport annuel.
Les experts du HCC ont insisté sur la « nécessité » de définir « une direction claire et stable », tout en critiquant les coupes budgétaires et en rappelant « l’urgence » d’adopter les « textes stratégiques qui encadrent l’action climatique ».
Des coupes budgétaires « contre-productives »
En juin déjà, l’organisme indépendant chargé d’évaluer l'action publique climatique avait envoyé un message aux candidats aux élections législatives, lors de la parution de son rapport. Il prévenait ainsi que si la France était bien partie pour tenir ses objectifs de réduction de 55 % de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, elle ne devait, toutefois, pas relâcher ses efforts et maintenir « le cap de la décarbonisation ».
Depuis, le dérapage des comptes publics pour 2024 a été acté et Michel Barnier a confirmé qu’il s’attaquerait à la réduction du déficit dans le prochain budget, en se fondant en grande partie sur la feuille de route laissée par l’ancien gouvernement Attal.
Et celle-ci laisse augurer des coupes claires dans les dépenses en faveur de la transition écologique. En témoigne la prévision de réduction de 1,5 milliard d’euros des crédits du Fonds vert, celui-ci passant potentiellement de près de 2,5 milliards d’euros en 2024 à 1 milliard d’euros en 2025, selon les lettres-plafonds concoctées sous l'égide de l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, désormais chef de file des députés macronistes à l’Assemblée nationale.
Alors que les collectivités vont devoir « plus que doubler » leurs investissements climatiques actuels si elles veulent tenir les objectifs affichés à l’horizon 2030, le président du Haut conseil, Jean-François Soussana, a confirmé, de manière générale, lors d’une conférence de presse, que « lorsqu’il y a des annulations de crédits, cela nuit à la visibilité de l’action et donc cela nous semble contre-productif ».
Les « financements pluriannuels » sont ainsi indispensables à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, répètent les experts du HCC.
D’ici à 2030, « l’action climatique nécessitera de consacrer des financements publics et privés de 60 à 70 milliards d'euros par an tout en arrêtant les subventions aux énergies fossiles », estiment-ils, en rappelant que pour atteindre les objectifs fixés en 2030, les émissions de gaz à effet de serre devront « baisser 1,3 fois plus vite entre 2024 et 2030 que la baisse annuelle moyenne des émissions constatée entre 2019 et 2023 ».
Lois, décrets et planification prennent du retard
Bien que « les politiques publiques connaissent des avancées significatives qui produisent des effets », l’organisme indépendant constate que « l’élaboration des dispositions législatives prend du retard alors que les concertations ont été effectuées ».
Parmi ces « textes stratégiques » qui encadrent l’action climatique et qui n’ont « pas encore été adoptés », il pointe la stratégie nationale bas carbone, le plan national d’adaptation au changement climatique ou encore la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Pourtant, « l’adoption des lois, la publication des décrets, l’élaboration des documents de planification sont urgentes ».
Prônant une « direction claire et stable », de la « lisibilité et cohérence dans le temps de l'action climatique », les experts du HCC demandent, notamment, la mise en place de « trajectoires d’incitations publiques, d’investissements verts, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers ».
Intensification des aléas climatiques
Le Haut Conseil rappelle, dans son rapport, combien la France est « durement touchée » par le changement climatique et les moyens pour l’adaptation restaient « insuffisants ».
D’autant que si la baisse des émissions brutes de gaz à effet de serre en France est bien conforme à ce qui était prévu, il s’inquiète de la faible absorption du CO2 par les puits naturels, que sont par exemple les forêts.
Résultat, le second budget carbone (2019-2023) de la France ne sera « vraisemblablement pas respecté du fait de l’effondrement du puits de carbone forestier, fragilisé par le changement climatique », alors pourtant que « les émissions totales ont diminué au rythme prévu par ce budget ».
« Malgré les efforts faits par les pouvoirs publics pour développer les politiques d’adaptation au changement climatique, les aléas climatiques s’intensifient plus rapidement que les moyens mis en œuvre pour en limiter les impacts », observe-t-il. Sans compter que le continent européen continue de se réchauffer deux fois plus rapidement que le reste du monde, devenant le continent qui se réchauffe le plus vite sur la planète.
Le Haut Conseil estime ainsi qu’il « faut accélérer la baisse des émissions d’ici à 2030 et restaurer le puits de carbone des forêts et des sols », avant de rappeler que « les besoins d’adaptation s’accroissent avec les niveaux de réchauffement et seront d’autant plus importants et coûteux qu’ils seront traités tardivement ».
Les experts mettent, par ailleurs, en garde sur un ensemble de « fragilités » pour la trajectoire française : visibilité insuffisante du déploiement des énergies renouvelables et nucléaires, « manque de maîtrise de la demande en mobilité », faible taux de rénovations performantes des bâtiments et transition agricole insuffisante.
Ils notent, toutefois, qu’au niveau mondial, les engagements actuels des pays sont « insuffisants » pour respecter les objectifs de l’accord de Paris, conditions pour limiter le réchauffement en dessous de 2 °C et le plus près possible de 1,5 °C.
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Santé publique
La question d'une réforme de l'Aide médicale d'État divise profondément, même au sein du gouvernement
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Huit anciens ministres de la Santé, de gauche comme de droite, viennent de signer une tribune commune appelant au maintien de l'AME (Aide médicale d'État), position également défendue par la Fédération hospitalière de France. Au sein du gouvernement, les avis divergent sur ce sujet.
À peine arrivé au ministère de l’Intérieur, Bruno Retailleau a remis sur le métier la réforme de l’AME. Rien de surprenant de la part de l’ancien président du groupe LR au Sénat, qui avait bataillé, lors du débat sur la loi sur l’immigration l’hiver dernier, pour la suppression de l’AME et sans transformation en « aide médicale d’urgence » (AMU). Mais cette volonté du nouveau locataire de la place Beauvau de s’attaquer à l’AME, au motif, a-t-il déclaré, qu’il ne veut pas que « la France soit le pays le plus attractif d’Europe pour un certain nombre de prestations sociales », a vivement fait réagir.
Rappelons que l’AME, mise en place en 1999, permet d’assurer la prise en charge médicale gratuite des étrangers en situation irrégulière, si ceux ont des revenus inférieurs à 10 000 par an. L’année dernière, elle bénéficiait à environ 450 000 personnes.
Huit anciens ministres contre la réforme de l’AME
Hier, ce sont les huit précédents ministre de la Santé (1) qui ont co-signé une tribune dans Le Monde pour « rappeler l’importance du maintien » de l’AME.
Pour les signataires, l’idée que l’AME serait un « facteur d’incitation à l’immigration » relève du « fantasme », « contraire aux faits » établis dans plusieurs rapports officiels. Ils rappellent également que l’AME ne concerne pas les soins de confort mais permet « la prise en charge anticipée de pathologies dont la dégradation présente des répercussions décuplées ». Comme cela avait déjà été développé par les défenseurs de l’AME pendant le débat sur la loi immigration, la suppression du dispositif présenterait un risque pour le système de santé et les finances publiques, dans la mesure où sans l’AME, les pathologies les plus graves seraient moins bien détectées, obligeant les patients à se présenter plus tard à l’hôpital avec une pathologie plus grave – sans compter le risque de contagion. « Affaiblir l’AME, concluent les signataires, c’est désinvestir le champ de la prévention. (…) Sans permettre de réduire l’immigration illégale, remettre en cause l’aide médicale de l’État aurait des conséquences sanitaires, humaines, sociales et économiques inacceptables. »
Cette tribune, même si elle est signée d’anciens ministres de gauche (Marisol Touraine) et de droite (Roselyne Bachelot), comprend principalement des noms appartenant au camp macroniste. Elle apparaît donc comme une sorte d’avertissement : le parti présidentiel, ou tout au moins une partie de celui-ci, combattra une réforme de l’AME si Bruno Retailleau décide de la mettre en œuvre. La vérité oblige toutefois à rappeler que certains des signataires de cette tribune étaient en fonction, au gouvernement, lorsque Élisabeth Borne puis Gabriel Attal avaient promis… une réforme de l’AME.
Au sein du gouvernement actuel, Michel Barnier, le Premier ministre, serait certainement favorable à une telle réforme (la mesure apparaissait dans son programme pour les primaires de la droite en 2021). La ministre de la Santé, Geneviève Darrieusecq, y est en revanche opposée.
La FHF « totalement opposée »
Autre réaction sur le sujet : celle d’Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France. Sur France 2, hier, le maire (Horizons) de Reims s’est d’abord « étonné » que ce soit le ministre de l’Intérieur qui s’empare du sujet (« cela ne relève pas de ses compétences »), et s’est dit « totalement opposé à une réforme de l’AME ». « Il y a un enjeu de santé publique et de déontologie. Quel médecin va laisser sur le trottoir un patient ? Si l’AME n’est plus financée par l’État, les missions existeront toujours, et ce seront donc les hôpitaux qui financeront les ressortissants. »
Arnaud Robinet a rappelé que l’AME représente 0,5 % du budget de la santé. « C’est un faux problème. »
Proposition de loi
Le sujet pourrait néanmoins arriver assez vite en débat à l’Assemblée nationale. En effet, avant même que le gouvernement ait à se poser la question de déposer un projet de loi sur le sujet, des membres du groupe Les Républicains ont déposé leur propre proposition de loi. Dans l’exposé des motifs, la députée de l’Orne Véronique Louwagie rappelle qu’à la suite du débat immigration, le précédent gouvernement s’était engagé à réformer l’AME, par voie « législative ou réglementaire », avait dit Élisabeth Borne. Gabriel Attal, en prenant les commandes du gouvernement, avait déclaré que la réforme « se ferait par voie réglementaire avant l’été », « sur la base du rapport Évin-Stefanini ». La dissolution a arrêté le processus.
Rappelons que le rapport en question, paru en décembre 2023, jugeait le dispositif de l’AME « utile et globalement maîtrisé », mais proposait un certain nombre « d’adaptations », pour ne pas voir le nombre de bénéficiaires augmenter de façon trop importante. Le rapport se concluait par 11 propositions faisant consensus et deux « ne faisant pas consensus ».
Le problème, souligne Véronique Louwagie, c’est que proposer d’appliquer ces propositions « par voie réglementaire », comme l’avait dit Gabriel Attal, est impossible, puisque « dix des treize recommandations (…) sont de nature législative ». D’où la décision des Républicains de déposer une proposition de loi pour mettre en œuvre, dans la loi, ces propositions, et en ajouter quelques autres au passage.
Il s’agit notamment de durcir les conditions d’accès à l’AME, par exemple en prenant en compte les ressources du conjoint dans le plafond ouvrant droit aux prestations, ou d’exclure de l’AME les personnes sous OQTF. Une autre mesure proposée serait de vérifier que « l’étranger en situation irrégulière concerné ne peut pas bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine ».
Au chapitre des mesures non prévues par le rapport Évin-Stefanini, les députés LR demandent notamment l’exclusion du panier des actes pris en charge par l’AME « des actes à visée esthétique ou en lien avec (…) le transsexualisme ». Une proposition surprenante, dans la mesure où dans la liste des actes pris en charge par l’AME, telle qu’elle figure sur le site de l’Assurance maladie, ne figurent ni l’un ni l’autre de ces items.
D’autres mesures figurant dans la proposition de loi reprennent des propositions faites au moment du débat sur la loi immigration, comme la suppression des réductions tarifaires dans les transports en commun pour les étrangers bénéficiaires de l’AME.
(1) Roselyne Bachelot, François Braun, Agnès Buzyn, Agnès Firmin- Le Bodo, Aurélien Rousseau, Marisol Touraine, Frédéric Valletoux et Olivier Véran.
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Journal Officiel du mardi 1 octobre 2024
Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
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