Édition du vendredi 17 mars 2023

Réforme des retraites
Réforme des retraites : situation politique très incertaine au lendemain du 49.3
Le chef de l'État a tranché : faute de la certitude de trouver une majorité à l'Assemblée nationale pour voter le texte portant réforme des retraites, la Première ministre a déclenché l'article 49.3 de la Constitution et engagé la responsabilité de son gouvernement. Et maintenant ?

Le suspens aura duré jusqu’aux toutes dernières minutes avant l’ouverture de la séance à l’Assemblée nationale où devait avoir lieu, hier, le vote final sur le texte de la commission mixte paritaire, que le Sénat avait adopté un peu plus tôt dans la journée. Finalement, Emmanuel Macron a convoqué un Conseil des ministres extraordinaire pour habiliter sa Première ministre à utiliser le 49.3.

« Risque financier »

Le matin, au Sénat, le texte était sans surprise passé assez largement (193 pour, 114 contre). Le texte voté était celui de la commission mixte paritaire (CMP), additionné d’un amendement de dernière minute élaboré par le gouvernement – ce que permet la Constitution, seul le gouvernement pouvant autoriser l’ajout d’amendements au texte de la CMP. Les sénateurs de l’opposition se sont toutefois agacés que le Sénat doive se prononcer sur un long amendement financier, présenté en séance, et que personne n’avait eu le temps d’étudier. 

Dans les heures qui ont suivi, le gouvernement a continué de faire les comptes pour tenter de s’assurer d’une majorité à l’Assemblée nationale. En vain : en début d’après-midi, l’exécutif estimait qu’il risquait au final de manquer trois voix pour obtenir la majorité. Si certains membres du gouvernement et députés de la majorité souhaitaient prendre ce risque et aller au vote, pour ne pas donner l’impression d’un passage en force, le président de la République en a décidé autrement, expliquant, selon ce qui est ressorti du Conseil des ministres, que cette réforme était indispensable eu égard au « risque financier » que court le pays. La logique du chef de l’État est que si la France se montre incapable d’aller au bout des « réformes », sa note financière se dégradera sur les marchés internationaux, avec un risque de montée en flèche des taux d’intérêt. Un argument encore jamais invoqué par le gouvernement depuis le cette crise.

« Un vote aura lieu »

La Première ministre a donc fait son entrée dans un hémicycle surchauffé pour officialiser la décision, dans une telle bronca qu’Élisabeth Borne dira après n’avoir même pas entendu le son de sa propre voix. Elle a fustigé, tour à tour, chacune des oppositions – la droite « incohérente », la Nupes qui a « tout fait pour bloquer le débat », le RN « mutique, tapi dans l’ombre, profitant en silence des outrances des uns et des revirements des autres ». Pour ne pas voir « 175 heures de débat parlementaire s’effondrer (ni) le compromis bâti par les deux Assemblées écarté », elle a engagé la responsabilité de son gouvernement. Pour rejeter, d’avance, le reproche de faire passer un texte sans vote, la Première ministre a évoqué les motions de censure qui « répondront » à ce 49.3, et conclu : « Un vote aura donc bien lieu, comme il se doit. » 

Ce qui ne suffira pas, naturellement, à calmer la colère des oppositions, dont les porte-parole se sont succédé dès la fin de cette séance houleuse pour dénoncer le « passage en force », le « déni de démocratie », ou encore le fait que c’est la première fois dans la Ve République qu’un texte est imposé au 49.3 sans avoir fait l’objet d’un seul vote à l’Assemblée nationale. 

Beaucoup de parlementaires – y compris proches de la majorité – disent également craindre que cette décision alimente à la fois la contestation dans la rue et la perte de confiance des citoyens dans les institutions. 

Motions de censure

Comme le veut l’article 49 de la Constitution, le texte ne sera considéré comme adopté qu’après le rejet d’une motion de censure déposée dans les 24 h qui suivent l’annonce de la Première ministre. Les oppositions ont donc jusqu’à 15 h 20 aujourd’hui pour déposer une ou plusieurs motions de censure. Hier, il devait y en avoir trois : une de la Nupes, une du Rassemblement national, et une du groupe centriste Liot, sous la houlette de Charles de Courson. Mais ce matin, LFI a annoncé qu'elle se ralliait à la motion du groupe Liot, « pour donner toutes ses chanches à la censure » Le RN a, quant à lui, annoncé qu’il voterait « toutes les motions de censure ». Celle du groupe Liot pourrait donc recueillir les voix de la Nupes et du RN, ce qui représenterait au total 257 voix (149 Nupes, 88 RN et 20 Liot). La majorité absolue – nécessaire pour faire adopter une motion de censure – étant à 287, il manquerait encore une trentaine de voix pour faire tomber le gouvernement, qu’il faudra aller chercher dans le groupe des 61 députés LR. 

La direction de ce groupe a été, hier, parfaitement claire : Éric Ciotti et Olivier Marleix ont déclaré dans l’après-midi qu’ils avaient décidé de ne soutenir « aucune motion de censure », pour ne pas « ajouter du chaos au chaos ». Cela suffira-t-il pour qu’une partie des députés LR ne votent pas les motions de censure ? Rien n’est moins sûr.

La situation reste donc très incertaine. Si l’hypothèse d’une adoption de la motion de censure Liot (lundi ou mardi), n’est pas la plus probable, la journée d’hier a montré combien il est risqué de faire des paris, dans la période actuelle, sur le vote individuel des députés LR. 

Cette situation laissera, de toute façon, des traces durables. Même si le gouvernement ne tombe pas, les événements de ces dernières semaines risquent d’obérer pour longtemps sa capacité à agir et à légiférer.
 




Réforme des retraites
Une situation sociale qui peut se tendre
L'annonce de l'utilisation du 49.3 pour faire passer la réforme des retraites a immédiatement provoqué des manifestations émaillées d'incidents, et laisse craindre une recrudescence d'un mouvement de contestation qui perdait de sa dynamique.

Il n’a pas fallu une heure, hier, pour que le rassemblement qui avait lieu devant l’Assemblée nationale se transforme en manifestation, qui a rejoint le point de rendez-vous donné par des syndicats place de la Concorde – juste en face de l’Assemblée nationale. Deux heures plus tard, il y avait 10 000 personnes sur la place, dont beaucoup de jeunes, selon les chiffres de la préfecture ce matin, ce qui est un chiffre important pour une manifestation non prévue. 

Au même moment, des rassemblements et manifestations spontanés ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays : selon les chiffres de la police, ce sont 60 000 personnes qui se sont rassemblées, aux quatre coins du pays, pour protester contre le passage en force du gouvernement. Là encore, si ce chiffre apparaît modeste au regard des grandes manifestations de ces dernières semaines, il est significatif, dans la mesure où les services de renseignement n’avaient absolument pas prévu une mobilisation aussi rapide.

Violences

Dans plusieurs villes, les rassemblements se sont soldés par des incidents parfois violents. Des violences ont été relevées à Paris, Rennes, Nantes, Toulouse, Lyon, Lille, Marseille, Dijon, Amiens… Mobilier urbain dégradé, voitures ou poubelles brûlées, tags et dégradations sur des permanences de députés, ces violences sont allées jusqu’à l’usage de mortiers d’artifice contre les forces de l’ordre. La maire de Rennes, Nathalie Appéré, a parlé hier soir sur Twitter de « violences urbaines sidérantes », avec l’hôtel de ville « pris pour cibles » et des équipes techniques dans l’incapacité « d’intervenir sur le terrain ». À Dijon, François Rebsamen a dénoncé « des incendies tags et bris de vitre » et des incidents qui s’éloignent de « l’esprit de responsabilité dont ont fait preuve les organisations syndicales ». Grégory Doucet, à Lyon, continue de contester « cette réforme injuste » mais déclarait hier soir que « brûler, détruire, agresser n’a pas sa place dans cette lutte ». 

Ces violences sont semble-t-il le fait de « casseurs » organisés, de type « black blocs » ou gilets jaunes. Reste que les services de police redoutent que la violence gagne plus largement des manifestations jusque-là plutôt calmes. 

Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a adressé hier une instruction aux préfets de Paris et des Bouches-du-Rhône ainsi qu’aux directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales, pour leur demander de prendre « des mesures renforcées de protection des élus », en particulier des parlementaires. Certains d’entre eux, dans le cadre du débat sur la réforme des retraites, font en effet « l’objet de menaces, d’injures ou d’actes de malveillance ». Il est donc demandé aux forces de l’ordre de maintenir, voire renforcer, « la surveillance mise en place aux abords des permanences parlementaires et du domicile [des parlementaires], si nécessaire. »

Actions coups de poing

Autre crainte de l’exécutif : la multiplication des actions coups de poing, du type de celle qui s’est déroulée ce matin à 7 h sur le périphérique parisien, à l’initiative de la CGT Énergie notamment. Dans tout le pays, des barrages filtrants et des blocages ont lieu ce matin : hier, des manifestants ont ainsi bloqué la rocade de Rennes, tout comme les entrées de la ville de Vesoul. Ce matin, des barrages sont en cours autour de Reims, Châlons-en-Champagne, ou encore sur l’autoroute A34 entre Reims et Charleville-Mézières. Des barrages filtrants se sont également installés aux portes de Grenoble. A Toulon, plusieurs centaines de manifestants ont envahi les voies de chemin de fer de la gare, tout comme à Bordeaux. Et ce ne sont que quelques exemples. 

Du côté des grèves, les principaux secteurs où se poursuit le mouvement sont l’énergie, les raffineries et le ramassage des déchets. Le gouvernement souhaite toutefois, depuis hier, débloquer la situation, notamment région parisienne, où les forces de l’ordre sont intervenues pour évacuer les piquets de grève devant plusieurs usines d’incinération. Des ordres de réquisition du personnel ont également, selon la préfecture, été envoyés. 

Notons enfin que si le gouvernement espérait que l’unité syndicale se fissure après l’adoption de ce texte, ce n’est pas le cas. L’intersyndicale, réunie hier soir, est restée soudée, et a appelé à une nouvelle journée de grève et de manifestations dans tout le pays jeudi prochain, 23 mars. Cette date relativement lointaine a été choisie pour « ne pas perturber les épreuves du bac » qui se dérouleront mardi et mercredi. Les syndicats appellent toutefois, d’ici là, « à poursuivre le mouvement et participer à tous les rassemblements locaux ». 




Fonction publique
Apprentissage : après le désengagement de l'État, celui de France compétences
La Première ministre vient de publier une circulaire appelant au « renforcement du nombre d'apprentis dans la fonction publique »... où l'on apprend que dès l'an prochain, France compétences va diminuer son financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale.

La Première ministre veut fixer « des objectifs ambitieux et renforcés d'accueil d'apprentis dans les trois versants de la fonction publique ». C’est ce qu’elle explique dans une circulaire signée le 10 mars et rendue publique hier. Il s’agit, dans un but « d’exemplarité des employeurs publics », de participer au recrutement du « million d’apprentis » voulu par le président de la République d’ici 2027.

Objectifs chiffrés

C’est naturellement dans la fonction publique de l’État que la cheffe du gouvernement peut fixer les objectifs les plus précis. Tous les grands ministères se voient fixés des objectifs chiffrés, avec environ 20 000 apprentis à recruter chaque année jusqu’en 2027. Élisabeth Borne exige qu’au moins 10 % de ces apprentis fassent partie de la « filière numérique ». 

Des objectifs chiffrés sont également donnés dans la fonction publique hospitalière, allant de 3 000 à 4 000 recrutements par an selon les années. 

Il est demandé aux employeurs publics de publier toutes leurs offres sur le site unique pass.fonction-publique.gouv.fr, destiné à centraliser les offres pour les trois versants. Il est également demandé de veiller au maximum à ce que les apprentis accèdent à un emploi pérenne : « L'exemplarité des employeurs publics doit vous conduire à assurer l'accompagnement des apprentis vers l'emploi titulaire ou contractuel. Dans ce cadre, vous veillerez à donner des perspectives d'insertion professionnelle aux apprentis après l'obtention de leur diplôme. Les maitres d'apprentissage devront informer leurs apprentis des différentes modalités d'accès à la fonction publique et leur proposer de suivre des modules de préparation aux concours pour faciliter leur accès à l'emploi titulaire. »

FPT : double mauvaise nouvelle

Reste la fonction publique territoriale. La Première ministre ne peut donner de directives chiffrées, principe de libre administration oblige. Elle mentionne le chiffre de 12 000 recrutements d’apprentis constaté en 2022 et « incite les employeurs territoriaux à augmenter leurs objectifs ». La Première ministre indique toutefois que « dans le cadre de la convention triennale qui sera signée entre l'État, le CNFPT et France Compétences en 2023 en application de la loi de finances pour 2023, des objectifs de recrutement seront fixés ». 

Elle rappelle également que dans le cadre de ce dispositif, l’État « poursuivra sur 2023-2025 sa contribution à hauteur de 15 millions d’euros pour le financement de la formation des apprentis ». Elle donne en outre, pour la première fois officiellement, les chiffres à venir de la participation de France compétences à ce dispositif – et les nouvelles ne sont pas bonnes : la participation de France compétence va diminuer régulièrement, avec 15 millions d’euros en 2023, 10 millions en 2024 et 5 millions en 2025. 

C’est même une double mauvaise nouvelle : l’État confirme que sa participation au dispositif risque de s’arrêter en 2025, d’une part ; et l’on apprend que la participation de France compétences va même, elle, se tarir avant cette date. Ce qui signifie que la charge de la formation des apprentis va retomber de plus en plus sur les épaules des employeurs territoriaux et du CNFPT. 

« Scandale »

Il faut rappeler qu’il s’agit d’un retour sur la parole donnée. Lors de la conclusion de l’accord entre l’État, le CNFPT et les employeurs territoriaux, en octobre 2021, après de longues négociations, il avait été convenu d’un dispositif de financement qualifié par le gouvernement de « pérenne », c’est-à-dire, si les mots ont un sens, destiné à s’inscrire dans la durée. Pour financer un budget de formation de 80 millions d’euros par an, 40 millions étaient mis à la charge des employeurs, sous forme d’une nouvelle cotisation de 0,1 % de la masse salariale. L’État et France compétences apportaient 15 millions chacun, et le CNFPT les 10 millions restants. 

Ce bel édifice s’est effondré à l’automne dernier (lire Maire info du 18 novembre), lorsque le gouvernement a introduit un amendement au projet de loi de finances pour 2023 rendant facultatif et non plus obligatoire la contribution annuelle de l’État et de France compétences ; et annonçant que le financement de l’État avait vocation « à s’éteindre progressivement d’ici fin 2025 au plus tard ». 

Malgré la colère des associations d’élus et du président du CNFPT, François Deluga, qui avait alors dénoncé un « scandale absolu » dans ce retour sur la parole donnée, le gouvernement a tenu bon. 

Et l’on apprend donc, au détour d’une circulaire, que dès l’an prochain la contribution de France compétences baissera de 5 millions d’euros. 

Réponse ministérielle

Cette question vient également de faire l’objet d’une réponse du gouvernement à la question écrite de la sénatrice LR de la Haute-Savoie Sylviane Noël. Celle-ci, en décembre dernier, dénonçait une décision « prise de manière unilatérale et totalement arbitraire, [qui] donne une belle image de la manière dont l'État tient ses engagements. » Elle demandait si la fin « de cet accord donnant-donnant » signifie que les collectivités vont devoir « payer intégralement les 80 millions d’euros » ou si le gouvernement entend « supprimer la cotisation de 0,1 % versée par les collectivités territoriales ». 

Le ministère de la Transformation et de la Fonction publique a répondu le 16 mars, soit après la signature de la circulaire de Matignon. De façon parfaitement contradictoire, il confirme que l’État se retirera du dispositif en 2025 et se félicite, en même temps, de « poursuivre son engagement et soutien financier aux collectivités qui recrutent des apprentis ». La même réponse ministérielle confirme également le nouveau caractère « dégressif » de la contribution de France compétence. Alors que pour les entreprises privées, le gouvernement est nettement plus généreux, puisqu'il continue à subventionner toute embauche d'apprentis à hauteur de 6 000 euros. 
 




Normes
Le gouvernement et le Sénat veulent limiter la production de normes
Lors des États généraux de la simplification, organisés le 16 mars par la Haute assemblée, Gérard Larcher, président du Sénat, Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, et Christophe Béchu ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ont signé une « charte » qui doit changer « le processus de fabrication de la norme.

« Face à l’addiction, osons une thérapie de choc ! », préconise le Sénat dans un rapport sur la simplification des normes concernant les collectivités locales, présenté en janvier dernier. Rédigé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, ce rapport comporte plusieurs propositions destinées « à changer la fabrique de la norme », a résumé Françoise Gatel, le 16 mars, lors des État généraux de la simplification que la délégation co-organisait avec le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), et avec le soutien notamment de l’AMF. Ces propositions figurent désormais en partie dans une « charte » d’« objectifs communs pour simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales », cosignée, le 16 mars, par le gouvernement (Christophe Béchu ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires) et le Sénat (son président Gérard Larcher, et Françoise Gatel).

Privilégier la « sobriété législative et règlementaire »

Dans un contexte d’inflation normative (le Sénat évoque un stock de « 400 000 normes environ » tandis que le CNEN a examiné un flux de 1 160 textes entre 2019 et 2022 comme l’indique son récent rapport d’activité), la sénatrice d’Ille-et-Vilaine a rappelé, le 16 mars, les principales propositions de la délégation pour « changer de culture normative et privilégier à l’avenir une frugalité et une sobriété législative et règlementaire qui devraient nous conduire à adopter des normes utiles, proportionnées et adaptables à l’échelon local ». Et, au passage, permettre aux collectivités de faire des économies substantielles : si la Direction générale des collectivités locales (DGCL) estime à « 2 milliards d’euros » le coût des normes pour les collectivités entre 2017 et 2021, rappelle le Sénat, le CNEN avance, lui, un coût net de « 2,5 milliards d’euros » pour la seule année 2022 ! 

« La norme est devenue le principal vecteur de l’action publique. Il est grand temps d’en finir avec cette boulimie règlementaire qui pèse sur les budgets locaux, retarde les projets, entravent l’action des élus et nuit à l’exercice des libertés locales », a exhorté David Lisnard, président de l’AMF, lors de son intervention devant les Etats généraux de la simplification. Le chantier de la simplification comporte, selon le maire de Cannes (06), un enjeu civique : « l’excès de règlementation, la complexité qui en résulte pour les maires provoquent l’impuissance publique laquelle génère une crise civique marquée par la défiance et la violence des citoyens à leur encontre ».

Renforcer la coproduction de la norme

Pour ralentir le flux de normes nouvelles, le Sénat propose, « à droit constant », une nouvelle démarche privilégiant l’élaboration d’un « droit collaboratif » basé sur la concertation et la confiance entre les acteurs (État, législateur, CNEN, élus locaux), en amont de l’adoption des textes. Cette démarche figure en filigrane dans la charte signée, le 16 mars, avec le gouvernement. « Dans le cadre de l’Agenda territorial du Gouvernement, ce dernier présentera régulièrement au Sénat les principales évolutions normatives ayant un effet sur les collectivités territoriales envisagées au cours de l’année à venir », précise la charte. Objectif, donner au Parlement plus de visibilité sur les principaux projets de normes, législatives et règlementaires, concernant les collectivités. Préalablement à l’adoption d’une nouvelle norme, « le Sénat et le Gouvernement s’engagent à développer les études présentant les différentes options » alternatives. Ces « études d’options » ou « études d’opportunité », a précisé Françoise Gatel, permettraient « d’évaluer l’intérêt même d’une nouvelle norme », notamment dans le cadre d’un débat d’orientation organisé par le Sénat. À noter que le CNEN et le Conseil d’État se sont déjà prononcés en faveur de ces études d’option, le premier dans son rapport de 2021 sur « l’intelligibilité et la simplification des normes », le second dans son étude annuelle de 2016 intitulée « simplification et qualité du droit ».

Si une « loi territoriale » nécessite au final l’adoption de normes nouvelles, l’État devra transmettre une étude d’impact de ce texte au CNEN, laquelle devra notamment indiquer « selon quelles modalités (calendrier et vecteur législatif) le budget de l’État (…) prendra en compte » les enjeux financiers du texte. L’avis du CNEN sera publié par le gouvernement et transmis au Sénat qui pourra auditionner les membres du Conseil national sur le sujet. Le gouvernement s’engage à « limiter le recours aux procédure d’urgence » lors des saisines du CNEN. Le Sénat proposait dans son rapport que le CNEN certifie les études d’impact « quant à leur sincérité, leur objectivité et leur complétude », a souligné Françoise Gatel, mais cette possibilité ne figure pas dans la charte.

Le gouvernement et le Sénat pourront aussi, « dans les projets de lois à fort impact sur les collectivités territoriales, insérer, si nécessaire, des clauses de réexamen, voire, dans certains cas, à titre expérimental, des clauses « guillotine » ». Dans le cadre de cette évaluation « ex-post », le législateur pourra adapter ou abroger des normes qui se seront révélées inutiles ou contre-productives. 

Vers des « expérimentations législatives locales »

Conformément au souhait du Sénat de renforcer les expérimentations locales et le principe de différenciation pour adapter la norme aux spécificités des territoires, la charte prévoit, sans plus de précision, que « le Gouvernement favorisera les expérimentations législatives locales, en lien avec le réseau préfectoral. Il s’engage à en évaluer le bilan pour définir les suites à donner ». Ces expérimentations pourraient aussi répondre au souhaite de l’AMF qui plaide « pour transférer du pouvoir normatif de l’échelon national au local ». Le Sénat avançait une autre proposition qui n’est pas mentionnée dans la charte : la création auprès du préfet d’une instance de concertation composée de représentants de l’Etat et d’élus « qui aurait notamment vocation à être saisie de tout différend sur l’interprétation d’une norme et d’exprimer une position unique de l’État » sur les modalités de son application. Objectif, développer le « principe d’interprétation facilitatrice » recommandé par le CNEN.

Quel sera l’avenir de cette charte d’engagement cosignée par le Sénat et le gouvernement, en présence du CNEN ? « On va la faire vivre pour sortir de l’hyper-normalisation et redonner le pouvoir d’agir aux élus », a affirmé le président du Sénat, Gérard Larcher, en conclusion des États généraux. « Il y a une nécessité démocratique, juridique et politique à faire en sorte que la loi s’applique plus rapidement et plus clairement, a admis Christophe Béchu. La charte traduit cette volonté d’obtenir des résultats », a conclu le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Il y a effectivement du travail : le jour des États généraux, le Sénat examinait ainsi une proposition de loi sur le zéro artificialisation nette (ZAN)… corrigeant certaines dispositions de la loi climat et résilience jugées inapplicables par les élus locaux, et dont plusieurs textes règlementaires d’application font l’objet d’un recours de l’AMF devant le Conseil d’État. 
 




Numérique
Infrastructures numériques : le contrat de filière 2023-2025 vient d'être signé
Hier, l'État et l'ensemble de la filière des infrastructures numériques ont signé le contrat stratégique de filière. Ce dernier fixe les objectifs à atteindre collectivement entre 2023 et 2025 en matière notamment de 5G, de territoires connectés et de transition écologique.

« Pour accentuer les efforts menés depuis 2019, la filière et le gouvernement ont décidé d’initier un nouveau contrat stratégique de filière pour la période 2023-2025 ». Quelques mois après la fin du dernier contrat de filière 2019-2022, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, le président du CSF Nicolas Guérin représentant les quatre fédérations membres du comité stratégique de filière (AFNUM, FFTélécoms, InfraNum, Sycabel) et les organisations syndicales CFDT et Force Ouvrière ont signé le contrat nouveau « Infrastructures numériques ».

Si ce contrat a avant tout vocation à fédérer tous les acteurs de l’industrie du numérique, il met en lumière les enjeux de demain pour le développement du numérique en France, dont certains concernent particulièrement les collectivités.

Des plateformes d’expérimentation 5G 

Voilà plusieurs années maintenant que le lancement de la 5G en France préoccupe aussi bien les opérateurs télécoms nationaux, les équipementiers européens, les autres acteurs historiques que les entreprises innovantes émergentes. 

Le nouveau contrat de filière s’est fixé pour objectif « de doter la France d’un réseau de plateformes d’expérimentation des usages de la 5G de premier ordre. » Ce réseau existe déjà et va être enrichi afin d’encourager « le développement de nouveaux usages de la 5G, nécessaires à la numérisation de l’économie et des services publics. »

21 plateformes d’expérimentation des usages de la 5G existent déjà et ont bénéficié d’un soutien dans le cadre de France Relance et de la Stratégie d’accélération 5G de France 2030. La plateforme vertical ISS à Toulouse par exemple a permis de développer, avec la 5G, « une solution de localisation des équipements médicaux à distance et de communication des données vitales des patients durant les transferts, au bénéfice du service public hospitalier. » Ce projet a été porté par la métropole de Toulouse et le CHU de Toulouse en faveur du service public. 

En matière de 5G, selon le rapporteur Philippe Herbert, missionné par le Comité Stratégique de Filière (CSF) « Infrastructures Numériques », « la 5G dite industrielle est un marqueur essentiel de la numérisation du tissu industriel français, a fortiori, l’outil privilégié pour une réindustrialisation efficace. Il n’est pas question [de l’édifier] comme un outil de sophistication réservé aux grands groupes industriels, mais bien de rendre accessible, aux entreprises de toute taille, un levier d’attractivité et de compétitivité. » 

Territoires connectés 

Voilà plus d’un an que le gouvernement a lancé l’appel à projets « Territoires intelligents et durables » à destination des collectivités territoriales. Mais malgré plusieurs expérimentations de solutions innovantes dans les territoires, la pratique a encore du mal à se développer et à se généraliser. C’est ce qui a été souligné en octobre dernier lors de l'Université du Très haut débit (THD) à Toulouse (lire Maire info du 7 octobre).

C’est pourquoi le contrat de filière indique que les acteurs de la filière et l’État vont « accentuer leurs efforts (numérique responsable, interopérabilité, …) pour développer les usages des infrastructures numériques et accompagner les territoires investis dans le pilotage des services publics locaux ».

Concrètement, « plusieurs guides thématiques portant sur les technologies seront confectionnés » et des rencontres territoriales seront organisées pour contribuer « au partage des bonnes pratiques et des difficultés rencontrées. » La filière « vise le lancement de nouveaux projets de territoires connectés dans au moins la moitié des 1250 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’ici 2025 et une accélération de ces projets dans les villes moyennes. »

Il a aussi été annoncé dans le cadre de cette signature que le gouvernement a confié une mission à Valérie Nouvel, vice-présidente du département de la Manche et Carlos Moreno, professeur et expert des villes et territoires de demain, pour « structurer l’offre souveraine et la rendre lisible et adaptée aux besoins des collectivités qui sont encore éloignées du sujet ou qui sont à la recherche de solutions localement pertinentes et pérennes. »

Transition écologique 

« Concevoir la transition numérique en coordination avec la transition écologique » apparaît comme une nouvelle priorité partagée par tous les acteurs. Le comité stratégique de filière s’est donc engagé à « évaluer l’efficacité environnementale des infrastructures numériques au travers d’une étude sur l’évolution et la vision prospective de l’écoconception des équipements télécom. »

Il a également été annoncé qu’un « travail de verdissement des sites de l’industrie française des fils, des câbles électriques et de communications sera mené conjointement par la filière et l’État » et qu’un dispositif d’accompagnement est prévu, à destination des PME et TPE de la filière, vers la réduction de leur empreinte écologique.
 






Journal Officiel du vendredi 17 mars 2023

Ministère de l'Intérieur et des Outre-mer
Arrêté du 10 mars 2023 portant habilitation d'un bureau de vérification pour l'application du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les chapiteaux, tentes et structures recevant du public
Ministère de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Décret n° 2023-182 du 16 mars 2023 relatif aux modalités techniques de résiliation et de dénonciation des contrats et règlements par voie électronique
Première ministre
Arrêté du 13 mars 2023 relatif à l'approbation du cahier des charges de l'appel à projets « Autonomie : vieillissement et situations de handicap » - vague 2

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