Édition du mercredi 6 décembre 2023

Éducation
Gabriel Attal annonce que l'État va prendre en charge tout ou partie de l'achat des manuels scolaires en CP et CE1
Après la publication de l'étude Pisa, le ministre de l'Éducation nationale a annoncé le lancement d'un « choc des savoirs » pour redresser le niveau des élèves en mathématiques et en français. Avec à la clé des mesures qui entreront en vigueur dès le premier degré. 

Il faut espérer que la formule souvent utilisée par David Lisnard, le président de l’AMF (« en général quand le gouvernement parle de ‘’choc’’, cela finit par un ‘’flop’’ »), ne se trouvera pas vérifiée une nouvelle fois. Gabriel Attal a réagi aux résultats peu glorieux de l’enquête Pisa (lire article ci-contre) en dégainant un plan baptisé « choc des savoirs », résultat, explique-t-il, de deux mois de travaux d’une mission « Exigence des savoirs » composée « d’experts et de professeurs » et des contributions des quelque 23 000 enseignants qui ont participé à une « consultation numérique ». 

Changement de doctrine sur le redoublement

Dans une Lettre aux personnels de l’Éducation nationale, le ministre s’adresse directement aux membres de la communauté éducative pour leur dire que c’est « avec les professeurs, par les professeurs et grâce aux professeurs que nous relèverons le défi de l’élévation du niveau ». Gabriel Attal estime que « de réforme en réforme, l’autorité de l’expertise pédagogique [des professeurs] a été affaiblie ». Il souhaite donc engager « une revitalisation pédagogique à la main des professeurs », pour « remettre de l’exigence à tous les étages, avec la science et le bon sens comme boussole ». 

Pour « rendre la main » aux professeurs, le ministre annonce notamment deux mesures.

La première concerne le redoublement, notamment à l’école primaire. Le ministre a décidé de rompre avec la doctrine en vigueur depuis 2014, à savoir le fait de conditionner les redoublements à l’accord des parents, ce qui rend ceux-ci exceptionnels : alors que dans les années 1980, un tiers des élèves en fin de CM2 avaient redoublé au moins une classe, cette proportion est tombée à 4,5 % aujourd’hui. Le choix opéré en 2014, soutient Gabriel Attal, a été une erreur, appuyée sur « l’idée que le redoublement ne serait pas efficace ». À l’inverse – en s’appuyant « sur la recherche scientifique » – il estime que « promouvoir un passage quasi-sytématique en classe supérieure peut condamner des élèves à l’échec scolaire durant toute leur scolarité », et que « mieux vaut réussir sa scolarité élémentaire en six ans que demeurer en difficulté après cinq années ». Conclusion : dès cette année, le ministre va mettre fin au « dernier mot par les parents » : « Les professeurs auront désormais le dernier mot s’agissant du redoublement. » 

Cela signifiera, concrètement, de modifier tout ou partie du décret du 18 novembre 2014 relatif au suivi et à l'accompagnement pédagogique des élèves, pris à l’époque par Nadia Vallaud-Belkacem, dont le but était, expliquait-elle à l’époque, de « poser le principe d’une école qui ne stigmatise pas les difficultés mais accompagne tous les élèves ». Gabriel Attal annonce un nouveau décret pour le premier trimestre 2024.

La fin du « correctif académique »

Toujours pour « rendre la main aux professeurs », le ministre fait une deuxième annonce importante : la fin de la pratique dite du « correctif académique » pour le brevet et le baccalauréat. 

De quoi s’agit-il ? Lors des sessions du brevet des collèges et du baccalauréat, les services académiques ont la possibilité de modifier les notes données par les correcteurs, officiellement pour harmoniser les résultats, mais plus probablement, de l’aveu même de certains recteurs, pour rendre celles-ci conformes aux exigences ministérielles en matière de taux de réussite. 

Cette pratique va disparaître, assure Gabriel Attal, qui prendra dès cette année « une circulaire dans ce sens ». « Ce sont désormais les notes que vous attribuez, et elles seules, qui détermineront l’obtention [de ces examens] par nos élèves », a déclaré le ministre aux professeurs. Avec, à la clé, le risque d’une chute sérieuse des taux de réussite. « Je l’assume », a affirmé le ministre. 

Manuels scolaires dans le premier degré

Bien d’autres mesures, d’ordre pédagogique, ont été annoncées par Gabriel Attal hier. Mais l’une d’entre elles intéressera particulièrement les maires : elle concerne les manuels scolaires dans les écoles du premier degré. Dans le dossier de presse du plan présenté hier, on apprend qu’aujourd’hui, « plus d’un tiers des classes à l’école primaire ne disposent pas de manuels de français ou de mathématiques », et « 60 % en CP ». Pourtant, « il est démontré (…) que l’usage de manuels améliore significativement les résultats des élèves ». Deux mesures sont annoncées : d’abord le lancement d’un processus de « labellisation » des manuels scolaires pour en « certifier » la qualité pédagogique en fonction d’un cahier des charges national – ce qui, aussi stupéfiant que cela puisse paraître, n’était pas le cas jusqu’à présent. 

Mais surtout, le ministre a annoncé que l’État allait désormais, et ce « bien que ce soit une compétence des collectivités », financer « des manuels scolaires en lecture et mathématiques des élèves de CP et de CE1 », dès la rentrée 2024. Comment, sous quelle forme, à quel niveau ? On l’ignore pour l’instant : le dossier de presse parle d’un financement « aux côtés des communes », ce qui laisse supposer un co-financement. Cette annonce n'a pas été concertée avec l'AMF.

Il reste donc à préciser les modalités de cette décision. Pour l’instant, la loi n’impose le financement des manuels scolaires par l’État que dans les collèges, les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole (article L211-8 du Code de l’éducation). Le dispositif évoqué par Gabriel Attal prendra-t-il la forme d’une dotation spéciale, d’une subvention ? ou plus simplement de l’achat de manuels par l’État et leur fourniture à titre gratuit aux élèves ? C’est peut-être cette dernière solution qui sera privilégiée, puisque le ministre a annoncé, dans sa lettre aux professeurs, qu’il « lancera(it) les achats pour la rentrée 2024 ». 

Récemment auditionnée à l’Assemblée nationale, l’AMF a fait savoir que la labellisation des manuels scolaires constituerait une mesure fondamentale pour garantir l’école de la République. Elle a toutefois prévenu qu’un nouveau renouvellement des manuels scolaires dans les écoles ne pourra pas se faire sans un appui financier fort de l’État, rappelant que les communes n’ont pas d’obligation légale dans ce domaine et que leur mobilisation ne peut s’effectuer qu’en fonction de leurs moyens. 

Entendue dans le cadre de la mission « Exigence des savoirs », l’AMF a, en outre, souligné la nécessité de donner une meilleure visibilité aux élus sur les transformations en cours de la pédagogie à l’école, 




Éducation
L'enquête Pisa met cruellement en lumière les inégalités sociales dans l'éducation
Les résultats de l'enquête Pisa sur le niveau des élèves en mathématiques et en français ont été rendus publics hier, révélant une « baisse généralisée des performances », et un creusement des inégalités sociales. 

Tous les trois ans depuis 2000 – à l’exception de 2021 pour cause de pandémie mondiale – une enquête est menée à l’échelle de 85 pays pour mesurer leur niveau en mathématiques et en langue. L’enquête fait apparaître les écarts entre pays mais permet aussi, sur la durée, de comparer l’évolution du niveau des élèves dans chaque pays. 

Qu’est-ce que Pisa ?

Pilotée par l’OCDE, l’enquête Pisa (Programme international de suivi des acquis des élèves) est menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans. En France, quelque 8 000 élèves de 355 établissements (en collège, lycée agricole, général, technologique ou professionnel, public comme privé sous contrat) sont testés lors d’une épreuve de 3 h 30. Les élèves passent quatre épreuves (compréhension de l'écrit, culture mathématique, culture scientifique et pensée créative), puis répondent à un questionnaire précis permettant notamment d’estimer leur niveau socio-culturel. Pisa a en effet construit un indicateur baptisé SESC (indice de statut économique, social et culturel), appuyé sur le niveau d’éducation des parents, leur profession, le niveau d’accès du foyer à la culture, les ressources matérielles, etc. Cet indice permet de comparer les résultats des élèves en fonction de leur milieu social.

Mathématiques : de plus en plus d’élèves en difficulté

L’enquête publiée hier montre que le niveau en mathématiques est en forte baisse non seulement en France mais dans tous les pays de l’OCDE. 

Avec un score moyen de 474, la France se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE, la plupart d’entre eux se situant globalement à ce niveau : seuls quelques pays se situent très en dessous (Colombie, Costa-Rica, Mexique, Chili, Grèce) de ce niveau ou très au-dessus (Suisse, Estonie, Corée du sud et Japon). Il est cependant noté que le score de la France, qui était resté stable lors des précédentes enquêtes, chute maintenant de plus de 20 points. 

Si l’on regarde les graphiques de près, il apparaît que ce score moyen cache de considérables disparités puisqu’il mélange les élèves de tous les établissements. Si le score moyen des élèves français en mathématiques est de 474, celui des élèves de seconde générale est bien plus élevé (plus de 500, au niveau du score moyen de la Corée du sud), quand celui des élèves de seconde professionnelle dépasse à peine les 400 points (niveau moyen du Chili). Quant aux élèves « en retard », qui sont encore en 3e à 15 ans, leur niveau en mathématiques dépasse à peine 380 points, ce qui les situe au niveau moyen des élèves du Costa-Rica. 

Cette différence se retrouve sans surprise lorsque Pisa établit les scores en fonction de l’indice SESC (niveau social) : 239 points séparent les 10 % d’élèves les favorisés des 10 % les plus défavorisés. Certes, cet écart a un peu diminué (il était de 256 points en 2012). Mais il n’y a pas de quoi s’en réjouir : cette diminution n’est pas due à une amélioration des élèves les plus pauvres, mais au contraire à une baisse de niveau des élèves les plus favorisés. 

Ce qui se retrouve d’ailleurs dans une autre donnée fournie par l’enquête : la proportion d’élèves très en difficulté augmente, tandis que celle des élèves très performants diminue : en 2003, 16 % des élèves étaient considérés comme « en difficulté » ; ce chiffre est de presque 30 % aujourd’hui. À l’inverse, alors que 15 % des élèves étaient jugés « très performants » en 2003, ils ne sont plus que 7 % aujourd’hui. 

Compréhension de l’écrit

Les données concernant la compréhension de l’écritcapacité de comprendre utiliser, évaluer des textes, réfléchir à leur sujet et se les approprier pour atteindre un objectif, développer ses connaissances et ses capacités ainsi que participer à la vie en société ») ne sont guère plus réjouissantes. Par rapport à 2018, le score des élèves français a baissé de 20 %. Si tous les pays de l’OCDE voient leur score diminuer, la baisse est significativement plus importante en France qu’ailleurs. On assiste là aussi à un glissement des élèves vers les bas niveaux, même s’il est un peu moins marqué qu’en mathématiques. 

La France est même parmi les plus mauvais élèves de l’OCDE dans ce domaine, c’est-à-dire qu’elle est l’un des 8 pays dans lesquels la variation du score en fonction du niveau socio-économique est la plus forte. 

Autant dire qu’à la lumière de ces résultats, il y a quelques inquiétudes à avoir sur « l’ascenseur social » et l'école qui permet « l’égalité républicaine » dont la France se vante si souvent. L’ascenseur en question semble, pour le moins, en travaux. 




Fiscalité locale
L'AMF s'élève contre la volonté du gouvernement de créer de nouvelles exonérations de taxe foncière
L'AMF a publié hier un communiqué pour dénoncer la volonté du gouvernement de « financer sa politique du logement sans rien dépenser », sur le dos des collectivités territoriales.

C’est notamment l’article 6 du projet de loi de finances pour 2024 qui a fait réagir l’AMF, hier, via un communiqué dénonçant « le désengagement de l’État au détriment des finances locales » en matière de logement. 

Cet article 6, tel qu’il était rédigé après adoption du texte à l’Assemblée nationale par voie de 49.3, prévoit un dispositif incitatif pour la « rénovation lourde » des immeubles de logements sociaux, sous la forme d’une exonération de taxe foncière.

« Effet pervers »

L’article 6, dans la rédaction souhaitée par le gouvernement – celle-ci a changé au Sénat – prévoit que pour les immeubles locatifs sociaux de plus de 40 ans dont la performance énergétique est de niveau F ou G, une opération de rénovation lourde donnerait droit à une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant 15 ans à compter de la fin des travaux. 

Un autre article du PLF (27 sexies) exonère également de taxe TFPB « les logements qui ont fait l’objet, par le propriétaire, de dépenses de prestations de rénovation énergétique », si ces logements ont plus de 10 ans et si le montant des travaux est supérieur à 10 000 euros. Mais dans ce cas, les communes et EPCI peuvent délibérer pour supprimer cette exonération pour la part qui leur revient. Même système pour les logements neufs « satisfaisant aux critères de performance énergétique » – là encore les communes peuvent délibérer contre l’exonération. 

Concernant l’article 6, sur les logements sociaux dans l’ancien, l’AMF est catégorique : « L’effet pervers de ce type de mesure est connu : plus le parc de logements d’une commune est vieillissant, plus il est composé d’habitat social, plus la commune est pénalisée financièrement par ces exonérations. On ne peut pas en même temps espérer massifier le nombre de rénovations et sanctionner financièrement les communes qui portent ces programmes de rénovation. Les communes qui s’engagent dans ces programmes devraient au contraire y être incitées financièrement. » L’association demande donc la « compensation intégrale » de ce type d’exonérations d’impôts locaux. 

L’appel a été entendu par le Sénat : par amendement, les sénateurs ont modifié l’article 6 en remplaçant le terme « exonération » par celui de « dégrèvement ». « Dans le cas d’un dégrèvement d’impôts locaux, rappellent les sénateurs, le manque à gagner pour les collectivités est en effet intégralement compensé et pris en charge par l’État ». Reste à savoir si cet amendement sera retenu dans la version du PLF qui sortira, en deuxième lecture, de l’Assemblée nationale. 

Pourtant, l’AMF ne manque pas de rappeler qu’après la suppression de la taxe d’habitation et de la CVAE, la taxe foncière reste « le dernier pilier de la fiscalité locale dynamique pour les communes et intercommunalités ». 

Fermeture d’entreprises

Concernant la taxe foncière toujours, signalons que les sénateurs ont ajouté dans le PLF un dispositif de compensation des pertes de TFPB subies par les communes et intercommunalités à la suite de fermetures de sites industriels ou de centrales nucléaires. Rappelant que ces décisions de fermeture relèvent de l’État ou des entreprises privées, les sénateurs jugent parfaitement injuste que les communes et EPCI en subissent les conséquences « par des pertes de bases colossales de TFPB (…) sans qu’aucun dispositif de lissage de (ces) pertes soit prévu ». 

L’amendement prévoit donc de créer à compter de 2024 un prélèvement de recettes de l’État permettant de compenser ces pertes avec un lissage dans le temps sur cinq ans : la compensation couvrirait 90 % de la perte la première année, puis diminuerait les années suivantes jusqu’à s’éteindre la sixième année. 

Le gouvernement a donné un avis favorable à cet amendement, et a levé le gage, ce qui laisse espérer que le dispositif subsistera dans la version finale.  




Budget de l'état
Budget 2024 : deux rallonges pour les mineurs non accompagnés et les épiceries solidaires adoptées au Sénat 
Ces deux mesures ont été soutenues par le gouvernement, contrairement à l'enveloppe de 9 millions d'euros supplémentaires alloués à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » et la réduction d'un tiers des crédits de l'AME.

[Article modifié le 7 décembre 2023 à 7:52]

Le gouvernement a entendu l’inquiétude des départements, hier, à l’occasion de l’examen des crédits consacrés la solidarité, mais aussi au travail et à la santé, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Il a ainsi fait adopter un de ses amendements visant à rehausser sa contribution au financement des mineurs non accompagnés (MNA), pour porter à 100 millions d’euros l’enveloppe des crédits dédiés.

Mineurs non accompagnés : 32 millions d’euros supplémentaires

Une augmentation de plus de 32 millions d'euros donc qui n’est pas une surprise puisque Élisabeth Borne l’avait annoncée il y a un mois, à l’occasion des Assises des départements de France

La baisse de 22 millions d’euros du soutien de l’État aux départements s’annonçait « inquiétante », a rappelé le sénateur du Pas-de-Calais Christopher Szczurek (Indépendants), « d’autant qu’elle est liée à la loi Immigration, non encore votée, et que les départements sont pris à la gorge ». Ceux-ci constatant déjà « une augmentation des dépenses de 15 % », selon la sénatrice centriste de l’Essonne Jocelyne Guidez.

« Les premières estimations avaient été faites sur l’année précédente. Face à l’augmentation nette des flux [de mineurs non accompagnés] cet été, l’abondement s’imposait », a reconnu la secrétaire d’État à l’Enfance Charlotte Caubel, qui a rappelé au passage l’apport de la part de l’exécutif de « 50 millions pour les jeunes majeurs » sortant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Un quart des épiceries solidaires en difficulté

Sénateurs et gouvernement se sont également mis d’accord pour octroyer 2 millions d'euros supplémentaires pour le crédit national des épiceries solidaires (CNES), dont le budget n’a « pas été abondé depuis 2014 », a rappelé la sénatrice socialiste du Puy-de-Dôme Marion Canalès. 

Des crédits qui seront donc « utiles », a souscrit la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé. D’autant que le secteur rencontre de sérieuses « difficultés, liées à la hausse des prix et à l’augmentation du nombre de bénéficiaires ». Pourtant jugées « essentielles » pour lutter contre la précarité alimentaire, « un quart de ces structures sont en déficit en 2023 », a souligné le sénateur de l’Yonne Jean-Baptiste Lemoyne (RE).

Territoires zéro chômeur : divergence sur l’estimation des besoins

D’autres mesures importantes n’ont, cependant, pas reçu l’aval du gouvernement. En premier lieu, l’abondement de 9 millions d'euros supplémentaires destiné à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD). 

Pour rappel, une rallonge de 11 millions d’euros supplémentaires a déjà été retenue par l’exécutif lors du déclenchement du « 49.3 » à l’Assemblée, en première lecture, portant les crédits dédiés à l’expérimentation à hauteur de 80 millions d’euros.

Prolongée jusqu’en 2026, celle-ci doit toutefois « concerner 60 territoires, voire davantage », a rappelé Ghislaine Senée. « En cohérence avec cette montée en charge, les moyens alloués progressent de 53,3 %, mais cette hausse pourrait ne pas être suffisante », a estimé la sénatrice écologiste des Yvelines, à l’origine de l’un des nombreux amendements proposant un abondement supplémentaire de 9 millions d'euros « pour correspondre aux besoins estimés à 89 millions ».

« L’association Territoire zéro chômeur de longue durée s’est félicitée » de la première rallonge de 11 millions d’euros, a rétorqué le ministre du Travail, Olivier Dussopt, mettant en avant la « clause de revoyure » qui a été prévue. « Sur les sept dernières années, le budget inscrit en loi de finances n’a jamais été consommé à plus de 70 % », a-t-il, par ailleurs pointé en insistant sur le fait que « le président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée, Louis Gallois, estime qu’avec 80 millions d’euros les engagements pour 2024 peuvent être tenus ». 

« C’est extrêmement important d’avoir les moyens pour réussir », assurait Pierre-Yves Marolleau, maire de Mauléon, dans un entretien accordé à Maire info à l’occasion du dernier congrès des maires, celui-ci ayant manifesté il y a quelques semaines devant l’Assemblée pour dénoncer un budget initial dédié à l’expérimentation insuffisant.

Un abondement de 30 millions d'euros supplémentaires a également été adopté pour le fonds de développement de l'inclusion (FDI), qui est destiné à soutenir et développer les Structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Alors qu’« aucune dotation n’est prévue au titre du FDI pour 2024 », cette mesure permettrait de « maintenir le même montant qu’en 2023 ».

Réseaux électriques : un « effort » demandé en milieu rural

A noter qu’un amendement d'appel de 1,5 million d'euros a été adopté par les sénateurs pour demander au gouvernement - opposé à cet amendement - de revaloriser les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) dédié au financement des aides aux collectivités pour l’électrification (FACE) afin « qu’ils soient équivalents aux crédits qui existaient entre 2012 et 2017, soit 377 millions d’euros ».

« Si l’électrification des campagnes est achevée en métropole depuis longtemps, la persistance de fragilités spécifique en milieu rural, comme, par exemple, les coupures d’électricité plus fréquentes et plus longues ou encore tenue de l’onde de tension moins stable, justifie un effort en particulier d’investissement dans les réseaux électriques de ces territoires », a justifié le sénateur LR du Cantal Stéphane Sautarel. 

AME : minoration d’un tiers des crédits

Dans la continuité de sa position sur le projet de loi immigration, le Sénat a aussi maintenu sa suppression de l'Aide médicale d'État (AME) en minorant les crédits de ce dispositif de plus d'un tiers. 

Avançant un argument de « cohérence », le sénateur centriste de l’Essonne Vincent Delahaye a donc fait voter, contre l’avis du gouvernement, une minoration de 410 millions d'euros du budget de l'AME pour 2024, en vue de l'adapter au périmètre de soins prévu par le dispositif sénatorial d'Aide médicale d'urgence (AMU), adopté début novembre par la chambre haute.

« Le législateur doit être en cohérence non pas avec ses opinions personnelles, mais avec la loi. L’AMU n’est pas la loi, et ne le deviendra sans doute pas », a déploré de son côté le sénateur socialiste de Paris Bernard Jomier, faisant référence au fait que le parcours législatif de la loi Immigration n’est pas terminé.

Alors que Vincent Delahaye juge l’AME « non maîtrisée », un rapport publié lundi assure le contraire et affirme que ce mécanisme d'aide médicale pour les étrangers sans papiers est un « dispositif sanitaire utile » et « globalement maîtrisé » (bien que « perfectible » et méritant « d’être adapté »). Ce travail réalisé par l'ancien ministre Claude Evin (PS) et l'ex-préfet Patrick Stefanini (LR) n'a pas détourné les sénateurs de leur objectif sur ce volet polémique des dépenses de santé. 
 




Finances locales
André Laignel, réélu président du Comité des finances locales, définit ses attentes en matière de réforme de la DGF
Le maire d'Issoudun et premier vice-président délégué de l'AMF, réélu à l'unanimité pour un mandat de trois ans, a fixé cinq « missions thématiques » au CFL, en attendant d'être officiellement saisi par l'exécutif de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

André Laignel a été réélu à l'unanimité, le 5 décembre, et pour un cinquième mandat consécutif, président du Comité des finances locales (CFL) qu’il préside depuis 2012. Élu pour trois ans, le maire d’Issoudun préside aussi l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) depuis sa création en 2016. Au CFL, il sera épaulé par deux vice-présidents : David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF, réélu à l’unanimité, et Christian Poiret, président du conseil départemental du Nord, qui préside également la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC). 

Renouvelé tous les trois ans, le CFL comprend 32 membres titulaires élus (et leurs suppléants) : maires, présidents d’intercommunalité, présidents de région, présidents de département, députés et sénateurs. Il compte également 11 représentants de l’État. Le comité répartit le montant des dotations de l’État aux collectivités. Il est obligatoirement saisi sur tout projet de décret ayant une incidence sur les finances locales. Il peut enfin se saisir pour émettre un avis sur tout sujet d’actualité relatif aux ressources financières des collectivités. 

« Le CFL n’est pas un organe administratif de l’État, il représente l’ensemble des niveaux de collectivités territoriales et privilégie l’unité dans ses travaux et ses prises de position », a souligné André Laignel. Le comité est aussi le lieu d’échanges entre l’État et les collectivités locales sur l’évolution des finances locales, a-t-il rappelé, en faisant bien la distinction entre le CFL et le Haut Conseil des finances publiques locales, installé en septembre dernier par le gouvernement (lire Maire info du 20 septembre) et dont l’AMF, l’ADF et Régions de France sont membres : le but du Haut Conseil est de « dialoguer sur la stratégie des finances publiques » sans « court-circuiter le comité des finances locales ». 

Réforme de la DGF : le comité pas encore officiellement saisi

Le Comité a adopté à l’unanimité un programme de travail comportant « cinq missions thématiques que nous mènerons au cours des trois prochaines années », a précisé son président. 

Première mission : « la réforme des dotations » de l’État aux collectivités, un travail qui consisterait à passer en revue l’évolution de ses concours financiers et à proposer des évolutions. Sur ce sujet, André Laignel a confié attendre « d’être saisi officiellement du chantier de la réforme de la dotation globale de fonctionnement » (DGF) après le souhait formulé par le chef de l’État, à l’occasion du Congrès de l’AMF, de confier cette mission au CFL. Si tel est le cas, « ce chantier très difficile deviendra prioritaire », a indiqué André Laignel en soulignant, en préambule, que « cette réforme ne peut se faire sans moyens humains [dévolus par l’État au CFL] pour la concevoir et sans moyens financiers pour la mettre en œuvre ». Mais le président du CFL ne souhaite pas pour autant brûler les étapes : « Il faut concevoir la réforme puis la chiffrer ». Il estime aussi que « dans cette réforme, il ne faudra pas de perdants et il faudra corriger des injustices » notamment entre les communes qui ont de fortes charges de centralité et les autres. Enfin, « la réforme devra sans doute être appliquée sur plusieurs années pour lisser ses effets », anticipe-t-il. 

Sur tous ces points, André Laignel a rappelé les nombreux travaux menés précédemment et notamment le rapport de la députée du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune, sur la réforme de la DGF, remis au gouvernement dès 2015. La Cour des comptes devrait aussi remettre un rapport sur ce sujet « en janvier prochain » et « je l’inviterai à venir présenter ses travaux devant le CFL », a indiqué le maire d’Issoudun qui, à ce stade, ne fixe pas de calendrier précis au CFL pour formuler ses propositions. Interrogé sur la possibilité d’aboutir d’ici à l’été 2024 pour une intégration de la réforme dans la loi de finances pour 2025, il a indiqué que « cela serait un bel objectif ».   

Quatre autres missions prioritaires pour le CFL

La deuxième mission du CFL portera sur « une étude des modalités et du niveau des compensations versées par l’Etat aux collectivités après la suppression de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises » (CVAE). Objectifs, « vérifier les assertions de l’État certifiant une compensation des pertes de recettes des collectivités à l’euro près » et « comparer ces compensations aux recettes que les collectivités auraient encaissées si elles avaient conservé leurs impôts ».  

Troisième mission du CFL, « évaluer le coût des normes pour les collectivités », en partant des travaux sur le sujet du Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), dont le nouveau président sera élu jeudi prochain (le nom de Gilles Carrez, ancien député du Val-de-Marne et spécialiste reconnu des finances locales, circule pour succéder à Alain Lambert). 

Quatrième mission, « la mise à l’étude d’une loi de programmation ou d’une loi d’orientation des finances locales (…) permettant de définir les ressources des collectivités dans un cadre pluriannuel qui obligerait l’État à définir une trajectoire et à préciser ses engagements financiers en faveur des collectivités », a résumé André Laignel, qui veut donner de la visibilité aux collectivités contraintes selon lui de « voter leur budget à l’aveugle en subissant les mesures que l’État décide unilatéralement sans les financer ». 

Cinquième et dernière mission, que le président du CFL a ajoutée après la Rencontre des élus de l’Outre-mer, le 20 novembre, organisée par l’AMF en préambule de son 105è congrès : la réforme de l’octroi de mer, annoncé par le gouvernement à l’occasion d’un comité interministériel, en juillet dernier. « C’est une ressource essentielle pour les élus ultramarins qui soupçonnent l’État de vouloir la supprimer. Le CFL travaillera à son maintien et à son amélioration ».   

Interrogé sur la réforme de la fiscalité locale, qui ne figure pas au menu des travaux du CFL, André Laignel a renvoyé à la proposition de l’AMF en faveur de la création d’une « contribution territoriale universelle » en assurant que l’association fera des propositions plus précises sur ce sujet. 






Journal Officiel du mercredi 6 décembre 2023

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Décret n° 2023-1134 du 4 décembre 2023 portant modification du décret n° 2010-1068 du 8 septembre 2010 fixant les modalités d'organisation des concours pour le recrutement des agents territoriaux spécialisés de 1re classe des écoles maternelles
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 5 décembre 2023 portant nomination au Conseil national d'évaluation des normes
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse
Décret n° 2023-1135 du 5 décembre 2023 relatif aux titres-repas du volontaire et chèques-repas du bénévole
Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques
Décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l'Etat
Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques
Décret n° 2023-1137 du 5 décembre 2023 relatif aux modalités de calcul des indicateurs définis à l'article 1er du décret n° 2023-1136 du 5 décembre 2023 relatif à la mesure et à la réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans la fonction publique de l'Etat

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