Édition du jeudi 11 avril 2024

Violences urbaines
Neuf mois après les émeutes, un bilan et 25 propositions
La commission des lois du Sénat a rendu son rapport d'évaluation sur les émeutes de juin 2023, et élaboré une liste de 25 propositions pour améliorer la réponse à ce type d'événements. Bilan, stratégie de maintien de l'ordre, rôle des policiers municipaux et des maires, le Sénat a passé au crible tous les aspects de la question. 

Dès le mois de juillet dernier, alors que les incendies allumés pendant les émeutes de fin juin et début juillet étaient à peine refroidis, la commission des lois du Sénat a créé une mission d’information transpartisane, présidée par François-Noël Buffet et dotée de prérogatives d’une commission d’enquête, afin de « dresser le constat des événements » et analyser les réponses des pouvoirs publics.

Bilan

Neuf mois plus tard, la mission a rendu un rapport (encore en version provisoire), où elle conclut que si la mort de Nahel Merzouk, tué par un policier à Nanterre, a bien été l’élément déclencheur de ces événements, ils ont d’autres causes profondes, et qu’en tout état de cause, dans plusieurs communes, les émeutiers étaient déjà « prêts pour un affrontement avec les forces de l’ordre, comme en témoignent les importants stocks préconstitués de mortiers d’artifices ainsi que la coordination et l’organisation qui ont pu être constatées, localement ». 

La mission dresse aussi un bilan définitif des émeutes, marquées par « une expansion territoriale fulgurante des violences, (…) sous la forme d’une vague de destruction et de pillages sans précédent », mais aussi par « une décrue aussi soudaine que l’embrasement ». Ces émeutes ont fait deux morts (un à Marseille, l’autre à Cayenne), et au moins un millier de blessés dont 782 agents des forces de l’ordre et 3 sapeurs-pompiers. 

Côté dégâts, les dommages aux biens ont atteint le chiffre « colossal » d’un milliard d’euros. Les seuls sinistres déclarés aux assurances (16 400) représentent un coût de 793 millions d’euros, soit quatre fois plus que celui des émeutes de 2005, qui avaient été plus localisées (672 communes touchées dans 95 départements en 2023, contre environ 300 dans 25 départements en 2005). 2 508 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, dont 105 mairies et 243 écoles. 12 031 véhicules ont été incendiés, et entre 1 000 et 1 500 commerces ont été vandalisés ou pillés. 

Quant au profil des auteurs, il se caractérise avant tout par la jeunesse : l’âge moyen des quelque 3 500 personnes interpellées est de 18 ans, et 500 d’entre eux étaient mineurs (193 ayant 15 ans et moins). Selon la mission, la « marginalité sociale » des émeutiers est « à nuancer ». Attention toutefois à une erreur dans le document diffusé par le Sénat : dans « L’essentiel », synthèse du rapport établie par la mission, il est écrit cette phrase plus qu’étonnante : « Près de trois-quarts des mineurs déférés sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur », ce qui paraît à la fois peu crédible et matériellement impossible, puisqu’il est fort rare d’être à la fois mineur et dans l’enseignement supérieur. Il faut se référer au rapport lui-même pour qu’une information nettement plus recevable soit donnée : « Près de trois quarts (73,2 %) de ces mineurs étaient inscrits dans un établissement scolaire ou de formation ». Ce chiffre, précisent les sénateurs, est à la fois « inférieur à la moyenne nationale chez les 14-17 ans » mais « supérieur à la proportion habituellement constatée chez les mineurs déférés ». Autrement dit, il semble que ces émeutes aient entraîné un public plus large que celui des délinquants « habituels ». 

Enfin, les sénateurs mettent l’accent sur le rôle « déterminant » joué par les réseaux sociaux, qui ont, d’une part, été utilisés pour « jouer la concurrence » entre groupes d’émeutiers « dans une recherche effrénée de viralité ». D’autre part, les réseaux ont également « servi de plateformes logistiques pour la coordination » des actions violentes.

Maintien de l’ordre

Face à tous ces constats, la mission fait un certain nombre de propositions, au premier rang desquelles « la nécessaire modernisation des moyens du rétablissement et du maintien de l’ordre public en contexte émeutier ». Les sénateurs demandent que soit construit un nouveau schéma national, « en facilitant notamment le décloisonnement et le dézonage de l’emploi des forces de sécurité intérieure ». Ils estiment que le fameux « continuum de sécurité » n’a pas été « optimal », notamment du fait de « l’absence d’anticipation et de formalisation d’un cadre d’emploi clair et négocié des polices municipales ». D’autre part, ils constatent « l’hétérogénéité » des choix effectués par les maires – certains ayant fait le choix de ne pas engager leur police municipale au côté des forces de l’ordre nationales, comme à Lyon. À l’inverse, dans certaines communes dotées d’une police municipale relativement nombreuse, comme à Évry-Courcouronnes dans l’Essonne (67 agents), c’est l’État qui a fait le choix de ne pas engager les forces de sécurité intérieures.

La mission recommande également que les entraînements et la formation des forces de l’ordre, notamment en matière de tir (« avec armes létales et non létales »), soient renforcés. Elle rappelle également que lors de ces émeutes, les munitions ont manqué aux forces de l’ordre et que des problèmes d’acheminement ont été constatés. Elle appelle donc à « renforcer les capacités de production des munitions et des armements de la filière industrielle française », à « renouveler les armes de force intermédiaire » comme les canons à eau. La mission souhaite un « développement massif », et si possible une « généralisation » des caméras-piéton, ainsi que des drones, qui se sont avérés particulièrement utiles. 

Mortiers d’artifice : vers une interdiction de la vente en ligne ?

Plus généralement, la mission estime que l’État devrait renforcer ses capacités de renseignement « dans le suivi et la connaissance des quartiers sensibles » – celles-ci étant essentiellement consacrées, aujourd’hui, à l’islam radical, l’ultra-droite et l’ultra-gauche. 

Les sénateurs tirent également le bilan de l’usage effréné des mortiers d’artifice pendant ces émeutes. Ils constatent que les mesures actuellement en vigueur pour tenter de réguler la vente de ces engins se sont montrées inefficaces, et proposent donc d’interdire purement et simplement « la vente en ligne et par voie postale des mortiers d’artifice ». Il est également préconisé de créer un délit de « non-dénonciation de transaction suspecte ». 

Polices municipales

Outre des mesures concernant les réseaux sociaux – la mission propose par exemple, lors du déclenchement d’un état d’urgence, de permettre aux préfets d’obtenir la désactivation de certaines fonctionnalités des réseaux sociaux, comme la géolocalisation ou les « lives » –, les sénateurs ont réfléchi au rôle des polices municipales dans ce type d’événements, jugeant que leur rôle doit rester « complémentaire » et non « s’apparenter à un substitut ». Avec un double rappel : les polices municipales ne sont pas « des supplétifs à l’action  des forces de sécurité intérieure, venant ainsi combler le manque de moyens de ces dernières » ; mais en même temps, il serait absurde de se priver de leur « connaissance du terrain et des populations en cas d’émeutes ». Il convient donc, poursuivent les sénateurs, de « renforcer la complémentarité opérationnelle entre les polices municipales et les forces de l’ordre en période d’émeutes, dans le respect des prérogatives de chacun ». 

La mission souhaite, pour ce faire, la généralisation des « conventions de coordination » entre les polices municipales et les FSI, et propose que soient encouragées les « patrouilles mixtes » dans les périodes d’émeutes.

La mission souhaite également que le régime des policiers municipaux soit aligné sur celui des gardes-champêtres pour ce qui concerne leurs prérogatives de police judiciaire (possibilité de relever l’identité, de mener des perquisitions, d’exécuter des mandats de dépôt et des mandats d’amener). Elle demande également qu’une réflexion soit menée sur « une évolution de l’équipement en armes non-létales des policiers municipaux », et que les moyens du FIPD consacrés à l’équipement en caméras de vidéo-protection soient renforcés. 

Le rôle des élus locaux

Enfin, les sénateurs veulent « conforter » la place des élus locaux, « en première ligne sur le terrain, parfois au péril de leur sécurité », dans la gestion des situations d’émeutes. Ils constatent que « le degré de coordination n’a pas été homogène » sur l’ensemble du territoire entre les élus locaux et les services de l’État : manque d’information et de communication dans certains cas, relations parfois « inexistantes » avec les procureurs… La mission recommande donc que soit systématisée « la présence des maires dans les centres territoriaux de crise et les réunions locales de sécurité ». 

Elle demande aussi que les maires soient « systématiquement informés » quant aux interventions des forces de l’ordre sur le territoire de leur commune, ce qui paraît la moindre des choses mais n’a pas toujours été le cas, et que les élus soient mieux formés « à la conduite à tenir face aux jeunes violents ». 

Notons, enfin, que la mission demande, en matière d’assurances, que soit mis en place un nouveau régime comparable au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, « partiellement financé par une surprime dont le taux est fixé par l’État », pour couvrir les dégâts provoqués par des émeutes. 

Le dernier chapitre du rapport a trait à la reconstruction et à l’usage qui a été fait, par les maires, de la loi « Urgence reconstruction » du 25 juillet 2023. Maire info reviendra sur ce chapitre spécifique dans une prochaine édition.




JOP 2024
Caméras, polices municipales, fanzones : où en est-on de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques ?
Un rapport d'information sénatorial sur la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques, rendu public hier, préconise notamment d'informer les maires des prévisions de déplacement des forces de sécurité et de faciliter la participation des polices municipales à la sécurisation des Jeux.

« Nous sommes sur la bonne voie et nous serons prêts ». Telle est la principale conclusion des sénatrices Agnès Canayer et Marie-Pierre de La Gontrie, qui ont présenté hier à la presse les conclusions de la mission d'information sur l'application de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, créée au sein de la commission des lois.

Après avoir mené 95 auditions et réalisé 5 déplacements, les sénatrices se sont montrées plutôt optimistes quant au bon déploiement des mesures prévues par la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux Olympiques, dite loi « JOP ». Elles reconnaissent cependant que certains objectifs fixés par la loi n’ont pas été atteints. 

Dans ce rapport, les sénatrices « insistent sur des points précis » – d’où les 55 préconisations formulées – dans le but de « gagner la médaille d’or de la sécurisation ». 

« Une maîtrise relativement globale » 

Sur la vérification de l’exécution de la loi, si certaines inquiétudes ont pu exister au début, les sénatrices affirment que tous les retards ont été rattrapés, notamment dans la publication des décrets, et que « tous les risques ont été anticipés et évalués ». Agnès Canayer salue notamment « une maîtrise relativement globale » de la sécurité.

Seule manque encore, selon la mission, la publication des décrets « grands évènements » liés à la sécurisation de la cérémonie d’ouverture des JO et aux « clubs 2024 » qui sont des fanzones animées et festives autour des Jeux Olympiques et Paralympiques dans les communes. La mission rappelle par ailleurs que « les collectivités territoriales sont en charge de l’organisation de la sécurité au sein des zones de célébration et des évènements qu’elles organisent. »

La mission constate un « engagement de haute intensité » en matière de sécurité avec « 35 000 membres des forces de sécurité intérieure (FSI) et, depuis les récentes annonces du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, désormais 18 000 membres des forces armées mobilisés pour sécuriser les JOP au cours de la période estivale ». De plus, 18 000 agents privés seront mobilisés par jour, avec un pic estimé à plus de 24 000 agents pour la cérémonie d’ouverture.

Rappelons que la loi élargit la procédure de « criblage », c’est-à-dire la conduite d’enquêtes administratives d’identification préalable menée par les forces de l’ordre. Cet élargissement vise les participants ainsi que les personnes accréditées sur les sites de compétition et les fanzones. Les sénatrices rappellent que ce dernier « est en cours » et que déjà 1 600 personnes ont été écartées. 200 000 personnes en moyenne ont pour l’instant fait l’objet de cette procédure sur le million prévu. 

La remise de ce rapport a aussi été l’occasion pour les sénatrices d’indiquer qu’une zone où les manifestations seraient autorisées sera prévue à Paris, « comme pour les Cop et les G20 », selon une rapporteure. C’était une demande de la Commission des lois, qui n’a, pour le moment, pas d’informations sur la localisation de la zone. On ne sait pas pour le moment si l’État compte interdire les manifestations à Paris ou si ces rassemblements seront fatalement rendus impossibles par les restrictions de circulation annoncées il y a quelques jours. 

Pas de vidéo ni de scanner 

C’était pourtant un point incontournable de cette loi. L'article 7 permet en effet « à titre expérimental et jusqu'au 30 juin 2025, l'utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées par les dispositifs de vidéoprotection et les drones afin de détecter et de signaler des évènements prédéterminés susceptibles de menacer la sécurité des personnes ». 

Finalement, alors qu’une expérimentation tardive a été menée avec 6 caméras lors d’un concert du groupe Depeche Mode, « la vidéoprotection augmentée ne sera pas optimum au moment des JO », ce qui n’empêche pas qu’elle sera expérimentée. Cependant, ce manquement devra être « compensé par plus de forces de l’ordre ». De même, le scanner corporel à ondes millimétriques ne sera pas utilisé. « Un défaut d’outil qui devra aussi être compensé », ajoute Agnès Canayer. Espérons que ces défaillances techniques ne pénalisent pas, comme le redoutent beaucoup d’élus, les territoires où déjà de nombreuses forces doivent être mobilisées en Ile-de-France durant les moments clés de la compétition. 

« Ne pas déshabiller les collectivités de leurs forces de l’ordre »

Pour ne pas délaisser le reste du territoire cet été, « sans pour autant recourir aux polices municipales comme supplétifs aux forces de sécurité intérieure, les rapporteures proposent de garantir l’information des maires, par le biais du préfet de département, sur les prévisions de déplacement des forces de sécurité intérieure affectées dans le département et, en temps réel, de toute évolution en la matière et, à l’inverse, de les inciter à informer les préfets, en amont, de leur organisation afin d’optimiser l’organisation d’événements estivaux complémentaires aux JOP ». 

Les sénatrices posent un regard positif « sur le maillage territorial » mais insistent sur le fait qu’il « ne faut pas déshabiller les collectivités de leurs forces de l’ordre ». Marie-Pierre de La Gontrie assure qu’il y a eu une prise en compte de cette question et que le volume très important des forces de l’ordre mobilisées au total, avec l’armée, est rassurant. 

Comme ont pu le constater les sénatrices, les maires du littoral sont particulièrement inquiets, et ce depuis l’annonce du ministre de l’Intérieur en novembre 2022 indiquant que les maîtres-nageurs sauveteurs CRS ne seront pas présents sur les plages pour l'été 2024 mais seront affectés à la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques. 

Sur ce point, Marie-Pierre de La Gontrie, a déclaré que ce manque pourrait être compensé par « les sapeurs-pompiers ou les réservistes en cours de recrutement ». Le rapport préconise aussi de faciliter la mutualisation « temporaire » et volontaire des gardes-champêtres et policiers municipaux en cas de besoin pour assurer les missions de sécurisation incendie ou de sécurisation des plages au cours de l’été 2024 et de « poursuivre les efforts de recrutement au sein des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie nationales, en particulier pour assurer la surveillance des plages lors de la période estivale ». 

Il semble cependant que si ces mesures apportent en partie une réponse au maintien de l’ordre public, elles occultent la partie surveillance et sauvetage des baigneurs. Rappelons qu’en France, les noyades font plus de 1 000 morts chaque année, dont la plupart ont lieu en mer.

Le président de l’AMF a d’ailleurs écrit au ministre de l’Intérieur il y a quelques jours pour l’alerter sur le fait que des maires du littoral s’inquiètent de la sécurité des plages et de la surveillance des baignades. Plus globalement, l’AMF demande davantage de concertation avec les maires et le respect de la circulaire du 13 décembre 2022 sur la tenue des évènements estivaux durant cette période qui doit être impérativement appliquée, dans les termes prévus, et ce uniformément sur l’ensemble du territoire national. 

Polices municipales

Le rapport de la Commission des lois formule également trois recommandations pour faciliter la participation des polices municipales à la sécurisation des JOP. La cinquième proposition du rapport vise à « faciliter l’adhésion des policiers municipaux à l’engagement renforcé lors des JOP en faisant évoluer, avant la fin de l’année, leur régime indemnitaire afin d’offrir aux maires la possibilité de leur octroyer une prime exceptionnelle en cas de participation à la sécurisation de "grands événements" ». Cette proposition reprend en fait le projet de décret portant refonte du régime indemnitaire des policiers municipaux et des gardes champêtres qui a récemment fait l’objet d’un avis favorable du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) (lire Maire info du 28 mars). 

En ce qui concerne strictement les Jeux, les sénatrices appellent à « l’actualisation des conventions de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État pour prendre en compte les besoins locaux spécifiques résultant de l’organisation des JOP et exclure toute mise à disposition sans accord du maire ».

Enfin, la mission souligne qu’il serait souhaitable que des négociations entre l’État et les collectivités territoriales puissent avoir lieu « en vue d’une compensation financière des coûts résultant d’une mobilisation supplémentaire des polices municipales pour assurer la sécurisation des JOP ». 
 




Santé publique
La loi « Bien vieillir » a été promulguée
Outre les diverses mesures concernant les Ehpad, la loi autorise les maires à collecter et partager certaines données des personnes âgées et handicapées. Elle prévoit aussi la création d'un « service public départemental de l'autonomie » et une « cellule de recueil » des signalements de maltraitance.

Critiquée pour ses « faibles avancées », la loi portant « mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie » a été promulguée, mardi, au Journal officiel, après un ultime vote du Sénat à la fin mars. 

Qualifié de « texte d'attente » par les oppositions en lieu et place de la « grande loi » initialement voulue par le gouvernement, celui-ci comprend une série de mesures visant à lutter contre l'isolement des personnes âgées ou handicapées, prévenir la perte d'autonomie ou encore faciliter les signalements liés à la maltraitance. 

Autonomie : un guichet unique

La loi prévoit, d'abord, l'organisation au moins tous les trois ans d'une conférence nationale de l’autonomie (composée de représentants des conseils départementaux), sur le modèle de la conférence nationale du handicap, « afin de définir des orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d’autonomie ».

Elle crée aussi un service public départemental de l'autonomie (SPDA) pour les personnes âgées, handicapées et les proches aidants. Ce « guichet unique » doit faciliter leurs démarches et garantir la continuité de leur parcours et leur maintien à domicile. 

Des conférences territoriales de l’autonomie (chacune présidée par le président du conseil départemental ou le président de la collectivité exerçant les compétences des départements) seront chargées de piloter le dispositif dans les départements et d'allouer les financements nécessaires. Celles-ci peuvent, en outre, créer des commissions compétentes pour « chaque territoire de l'autonomie ».

A cela s'ajoutent, dans chaque département, des équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques – « indépendantes de toute activité commerciale » – qui accompagneront « individuellement les personnes âgées et les personnes handicapées dans l'évaluation de leurs besoins, dans le choix et la prise en main des aides techniques et dans la définition des aménagements de logement correspondant à leurs besoins ».

La création d’un groupement territorial social et médicosocial doit, par ailleurs, permettre aux établissements de « mettre en œuvre un parcours coordonné des personnes âgées accompagnées ». « À l'exception de ceux gérés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou une collectivité territoriale », les établissements ou service médico-social auront ainsi « l'obligation d'adhérer » à un groupement hospitalier ou à un groupement territorial social et médico-social. Ce qui inquiète l’AMF qui « ne souhaite pas que cela finisse par conduire à des fusions ou des mutualisations comme cela s’est passé pour les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ».

Âge et handicap : les données collectées par les maires

Afin de « favoriser l'intervention » des services sanitaires, des CCAS ou des CIAS ainsi que des établissements et des services sociaux et médico-sociaux, les maires peuvent désormais recueillir certaines données (l'identité, l'âge et le domicile) des personnes âgées et des personnes en situation de handicap qui « sollicitent une telle intervention », mais aussi accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), sauf opposition de leur part.

Les services sociaux et sanitaires pourront ainsi accéder aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies dans le but de « lutter contre l’isolement social » des personnes âgées ou handicapées et mieux les « informer [sur les] dispositifs d'aide et d'accompagnement », par exemple, en cas de crise sanitaire ou de canicule. Cela doit aussi permettre d’organiser « un contact périodique » avec les personnes répertoriées « lorsque le plan d'alerte et d'urgence est mis en œuvre ».

Le texte prévoit avant la fin 2024, puis « tous les cinq ans », une « loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge » qui devra déterminer « la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie des personnes âgées, pour une période minimale de cinq ans », celui-ci devant notamment définir « les moyens mis en œuvre par l’État » pour assurer le bien-vieillir. « Il conviendra, en effet, que cette loi prévoit des financements dédiés et non sur les budgets communaux aujourd’hui très contraints et qui doivent déjà pallier les déficits des Ehpad publics (85% sont déficitaires) », explique l'AMF.

Ehpad : droit de visite, cellule d'alerte et tarification

Plusieurs mesures concernent directement les Ehpad. Le texte prévoit ainsi que les personnes qui y sont prises en charge se voient reconnaître le droit de « recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix », sans information préalable de l'établissement, sauf si celui-ci « constitue une menace pour l'ordre public » ou pour « la santé du résident, pour celle des autres résidents ou pour celle des personnes qui y travaillent ». 

Un « droit absolu » de recevoir une visite quotidienne est même reconnu aux personnes « en fin de vie ou en soins palliatifs », même en cas de crise sanitaire. 

L’instauration d’une « cellule de recueil et de traitement des alertes » en cas de maltraitance de personnes âgées ou handicapées vulnérables est également prévue au niveau départemental. Cette mesure fait écho aux révélations du livre Les Fossoyeurs, publié en 2022, dans lequel de nombreuses négligences importantes avaient été révélées au sein des établissements du groupe Orpea, renommé Emeis depuis le mois dernier.

À noter, également, que les agences régionales de santé, après consultation du président de département, pourront instaurer, à titre expérimental entre juin 2024 à juin 2026, « un quota minimal de chambres réservées à l’accueil de nuit » dans les Ehpad et dans les résidences autonomie. L’objectif est d’accorder « un peu de répit aux proches aidants ou rassurer les personnes âgées vivant seules ».

Les Ehpad publics autonomes devront, par ailleurs, « coopérer dans le cadre des nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS) » et « le forfait soins des établissements pourra être mobilisé pour financer des actions de prévention de la perte d'autonomie » indique le site vie-publique, réalisée par la Direction de l’information légale et administrative (Dila), qui est rattachée à Matignon. En outre, « les Ehpad habilités à l’aide sociale pourront bénéficier d’une souplesse encadrée dans la fixation de leurs tarifs d'hébergement ».

On peut également rappeler qu'une mesure visant à faire perdre aux maires leur pouvoir de nomination des directeurs d’Ehpad n'a finalement pas été retenue par la comission mixte paritaire. Une disposition à laquelle s'était opposée l'AMF puisque les communes gèrent un très grand nombre d’Ehpad publics et que les maires sont présidents des conseils d’administration des Ehpad communaux.

Si « d’autres mesures intéressent le contrôle des Ehpad » (déclaration des prises de contrôle des gestionnaires d’établissements à l’autorité de tutelle, qui pourra s’y opposer dans les deux mois ; échanges d’informations facilités entre les agences régionales de santé (ARS), les départements et la répression des fraudes...), le site rappelle que, afin de prévenir et de lutter contre la dénutrition, « les règles relatives à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés en Ehpad seront fixées par un cahier des charges établi par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation ».

Plusieurs autres mesures en faveur des aides à domicile (carte professionnelle sera délivrée d'ici 2025, aides financières de la CNSA créées au profit des départements…) et de l'habitat inclusif sont également inscrites dans la loi.

Consulter le texte.




Santé publique
Lutte contre les dérives sectaires : le texte définitivement adopté
L'Assemblée nationale a définitivement adopté avant-hier le projet de loi de lutte contre les dérives sectaires, qui renforce les pouvoirs de la Miviludes, aggrave les peines et améliore l'accompagnement des victimes. Les sénateurs ont, jusqu'au bout, refusé de reculer sur certains aspects de ce texte, sans parvenir à faire triompher leurs vues. Explications.

L’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi sur la lutte contre les dérives secteurs, mardi 9 avril, après quatre mois d’un parcours législatif chaotique. Deux lectures devant chaque chambre n’ayant pas permis de parvenir à une version commune, une commission mixte paritaire a été réunie le 7 mars dernier, sans succès. Le texte est donc revenu en nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale, puis devant le Sénat, qui l’a rejeté sans l’examiner, après adoption d’une motion de rejet, pour cause de « désaccords insurmontables ». C’est alors l’Assemblée qui a le dernier mot, comme le prévoit la Constitution. 

Les objectifs du texte

On ne pouvait guère s’attendre à d’aussi furieux débats sur un texte dont les objectifs, pourtant, semblaient très largement partagés. Face à l’importante augmentation des signalements à la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), liés en particulier à l’émergence des dérives sectaires sur internet, le gouvernement souhaitait « adapter le cadre juridique applicable aux dérives sectaires aux évolutions de ces dernières et améliorer l'accompagnement des victimes ». 

Le texte initial prévoyait donc de créer un nouveau délit de « placement ou maintien en état de sujétion psychologique et physique », ainsi qu’un délit de « provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques risquées par la santé ». Ce dernier point, pour répondre à l’émergence, sur internet notamment, de « gourous » qui préconisent des traitements « alternatifs » comme le jeûne ou la consommation de jus de légume contre des maladies graves. 

Le texte prévoyait aussi de permettre à davantage d’associations de se porter partie civile dans ces situations (à l’heure actuelle, seule l’Union nationale des associations de défense de la famille et des individus victimes de sectes ou Unadfi, reconnue d’utilité publique, peut le faire). 

Les « désaccords insurmontables » du Sénat

C’est sur le nouveau délit de « placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique » et sur celui de « provocation à l’abandon de traitement » que les sénateurs ont bloqué, estimant les dispositions prévues par le texte « juridiquement fragiles ». Sur le deuxième point en particulier, ils ont d’ailleurs en cela suivi l’avis du Conseil d’État qui, après avoir examiné le texte, a conclu que « ni la nécessité ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées ». Lors des débats, l’exemple de l’affaire du Médiator a été plusieurs fois cité, des parlementaires jugeant qu’en l’état, les délits créés par ce texte auraient pu conduire à condamner Irène Frachon, la lanceuse d’alerte qui avait alerté sur les dangers de ce médicament. « Malgré les efforts consentis par le gouvernement pour exclure les lanceurs d’alerte du dispositif, a écrit en fin de débats la commission des lois du Sénat, la rapporteure (estime) que ces deux rédactions n'atteignent manifestement pas un  équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l'exercice de la liberté d'expression et la liberté de choisir et de refuser des soins ». 

Les dispositifs retenus par le gouvernement et les députés, a jugé le Sénat, sont « soit trop larges soit inefficaces », et « le droit en vigueur est finalement plus protecteur pour les victimes puisque des incriminations plus sévèrement réprimées existent, comme l’abus de faiblesse ou l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie ». 

Bien que « souscrivant sans ambiguïté aux objectifs poursuivis par le projet de loi », les sénateurs ont estimé que ces points constituaient des lignes rouges et ont donc rejeté la totalité du texte. 

Le texte adopté

Au final, le texte adopté définitivement reprend la plupart des projets du gouvernement, avec un certain nombre d’ajouts. 

Un statut législatif a été donné à la Miviludes, qui, jusqu’à présent, ne figurait dans aucun texte de loi : ses missions sont désormais listées à l’article 1er de la loi. Par ailleurs, la question de la lutte contre les dérives sectaires a été intégrée aux compétences des CLSPD (Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance).

L’infraction de mise en état de sujétion psychologique et physique a bien été créée, avec des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 750 000 euros d’amende. Par ailleurs, une circonstance aggravante a été reconnue lorsque les crimes (meurtre, viol, torture et actes de barbarie…) sont commis contre une personne « dont l’état de sujétion psychologique ou physique (…) est connu de son auteur ».

La mesure sur les associations pouvant se porter partie civile a été validée et figure dans le texte final (les associations agréées, et non seulement reconnues d’utilité publique, pourront désormais se porter partie civile). 

Un autre article du texte aggrave les peines en cas de délit d’exercice illégal de la médecine ou de la profession de pharmacien, lorsque ces délits sont commis en ligne « ou par le biais d’un support numérique ». 

L’article relatif à la provocation à « abandonner ou s’abstenir de suivre un traitement médical », après de très âpres discussions, a finalement été validé par les députés. Ce nouveau délit sera puni d’un an de prison et 30 000 euros d’amende, voire le triple si l’incitation « a été suivie d’effet ». Les députés ont nuancé ces mesures en posant deux exceptions : le délit ne sera pas constitué s’il s’agit « d’un signalement ou d’une divulgation par un lanceur d’alerte » ; ni dans le cas où « les circonstances dans lesquelles a été commise la provocation (…) permettent d’établir la volonté libre et éclairée de la personne, eu égard notamment à la délivrance d’une information claire et complète quant aux conséquences pour la santé ». 

Enfin, la loi change les règles en matière de secret médical. Elle autorise la violation du secret médical pour un médecin ou professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République « des informations relatives à des faits de placement, de maintien ou d’abus frauduleux d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique », avec l’accord de la victime. « Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire. En cas d’impossibilité d’obtenir l’accord de la victime, le médecin ou le professionnel de santé doit l’informer du signalement fait au procureur de la République. » 




Société
Dans dix ans, « la première activité des facteurs » de La Poste sera la livraison de repas
Confrontée à la baisse drastique du courrier, La Poste se réinvente et estime que dans dix ans, « la première activité des 65 000 facteurs » sera la livraison de repas à domicile, une activité de diversification sur laquelle elle se positionne en force, avec le colis.

« Nos missions de service public, nous les tenons » mais « elles sont sous tension »: Philippe Wahl, le PDG de La Poste, interrogé mercredi par des sénateurs, a redonné quelques chiffres percutants pour dire la réalité du marché de la lettre. En 1990, « 70 % du chiffre d'affaires de La Poste » était porté par le courrier, un taux qui tombera « à 15 % à la fin de l'année » 2024, a-t-il rappelé aux parlementaires de la commission des finances.

Une baisse considérable du courrier depuis dix ans qui a provoqué un trou de plus de 6 milliards d'euros dans le chiffre d'affaires de La Poste, soit « l'équivalent (de celui) de la RATP ou de Dassault Systèmes », a comparé Philippe Wahl.

Ce changement d'habitude des Français a poussé le groupe à transformer son modèle pour devenir moins dépendant de son activité courrier. L'enjeu, c'est que les 65 000 facteurs de La Poste « restent au service du pays, même quand il n'y aura plus de lettres », a encore détaillé Philippe Wahl mercredi.

Première sur les colis et les repas

Un « pari stratégique » que La Poste « est en train de gagner avec (la livraison) de colis et de repas », a rassuré Philippe Wahl. Aujourd'hui, l'activité colis « ne compense pas la lettre », mais Colissimo, Chronopost et DPD sont « de loin » les plus importants acteurs du marché en France, permettant à La Poste de prendre 67 % de parts du marché domestique de la livraison de paquets.

Outre le colis, La Poste se positionne en force sur le marché de la livraison de repas à domicile, un secteur porteur avec le vieillissement de la population, et qui permet aussi à La Poste de proposer un service de proximité. En 2035, projette Philippe Wahl, « je pense qu'en France, (la livraison de) repas sera la première activité des facteurs ».

Essentiellement tourné vers les séniors, ce service s'opère via un partenariat avec les centres communaux d'action sociale (CCAS), les hôpitaux ou encore des restaurateurs spécialisés. La Poste livre aujourd'hui « plus de 15 000 repas par jour » pour un marché de 150 000 repas quotidiens, ce qui en fait « le premier opérateur », a affirmé Philippe Wahl. En 2023, elle en a livré 5 millions et entend doubler ce chiffre en 2024.

Moins de 5 personnes par jour

Le PDG a été longuement interrogé par les parlementaires sur les fermetures des bureaux de poste, au nombre de 7 000 actuellement et de moins en moins fréquentés. « On est en concertation » avec les élus locaux sur cette question, a insisté Philippe Wahl, rappelant qu'un contrat liait La Poste à l'Association des maires de France. « Nous n'avons pas le droit de transformer un bureau de poste dans un QPV (quartier prioritaire de la politique de la ville, ndlr) si le maire n'est pas d'accord », a-t-il souligné.

Pour illustrer la baisse de fréquentation des points de contact de La Poste, Philippe Wahl a pris l'exemple des agences postales communales: « Dans 40 % des cas de nos agences postales communales - notamment rurales - il y a moins de 5 personnes par jour ». Ce chiffre est toutefois à nuancer, en le rapportant au nombre d'heures d'ouverture par jour de ces agences. 

Sur la question de la proximité toujours, « on va lancer » les « camions jaunes », des bureaux itinérants multiservices en mode rural, a encore promis Philippe Wahl. Ces derniers devraient prendre la route fin avril, a précisé La Poste à l'AFP.

Enfin, Philippe Wahl a rappelé que la Poste se portera candidate à sa propre succession « d'opérateur postal ». Le service universel postal – les prestations de base, dont la levée et la distribution six jours sur sept – a été confié à La Poste, mais son mandat s'achève fin 2025.






Journal Officiel du jeudi 11 avril 2024

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 3 avril 2024 portant habilitation d'un bureau de vérification pour l'application du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les chapiteaux, tentes et structures recevant du public
Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités
Arrêté du 22 mars 2024 portant désignation des communes dans lesquelles s'applique le dispositif expérimental « Mieux reconstruire après inondation »

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés