Édition du vendredi 9 février 2024

Gouvernement
Le nouveau gouvernement enfin complet, finalement sans grands changements
Le gouvernement est enfin au complet depuis hier soir, avec la publication de 19 nouveaux noms de ministres délégués et secrétaires d'État, dont seulement cinq sont de nouveaux entrants.

La fumée blanche a fini par apparaître hier vers 20 heures, avec la publication d’un communiqué de l’Élysée donnant la liste complète du gouvernement de Gabriel Attal, après un mois d’interminables tractations, négociations, reports et rebondissements, dont le dernier épisode aura été le refus sec du maire de Pau, François Bayrou, de rejoindre l’équipe gouvernementale, mercredi.

Il y a quelques raisons d’être surpris du temps qu’il aura fallu pour nommer un gouvernement qui, au final, ne marque pas de rupture particulière avec le précédent, ni dans sa structure ni dans ses acteurs. À quelques exceptions près, le périmètre des ministères reste le même, sans création de nouveaux super-ministères – la rumeur avait, un temps, évoqué le retour d’une sorte de grand ministère de l’Équipement incluant à la fois le logement et les transports. Seul changement notable : l’Éducation nationale retrouve un ministère dédié, alors que le choix de l’adjoindre aux Sports et aux JOP avait été très critiqué. On peut noter également que la suppression du ministère de la Transition énergétique a été confirmée, ce qui a de quoi surprendre. Le sujet de l’énergie a été accolé à celui de l’industrie. 

Quant aux acteurs, ils restent pour l’essentiel les mêmes, malgré quelques nouveaux entrants et quelques changements de portefeuille. Le chef de l’État, Emmanuel Macron, semble avoir imposé ses choix à son Premier ministre, avec un gouvernement marqué par la présence de membres de l’appareil du parti présidentiel et par une inflexion vers la droite. 

Les nouveaux entrants

Emmanuel Macron a donc accepté l’exfiltration du ministère de l’Éducation nationale de la contestée Amélie Oudéa-Castéra, qui garde néanmoins un ministère de plein exercice, celui des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Elle est remplacée à la tête de l’Éducation nationale par Nicole Belloubet, ancienne ministre de la Justice en 2017. Nicole Belloubet, professeure de droit, connaît bien le monde de l’éducation nationale puisqu’elle a été par deux fois rectrice d’académie (Limoges et Toulouse). Issue du Parti socialiste, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale a été élue locale, au début des années 2010, notamment comme première adjointe au maire de Toulouse et première vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées. 

Autre entrant au gouvernement, dont la nomination devrait plutôt réjouir les associations d’élus : Frédéric Valletoux devient ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Membre du parti Horizons, on peut dire de lui que c’est un incontestable connaisseur des problématiques des collectivités territoriales, sur tous les tableaux, puisqu’il a non seulement été maire de Fontainebleau pendant plus de 15 ans et membre actif de la direction de plusieurs associations d’élus, mais également journaliste, puis rédacteur en chef de la Gazette des communes. 

Si, contrairement à presque tous ses prédécesseurs récents au ministère de la Santé (Agnès Buzyn, Olivier Véran, François Braun), Frédéric Valletoux n’est pas médecin, il a en revanche une très bonne connaissance de la question hospitalière, en tant qu’ancien président, entre 2011 et 2022, de la Fédération hospitalière de France (FHF). Frédéric Valletoux aura donc toutes les armes en main pour s’attaquer à la question cruciale des moyens des hôpitaux – dont la situation financière est jugée catastrophique par la FHF et tous les acteurs du secteur –, de la désertification médicale et des relations entre médecine hospitalière et médecine de ville, ainsi que du sujet brûlant de la place des élus locaux dans la gouvernance de la santé. 

Nettement moins consensuelle, en revanche, est la nomination de Guillaume Kasbarian comme ministre délégué chargé du Logement. Député Renaissance depuis 2017, ce diplômé d’une grande école de commerce semble être l’antithèse parfaite de son prédécesseur Patrick Vergriete : sans expérience d’élu local et marqué à droite, quand Patrice Vergriete était maire de Dunkerque et venait de la gauche. Surtout, le principal fait d’armes de Guillaume Kasbarian est d’avoir porté la loi dite « anti-squatteurs », fortement décriée par les associations de lutte contre le mal-logement et peu goûtée des associations d’élus. 

Dès hier soir, les associations de lutte contre le mal-logement estimaient que cette nomination relevait de la « provocation ». Elle est toutefois cohérente avec le virage annoncé par Gabriel Attal dans son discours de politique général, marqué par un assouplissement de la loi SRU, et avec les mesures sur le logement introduites par le gouvernement dans la loi de finances pour 2024. Il reste maintenant à clarifier ces orientations – les annonces faites par le Premier ministre étant finalement assez floues, et l’AMF ayant fait savoir, depuis, qu’elle restait dans l’attente de « clarifications ».

Parmi les nouveaux arrivants, deux noms peu connus du grand public : Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer, et Marina Ferrari au Numérique. Marie Guévenoux, députée Renaissance de l’Essonne depuis 2017, vient elle aussi de la droite (elle a été présidente des Jeunes populaires, le mouvement de jeunesse de l’UMP). Elle a occupé une place centrale dans l’appareil du parti d’Emmanuel Macron et de l’Assemblée nationale, en tant que première questeure, un poste particulièrement stratégique. Elle n’est en revanche pas connue pour une connaissance particulière des problématiques des outre-mer. 

Le constat est le même pour la nouvelle secrétaire d’État au Numérique, Marina Ferrari. Bien qu’ayant brièvement travaillé dans une start-up spécialisée dans la création d’applications pour smartphone, Marina Ferrari, députée MoDem de la Savoie depuis 2017 et ancienne adjointe au maire d’Aix-les-Bains, est une inconnue dans le monde du numérique. Son activité de parlementaire ne montre aucune appétence particulière sur ce sujet – ni questions au gouvernement, ni rapport, ni proposition de loi sur le sujet. Elle devra donc très rapidement s’acclimater sur un sujet particulièrement technique et complexe, avec notamment à gérer le dossier épineux de la fermeture du réseau cuivre et la bascule vers la fibre.

Il est pourtant à noter que ce sujet essentiel a été « rétrogradé » dans le gouvernement, puisque l’ancien titulaire du poste, Jean-Noël Barrot, était ministre délégué, alors que Marina Ferrari n’est que secrétaire d’État. 

Les changements de portefeuille

Plusieurs anciens ministres du gouvernement d’Élisabeth Borne ont été maintenus au gouvernement mais en changeant de portefeuille. C’est le cas de Patrice Vergriete, ancien ministre du Logement qui remplace désormais Clément Beaune aux Transports. 

Jean-Noël Barrot passe du Numérique à l’Europe, et Agnès-Pannier-Runacher, chargée auparavant de la Transition énergétique, devient ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture… mais, étrangement, sans que son portefeuille soit précisé dans le communiqué. 

Les maintiens

Pas de changement, en revanche, pour plusieurs ministres chargés de dossiers concernant les collectivités territoriales, à commencer par le maintien à son poste, avec le même intitulé, de Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités locales et de la Ruralité. Dominique Faure entretenant une bonne relation avec les associations d’élus, son maintien sera certainement apprécié par celles-ci. 

Stanislas Guerini reste ministre de la Transformation et de la Fonction publique – et ministre de plein exercice, ce qu’il a obtenu après, semble-t-il, un long bras de fer avec le chef de l’État. Enfin, Thomas Cazenave et Sabrina Agresti-Roubache gardent, respectivement, leur portefeuille de secrétaire d’État chargé des Comptes publics et de la Ville. 

Le gouvernement, enfin au complet, va pouvoir se mettre au travail. Plusieurs sujets extrêmement importants pour les maires sont au menu, au premier rang desquels les différentes propositions et/ou projets de loi sur le statut de l’élu. Ainsi qu’un éventuel texte sur la décentralisation, issu des réflexions de la mission menée par Éric Woerth, mais dont il semble qu’il ne faille, hélas, pas attendre grand-chose, la décentralisation n’étant visiblement plus au premier rang des priorités gouvernementales. 
 




Outre-mer
Situation chaotique à Mayotte, où explose la colère des habitants
La situation sociale continue de se dégrader à Mayotte, où la population, à bout, manifeste depuis plusieurs jours en bloquant les routes. L'AMF a, ce matin, apporté « son plein soutien » aux maires et à la population mahoraise.

Depuis deux ans, Mayotte s’enfonce dans la violence et l’insécurité, comme en avaient témoigné avec force les maires de l’île lors du congrès de l’AMF en 2022. Depuis, malgré une opération très médiatisée de démantèlement des bidonvilles et le renforcement des forces de police, la situation ne s’est pas améliorée. 

Les raisons de la colère

Depuis le mois de janvier, c’est maintenant la population qui se mobilise directement pour protester contre l’insécurité et dénoncer l’immigration clandestine. Un collectif dénommé « Forces vives » a installé des barrages routiers qui paralysent presque totalement l’île depuis le 22 janvier – barrage qui n’ont été levés provisoirement que le 6 février, pour permettre à la population de participer à une manifestation à Mamoudzou. L’économie de Mayotte est à l’arrêt du fait de ces barrages, le port est bloqué, les chantiers du bâtiment stoppés, les écoles se vident de leurs élèves, du fait de l’impossibilité de circuler. Les magasins et les pharmacies font face à de sérieuses pénuries et même les professionnels de santé sont bloqués sur les barrages. 

La situation s’est encore crispée cette semaine, avec des face à face tendus entre habitants et force de l’ordre qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Les manifestants ont notamment tenté de pénétrer de force dans le tribunal de Mamoudzou.

La population dénonce pêle-mêle la pauvreté et la différence de traitement entre Mayotte et les autres départements français, mais surtout l’insécurité née de l’activité de gangs de jeunes qui attaquent et rackettent les habitants ; et l’immigration clandestine, en particulier venue d’Afrique. Dans le viseur des manifestants, les titres de séjour « territorialisés », une exception mahoraise qui exaspère la population : les titres de séjour délivrés à Mayotte par les autorités ne sont valables qu’à Mayotte, ce qui interdit à leurs titulaires de quitter le département. 

Ils réclament également le démantèlement du camp de Cavani, qui abrite plusieurs centaines de demandeurs d’asile africains arrivés illégalement. 

Interpellé sur ce dernier sujet à l’Assemblée nationale, mercredi, le Premier ministre, Gabriel Attal, a demandé « l’accélération » du démantèlement de ce camp. « Je le dis très clairement et très fermement, je le redis : le démantèlement de ce camp est en cours et sera mené à son terme ».

La situation est tellement tendue sur l’île que, ce matin, La Poste a annoncé la suspension du service de courrier. Tous les envois en provenance ou à destination du 101e département français sont « suspendus dans l’attente d’une amélioration de la situation ». 

Les maires de Mayotte appellent à la retenue

L’association des maires de Mayotte a appelé, dans un communiqué du 29 janvier, « toutes les parties à la plus grande retenue » – non seulement la population donc, mais également les forces de l’ordre, rappelant que l’État a su faire preuve d’une telle « retenue » face aux agriculteurs, en métropole : « L’envoi massif des forces de l’ordre pour démanteler les points de blocages n’a fait que renforcer le mouvement et radicaliser les positions. L’État doit, à l’image de la grève des agriculteurs français, comprendre la souffrance des Mahorais. C’est une souffrance légitime. »
Les maires mahorais appellent l’État à « faire pleinement jouer la solidarité nationale » notamment sur la question de l’immigration illégale, rappelant que les communes de l’île « ne sont pas en capacité d’accueillir ces réfugiés ». Ils demandent à l’État de « les répartir dans l’Hexagone en attendant l’examen de leur dossier par l’Ofpra ». 

« Soutien » de l’AMF

Dans ce contexte, l’AMF a publié ce matin un communiqué de presse pour « alerter l’État » et apporter « son soutien aux élus et à la population ». David Lisnard, président de l’AMF, estime en effet que « l’État ne peut rester défaillant dans ses domaines régaliens, la sécurité et la politique migratoire. Cela amplifie le sentiment d’impuissance publique et de désespérance chez nos concitoyens. Il faut rompre avec cette spirale sans fin d’insécurité sur l’île de Mayotte ». 

L’association regrette que l’opération Wambushu de démantèlement des bidonvilles, si elle a « apporté un apaisement », n’ait pas été suivie d’effet à long terme : « L’effort s’est relâché », écrit l’AMF, et la situation s’avère aujourd’hui « proche du chaos ». 

L’AMF veut donc « se faire le relais des élus mahorais pour demander à l’État de mener les efforts nécessaires dans la protection des frontières, de déployer plus de présence de toutes les forces de l’ordre sur le terrain et de garantir la sécurité des établissements et des transports scolaires et, enfin, de doter la justice des moyens lui permettant d’affirmer son autorité et faire cesser l’impunité qui règne aujourd’hui. » Il est « urgent », conclut l’association, que le gouvernement « mette en œuvre les mesures appropriées à la gravité de la situation pour rétablir la sécurité et favoriser le retour au calme, en concertation étroite avec les maires et élus du département ». 




Risques
La Cour des comptes à son tour très critique sur la gestion des risques industriels par l'État
Après le rapport au vitriol de l'association d'élus Amaris, en septembre dernier, c'est au tour de la Cour des comptes de dresser un bilan assez sévère de la politique de l'État en matière de risques industriels, vingt ans après la loi Risques.

« Combien de rapports faudra-t-il publier, voire combien d’accidents devront survenir, pour que l’État donne enfin à la prévention des risques industriels la place et les moyens qu’elle mérite ? » C’est ainsi qu’Amaris, l’association qui regroupe les communes soumises à un risque industriel, a réagi hier à la publication du rapport de la Cour des comptes sur « gestion des risques liés aux installations classées pour la protection de l’environnement dans le domaine industriel ». 

Difficultés « persistantes »

Un peu plus de vingt ans après la loi Risques (loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages), élaborée en réponse à la catastrophe d’AZF, la Cour des comptes dresse en effet, dans un rapport publié la semaine dernière, un bilan plus que réservé sur l’engagement de l’État. 

Certes, la Cour se félicite que la majorité des 378 PPRT (plans de prévention des risques technologiques, créés par la loi de 2003) soient aujourd’hui « approuvés ». Mais leur suivi pose problème : « De nombreux logements resteront exposés, à l’échéance du délai de huit années fixé pour la réalisation des travaux, et la mise en sécurité des entreprises riveraines et des bâtiments publics n’est pas suivie. » La Cour rejoint très exactement ici le constat fait par Amaris dans le bilan de la loi Risques qu’elle a publié en septembre dernier (lire Maire info du 20 septembre) , dans lequel elle qualifiait « d’échec patent » le volet protection des habitants du dispositif mis en place par la loi Risques – « son principal objectif et son principal raté ». « 30 000 personnes sont encore exposées au risque dans leur habitation », estimait alors Amaris qui pointait, pêle-mêle, la complexité du dispositif, les restes à charge « rédhibitoires » pour les habitants, le soutien insuffisant de l’État, la non-revalorisation des aides en vingt ans… 

La Cour des comptes ne dit pas autre chose, regrettant également que les plafonds de subvention pour les travaux à réaliser n’aient pas été revalorisés et que « des difficultés persistent concernant l’avance du crédit d’impôt », induisant des restes à charge pouvant atteindre « 10 % du montant des travaux ». Rappelant que les aides prévues par la loi Risques sont censées s’éteindre cette année, la Cour des comptes demande à la fois « un bilan des protections prévues par les PPRT » et « la prorogation des dispositifs d’aide ». 

Bâtiments publics à la charge des communes

Autre question très sensible : la présence de bâtiments publics dans les zones PPRT. Les prescriptions de travaux prévues dans les PPRT ne s’appliquant qu’aux logements, les travaux de sécurisation des bâtiments comme les crèches ou les écoles restent à la seule charge de leurs propriétaires ou gestionnaires – le plus souvent les collectivités territoriales. Or un certain nombre d’entre elles n’ont ni l’expertise ni les moyens financiers de le faire, et les cas où les industriels ont accepté de mettre la main à la poche sont excessivement rares – la Cour cite un unique cas, dans le Rhône, où Total a accepté de « financer le coût du déménagement d’une école ». Les rapporteurs préconisent donc de « définir et faire connaître les dispositifs d’accompagnement des collectivités qui n’ont pas les moyens d’expertise et les capacités de financement suffisantes pour assurer la protection des bâtiments publics exposés en zone de danger ». Dans certains cas, rappelait en septembre Amaris, des préfets n’ont pas hésité à signer des PPRT prescrivant la fermeture d’équipements publics, « sans poser au préalable les conditions financières de leur reconstruction ».

Plus généralement, les magistrats financiers pointent le reste à charge souvent important pour les collectivités dans le cadre des mesures foncières prescrites dans les PPRT : les communes sont par exemple « appelées à faire l’avance de trésorerie quand une activité économique doit être déplacée et les bâtiments démolis (rachat, démolition, avance de trésorerie de la taxe foncière au-delà de la première année). Les frais d’organisation des marchés de maîtrise d’œuvre et de travaux sont à la charge de la collectivité et ne donnent pas lieu à remboursement. »

Transport de marchandises

Autre lacune de la loi Risques pointée du doigt par la Cour (comme Amaris l’avait déjà fait en septembre) : les infrastructures de transport de marchandise dangereuses qui, contrairement aux sites industriels, ne sont pas couvertes par les PPRT. Au moment de l’élaboration de la loi Risques, le législateur avait estimé que la mutliplicité des acteurs (industriels, transporteurs, propriétaires et gestionnaires des infrastructures), rendait le sujet trop complexe. Mais pour autant, le risque existe, et certaines zones d’habitation parfois très denses continuent de côtoyer, par exemple, des lignes de chemin de fer où sont transportés quotidiennement des produits hautement explosifs ou toxiques, présentant, écrit la Cour, de potentiels « effets létaux pour la population ». 

La Cour demande donc que le Parlement se saisisse à nouveau du sujet et propose « des mesures de protection foncière et de travaux pour les zones d’effet létaux » autour des infrastructures de transport. 

Sensibiliser les élus

Le rapport de la Cour des comptes aborde bien d’autres sujets, comme les insuffisances en matière de contrôle des pollutions diffuses provoquées par l’industrie, le manque d’effectifs chez les agents de l’État pour procéder aux contrôles nécessaires ou le caractère peu dissuasif des sanctions vis-à-vis des entreprises qui ne jouent pas le jeu – quand sanction il y a. 

Il aborde par ailleurs la question de « la sensibilisation et de l’accompagnement » des élus, en particulier des maires, la culture du risque étant jugée « inégale » chez ceux-ci, même lorsque leur commune abrite une installation à risque. Comme l’ont fait les sénateurs après l’incendie de Lubrizol, à Rouen, en 2019, la Cour recommande « de mieux accompagner les maires dans l’exercice de leurs compétences en matière de gestion de crise et dans le renforcement de la résilience des territoires face aux effets des accidents industriels », rôle qui pourrait notamment être tenu par les préfets. 

La Cour salue la création par l’AMF d’un groupe de travail sur les risques, bien que jugeant cet investissement de l’association trop « tardif ». Il convient en la matière de rappeler, néanmoins, que le risque industriel est une compétence de l'Etat et non des maires. 

La Cour demande, de façon générale, « un développement des actions de formation et de sensibilisation à destination des élus des collectivités » qui accueillent des installations classées à risque. 

L’association Amaris, qui a salué hier un rapport qui « corrobore les inquiétudes et les revendications » qu’elle a elle-même portées, constate que ces revendications n’ont jusque-là « manifestement pas été entendues » par l’État. Il reste à voir maintenant si la publication du rapport de la Cour de comptes va changer la donne. 




Fonction publique
Apprentissage : jusqu'au 22 mars pour déclarer au CNFPT l'intention de recruter
Le CNFPT a lancé une campagne de recensement auprès des collectivités sur leurs intentions de recrutement d'apprentis. Cette déclaration permettra d'être éligible au financement du contrat d'apprentissage par l'établissement public.

L'échéance arrive vite : les collectivités qui souhaitent bénéficier d’un financement par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) des frais de formation d’un contrat d’apprentissage doivent signaler leur intention de recruter un apprenti jusqu’au 22 mars.

Déclaration en ligne

Cette déclaration se fait sur la plateforme du CNFPT d’inscription en ligne (IEL). « Le même compte IEL de la collectivité devra être utilisé pour l’ensemble des procédures de recensement et de demande d’accord préalable de financement », indique la fiche technique « recensement apprentissage » du CNFPT. Les collectivités peuvent trouver de l’aide sur la page du CNFPT dédiée.

Depuis 2023, le CNFPT organise cette étape préalable pour ne financer que ce que son budget dédié à l’apprentissage (environ 80 millions d’euros) peut financer, soit environ 9000 contrats pour 2024. Depuis plus d’un an, en effet, l’Etat et France Compétences réduisent peu à peu leur contribution financière à l’apprentissage dans les collectivités territoriales.

Critères de régulation

Or les demandes de financements des collectivités dépassent ce à quoi pourrait pourvoir le CNFPT. Aussi a-t-il été décidé, avec les employeurs publics territoriaux fin 2023, de fixer des critères de « régulation d’allocation de moyens » pour sélectionner les dossiers.

Outre cette première étape de déclaration d’intention de recrutement, les métiers en tension seront retenus en priorité. L’établissement public et les employeurs territoriaux ont établi une liste de 44 métiers : aide à domicile, assistant éducatif petite enfance, animateur enfance-jeunesse, secrétaire de mairie, agent des interventions techniques polyvalent en milieu rural, ouvrier de maintenance des bâtiments, etc. D’autres métiers, qui ne figurent pas dans cette liste, pourront être présentés mais ne seront pas prioritaires.

Le niveau de diplôme envisagé est aussi demandé, officiellement pour vérifier des concordances entre les métiers en tension et le code du diplôme saisi par la collectivité lors de la demande de financement préalable. Mais une étude récente de la Dares, parue en janvier, relève que les entrées en apprentissage se font de plus en plus souvent au niveau de l’enseignement supérieur.

Une tendance qui fait réagir l’association Régions de France et la Chambre des métiers et de l’artisanat. Le 6 février, elles ont appelé à « sauver l’apprentissage dans les premiers niveaux de qualification (…) Ce sont les niveaux pour lesquels ce dispositif de formation est le plus efficace pour une insertion durable dans l’emploi ». Recenser les niveaux de diplômes permettra sans doute d’avoir des indications sur les tendances dans la territoriale.

Un troisième critère potentiel

Enfin, un troisième critère (après le recensement des intensions et les métiers en tensions) pourrait être activé : celui du nombre d’équivalents temps plein inscrits au tableau des emplois permanents de la collectivité ou de l’établissement public. « A enveloppe contrainte, un ultime critère arithmétique de pondération pourrait avoir à s’appliquer dans le cas où la demande (intentions de recrutement remplissant les [deux premiers] critères) dépasse le volume finançable en 2024 », justifie le CNFPT. « Les effectifs pourraient alors être utilisés afin de déterminer une règle de régulation arithmétique (plafonnement, proportionnalité,) qui ne peut toutefois pas être fixée avant que le recensement ait été effectué et ainsi que soit connu le niveau de la demande de financement des frais de formation de la cohorte 2024. Cela donnera obligatoirement lieu à une nouvelle délibération du CNFPT ».




Feux de forêt
Feux de forêt : un rapport met en avant le rôle clé du bloc communal dans la prévention
Un rapport inter-inspections consacré à la « politique de prévention et de lutte contre l'incendie de forêt dans un contexte d'extension et d'intensification du risque dû au changement climatique » dévoile plusieurs recommandations notamment à destination des collectivités territoriales.

Le rapport « Politique de prévention et de lutte contre l’incendie de forêt dans un contexte d’extension et d’intensification du risque dû au changement climatique » commandé par le gouvernement en mars 2022 à l’Inspection générale de l’Administration (IGA), au Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) et à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) a été récemment rendu public.

Cette mission propose une feuille de route, en deux tomes, pour les années à venir pour la gestion des forêts et la lutte contre les incendies. Certaines actions « ont d’ores et déjà été prises en compte dans la loi adoptée le 10 juillet 2023, d’autres s’inscrivent dans le prolongement des mesures qu’elle prévoit ou qui correspondent à la formalisation d’actions engagées par le gouvernement ou qui restent à initier dans le domaine de la prévention et de la lutte ». Au total, 27 recommandations ont été formulées. 

Adapter les stratégies de prévention à court terme 

14 propositions d’actions à court terme ont été arrêtées par les inspections. Parmi elles, on retrouve notamment le besoin de développer l’acculturation pour le grand public mais aussi pour les élus. Les inspections sont également favorables à la création d’une météo des forêts à l’instar de ce qui a été fait pour la « météo des plages » par exemple, mesure qui a été mise en place l'été dernier. 

Concernant les démarches d’aménagement du territoire pour renforcer la résilience à l’incendie de forêt, les collectivités territoriales sont invitées à « conduire une mise à jour des documents d’urbanisme au regard des objectifs conjoints de diminution de l’artificialisation des terres et de diminution des risques ». Le rapport insiste également sur l’importance de faire respecter les obligations légales de débroussaillement : elle prône de « privilégier des démarches qui s’intègrent dans des plans de massif ou dans des plans intercommunaux de débroussaillement et d’aménagement forestier ». Sur ce sujet, le plus grand flou règne néanmoins depuis que Gabriel Attal, en réaction au mouvement des agriculteurs, a annoncé un allègement des obligations légales de débroussaillement, sans que l’on en connaisse encore la teneur exacte. 

Les auteurs du rapport pointent aussi le cas spécifique des aires protégées et des espaces naturels et invitent les collectivités à « expliquer et diffuser largement aux usagers les mesures de la réglementation permanente ou temporaire ». De même, dans le cas des espaces naturels, agricoles et forestiers, les collectivités peuvent soutenir et développer les réserves communales ou intercommunales de sécurité civile pour renforcer la surveillance.  

Les conclusions de cette mission mettent surtout en lumière la nécessité de promouvoir une gouvernance territoriale du risque incendie de forêt associant davantage les collectivités notamment en renforçant « le rôle respectif de la commune et de l’intercommunalité » dans cette gouvernance et en impliquant les collectivités en amont de la construction de la décision publique.   

Les collectivités davantage impliquées à long terme 

Dans le tome 2 du rapport, des solutions de long terme sont mises en avant. Les inspections établissent par exemple qu’il faudra « renforcer dans la durée les effectifs et compétences au service de la prévention dans les territoires », aussi bien du côté de l’État que des collectivités. Cela passera notamment par une coordination de l’action publique via des pôles territoriaux. Un tel renforcement des effectifs, du sôté de l'Etat, supposerait une inversion complète de la pratique gouvernementale, puisqu'il faut rappeler que, entre 2000 et aujourd'hui, les effectifs de l'ONF ont été taillés à la hache, passant de 13 000 à 8 200. 

Il serait aussi pertinent de définir des périmètres départementaux d’actions. Trois catégories de territoires peuvent être appréhendées notamment pour « conduire une action territoriale différenciée » : « les territoires historiques » (notamment le Sud et le Massif central) ; « les nouveaux territoires du feu » (départements de l’ouest et du centre) ; et « les territoires d’extension future » (notamment la Normandie ou les Hauts-de-France). 

Du côté des moyens à allouer à cette politique de prévention, la mission estime que, « dans une perspective de moyen ou de long terme, devant l’ampleur des changements attendus, l’action de l’État va atteindre ses limites, tant en matière de financement que d’exercice des responsabilités ». Ainsi, la gouvernance devra évoluer avec notamment la montée en puissance des grandes collectivités. Les auteurs du rapport indiquent que le bloc communal reste « l’échelon privilégié » de la mise en œuvre d’une politique de prévention au plus près « des enjeux à protéger ». 

Pour la mission, « c’est surtout dans le domaine de la prévention que se jouera, à moyenne ou longue échéance, la « guerre contre le feu » ; or le dispositif de prévention demande une adaptation locale forte, et un enracinement que seuls les acteurs locaux sont susceptibles de mettre en place ». Ainsi, « cette orientation suppose de reconsidérer la pratique consistant à voir l’État disposer d’une place prépondérante dans la gestion des risques naturels majeurs ». 

TOME 1 du rapport. 

TOME 2 du rapport. 






Journal Officiel du vendredi 9 février 2024

Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Arrêté du 6 février 2024 classant les bois et forêts exposés au risque d'incendie au titre des articles L. 132-1 et L. 133-1 du code forestier

Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés