| Édition du mardi 5 décembre 2023 |
Budget de l'état
Budget 2024 : la création d'un « fonds territorial climat » de 200 millions d'euros enfin proche de voir le jour
|
Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a assuré qu'il tenterait, « dans les jours qui viennent », de concilier les différents « points de vue » afin de faire aboutir la proposition sénatoriale transpartisane visant à instaurer un fonds permettant de financer les PCAET. Des rallonges pour le ferroviaire, les routes et les ponts ont par ailleurs été votées, sans l'aval de l'exécutif.
Les sénateurs ont adopté, hier, une mesure qui pourrait redonner aux collectivités « la liberté de mener leur politique environnementale ». Une mesure très attendue qui pourrait surtout, cette fois, se maintenir dans le texte final du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 au regard de l’intérêt que lui a porté l’exécutif.
Dans le cadre de l’examen des crédits consacrés à l’écologie et aux mobilités durables, en première lecture, le Sénat et le gouvernement ont ainsi laissé entrevoir un début de compromis dans le but de créer, à « titre expérimental », un nouveau « fonds territorial climat ». Destiné aux collectivités territoriales, il leur permettrait de « disposer des moyens de mener leur politique de transition écologique et énergétique ».
Un fonds « à la main » des collectivités
Contrairement au Fonds vert, « à la main des préfets », qui « ne permet pas aux territoires de suffisamment se projeter », les financements du « fonds territorial climat » seraient « directement répartis entre les EPCI ayant adopté un Plan climat air énergie territorial (PCAET), à raison de 4 euros par habitant », expliquent les sénateurs dans un « amendement transpartisan » qui doterait cette nouvelle ressource de 200 millions d’euros.
« Ce dispositif fonctionnerait de la même manière que la taxe de séjour : les collectivités devraient prouver au moment du vote de leur compte administratif que les sommes perçues ont bien servi à financer les mesures prévues dans le PCAET », a précisé la sénatrice des Hauts-de-Seine Christine Lavarde (LR), qui a estimé que « ce système est plus simple que le recours au Fonds vert et permettrait à chaque collectivité d'agir selon son calendrier et ses priorités ».
« Avec le fonds climat territorial, redonnons aux collectivités territoriales la liberté de mener leur politique environnementale », a lancé le sénateur centriste du Doubs, Jean-François Longeot, alors que Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique, a assuré au gouvernement que « ce sont les territoires qui savent » quelles actions sont « les plus efficaces ». Pour lui, « il faut que les moyens redescendent ».
Et ce dernier de préciser qu’il « ne s'agit pas de ramener l'intégralité du Fonds vert vers les intercommunalités, mais de faire entrer les projets dans une cohérence territoriale, dans un plan, afin de les rendre plus efficaces ». « Peut-être devrait-on ajouter dans la contractualisation une aide aux communes pour le montage de leurs projets ? », s’est-il interrogé.
Reconnaissant « plusieurs intérêts » à cette mesure, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a décidé de se ranger à l’avis du Sénat et annoncé que, « dans les jours à venir, nous pourrons sans doute trouver une convergence entre nos points de vue, d'une manière satisfaisante pour tout le monde ». « L'idée est de s'assurer, derrière le caractère alléchant de la mesure, que nous ne susciterons pas d'espoirs déçus. Nous avons besoin de fixer des règles, même si, effectivement, elles doivent être les plus simples possible », a-t-il souligné.
Si la démarche devait aboutir, ce serait une excellente nouvelle pour les collectivités. Rappelons que l'AMF plaide depuis des années pour la création d'un tel fonds permettant de financer les PCAET, qui sont une compétence obligatoire, créée par la loi, mais sans accompagnement financier. À plusieurs reprises, ces dernières années, notamment en 2016, 2017 et 2019, les sénateurs ont tenté d'introduire dans les projets de loi de finances une « dotation climat » destinée à financer les PCAET. Mais à chaque fois, les gouvernements successifs ont réussi à convaincre les députés de retirer cette disposition. Si le gouvernement devait cette fois donner son accord, cela représenterait un changement majeur – même si l'on est loin, en l'espèce, des 10 euros par habitant demandés par l'AMF et les sénateurs les années passées.
Une autre disposition pour laquelle le gouvernement a suivi l’avis du Sénat : la mise en place de « commissions consultatives composées d’élus » pour le Fonds vert. Celles-ci seraient érigées « sur le modèle de celles pour la DETR » et permettraient « d’améliorer la gouvernance de ce fonds en impliquant davantage les élus ». Une demande là aussi de l’AMF pour laquelle les modalités d’attribution du Fonds vert manquent de transparence.
Soutenu par les sénateurs, le gouvernement a de son côté fait adopter un amendement permettant d’étendre le bénéfice du chèque énergie aux habitants des HLM. Il ouvre ainsi son usage pour « le paiement des charges locatives dans les logements locatifs sociaux ».
Soutiens au ferroviaire, aux routes et aux ponts
En parallèle, la « chambre des territoires » a voté plusieurs rallonges budgétaires destinées à soutenir le ferroviaire, les routes et les ponts qui, elles, risquent de ne pas survivre à la navette parlementaire, l’exécutif s’y étant opposé.
Les sénateurs ont ainsi décidé de débloquer 100 millions d’euros à la modernisation du réseau ferroviaire et 30 millions d’euros supplémentaires afin de soutenir le développement du fret ferroviaire.
En outre, une enveloppe de 5 millions d'euros a été votée pour accompagner la mise en œuvre des dispositifs de coordination entre autorités organisatrices de la mobilité (AOM) « prévus par la LOM », la loi d'orientation des mobilités.
Ils ont également débloqué 30 millions d'euros pour les ponts du réseau routier national non concédé et 20 millions d'euros pour l'entretien des routes nationales non concédées.
Par ailleurs, 20 millions d'euros ont été prévus pour étendre le dispositif de « leasing social ». Ce dispositif, qui sera lancé en 2024, doit faciliter la location de longue durée de véhicules électriques pour les ménages modestes. Alors que « les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) doivent être déployées dans une quarantaine d’agglomérations d’ici à 2025, il apparaît nécessaire de favoriser un accès plus large » à ce dispositif, explique le sénateur socialiste de la Gironde, Hervé Gillé, dans son amendement.
Électricité : un chèque énergie ciblé sur les plus modestes
Autre point de divergence avec l’exécutif, la « chambre des territoires » a, enfin, décidé de substituer au « bouclier tarifaire » voulu par le gouvernement un « chèque énergie ». Ce nouveau dispositif, « plus ciblé », permettrait d’aider les ménages à faire face à l'augmentation du prix de l'électricité, mais ne concernerait plus que les 60 % des plus modestes, soit 18 millions de ménages, contrairement au mécanisme voulu par le gouvernement qui est généralisé.
Il apportera aux foyers éligibles « une aide permettant de contenir à un niveau inférieur à 10 % la hausse de leurs charges résultant de leur consommation d’électricité », explique Christine Lavarde, dans son amendement, ajoutant que « le montant de l’aide sera même renforcé pour les ménages les plus modestes et pour les familles nombreuses ». Ainsi, « un ménage dont le revenu fiscal de référence par unité de consommation est inférieur à 5 700 euros et qui se compose de quatre personnes disposera d’une aide exceptionnelle de 200 euros » tandis qu’un ménage « dont le revenu fiscal de référence par unité de consommation est de 11 000 euros, bénéficierait d’une aide de 140 euros », a illustré la sénatrice des Hauts-de-Seine.
« On soutient en priorité les plus modestes car ils sont prisonniers de la vie. Ceux-là, on va les aider plus et mieux que votre dispositif uniforme et aveugle », a fait valoir le rapporteur général du budget, Jean-François Husson (LR), qui estime à au moins 500 millions d'euros le montant des économies par rapport à la mesure gouvernementale.
|
Ruralité
Conflits de voisinage : une proposition de loi pour protéger les agriculteurs
|
Les députés ont adopté hier en première lecture une proposition de loi visant à « adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels ». L'antériorité des activités agricoles serait désormais prise en compte en cas de conflits avec le voisinage.
Des canards « trop bruyants » à Soustons dans les Landes, des vaches dégageant « trop d’odeurs » à Saint-Aubin-en-Brayque dans l’Oise, des bruits de tracteurs le jour et la nuit à Monlaur-Bernet dans le Gers… Selon la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles), près de 500 agriculteurs feraient face à des procès intentés par des voisins.
Pour réguler ces conflits de voisinage et mettre un « terme aux procès abusifs contre nos agriculteurs qui ne font que leur métier : nous nourrir », comme l’a indiqué le garde des Sceaux sur son compte X (twitter), une proposition de loi a été examinée ce lundi par l'Assemblée nationale.
Ce texte comprenant un article unique a été largement adopté par les députés. Le gouvernement a aussi engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels.
Consacrer le « bien-vivre ensemble »
« Ceux qui viennent s’installer dans la ruralité ne peuvent pas exiger que les paysans, qui sont des travailleurs, qui nous nourrissent, changent de mode de vie », a déclaré le ministre Éric Dupond-Moretti lors d’une visite d’exploitation à Pleucadeuc dans le Morbihan.
C’est une petite musique qui revient depuis plusieurs années et a fortiori depuis la crise liée au covid-19 : les « néoruraux » qui se sont installés dans les campagnes intentent de plus en plus de procès contre leurs voisins agriculteurs, incommodés par le bruit ou les odeurs.
Ces conflits de voisinage ont parfois défrayé la chronique. Cela fut le cas pour l'affaire du coq Maurice sur l'île d'Oléron. Une plainte avait été déposée par un couple d’agriculteurs retraités, propriétaires d’une résidence de vacances sous prétexte que le coq de leur voisine chantait trop tôt le matin.
À la suite de cette affaire, Pierre Morel-À-L'Huissier, député de la Lozère, avait déposé une proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (lire Maire info du 22 janvier 2021). Cette dernière a été adoptée et promulguée en janvier 2021. Malgré cette loi, les recours en justice à la campagne n’ont pas diminué. Le ministre de la Justice dénombre « 1 300 procès qui sont totalement inutiles ».
Cette nouvelle proposition de loi est donc, selon le ministre, « un texte de bon sens, de concorde et qui consacre le bien-vivre ensemble ». « Ça protège ceux qui travaillent mais ça permet aussi de ne plus emboliser la justice ».
Premier arrivé, premier servi
L’article unique du texte de la proposition de loi consacre un principe simple : prendre en compte l'antériorité des exploitations agricoles pour limiter les possibilités de porter plainte pour « trouble du voisinage ». Ainsi, « la responsabilité (…) n’est pas engagée lorsque le trouble anormal causé à la personne lésée provient d’activités, quelles que soient leur nature, préexistantes à son installation, qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions et qui sont conformes aux lois et règlements ».
Interrogée par France info, la rapporteure du texte Nicole Le Peih, députée du Morbihan, indique que la proposition de loi « demande donc une exception qui est l'antériorité de l'activité : qu'elles soient agricoles, industrielles, sportives même, toutes les activités existant déjà, c'est-à-dire dont l'existence de l'activité économique était là avant que le plaignant n'engage une poursuite, sont confortées. Il faut insister sur le fait que c'est bien en accord avec la réglementation ».
À l’occasion de son examen en commission, Nicole le Peih a expliqué percevoir « deux mérites » dans cette proposition de loi : « Elle inscrit dans le Code civil une construction jurisprudentielle pour rendre le droit plus lisible et accessible à l’ensemble de nos concitoyens ; elle élargit la clause exonératoire de responsabilité sans pour autant donner un blanc-seing aux responsables de troubles anormaux du voisinage ». Concrètement, « un acquéreur doit s’être renseigné ; sinon, il peut se voir opposer l’antériorité de l’exploitation voisine en cas de trouble anormal de voisinage ».
Pas uniquement à la campagne
Cette année, la presse locale avait fait écho d’un cas encore plus particulier. Dans la commune d’Erquy dans les Côtes-d'Armor, deux crêpiers se sont retrouvés au tribunal face à leur voisin car « la crêperie sent beaucoup trop la crêpe »... Les conflits ne sont pas l’apanage des campagnes et de ceux que l’on désigne comme « néoruraux ».
Il est important de souligner que, selon le ministre de la Justice, le texte concerne aussi les conflits de voisinages en ville : « Si vous achetez un appartement au-dessus d'un magasin qui génère des nuisances sonores, tant pis, car ce que nous voulons, c'est une prime à ceux qui travaillent. Vous aviez connaissance des nuisances et vous acceptez donc ceux qui travaillent et un certain nombre de désagréments. »
Les limites du texte
Le texte a été adopté à l’Assemblée par 78 voix pour, 12 contre et 3 abstentions. Pour la FNSEA, « le texte (…) ne couvre pas les évolutions attendues des exploitations agricoles, comme la mise aux normes existantes et à venir en termes de développement économique et environnemental ». La Fédération déplore « l’impasse » qui a été faite « sur des dispositions accompagnant le développement des activités agricoles des territoires ».
Interrogé au micro de France info, Timothée Dufour, avocat de plusieurs agriculteurs concernés par des plaintes raconte d’ailleurs que « la plupart des litiges aujourd'hui en milieu rural naissent suite à un agrandissement, une mise aux normes ou une augmentation de cheptel », « et la proposition de loi aujourd'hui ne prend pas en compte l'évolution ou plutôt la continuité de l'exploitation. »
D’autres s’inquiètent que ce texte puisse instaurer in fine « un véritable droit à polluer dans la mesure où il permet aux exploitants de poursuivre une activité nuisible sans que leur responsabilité puisse être engagée », comme l’a soulevé en commission le député de Savoie Jean-François Coulomme. Sur cette question la rapporteure rappelle que le texte ne change pas « le code constitutionnel » et que « donc le recours est toujours possible ».
Le texte poursuivra prochainement son parcours législatif au Sénat.
|
Fonction publique
JO : le plafond du compte épargne-temps va être relevé à 70 jours en 2024 dans les trois fonctions publiques
|
La Première ministre a diffusé la semaine dernière une circulaire sur l'accompagnement des agents publics mobilisés pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Certaines des mesures annoncées s'appliqueront dans la fonction publique territoriale.Â
Pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), un certain nombre d’agents publics seront particulièrement mobilisés. Le gouvernement a donc souhaité « préciser les aménagements relatifs à l'organisation du travail et la gestion du temps de travail qui sont possibles ». La circulaire de la Première ministre concerne, essentiellement, la fonction publique de l’État – les fonctionnaires les plus massivement engagés étant les forces de l’ordre. Mais dans les villes hôtes notamment, certains fonctionnaires territoriaux seront eux aussi mobilisés.
Télétravail et CET
La Première ministre précise que l’organisation des JOP constitue bien une « circonstance exceptionnelle » qui justifie des dérogations aux règles fixées par le décret du 11 février 2016 relatif au télétravail dans la fonction publique. Ce décret fixe à trois jours la quotité maximale de jours hebdomadaires de télétravail, sauf en cas de « circonstance exceptionnelle ». Les employeurs sont donc encouragés à « faciliter le télétravail » y compris au-delà des trois jours réglementaires ou « prendre des mesures d'aménagement horaires et des congés pour les agents ne pouvant pas télétravailler ». En effet, notamment en Île-de-France, dans le cadre du « plan de gestion de la demande de transport visant à réduire l’engorgement dans les transports », les employeurs publics « sont fortement encouragés à favoriser au maximum le télétravail de leurs agents ».
Par ailleurs, la Première ministre indique qu’une « évolution réglementaire » va s’appliquer dans les trois fonctions publiques « sous la forme d'une augmentation du plafond global de 10 jours des comptes épargne-temps (CET), y compris pour les agents dont le plafond est déjà fixé à 70 jours ». De plus, « la progression annuelle maximale du nombre de jours pouvant être inscrits sur un compte épargne-temps sera doublée pour l'année 2024 ».
Un projet de décret appliquant cette décision à la fonction publique territoriale a été présenté devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale le 15 novembre, portant de 60 à 70 jours le nombre de de jours de congés que les agents pourront épargner sur leur CET en 2024. Dans la version initiale du projet de décret, le cas des agents déjà à 70 jours n’est pas évoqué, mais la circulaire de la Première ministre permet de s’assurer que pour ceux-ci, le plafond sera bien porté à 80 jours.
Ces mesures seront de portée générale, et pas uniquement réservées aux agents des communes accueillant les JOP.
Mesures indemnitaires
Les agents les plus impliqués dans la préparation et le déroulement des JOP pourront faire l’objet de « majorations de rémunérations », les employeurs pouvant « mobiliser à cette fin tous les leviers indemnitaires à leur disposition ». Pour la fonction publique de l’État, la circulaire indique qu’une « provision interministérielle » est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2024. La Première ministre indique que la majoration de rémunération « ne pourrait dans tous les cas dépasser 1 500 euros brut versés en une ou plusieurs échéances à compter d’octobre 2024 ». « Afin de permettre les versements de surplus de rémunération, les plafonds individuels des leviers indemnitaires existants seront le cas échéant relevés en 2024 ».
Action sociale
Une autre disposition concerne les employeurs territoriaux, pas nécessairement pour leurs propres agents mais pour ceux de la fonction publique de l’État : la Première ministre demande, pour faciliter la mobilisation de ceux-ci, qu’un accès facilité soit prévu « à une offre de modalités de garde et d’activités pour les enfants des agents concernés ».
Il va notamment être demandé de « réexaminer la fermeture habituelle des crèches pendant la période estivale », et de prévoir « une offre élargie sur les séjours et les activités de loisirs » pour les enfants des personnels mobilisés. Cette dernière annonce est un peu plus problématique, car elle ne s’accompagne – en tout cas dans la circulaire – d’aucune aide financière. Si le gouvernement devait demander à certaines communes de maintenir des crèches ouvertes pendant l’été, par exemple, cette décision aurait un coût non négligeable, dont la logique voudrait qu’il soit compensé par l’État.
|
Politique de l'eau
Un rapport du Cese pointe les limites de la tarification progressive de l'eau
|
Le Cese vient de rendre un avis sur la tarification progressive de l'eau, comme lui a demandé la Première ministre. Il ne se montre guère enthousiaste, estimant que les freins sont nombreux et que la tarification progressive peut même s'avérer injuste. Décryptage.
C’est le Plan eau présenté par le gouvernement en mars dernier (lire Maire info du 31 mars) qui a prévu la saisine du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur la mise en place de la tarification progressive de l’eau. Huit mois plus tard, le Cese a rendu son rapport, intitulé Eau potable : des enjeux qui dépassent la tarification progressive. Tout est dans le titre : pour les rapporteurs, la tarification progressive ne saurait être la solution miracle, et bien d’autres pistes doivent être explorées.
Cadre législatif
Rappelons le principe : pour inciter les consommateurs à ne pas gaspiller l’eau, il est envisagé depuis plus d’une dizaine d’années de mettre en place une tarification progressive, avec une sorte de bonus-malus. Le système se veut doublement vertueux : il instaurerait un tarif social, pouvant aller jusqu’à la gratuité pour les besoins élémentaires ; mais serait également écologiquement responsable, avec à l’inverse une surfacturation du prix du mètre cube au-delà d’un seuil de consommation.
La tarification progressive de l’eau a été introduite dans le droit français par la Lema (loi sur l’eau et les milieux aquatiques) de 2006. Puis la loi dite Brottes (loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes) a prévu une expérimentation de ce dispositif, expérimentation qui a été conduite par une cinquantaine de collectivités. Enfin, la loi Engagement et proximité de 2019 a généralisé le dispositif à toutes les autorités organisatrices du service de l’eau, au volontariat.
Les rapporteurs expliquent qu’il est difficile de savoir très précisément combien de services ont choisi cette possibilité – ils seraient autour d’un millier. Les données disponibles montrent qu’il y a presque « autant de modèles de tarification progressive que de collectivités ». Le nombre de tranches varient, certaines collectivités ont choisi d’instaurer un tarif social pour les plus modestes (premiers mètres cubes gratuits), d’autres non. La présence généralisée de compteurs individuels est un facteur déterminant. Les rapporteurs notent que le système a d’autant mieux fonctionné que les collectivités ont organisé des « mesures d’accompagnement (communication sur le dispositif, actions associatives pour aider les syndics à développer les économies d’eau, distribution de petits équipements hydro-économes) ».
Mais surtout, ils ont constaté que les collectivités engagées sont nombreuses à estimer que le système fonctionne, avec un réduction de la facture d’eau pour une partie des usagers et une diminution de la consommation globale.
Freins
Ce qui pose la question de savoir pourquoi le système ne se généralise pas. Pour les rapporteurs, plusieurs freins existent, notamment une insuffisante connaissance des profils des usagers par les collectivités, ou encore le caractère trop complexe de la prise en compte des profils particuliers – familles nombreuses par exemple. La connaissance fine du profil des consommateurs se heurte à la question de l’accès aux données et du RGPD : une collectivité qui voudrait avoir accès aux données de la Caf, par exemple, ne le peut pas en l’état actuel de la réglementation (un décret sur ce sujet est en attente depuis dix ans).
Autre écueil : la présence ou non d’un compteur individuel (moins de la moitié des logements en sont équipés à l’échelle nationale). De plus, il n’existe pas aujourd’hui de système type « Linky », qui permettrait aux consommateurs de suivre leur consommation en temps réel ou de procéder à la télérelève.
Autant de difficultés qui empêchent de nombreuses collectivités de se lancer, voire, pour d’autres, les ont poussées à abandonner la tarification progressive (comme Bordeaux métropole, en 2003). Et qui conduisent les rapporteurs à estimer que « les conditions d’une généralisation de la tarification progressive (…) ne sont pas réunies ». Elle n’est d’ailleurs pas forcément souhaitable, selon le Cese, parce qu’elle pourrait constituer une remise en cause de la libre administration des collectivités locales, et peut même s’avérer contre-productive dans le cas des ménages ne disposant pas d’un compteur individuel.
Préconisations
Le Cese fait un certain nombre de recommandations, d’abord pour permettre un développement futur de la tarification progressive, au premier rang desquelles un développement massif des compteurs individuels, ou encore une consolidation réelle du système d’information Sispea, afin de « mieux connaître la consommation des abonnés ». Il propose également la création d’un « simulateur de tarification de l’eau » qui serait mis à disposition des collectivités, afin de permettre à celles-ci d’évaluer l’impact des différents systèmes.
Au-delà de la tarification progressive, le Cese préconise, à l’échelle nationale, d’anticiper une hausse des tarifs de l’eau qu’il juge « inéluctable », dans la mesure où la diminution de la consommation va amener une baisse des recettes de la redevance, ce qui obligera mécaniquement les services à augmenter les prix pour trouver l’équilibre.
Le Cese recommande également de promouvoir – comme le permet la loi – la tarification saisonnière « dans l’ensemble des communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière » (communes soumises à de fortes sécheresses ou communes touristiques). Enfin, les rapporteurs mettent en avant « l’accompagnent social des usagers fragiles », avec la mise en place d’aides directes des collectivités pour le paiement des factures d’eau – ce qui a l’avantage, par rapport à la tarification progressive, de ne pas pénaliser les familles nombreuses. Cette préconisation pourrait servir de conclusion au rapport : « Du fait de l’incertitude sur l’efficacité sociale de la tarification progressive et des conditions difficiles à mettre en place pour la mettre en œuvre de façon généralisée, le Cese estime préférable de dissocier la dimension tarifaire de la question sociale, et recommande de préférence la mise en œuvre d’un accompagnement social, quel que soit le modèle de tarification. » Sans toutefois s’attarder sur le coût d’une telle mesure pour les collectivités, ce qui n’est pourtant pas une question sans importance.
|
Stationnement
Stationnement: l'Assemblée rétablit l'obligation de payer son amende pour la contester
|
L'Assemblée a rétabli lundi, en première lecture, l'obligation pour les automobilistes de payer leur amende de stationnement pour pouvoir la contester, qui avait été jugée contraire à la Constitution en septembre 2020.
Le texte a été approuvé par 45 députés, 23 votant contre. La majorité, 2 LR (sur 3) et le groupe Liot ont voté pour, la gauche majoritairement contre et le Rassemblement national s’est abstenu.
Il prévoit une mise en œuvre de cette réforme à une date fixée par décret, et au plus tard le 30 juin 2026.
La proposition de loi transpartisane, portée par le député Daniel Labaronne (Renaissance), « rétablit l’obligation de paiement préalable du forfait de post-stationnement (nouveau nom des amendes, NDLR) et de son éventuelle majoration, dans la limite d’un plafond fixé par décret en Conseil d’État, comme condition à la recevabilité d’un recours contentieux, sauf cas exceptionnels ».
Les exceptions retenues sont le vol ou la destruction du véhicule, l’usurpation de la plaque d’immatriculation de l’automobiliste, la cession du véhicule, la perception de faibles revenus, le fait de bénéficier d’une carte de stationnement pour personnes handicapées.
Censure
Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, avait jugé inconstitutionnel le paiement préalable de l’amende en raison de l’absence de disposition garantissant que le montant de la somme à payer et sa majoration éventuelle ne soit trop élevé, et de l’absence d’exceptions tenant compte de situations particulières.
Dans son propos introductif, Daniel Labaronne a souligné que ce principe d’un paiement préalable avait été voté « d’une part pour éviter les recours dilatoires dans un but de bonne administration de la justice et d’autre part pour garantir le recouvrement rapide de la recette pour les collectivités concernées ».
La censure du Conseil constitutionnel a abouti à accroître le stock des affaires en instance, qui s’établissait fin 2022 à plus de 183 000 dossiers, avec des « délais de jugement de l’ordre de deux ans », une « situation compliquée qui pénalise aussi nos concitoyens ».
Les orateurs opposés au texte ont dénoncé une limitation du droit au recours, dans un contexte où l’automatisation de la lecture des plaques d’immatriculation multiplie les amendes. De 2018 à 2022, le nombre de verbalisations est passé de 7,8 à 13,7 millions, pour « atteindre un nouveau record de recettes de l’ordre de 340 millions d’euros », selon André Chassaigne (PCF).
|
Journal Officiel du mardi 5 décembre 2023
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de la Transition énergétique
|