| Édition du vendredi 20 octobre 2023 |
Sécurité
Sécurité et prévention de la délinquance : huit associations d'élus s'unissent pour « parler haut et fort »
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Lors du Beauvau de la sécurité, les élus locaux ont eu le sentiment de ne pas être écoutés. Avec les quelque 25000 policiers municipaux, qui constituent la troisième force de sécurité intérieure du pays, les collectivités locales participent de fait au continuum de sécurité. Dans le contexte d'un renforcement du dispositif « Alerte attentat », elles demandent « une meilleure concertation avec l'Etat ».
Les émeutes de l’été dernier, le renforcement du dispositif « Alerte attentat », la sécurisation des établissements scolaires... Les événements des dernières semaines démontrent que le sujet de la sécurité et de la prévention de la délinquance ne peut être un domaine exclusif de l’Etat. « Nous vivons une période plus que troublée pour parler des événements que nous avons tous et toutes connus dans un certain nombre de villes. Et puis nous vivons aussi des événements extérieurs qui ont des impacts importants aujourd'hui sur la tranquillité publique », a expliqué Jean-Paul Jeandon, maire de Cergy-Pontoise, co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance à l’AMF, mercredi, lors de la conférence de presse de lancement du Collectif de sécurité réunissant huit associations d’élus*.
Avoir une vraie réunion avec le ministre de l’Intérieur
« Lors du Beauvau de la sécurité [concertation de sept mois avec tous les acteurs de la sécurité qui a eu lieu en 2021, NDLR], les associations d’élus étaient présentes, elles ont fait des propositions. Et elles n'ont pas le sentiment d'avoir été écoutées, a argumenté le maire de Cergy. Nous sommes 50 000 collectivités locales et avons plus de 25 000 policiers municipaux. Nous sommes la troisième force de sécurité intérieure du pays. »
Aujourd’hui, les collectivités locales participent de fait au continuum de sécurité sans y être réellement associées, ni écoutées. Le maire de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, également co-président de la commission sécurité et prévention de la délinquance à l’AMF entérine : « Nous nous sommes sentis plus dehors que dedans avec ce continuum. Or les policiers municipaux sont souvent les premiers sur le terrain [des événements] et à y être confrontés. Ce fut le cas par exemple lors de l’attentat de Nice. Les informations doivent remonter [du terrain et des maires] mais aussi redescendre vers les maires. Cela ne peut pas dépendre de relations interpersonnelles entre la police, la gendarmerie et les élus. Nous voulons davantage d’informations ». Avec un bémol : le cas des fichés S. « Il y a débat entre les maires, admet Frédéric Masquelier, car avoir des informations sensibles engage la responsabilité des maires ».
Sur ces points, les élus locaux attendent toujours des efforts de la part des services de l’Etat. « Pour parler haut et fort, il fallait se rassembler », indique Jean-Paul Jeandon. L’objectif : « Avoir une vraie réunion avec le ministre de l'Intérieur pour parler du rôle des collectivités locales dans ce continuum ».
Pas seulement dans les moments de crise
« Nous ne devons pas être associées seulement dans les moments de crise, a appuyé Sarah Misslin, adjointe au maire d’Ivry-sur-Seine, membre du bureau du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), seule association d’élus spécialisée dans le domaine de la sécurité. Le tout nouveau Collectif inter associations d’élus pour la sécurité et la prévention (CIAESP) se mobilisera « sur tous les sujets de tranquillité, de sécurité, de prévention », a-t-elle annoncé.
Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin, vice-présidente de Villes de France souhaite, elle, un « travail efficace avec le ministère de l’Intérieur et plus largement avec l’Etat. Nous sommes les yeux, les oreilles, les bouches de nos populations. Si nous ne travaillons pas en commun, il y aura beaucoup de pertes de chances », sous-entendu, pour élucider un certain nombre d’affaires. Il s’agit pour l’élue de l’Aisne de lutter contre le sentiment d’impunité des mineurs, de partager les informations issues de la vidéoprotection mise en place par les communes, d’avoir davantage d’informations sur les individus qui sont sur son territoire ou encore de reconstruire le lien police/population.
De son côté France urbaine, qui a déjà consacré une conférence au sujet de la sécurité (une seconde est en préparation) et fait une quarantaine de propositions, espère, par la voix du maire du Creusot David Marti, être enfin entendue sur ce sujet. Ces travaux n’ont pour l’instant pas eu d’échos au sein de l’Etat. Intercommunalités de France estime que le sujet de la sécurité est un véritable sujet du bloc local et que le Collectif sera opportun pour cela. « Nous avons intérêt à traiter les enjeux de sécurité et de prévention à l’échelle des bassins de vie, donc nous avons intérêt à faire bloc », a indiqué Anne Terlez, vice-président de l’association et vice-présidente de Seine Eure Agglo.
Ne pas laisser la sécurité au seul ministère de l’Intérieur
Ce nouveau Collectif intègre également les départements car concernés par les problématiques de sécurité des collèges, mais aussi via les subventions d’équipements pour les polices municipales, leur travail de soutien aux associations de victimes, etc. « Il s’agit, pour nous de faire de la sécurité une véritable politique publique, a expliqué le vice-président du conseil départemental de l’Essonne, Alexandre Touzet, pour les Départements de France. C'est ce que nous avions porté dans le cadre du Beauvau de la sécurité, tout en reconnaissant bien sûr la place essentielle de l'État puisque nous sommes dans une compétence régalienne. Nous pensons que cette compétence régalienne peut être davantage partagée dans les objectifs et dans les moyens ».
Pour Départements de France, il est important d'avoir trois niveaux de discussions : national avec les associations par exemple sur une stratégie nationale des préventions ; départemental en renforçant le conseil départemental de prévention de la délinquance et en l’ouvrant aux collectivités locales. Le troisième niveau serait celui du bloc local, le niveau pour les opérationnels. Alexandre Touzet résume l’objectif en paraphrasant Clémenceau : « La sécurité est une chose trop grave pour la confier au seul ministère de l’Intérieur ».
L’Outre-mer représenté
L’Outre-mer confronté à de gros problèmes de sécurité est aussi représenté dans le Collectif via l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer. Pour le maire de M’Tsamboro à Mayotte, Laithidine Ben Said, trésorier de l’ACCD’OM, faire partie de ce Collectif était « très important ». Les élus et les populations d’Outre-mer subissent l’éloignement et le coût de la vie. A Mayotte, la délinquance juvénile est très répandue et « met parfois à mal la politique des communes. Il nous faut ramener la sécurité dans ce territoire car les populations en pâtissent ». Il y a un an, les élus d’Outre-mer avaient lancé l’alerte, sans que le problème soit encore réglé. « Parler haut et fort », d’une seule voix fera peut-être changer la situation.
Consulter la charte du Collectif.
*L’Association des communes et collectivités d’Outre-mer, l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalité, l’Association des maires Ville et banlieue de France, Départements de France, Intercommunalités de France, le Forum français pour la Sécurité urbaine, France urbaine et Villes de France.
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Violences urbaines
Émeutes : le gouvernement réaffirme son engagement auprès des collectivités dans la reconstruction des bâtiments publics
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En visite hier en Meurthe-et-Moselle, la ministre chargée des Collectivités territoriales Dominique Faure a réaffirmé le soutien de l'État aux collectivités territoriales dans la réparation des dégâts matériels constatés dans les communes. Un fonds est attendu.
Quelques mois après les violentes émeutes qui ont eu lieu dans de nombreuses communes entre le 27 juin et le 7 juillet, la ministre chargée des Collectivités territoriales Dominique Faure s’est rendue dans la commune de Mont-Saint-Martin dans le département de Meurthe-et-Moselle afin de faire un point sur la reconstruction des bâtiments publics qui ont été détruits.
Cette commune de moins de 10 000 habitants n’a pas été épargnée. Au total, neuf bâtiments ont été dégradés dont la mairie, l’école ou encore un centre d’accueil pour jeunes autistes. Selon le maire, Serge de Carli, interrogé par France 3, le coût des travaux à Mont-Saint-Martin a été évalué entre 2,5 et 3 millions d’euros et l’assurance va prendre en charge 30 % du montant total de la reconstruction.
Et c’est loin d’être un cas isolé. Alors que les sommes à engager pour réparer les équipements pèsent de plus en plus dans les budgets, le coût des sinistres des émeutes urbaines s’élève désormais à 730 millions d’euros au total, selon France Assureurs.
Si les assurances des collectivités prennent en charge une partie de ces réparations, la question du reste à charge inquiète donc les communes. C’est pourquoi Dominique Faure a tenu à rassurer hier toutes les collectivités : « L'État complètera le reste à charge des collectivités locales ».
Mission flash assurance
Dominique Faure s’est exprimé hier sur un point crucial lié à cette crise qui affecte durement les collectivités. D’abord, le choix de faire une visite dans cette commune de Mont-Saint-Martin n’a pas été fait au hasard. Son maire a été l’un des premiers a alerté sur la tentative de la part de plusieurs assureurs de résilier les contrats avec les collectivités quelques mois après les émeutes. D’autres communes ont eu la surprise de découvrir un taux de couverture du préjudice particulièrement bas… Bref, les assureurs qui expliquent connaitre de grandes difficultés financières depuis la crise Covid semblent vouloir se désolidariser des collectivités.
Face à l’inquiétude des communes, la ministre a annoncé hier qu’une mission flash a été lancée pour trouver des solutions avec les assureurs. « Avec le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, nous avons lancé une mission pour trouver un moyen de dynamiser le marché des assurances », explique Dominique Faure au micro de France bleu. « Beaucoup se détournent de l'assurance des collectivités locales, ceci n'est pas acceptable. » La ministre a aussi précisé comprendre « les contraintes des assurances dont les dépenses ont explosé » mais comprendre « aussi les maires qui ont besoin d'être indemnisés ».
Un reste à charge complété en partie par l’État
La ministre déléguée aux Collectivités territoriales a surtout confirmé que l'État allait « compléter le reste à charge dans les collectivités locales une fois que l'assurance se sera prononcée sur le montant de son remboursement. » Déjà en juillet dernier, le gouvernement assurait que « personne ne [serait] laissé au bord du chemin » (lire Maire info du 4 juillet).
À noter que depuis la publication de l’ordonnance n°2023-871 du 13 septembre 2023, le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits a été facilité. Concrètement, « l’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage ne sera pas applicable » aux travaux de reconstruction. Les maîtres d’ouvrages publics pourront donc « bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux » (lire Maire info du 17 juillet). Théoriquement, le soutien financier de l’État pourra donc aller jusqu’à 100 % et donc largement couvrir ce « reste à charge » qu’évoquait hier Dominique Faure.
Dans le cas de la commune de Mont-Saint-Martin, selon France 3 Grand-Est, la ministre a expliqué attendre « les montants exacts des dégâts et de la prise en charge par les assurances » mais a assuré « que l'État allait prendre à son compte 80 % du reste à charge ». Cela se fera donc au cas par cas. Dans la pratique, l’État ne prendra donc pas forcément en compte la totalité du reste à charge, comme le confirme notamment à Maire info une source du ministère des Collectivités territoriales.
Un fonds d’urgence, dans la lignée de celui qui avait été annoncé en juillet, va donc être mis en place. Pour le moment aucun montant n’a été annoncé mais le gouvernement y travaille. Les modalités d’accès à ce fonds sont aussi en cours de définition en lien avec les préfets. À suivre.
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Politique de la ville
Politique de la ville : les élus plaident pour le droit à l'expérimentation
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Les élus de l'association Ville et Banlieue n'ont que peu de réponses sur ce que seront les prochains contrats de ville « Quartiers 2030 ». Toujours pas de périmètre, ni cahier des charges, ni engagements précis des différents ministères. Ils en connaissent en revanche a priori les axes thématiques, fixés par l'ancien ministre de la Ville. Ce sujet a été au coeur de la réunion des 40 ans de l'association qui s'est tenue à Lyon mercredi.
La cartographie de la nouvelle politique de la ville devrait être terminée en décembre (1). C’est elle qui permet de définir la nouvelle liste de quartiers dits « prioritaires » - on en compte 1 500 aujourd’hui. Ce nombre pourrait ne pas trop évoluer selon plusieurs élus car les critères utilisés pour délimiter ces quartiers restent les mêmes que ceux utilisés en 2014 : le taux de concentration de la pauvreté et la densité de population.
Certains maires n’ont qu’une ébauche de proposition de leur préfet. D’autres négocient encore. La maire de Chanteloup-les-Vignes (78), Catherine Arenou a, elle, une idée déjà précise. Elle sait que le périmètre de « ses » quartiers prioritaires va se réduire, « parce que j’ai demandé à en sortir les ilots d’habitat privé ». Un choix assumé. En Seine-Saint-Denis, le périmètre devrait, lui, s’élargir encore de plus de 6 %, avance Philippe Rio, le maire de Grigny, « tout simplement parce que la pauvreté s’aggrave ». Dans certaines agglomérations comptant plusieurs villes avec des quartiers susceptibles de rester voire d’entrer en politique de la ville, la négociation se joue aussi entre les maires. Certains « n’ont tout simplement pas les moyens de se passer de la taxe foncière sur les propriétés bâties », indique un élu pour expliquer pourquoi certains hésitent à y entrer ou cherchent à en sortir.
Renaud Payre, vice président à la Métropole de Lyon, en charge de la politique de la ville n’a pas attendu de cerner précisément le contour des quartiers qui pourront bénéficier des crédits « spécifiques » de la politique de la ville, pour commencer à travailler avec ses équipes sur les projets à mener dans le cadre du prochain contrat de ville. Mais il s’impatiente de connaitre les engagements des différents ministères (emploi, logement, culture etc.) sur lesquels la collectivité pourra s’appuyer pour développer - ou non - certains projets.
S’il insiste sur ce point c’est parce que selon lui, « sans égalité il n’y a pas de fraternité. C’est l’enjeu des prochains contrats de ville, qui doivent mobiliser l’ensemble du droit commun ».
Cette question du droit commun, et donc des moyens mobilisés par tous les ministères dans les quartiers, reste la question la plus importante tant leur fléchage sur les quartiers est dénoncé pour leur faiblesse. Sociologue spécialiste de la politique de la ville, Renaud Epstein appelle depuis des années « à la géolocalisation des budgets de l’État ! », seule façon selon lui d’avoir « des faits » pour démontrer l’inégalité de moyens, et espérer « d’autres réponses ».
Expérimentations
Sur l’emploi, les maires revendiquent le droit à être soutenu dans leurs expérimentations car la politique de la ville sert aussi souvent de laboratoire. « Des politiques publiques sont nées dans les quartiers et aujourd’hui passées dans le droit commun comme la clause d’insertion, grâce à la diversification du recours à la commande publique », rappelle Lucie Becdelièvre, déléguée générale de l’Alliance Ville Emploi.
À l’inverse, certains dispositifs n’y entrent pas, ou difficilement. À l’exemple du dispositif « 1 jeune 1 solution » qui n’a eu « quasiment pas d’impact dans les quartiers prioritaires », observe Saïd Hammouche de Mozaik RH. Pour lui, l’approche n’était pas la bonne et il faut encore « déconstruire les préjugés » et lutter contre les discriminations à l’oeuvre. « C’est possible et cela fonctionne », assure Saïd Hammouche, qui milite donc pour « la création d’agences de recrutement à but non lucratif » dans ces quartiers, pour partir des besoins des entreprises et « promouvoir les compétences des jeunes à être employables tout de suite ». « Beaucoup de nos jeunes ont des qualifications, mais n’arrivent pas à décrocher d'entretien… », reconnait un élu du Nord.
Le maire d’Épinay-sous-Sénart, Damien Allouche, appelle lui les maires à se mobiliser pour sauver l’ expérimentation Territoires zéro chômeur longue durée, alors que la réduction du budget dédié à cette expérimentation est annoncée dans le projet de loi de finances 2024. À Strasbourg, l’expérimentation lancée sur cinq quartiers en politique de la ville a, elle, déjà dû s’arrêter « faute du soutien du conseil départemental », témoigne à regret Benjamin Soulet adjoint à la politique de la ville de Strasbourg. « La dynamique créée autour du projet avait permis de déjà remettre 160 personnes à l’emploi classique en à peine six mois », indique l’élu.
En matière de tranquillité et sécurité publique, la politique de la ville a aussi servi de terreau. Comme le résume Philippe Rio, maire de Grigny, les maires des banlieues ont « des pouvoirs limités » en ce domaine. Mais ils ont aussi mis la main au porte-monnaie et poussé pour remettre des éducateurs de rue là où ils avaient été supprimés, et de la médiation sociale avant que le gouvernement relance justement des « bataillons de la prévention ». Pour Philippe Rio, « ce sont ces métiers du lien et du care qu’il faut réinventer et investir en masse ».
Sur le sujet de « la transition écologique et énergétique au coeur des quartiers », l’idée d’un « ANRU 3 » - du nom de l’agence nationale pour la rénovation urbaine -, a été mise sur la table par sa présidente, Catherine Vautrin. Néanmoins, l'idée a suscité des inquiétudes, exprimées notamment par Gilles Leproust, le maire d’Allonnes et président de VIlle et Banlieue, échaudé par « le passage de l’ANRU 1 à l’ANRU 2 » : « Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de souplesse dans l’ANRU », réclamant la possibilité de « revoir des dossiers qui ont besoin de l’être, par exemple pour ajouter des balcons à des projets de construction d’immeubles dont le Covid nous a démontré à quel point cela pouvait être important ».
(1) selon le calendrier fixé par une circulaire du 31 août 2023.
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Budget de l'état
Budget 2024 : les mesures retenues par le gouvernement après le « 49.3 »
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Parmi les amendements repris par l'exécutif, on peut retenir la création d'une dotation pour les communes nouvelles, l'assouplissement des règles de lien entre les taux des impôts locaux ou encore l'expérimentation d'un service de télédéclaration de la taxe de séjour.
Après l’utilisation par la Première ministre du « 49.3 » sur la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, celle-ci avait annoncé avoir « accepté de faire évoluer le texte » en reprenant certains amendements de la majorité comme des oppositions. Après la publication, hier, du texte sur lequel elle a engagé sa responsabilité, ce sont au total près de 300 amendements qui ont été retenus par l’exécutif.
Outre ceux de « convergence » mis en avant par le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, lors de l’ouverture des débats, de nombreux autres ont été repris, notamment sur le logement et la fiscalité des collectivités locales.
Meublés touristiques, PTZ, logement social…
C’était l’une des mesures les plus attendues afin de contenir la crise du logement. Le gouvernement a ainsi retenu un dispositif visant à réduire l'abattement de 71 % à 50 % sur les revenus des meublés touristiques (type Airbnb) en zone tendue, avec un seuil à 77 700 euros (en zone non-tendue l'abattement serait toujours de 71 %, mais avec un seuil à 50 000 euros). Certains députés le juge toutefois toujours insuffisant.
Afin de « lever les freins juridiques à la production de logements », il a également décidé de proroger de trois ans la réduction du taux d’impôt sur les sociétés pour les plus-values de cessions d’immeubles de bureaux, ou à usage industriel ou commercial, et de terrains à bâtir situés « dans des zones où existe un déséquilibre particulièrement important entre l’offre et la demande de logements, à condition que le cessionnaire transforme les biens en locaux à usage d’habitation dans un délai de 4 ans ».
S’agissant des logement sociaux, un premier amendement doit permettre de compléter le dispositif « seconde vie » en instaurant un taux réduit de TVA de 5,5 % afin de « faire bénéficier les logements locatifs sociaux ayant fait l’objet d’une rénovation lourde d’avantages fiscaux similaires à ceux dont bénéficient les constructions neuves ».
Déjà adopté lors de l’examen en commission, un second vise à « contribuer à la lutte contre le vieillissement généralisé du parc social dans les collectivités » d'outre-mer en supprimant « la condition de localisation géographique applicable [aux] opérations [de rénovation] réalisées dans ces collectivités », en plus de celles situées dans les départements et régions d’outre-mer.
Par ailleurs, plusieurs dispositifs vont être prolongés. Le « Denormandie » d’un an jusqu’en 2024, l’« éco-PTZ » jusqu’en 2028 et le PTZ (prêt à taux zéro) jusqu’en 2027. Si ce dernier va être recentré, ces conditions d’accès seront « assouplies » et il sera désormais ouvert à 6 millions de Français grâce à l’élargissement « aux classes moyennes et à 200 villes supplémentaires ».
Exonérations de TFPB, règles de lien assouplies…
Dans le but « d’offrir davantage de marges de manœuvre aux élus locaux » dans un contexte marqué par l’attrition de logements, les règles de lien applicables aux impôts directs locaux vont, elles aussi, être assouplies. Un amendement introduit, ainsi, « une faculté d’augmenter sans lien le taux de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) et autres locaux meublés ». Pour pouvoir en bénéficier, les communes devront, toutefois, avoir un taux de THRS « inférieur à un plafond de 75 % du taux moyen constaté dans les communes du département l’année précédente et la hausse [devra être] limitée à 5 % de ce plafond ».
Toujours concernant la THRS (et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale), une exonération facultative sera mise en place en faveur « des fondations et associations reconnues d’utilité publique et celles d’intérêt général pouvant percevoir des dons éligibles à la réduction d’impôt sur le revenu au titre du mécénat ». Une faculté nouvelle qui doit permettre de conférer aux communes et aux intercommunalités « la possibilité de soutenir et d’accompagner le développement des fondations et associations établies sur leur territoire ».
S’agissant de la TFPB, l’exécutif propose de transformer des exonérations facultatives en exonérations de droit, « tout en laissant la faculté aux collectivités concernées de les limiter ou de les supprimer ». Un autre amendement précise que l’exonération de TFPB et de CFE s’appliquera désormais aux mâts des éoliennes, « quelle que soit leur conception ». Un dernier proroge, pour les nouveaux contrats de ville 2024 2030, le bénéfice de l’abattement de 30 % de TFPB en faveur des logements sociaux situés dans un quartier prioritaire de la ville (QPV).
Taxe de séjour : un service de télédéclaration expérimenté
Par ailleurs, est prorogé le dégrèvement temporaire, sous conditions, de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) en faveur des parcelles comprises dans le périmètre d'une association foncière pastorale.
Dans la continuité du transfert, initié le 1er septembre 2022, de la gestion des taxes d’urbanisme à la direction générale des finances publiques (DGFiP), un amendement propose plusieurs ajustements et la ratification de l’ordonnance du 14 juin 2022 relative à ce transfert.
En réponse à « la difficulté d’exploitation par les collectivités territoriales et EPCI des déclarations de taxe de séjour adressées par les plateformes numériques de réservation de séjour », le gouvernement a décidé d’expérimenter un service de télédéclaration centralisé de cette taxe pour les professionnels, mis en œuvre par l’administration fiscale. « Au plus tard le 1er juin 2024 ».
A noter, également, le maintien finalement de l’exonération totale de taxe carburant pour les pompiers.
Une nouvelle dotation pour les communes nouvelles
Afin « d’engager un nouveau mouvement de création de communes nouvelles », le gouvernement a décidé de créer une dotation dédiée aux communes nouvelles de moins de 150 000 habitants pour les protéger contre toute baisse de DGF. Financée par un prélèvement sur les recettes de l’État, celle-ci serait instaurée dès l’an prochain à hauteur de 8 millions d’euros.
En parallèle, une « garantie plancher » de compensation de la CVAE aux départements sera dorénavant assurée, comme l’avaient souhaitée les députés en commission.
Autre mesure retenue, le relèvement du taux plafond du versement mobilité de 0,25 point à Paris et dans les trois départements de petite couronne en faveur d’Île-de-France Mobilités. En lien avec l’offre de transport qui va « profondément évoluer d’ici 2031 avec plus de 360 km de nouvelles lignes mises en service », mais qui « implique une hausse des coûts de fonctionnement ».
Consulter le texte sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité.
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Emploi
Les territoires zéro chômeur longue durée sont en péril
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Depuis le mois d'octobre, les territoires engagés dans l'expérimentation « zéro chômeur longue durée » savent que leurs recettes vont diminuer. L'État a en effet décidé de réduire à partir de ce mois-ci sa contribution financière au développement de l'emploi (CDE), versée pour chaque chômeur longue durée embauché. Son aide, jusque là calculée sur 102 % du SMIC descend désormais à 95 %. Dans les territoires, les acteurs locaux oscillent entre sidération, incompréhension, fatalisme et colère…
C'est peu dire que cette décision de l’État, apprise à la lecture du journal officiel en plein été, a mis en colère le président de l'association Territoires zéro chômeur longue durée, Laurent Grandguillaume. Mais il ne décolère pas car s'annonce une autre coupe, découverte début octobre, celle de 20 millions d'euros sur le budget dédié à l'expérimentation dans le projet de loi de finances 2024, réduit donc à 69 millions au lieu des 89 « nécessaires pour mettre en œuvre le droit à l'emploi tel que prévu par la loi », explique Laurent Grandguillaume. « C'est toute l'expérimentation qui est percutée, les 58 territoires déjà engagés comme la centaine d'autres qui voudraient y entrer », indique l'ancien député (1). Il redoute que si ce budget n'est pas rétabli, d'autres coupes bugétaires suivent les années suivantes, « ce qui serait tout simplement un coup d'arrêt au projet ».
Les représentants des territoires concernés se sont donné rendez-vous devant l'Assemblée nationale mardi prochain pour dénoncer ce qu'ils perçoivent comme une double hypothèque mise sur cette expérimentation par l'État.
Instabilité économique et recrutements ralentis
Les impacts sont loin d'être anodins pour les entreprises à but d'emploi qui localement salarient les chômeurs, recrutés dans le cadre de cette expérimentation (tous en CDI et payés au SMIC). Leur modèle économique est fragile. C'est même inhérent à cette expérimentation. Cette contribution de l’État (complétée par celle des départements) a justement été pensée pour assurer la partie stable de l'édifice qui permet de déployer des activités dont certaines ne peuvent prétendre à la rentabilité, en tout cas pas à court terme. Ces entreprises répondent cependant à des besoins locaux, au service d'un territoire, de ses habitants et de la création d'emplois (en CDI et à temps choisi) pour des personnes qui en étaient pourtant parfois très éloignées.
« Cela va créer des difficultés voire des inégalités car certains territoires peuvent avoir besoin de plus de temps pour trouver les moyens financiers qui permettent de stabiliser une activité », pointe Laurent Grandguillaume. Ce que redoute l'association se vérifie déjà : les territoires mettent le frein sur les projets d'embauche comme le confirment plusieurs élus et directeurs d'EBE. « Notre mission d'exhaustivité – autrement dit d'embaucher tous les chômeurs longue durée volontaires sur un territoire – est clairement menacée, et avec elle le projet même », s'insurge Bastien Bernela, président du comité local pour l'emploi de Poitiers qui assure la conduite politique de l'expérimentation sur trois quartiers en politique de la ville.
À Mauléon, dans les Deux-Sèvres, la baisse de la contribution fait perdre à l'EBE « 1000 euros par salarié par an », « à raison de 80 salariés, la note s'élève entre 85 et 90 000 euros », calcule le maire Pierre-Yves Marolleau, qui ne comprend toujours pas pourquoi une telle décision a pu être prise. Ici, l'EBE créée il y a près de six ans « n'a cessé d'augmenter son chiffre d'affaires – hormis en 2020 à cause du Covid – passant de 80 000 à plus de 400 000 », elle est aujourd'hui « quasi à l'équilibre », « mais avec l'aide de l’État ». « J'en ai connu dans ma vie de maire des expériences qui coûtaient chers et marchaient cahin caha, mais là on a des résultats, il y a tout ce qui ne se calcule pas, de coût social du chômage, comment peut-on négliger cela ? », interroge l'élu. « J'attends que ceux qui prennent ces décisions soient capables de venir annoncer aux personnes salariées que tout s'arrête, en tout cas, ce n'est pas moi qui le ferait ! », assure l'élu qui comme d'autres se mobilise dans les territoires pour la manifestation de mardi prochain, devant l'Assemblée nationale, et pour faire signer la pétition qui circule en ligne depuis quelques jours.
Cette décision est incompréhensible, et surtout « contre-cyclique », conclut Laurent Grandguillaume. Alors que l'Union européenne a décidé de dégager un budget pour essaimer l'expérimentation et que d'autres pays européens se lancent à leur tour, « avec parfois bien plus de moyens comme en Belgique où la Wallonie mise 100 millions pour 17 territoires quand après huit ans d'expérimentation le gouvernement propose 69 millions pour 58 territoires ».
(1) C'est en tant que député qu'il a porté la première loi du 29 février 2016 créant l'expérimentation, à l'époque sur dix territoires, et élargie à au moins 50 territoires supplémentaires depuis la loi du 14 décembre 2020.
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Journal Officiel du vendredi 20 octobre 2023
Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
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