Édition du lundi 8 avril 2024

Santé publique
Accès aux soins : les nouvelles annonces du gouvernement
Le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé samedi plusieurs mesures pour permettre aux citoyens d'accéder plus facilement aux médecins. De son côté, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé un plan de développement des soins palliatifs.

La désertification médicale est un sujet qui a eu une place importante dans le discours de politique générale du Premier ministre Gabriel Attal en début d’année (lire Maire info du 31 janvier). « Nos compatriotes ne trouvent pas de médecins et les délais aux urgences se rallongent. Cela se traduit par la désertification de notre pays, et par la saturation de nos hôpitaux, en particulier des urgences », avait-il alors indiqué.

Samedi, le Premier ministre a détaillé auprès de la presse régionale les mesures que le gouvernement allait effectivement prendre « pour aller chercher chaque créneau de médecin, un par un », afin de « reconquérir 15 à 20 millions de rendez-vous chez les généralistes dès cette année, et même dès cet été ».

Permanence des soins 

« Il y avait 8 150 places de médecine à l’université en 2017, on est monté à 10 000 en 2023. On va augmenter encore ces chiffres pour les porter à 12 000 par an en 2025 et jusqu’à 16 000 par an en 2027 », a déclaré le Premier ministre. Le gouvernement souhaite en effet, comme annoncé en janvier, agir pour qu’il y ait « plus de médecins », dans l’attente des effets de la suppression du numerus clausus. Le Premier ministre indique vouloir « reconquérir 15 à 20 millions de rendez-vous chez le médecin généraliste dès cet été ».

« Dès cette année, nous mettrons en place un mécanisme de responsabilisation avec une retenue de 5 euros qui ira directement au médecin si son patient ne se présente pas ou prévient moins de 24 heures avant », a-t-il indiqué en évoquant la « taxe lapin » qui a fait beaucoup réagir depuis son évocation en janvier dernier. Cette mesure, selon le gouvernement, doit permettre de récupérer 15 à 20 millions de rendez-vous médicaux. Elle entrerait en vigueur en 2025. 

L’intégralité des mesures détaillées samedi vise à ce que « chaque Français ait un médecin de garde à moins de trente minutes de chez lui ». Mais le défi est de taille : en dix ans, la permanence des soins s’est largement dégradée passant de 73 % de professionnels s’inscrivant dans la permanence de soins (dont l'obligation a été supprimée en 2022) en 2012 à 38 % en 2022, selon le baromètre santé/social publié par l’AMF et la Mutualité Française (lire Maire info du 24 novembre). 

Si le ministre a davantage opté pour un plan comprenant des mesures incitatives et dérogatoires, il précise cependant que « si ça ne bouge pas suffisamment dans certains territoires, je n’hésiterai pas à réintroduire des obligations de garde ». Par ailleurs, le ministre a annoncé la semaine dernière à l’Assemblée nationale qu’un décret sera publié d’ici un mois pour « généraliser le Service d’accès aux soins » (SAS). Selon le gouvernement, 20 % du territoire en est encore dépourvu. Le Premier ministre avait indiqué en janvier que là où des SAS ne seraient pas mis en place, il était « prêt » à « restaurer des obligations de garde pour les médecins libéraux en soirée ou le week-end ». 

Il a enfin évoqué la possibilité « d’élargir » les gardes à « d’autres professionnels de santé, notamment aux infirmiers, aux dentistes et aux sage-femmes », à partir de l’automne prochain, ce qui a fait aussitôt bondir les représentants des syndicats de médecins généralistes.

Dégager du temps

Concernant les assistants médicaux, « ils seront 8 000 cet été, et 10 000 à la fin de l’année, ce qui libérera 2,5 millions de consultations chez les médecins ». Par ailleurs, une expérimentation va être lancé par le gouvernement dans 13 départements pour l'accès direct aux kinésithérapeutes va par ailleurs démarrer en juin dans 13 départements, sans passer par le médecin traitant pour une prescription. L’expérimentation va démarrer en juin dans toutes les régions Elle s’étendra à d’autres spécialistes l’année prochaine. 

Autre mesure importante : le gouvernement souhaite « simplifier 16 procédures médicales du quotidien pour libérer les médecins de ce qui peut être fait par d’autres ». Concrètement, comme l’indique Ouest-France, « la signature des décrets d’application des lois RIST et Valletoux rendra opérationnelle, dès le mois de juin, plusieurs mesures décidées l’an dernier, dont la possibilité pour les pharmaciens de délivrer des antibiotiques contre les angines et les cystites simples sans ordonnance ». Il a également été annoncé que les opticiens pourront renouveler une ordonnance pour des lunettes. 

A aussi été annoncée la simplification du dispositif Mon Soutien Psy avec une suppression du rendez-vous préliminaire chez le médecin généraliste et une prise en charge par l’État qui passe de 30 à 50 euros par consultation et jusqu’à 12 séances de psy par an. 

Plan de développement des soins palliatifs

Alors que le projet de loi sur la fin de vie sera présenté en Conseil des ministres ce mercredi, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé dans les colonnes du Monde un plan de développement des soins palliatifs doté d’une enveloppe de 1,1 milliard d’euros sur dix ans. « Les crédits de la Sécurité sociale engagés aujourd’hui pour les soins palliatifs sont de 1,6 milliard d’euros par an, a indiqué la ministre. Nous prévoyons 1,1 milliard de plus en dix ans. Et donc, on additionnera chaque année des crédits nouveaux ».

Le principe de ce plan : donner « une forte impulsion tout de suite » aux créations de lits à l’hôpital et sur la prise en charge à domicile.  « En 2021, on avait 55 000 places d’hospitalisation à domicile, on en aura 70 000 en 2024. On a aujourd’hui 1 540 lits dans les unités de soins palliatifs (USP) ; l’idée, c’est d’en créer 220 supplémentaires dans celles que nous devons ouvrir pour les vingt départements qui n’en disposent toujours pas », a indiqué la ministre dans son interview. 

En 2024, le gouvernement va ouvrir des USP « dans le Cher, les Ardennes, les Vosges, l’Orne, le Lot, la Lozère, les Pyrénées-Orientales, la Mayenne et la Guyane. Il restera une dizaine de départements pour lesquels la situation est plus compliquée parce qu’il nous faut recruter les soignants et identifier des établissements sanitaires d’accueil ».

Lors de l’examen du projet de loi en Conseil national d’évaluation des normes, l’AMF, sans se prononcer sur la création de ce droit à une « aide à mourir », a attiré l’attention sur deux principaux points. D’une part, sur l’impact de ce projet pour le bloc communal qui, bien que gestionnaire d’un très grand nombre d’Ehpad, l’AMF n’a pas été consultée en amont. D’autre part, sur les difficultés actuelles des Ehpad confrontés notamment, au-delà des problématiques financières, à un manque de professionnels, en particulier de médecins coordonnateurs.  




Ecole
Violences dans les écoles : création d'une équipe mobile de sécurité « nationale »
Une circulaire parue en fin de semaine dernière détaille le fonctionnement de la nouvelle « équipe mobile de sécurité nationale » chargée d'améliorer la sécurité dans les écoles, au moment où l'actualité a été marquée par plusieurs agressions dramatiques aux abords d'écoles. Le gouvernement a également dévoilé un « plan pour la sécurité » des établissements, mais sans grandes mesures nouvelles. 

Une circulaire tristement d’actualité. C’est jeudi qu’a été diffusée au Bulletin officiel de l’Éducation nationale l’instruction du Directeur général de l’enseignement scolaire, Édouard Geffray, sur la création d’une équipe mobile de sécurité nationale, le jour même où le jeune Shamseddine, 15 ans, a été lynché à une centaine de mètres de son collège de Viry-Châtillon, dans l’Essonne. Le lendemain, vendredi 5 avril, le maire de la commune, profondément bouleversé, annonçait la mort de l’adolescent, qui n’a pas survécu à ses blessures malgré une opération en urgence dans un hôpital parisien. 

Ce drame intervient quelques jours après le passage à tabac de la jeune Samara, 14 ans, à Montpellier, le 2 avril, qui a conduit la jeune fille dans le coma avec une hémorragie cérébrale – agression commise par des jeunes scolarisés dans le même établissement. 

Communauté éducative, parents, élus, se montrent de plus en plus inquiets face à un phénomène de violence qui semble progresser chez les plus jeunes, dès le collège : en un an, selon les statistiques de l’Éducation nationale, c’est au collège que le nombre d’incidents graves a le plus progressé. 

Équipes de sécurité

Si cette montée de la violence est la marque d’un problème de société profond, le gouvernement a choisi d’apporter une première réponse sur le terrain sécuritaire, avec l’annonce du renforcement des différents dispositifs de sécurité dans les écoles. Dans sa  circulaire, Édouard Geffray rappelle que la sécurité sur la voie publique relève des forces de l’ordre, mais que « les espaces scolaires et leurs accès » relèvent, eux, du ministère de l’Éducation nationale, au travers de deux dispositifs : les APS (assistants de prévention et de sécurité) et les EMS (équipes mobiles de sécurité). 

Les EMS ont été créées en 2009. Leurs missions sont décrites avec précision dans un Vade-mecum publié en 2001 par le ministère, et sont au nombre de trois : sécuriser les établissements et leurs « abords immédiats », faire de la prévention « lorsque des tensions sont prévisibles ou en situation de crise ou de danger imminent », faire de « l’accompagnement » auprès des équipes de direction et des équipes pédagogiques ou auprès des élèves. Les EMS sont pilotées à l’échelle des académies.

Quant aux APS, ils ont été créés en 2012. Ce sont des assistants d’éducation, recrutés spécifiquement pour mener des missions de « prévention des violences ». Ils  « sont impliqués dans l'action éducative avec les autres personnels (conseillers principaux d'éducation, personnels sociaux et de santé, conseillers d'orientation-psychologues, etc.), et interviennent en soutien au traitement des situations en cas de crise grave compromettant la sécurité des personnes et des biens ». Les APS, jusqu’à présents, étaient recrutés au niveau d’un seul établissement. 

EMS-N

La circulaire du 4 avril annonce d’abord « l’extension du périmètre géographique » de ces dispositifs. 

Pour ce qui concerne les APS, ils vont autorisés désormais à intervenir à l’échelle « départementale » et non plus sur un seul établissement, « à titre exceptionnel » : les recteurs d’académie sont appelés à proposer dans les plus brefs délais un « avenant » au contrat des APS pour y intégrer ces nouvelles modalités, et tous les recrutements à venir devront se faire sur cette base : les APS doivent pouvoir être amenés à intervenir dans un autre établissement que celui auquel ils sont rattachés, en cas de crise. 

Quant aux EMS, elles doivent avoir « la possibilité d’intervenir plus massivement et plus longtemps sur des zones sensibles, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans les quartiers de reconquête républicaine. (…) Si certaines équipes sont départementalisées, elles doivent rester sous l’autorité du recteur d’académie afin notamment de permettre leur mobilisation interdépartementale, notamment en cas de situation de crise. » 

Le directeur général de l’enseignement scolaire demande également aux recteurs « d’anticiper » les possibilités de mutualisation des moyens EMS entre académies. Des conventions devront être signées entre les académies pour définir les conditions de cette mutualisation, et les « interventions mutualisées » pourront se faire ou à la demande des recteurs concernés ou « sur proposition du haut fonctionnaire de défense et de sécurité », Thierry Le Goff. 

Enfin, une équipe nationale des EMS (EMS-N) va être créée « dans les plus brefs délais », permettant de « répondre à des situations locales de crise aiguë, lorsque les moyens académiques ne sont plus suffisants ». 

Cette équipe d’une vingtaine de personnes sera composée « de personnels disposant d’une expérience en académie et reconnus pour leurs compétences ». Elle fera l’objet de recrutements nouveaux. Cette EMS-N sera implantée en Île-de-France, avec pour vocation de pouvoir être « projetée sur tout le territoire métropolitain en 24 à 48 h ». 

Lors de ses interventions, l’EMS-N sera placée sous l’autorité du recteur de l’académie d’accueil. « Avec un regard extérieur complétant l’expertise locale, cette réserve nationale contribuera au diagnostic de la situation où elle sera déployée, à la gestion des crises rencontrées et pourra contribuer à proposer des solutions durables d’apaisement du climat scolaire. » 

« Bouclier autour de l’école »

Enfin, à l’issue d’une réunion interministérielle qui s’est également tenue le 4 avril, un « plan pour la sécurité des élèves, des personnels et des établissements » a été établi, afin de « déployer un bouclier autour de l’école ». Ce plan ne semble pas, toutefois, comporter beaucoup de mesures nouvelles, mais consiste davantage en un rappel des mesures existantes. 

Au-delà des mesures de « prévention » et de formation, notamment autour de la question de la détection du harcèlement, le plan prévoit un renforcement des « partenariats opérationnels avec les forces de sécurité ». Le gouvernement rappelle qu’au niveau communal, « les chefs d’établissement participent aux comités locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance », et que ce partenariat est renforcé « par l’extension des conventions départementales entre les parquets et les DSDEN et la désignation des policiers et gendarmes référents de l’éducation nationale ». 

Le gouvernement rappelle également que « 100 % des établissements » disposent aujourd’hui d’un PPMS (plan particulier de mise en sûreté), plans qui « organisent la réponse face aux risques majeurs (naturels ou industriels) ou aux menaces (intrusion, attentats ou toute forme d’attaque, violences au sein ou aux abords de l’école ou de l’établissement) ». Chaque année, les établissements réalisent « au moins deux exercices » dans le cadre des PPMS. Pour mémoire, une circulaire du 8 juin 2023 prévoit la fusion des volets « risques majeurs » et « attentats – intrusion » des PPMS au plus tard durant l’année scolaire 2027/2028. 

Il est rappelé que l’État a dépensé environ 1,5 milliard d’euros sur les cinq dernières années pour sécuriser le bâti scolaire que 53 millions d’euros ont été mobilisés via le FIPD (fonds interministériel de prévention de la délinquance), à destination des collectivités, pour sécuriser les établissements. 




Polices municipales
Beauvau des polices municipales : quel est le véritable objectif du gouvernement ? 
La première réunion du 5 avril au ministère de la Justice « avec tous les acteurs concernés » laisse un goût amer aux participants. Les divergences de vue se sont multipliées, sur des sujets de fond. La conclusion de ces travaux, attendue pour le mois d'octobre, semble très lointaine.

« Je ne sais pas quelle suite donner à cette première réunion », s’interroge, auprès de Maires de France, Murielle Fabre, secrétaire générale de l’AMF, qui portait la parole de l’association lors du Beauvau des polices municipales, qui a débuté le 5 avril au ministère de la Justice. « Je ne sais pas s’il s’agit d’une vraie concertation ou si les choses sont déjà actées ». Le moins que l’on puisse dire est que les participants à ce premier rendez-vous, dédié aux polices municipales et aux gardes champêtres, n’en sont pas ressortis en ayant le sentiment d’avoir beaucoup avancé sur les questions abordées : statut des polices municipales, revalorisation du métier, compétences, missions, judiciarisation (donner au policier municipal des pouvoirs de police judiciaire ou lui permettre à tout le moins d’accéder à certains fichiers et réaliser certaines procédures). 

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’a d’ailleurs vertement souligné : « Vos différences sont assez fortes. La position de l’Association des maires de France est assez éloignée de ce que disent les parlementaires [le député des Bouches-du-Rhône, Lionel Royer-Perreaut, co-auteur du rapport sur les missions et l’attractivité des polices municipales en juillet 2023, l’ancien député de Seine-et-Marne, Jean-Michel Fauvergue, co-auteur de la proposition de loi qui a conduit à la loi sur la sécurité globale du 25 mai 2021, le député des Alpes-Maritimes, Éric Pauget, président d’un groupe de travail sur les policiers municipaux à l’Assemblée nationale ndlr], de ceux qui prennent la parole comme Christian [Estrosi, maire de Nice, qui s’est exprimé en qualité de président de président de la commission consultative des polices municipales ndlr], et même de Jean-François Copé [maire de Meaux, également présent lors de la réunion et qui a proposé que la sécurité devienne une compétence obligatoire des communes de plus de 10 000 habitants, ndlr]. »

Un débat pour converger

« Le débat va peut-être permettre de converger vers des positions communes car, là, il est assez complexe d’imaginer une évolution » en six mois, a constaté Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur avait lui-même fixé le calendrier en préambule de la rencontre en donnant le mois d’octobre comme date butoir de ce Beauvau des polices municipales. Cette échéance permettrait que des dispositions soient éventuellement intégrées dans le futur projet de loi fonction publique prévu pour l’automne et dans la loi de finances 2025.     

L’accueil par quatre ministres (Justice, Intérieur, Transition écologique et Cohésion des territoires, Collectivités territoriales et Ruralité) témoignait de l’intérêt que porte l’État « aux polices municipales dans la sécurité du quotidien », comme l’indique le communiqué du gouvernement publié à l’issue de la rencontre. Une formulation quelque peu édulcorée par rapport à de nombreux propos tenus le matin. 

Dès l’ouverture, Éric Dupond-Moretti, constatait que les policiers municipaux « sont fréquemment les premiers à intervenir sur les lieux d’une infraction, quelle que soit sa gravité », qu’ils « participent plus régulièrement aux opérations de sécurité publique conduites par la police ou la gendarmerie nationale », qu’il est désormais recouru aux brigades cynophiles municipales « pour des missions de police judiciaire » et que « les directeurs et chefs de service de police municipale sont devenus des interlocuteurs privilégiés des procureurs de la République ». Les polices municipales font « désormais parties intégrantes des relations dites « police-justice », [elles] apparaissent comme une nouvelle force de sécurité, participant activement au continuum de sécurité. » 

Troisième force de sécurité ou police de la tranquillité ? 

Bien des participants ont en effet évoqué et voient les polices municipales comme « une troisième force de sécurité », après la police et la gendarmerie nationales. Christian Estrosi en tête, pour qui les policiers municipaux sont « un maillon de la chaîne de sécurité. Il est fini le temps où ils étaient des supplétifs. Nous ne sommes plus dans le débat de la légitimité ! » Celui qui est également président de la commission consultative des polices municipales a dit « ne pas partager du tout la position de l’AMF », en réaction aux propos de la secrétaire générale de l’Association, Murielle Fabre. 

L’association considère en effet la sécurité « comme une mission régalienne pour laquelle les maires font des efforts », en « augmentant les effectifs de policiers municipaux et de gardes champêtres » et craint « un glissement » de cette mission régalienne vers les communes si les policiers municipaux récupèrent des missions de police nationale. 

Liberté du maire

Pour ce débat, l’AMF pose quatre principes : la liberté du maire de mettre en place ou non une police municipale ; le fait que cette police de proximité opère sur les voies publiques pour assurer la tranquillité publique ; qu’elle appuie et accompagne les forces de sécurité intérieure dans le cadre précis des conventions de coordination ; et enfin, que les policiers municipaux restent dans le statut de la fonction publique territoriale. L’association sera par ailleurs vigilante sur trois points. Elle ne veut pas de fusion entre policiers municipaux et garde champêtres. « Les deux sont nécessaires aux maires », a expliqué Murielle Fabre. Elle émet « une réserve » sur l’accès aux fichiers. « Il faut poser la question du mode opératoire et des effets » et propose un « groupe de travail spécifique sur ce sujet ». L’AMF n’est, enfin, « pas favorable » à ce que les policiers municipaux acquièrent des compétences de police judicaire. « Cela poserait des difficultés au regard de la libre administration des collectivités territoriales car ils seraient de facto sous l’autorité du procureur de la République », a fait remarquer Murielle Fabre. 

Statu quo intenable

La conférence nationale des procureurs ne partage pas cet avis. « Le statu quo est intenable, a-t-elle indiqué. Nous sommes favorables à une évolution du cadre juridique, par exemple pour le flagrant délit. Le cadre [actuel] est insuffisant et problématique. Pour le délictuel, nous avons besoin d’étendre les pouvoirs de police judiciaire. Au quotidien, nous travaillons avec les policiers municipaux et des petites affaires peuvent déboucher sur de très grosses affaires. Il faut sécuriser les procédures, les agents, et assurer aux citoyens que les policiers municipaux agissent dans un cadre. Nous n’avons pas vocation à remplacer les maires sur la tranquillité publique et ne souhaitons pas augmenter les pouvoirs des procureurs de la République ».

Contrôle et formation 

Mais c’est une autre proposition de la part des procureurs qui a semé le trouble. Ils suggèrent de réfléchir à la création d’une inspection générale pour les policiers municipaux, qui serait chargée de les contrôler en cas de dérapage. Le maire de Vitry-le-François, Jean-Pierre Bouquet, référent sécurité pour l’Association des petites villes de France (APVF), a trouvé que cette proposition allait « dans le bons sens ». Le ministre de l’Intérieur a profité de cette suggestion pour relancer son idée de création d’une école nationale de police municipale : « s’il y a une inspection générale, la question de la formation se pose alors, a embrayé Gérald Darmanin. Est-ce que le CNFPT est le mieux placé pour les former ? » « Nous savons qu’il n’y a aucun intérêt [à faire une école nationale spécifique], a commenté Murielle Fabre auprès de Maires de France. Cela me laisse dubitative ». Ce sujet pose, finalement, la question du véritable objectif du Beauvau.

« Les associations d’élus n’ont pas eu véritablement de place pour s’exprimer de manière complémentaire [Seules l’AMF, l’APVF et Villes de France se sont exprimées, ndlr]. Au-delà de l’attractivité du métier et de la revalorisation, le débat a surtout porté sur les compétences des policiers municipaux et la judiciarisation, sur laquelle nous sommes très réservés, même si nous avons entendu le besoin de simplification. Nous attendons des éléments plus précis sur les tenants et les aboutissants de ce Beauvau. Le débat doit être clair et précis avec les associations d’élus ! »

Dans la soirée du 5 avril, l’AMF réagissait par voie de communiqué pour demander « d’agir efficacement dans le respect de la libre administration des communes. (…)  La prochaine séance prévue le 16 mai doit être une véritable concertation. Elle doit permettre un échange libre et respectueux des organisations représentatives des collectivités et des fédérations professionnelles avec l’État. À défaut, ce processus ne pourra aboutir à des conclusions partagées ».   




Énergies renouvelables
Observatoire sur les impacts des éoliennes : une initiative intéressante, mais sans moyens dédiés
Conformément à la loi relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables, le gouvernement a acté ce week-end la création d'un « observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité », chargé d'étudier, notamment, les « incidences » de l'installation des éoliennes. 

La loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables prévoyait, à l’article 20, la création d’un « observatoire des énergies renouvelables et de la diversité », un an « au plus tard » après promulgation de la loi. C’est donc avec un petit mois de retard sur le calendrier que la création de cet observatoire a été actée par décret, au Journal officiel d’hier. 

Aider les porteurs de projet

Lors des débats sur ce texte, plusieurs amendements ont été adoptés pour aller vers la création de cet observatoire, la mesure ne figurant pas dans le texte initial. Le gouvernement s’y est d’ailleurs rallié, puisqu’il a fini par déposer lui-même un amendement dans ce sens. 

Les auteurs de ces différents amendements ont mis en avant le manque de connaissances scientifiques sur les impacts des installations de production d’énergie renouvelable (notamment les éoliennes) sur la biodiversité. Comme l’a par exemple souligné le député écologiste Charles Fournier, « actuellement, les données scientifiques sur l'impact des filières d'énergie renouvelable terrestres sont incomplètes : l'acquisition de connaissances quant aux enjeux de biodiversité n’est pas organisée pour toutes les filières terrestres (pas de remontée systématique des données, données hétérogènes faute de protocole, pas de valorisation scientifique, pas de valorisation sous formes de retours d’expérience). » La création d’un tel observatoire, poursuit le député, permettrait « de disposer d’une connaissance fine des impacts des ENR sur la biodiversité, de constituer des retours d’expérience solides et de préparer l’évaluation de l’impact des projets ». Elle serait donc fort utile aux collectivités, notamment, en leur permettant « de disposer d’une connaissance scientifique et technique qui puisse alimenter les réflexions de planification cohérentes pour progresser dans l’élaboration des projets ». 

L’amendement déposé par le député Fournier était plus précis que celui qui a été finalement adopté : il prévoyait, d’une part, d’associer les associations d’élus à cet observatoire, ce qui paraît de bon sens. Il listait également de façon assez précise les missions du futur observatoire : identifier les potentiels d’implantation des projets d’EnR, « suivre et évaluer la cohérence des projets de développement des énergies renouvelables avec les objectifs fixés dans la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas carbone », « identifier et prévenir les impacts de la mise en œuvre des projets de production et de consommation d’énergies renouvelables sur la biodiversité, sur les espaces naturels et sur la santé des populations », mettre à disposition du public les données collectées, « fournir un appui dans la prise de décision et la mise en œuvre des politiques publiques des collectivités ». 

Dans un autre amendement demandant, lui aussi, la création d’un tel observatoire, les députés LFI notaient que, faute de connaissances scientifiques solides sur les impacts de ces installations, « les Dreal en charge d’instruire les dossiers ne sont pas en mesure d’évaluer la pertinence des mesures de suivi, de contrôler leur mise en place, ni de procéder à une compilation des données. Or ces informations sont nécessaires pour abonder par exemple aux réflexions des Comités régionaux de l’énergie, des révisions des Sraddet, et notamment aux réflexions qui mèneront aux modifications des SCoT et PLU(i) et contribuer au bon pilotage des filières énergies renouvelables. (…) Disposer de telles informations permettra aux porteurs de projets de bien mieux calibrer leurs projets, ce qui accéléra efficacement les procédures par la suite et évitera des oppositions ».

Un observatoire, mais pas de moyens

Finalement, c’est un amendement plus concis, moins précis, qui a été adopté, présenté dans les mêmes termes par le gouvernement et le groupe écologiste : cet amendement donne pour mission au futur observatoire de « réaliser un état des lieux de la connaissance des impacts des énergies renouvelables sur la biodiversité, les sols et les paysages, des moyens d’évaluation de ces impacts et des moyens d’amélioration de cette connaissance ».  Il prévoit également que les « missions » et « modes d’organisation » de cet observatoire soient définis par décret.

C’est ce décret qui est paru hier. Il précise que l’observatoire est chargé de « la synthèse des connaissances disponibles au travers des études et données existantes sur les incidences des énergies renouvelables terrestres sur la biodiversité, les sols et les paysages ainsi que sur l'efficacité des dispositifs d'évitement, de réduction, ou de compensation accompagnant le développement des énergies renouvelables », ainsi que de la diffusion « auprès du public et des parties prenantes » de ces données. L’observatoire « peut également réaliser ou solliciter la réalisation, de manière ponctuelle et ciblée, des études et expertises spécifiques sur des sujets d'intérêt, en lien avec ses missions ».

Cet observatoire est mis en œuvre « conjointement » par l’OFB (Observatoire français de la biodiversité) et l’Ademe, et co-présidé par les ministres chargés de l’énergie et de l’environnement. 

Et c’est tout. Le décret ne mentionne pas les collectivités ni leur participation à cet observatoire. Et, surtout, il ne dit pas un mot des moyens qui seront alloués à cette nouvelle structure pour une mission pourtant essentielle – ce qui laisse à penser qu’il n’y en aura pas. 

Voilà qui semble malheureusement aller dans le sens des craintes émises par certains députés pendant les débats. Clémence Guetté, par exemple, du groupe LFI, avait demandé à la ministre chargée de la Transition énergétique « d’en dire plus sur les moyens consacrés à l’observatoire ». Car, ajoutait-elle, « si l’on ne veut pas créer des instances supplémentaires qui soient des coquilles vides, des moyens humains et financiers sont nécessaires. Sinon les belles missions que nous leur attribuons resteront lettre morte ». 




Petite enfance
Une proposition de loi pour réguler l'usage des écrans dans les crèches
Les députés Annie Genevard et Antoine Vermorel-Marques déposent aujourd'hui à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à réguler l'usage des écrans pour les enfants en bas âge. Le texte vise notamment à interdire l'utilisation des écrans dans les crèches et chez les assistantes maternelles.

Alerter sur un « enjeu de santé publique » face à « l'usage des écrans de plus en plus envahissant » : voilà ce que souhaitent faire les députés LR Annie Genevard (Doubs) et Antoine Vermorel-Marques (Loire) en déposant ce jour une proposition de loi visant à réguler l'usage des écrans pour les enfants. 

Au micro de France info, l’ancienne maire de Morteau a évoqué « la diminution de la motricité et la perturbation des repères », « les retards de langage » ou encore « la difficulté relationnelle avec l'entourage » que fait peser la surexposition des plus petits aux écrans. La députée explique qu’ils « sont préjudiciables aux enfants, particulièrement dès leur jeune âge, au moment où se forment beaucoup de choses qui sont essentielles pour le devenir du jeune enfant ». 

Pas d’écran pour les moins de 3 ans

Rappelons que le sujet avait été relevé par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 janvier dernier. Il avait alors annoncé la constitution d’un comité d’experts dans le but de mesurer précisément l’impact des écrans sur la santé physique et mentale des enfants et d’évaluer l’effet des dispositifs de contrôle existants. Selon Le Parisien, la fin des travaux de la commission de ces 9 experts qui était prévue pour mars a été repoussée puisque l’enquête se prolonge avec de nouvelles auditions.

C’est donc sans attendre les conclusions de ces travaux que les députés se saisissent du sujet et proposent concrètement que toute exposition aux écrans soit désormais interdite pour les moins de 3 ans gardés par une assistante maternelle ou en crèche. Les députés souhaitent aussi que leur usage soit restreint pour le personnel dans les crèches comme pour les assistantes maternelles. 

Selon Santé publique France, un enfant de deux ans passe en moyenne 56 minutes par jour devant un écran (tablettes, télévisions, téléphones). Pour les enfants de moins de cinq ans et demi, cette moyenne passe à 1 h 34.

La question du contrôle 

Il faudrait que « l'adulte, le professionnel qui s'occupe de l'enfant, ne fasse pas la démonstration de l'importance qu'il attache aux écrans, parce qu'évidemment, ça interroge l'enfant de voir un adulte qui est en permanence, ou très souvent, connecté à un écran », a expliqué Annie Genevard. 

Mais les députés se veulent rassurants : le but n’est pas de stigmatiser les professionnels de la petite enfance. Sur France info, la députée du Doubs assure que l’interdiction que prévoit le texte sera davantage « possible sans doute en crèche, parce qu'il y a des comportements collectifs » mais plus complexe « au domicile ». Pour s’assurer de la bonne application du texte, les députés misent sur « une relation de confiance entre les parents et la personne chargée de garder les enfants ». Aucun contrôle n'est donc prévu en la matière. 

Le baromètre de la Fondation pour l’Enfance présenté en février dernier sur l’impact du numérique sur le développement des jeunes enfants pointe que 90 % des professionnels de la petite enfance connaissent les recommandations des experts concernant l’usage des écrans, qu’ils estiment claires (pour 91 %) et facilement applicables (pour 75%). L’étude montre que c’est davantage du côté des parents que la sensibilisation au sujet est complexe puisque s’ils trouvent les recommandations « trop éloignés de la réalité » (66 %), « trop généraux » (64 %) et « basés sur les opinions de chacun plutôt que sur des démonstrations scientifiques fiables » (56 %).

Le texte n’est pas sans rappeler une autre proposition de loi déposée il y a plus d’un an à l’Assemblée nationale par Caroline Janvier et Aurore Bergé dont l’article 1er entend limiter l’utilisation des téléphones, tablettes et ordinateurs portables et assimilés au sein des structures de la petite enfance et des écoles maternelles et primaires, en imposant à ces établissements de prévoir à cet effet des règles restrictives qui concernent les professionnels d’encadrement. Adopté par l’Assemblée nationale le 7 mars dernier, le texte n’a depuis jamais été mis à l’ordre du jour au Sénat. 







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