Édition du mardi 4 octobre 2022

Énergie
Carburant : les raisons d'une pénurie qui devient préoccupante
Plusieurs régions doivent faire face à une sérieuse pénurie d'essence, qui devient très problématique pour de nombreux usagers. Bien que le groupe Total nie toute pénurie, les stations fermées se multiplient et le phénomène se répercute chez ses concurrents.

Des files de plusieurs centaines de mètres de voitures à l’entrée d’une station-service, sur le périphérique parisien, à 22 heures. Cette image peu banale, constatée hier soir, donne la réalité d’un phénomène qui monte en puissance depuis plusieurs jours : dans certaines régions, il devient de plus en plus difficile, voire impossible, de trouver du carburant. Alors que certaines stations sont carrément fermées depuis ce week-end, celles qui restent sont prises d’assaut. 

Aux quatre coins du pays

En dehors de la région parisienne, ce phénomène est particulièrement visible dans le Nord et le Pas-de-Calais, où « la quasi-totalité des 55 stations Total ne sont plus en mesure de répondre à la demande », selon La Voix du Nord ; dans l’agglomération lyonnaise, dans le Tarn,ou encore autour de Pau où, selon la République des Pyrénées, quatre stations sur cinq sont vides. Même phénomène en Moselle, en Seine-Maritime autour du Havre. En Provence, selon le décompte du journal du même nom, 166 stations sur 397 sont à sec. Hier à midi, selon France Bleu, une seule station Total était encore alimentée à Nantes, avec en moyenne 40 minutes d’attente. 

La pénurie, qui a débuté chez Total, touche logiquement maintenant ses concurrents, puisque faute de pouvoir s’approvisionner chez le premier, les automobilistes se ruent chez les seconds, qui voient leurs stocks diminuer comme peau de chagrin. 

Grèves

Les responsables du groupe TotalEnergie nient toute pénurie : dans un communiqué publié hier, le groupe « confirme qu’il n’y a pas de manque de carburant ». Alors, que se passe-t-il ?

La situation est apparemment due à la conjonction de deux facteurs : la grève qui touche les raffineries Total, et le succès de la « ristourne » sur le prix des carburants.

Du fait de la grève en cours dans quatre raffineries sur les six que compte le groupe TotalEnergie dans le pays, la production est perturbée, quoi qu’en dise le géant pétrolier : à Feyzins, dans la banlieue lyonnaise, « plus une goutte de produits pétroliers ne sort », selon un communiqué de la CGT du Rhône. Même situation à La Mède (Bouches-du-Rhône), ou au Havre, où la plus grande raffinerie du pays est totalement à l’arrêt. 

De plus, le mouvement de protestation, pour les salaires, gagne d’autres entreprises : la raffinerie Esso Exxon Mobil de Fos-sur-Mer, par exemple, est également à l’arrêt.

En théorie, ces grèves ne devraient pas perturber la distribution, puisque les entreprises constituent des stocks censés leur permettre de tenir plusieurs semaines même quand la production est interrompue.

Ristourne

C’est là qu’intervient le deuxième facteur : les réserves de Total sont au plus bas du fait du succès rencontré par la « ristourne » que le groupe a mis en place sur les prix des carburants. 

Explication : en plus des 30 centimes par litre déjà pris en charge par le gouvernement pour aider les consommateurs à faire face à l’explosion des prix, le groupe Total a ajouté une baisse de 18 centimes par litre, qui passera ensuite à 10 centimes entre le 1er novembre et la fin de l’année. Un coup de pouce qui permet d’économiser jusqu’à une vingtaine d’euros sur un plein. Résultat : les automobilistes se sont rués dans les stations Total, qui ont constaté une augmentation de 30 % de leur fréquentation depuis la mise en place de la ristourne le 1er septembre, avec à la clé des difficultés d’approvisionnement accrues. Une situation qui, à elle seule, en dit long sur les difficultés de pouvoir d’achat rencontrées par les consommateurs. 

Cette ristourne fait grincer quelques dents, d’abord chez les politiques : comme l’a rappelé cet été la députée socialiste Valérie Rabault, la ristourne résulte d’un « deal » entre le gouvernement et le géant pétrolier. L’exécutif a demandé à Total de baisser ses prix, en échange de son refus de mettre en place une taxation exceptionnelle des profits (TotalEnergie a annoncé un résultat net de plus de 10 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année). 

Les concurrents de Total font également grise mine, à commencer par les distributeurs qui se fournissent eux aussi chez Total… mais sans la ristourne. Le patron du groupe Leclerc, Michel-Édouard Leclerc, a ainsi expliqué hier avoir écrit au PDG de Total pour fustiger sa décision de n’appliquer les 18 centimes de rabais qu’aux consommateurs et non aux stations qui s’approvisionnent chez Total (Leclerc, Carrefour, Avia…). Ce qui constitue une « distorsion de concurrence », selon lui. 

En attendant, tout le monde est aujourd’hui logé à la même enseigne, puisque les stations Total aussi bien que leurs concurrents sont touchés par la pénurie. 

Une situation qui perturbe le quotidien de centaines de milliers d’automobilistes, et sur laquelle on ne peut que constater, pour l’instant, le silence assourdissant du gouvernement – alors que le problème monte en puissance depuis plus d’une semaine. Peut-être que la première séance de questions au gouvernement, cet après-midi à l’Assemblée nationale, sera l’occasion pour le ministre de l’Économie de s’exprimer sur le sujet… 




Restauration scolaire
Les communes rurales encouragées à adopter le dispositif « Cantines à 1 euro »
L'aide gouvernementale aux communes rurales qui veulent mettre en place une tarification sociale à la cantine, avec un premier prix à un euro ou moins, est encore accessible.

L’aide a été renforcée et élargie depuis le mois d’avril, mais seulement une commune éligible sur huit a mis en place la « cantine à un euro » dans son école – un premier succès cependant pour le gouvernement, qui voudrait voir d’autres communes rurales en bénéficier.

À l’heure actuelle, 1 476 communes ont franchi le pas, et « il y a encore de la réserve », a expliqué à Maire info Marine Jeantet, la déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, qui coordonne le dispositif.

Celui-ci fonctionne assez simplement : la commune met en place une tarification avec trois tranches distinctes, en fonction du revenu et du nombre d’enfants au foyer, avec au moins une tranche « inférieure ou égale à un euro et une supérieur à un euro », et l’État verse une subvention de trois euros pour chaque repas servi au tarif le plus bas.

Le plafond de revenus a été revu au 1er août pour s’assurer que seules les familles les plus modestes en bénéficieraient : elles doivent avoir un quotient familial CAF inférieur ou égal à 1 000 euros, ce qui pour une famille ayant un enfant, représente 2 500 euros de revenu mensuel, et 4 000 euros pour une famille de trois enfants.

Le dispositif, lancé en avril 2019, avait eu du mal à rencontrer son public dans un premier temps car « les maires avaient peur que le système de tarification sociale ne soit compliqué à mettre en place, et qu’ils ne puissent accueillir les nouveaux élèves s’inscrivant à la cantine », poursuit Marine Jeantet, qui constate « qu’il y a eu une augmentation de ces élèves, ce qui était le but, mais pas une explosion » ; par ailleurs, « les maires sont satisfaits et ont compris que ce n’était pas si complexe », rapporte-t-elle.

Ainsi, dans les communes concernées, « on observe une réduction des impayés, et une moindre stigmatisation des enfants qui en bénéficient. Ils peuvent se socialiser et souffrent moins des troubles de la concentration consécutifs à une alimentation insuffisante. »

Pour Gilles Pérole, co-président du groupe de travail sur la restauration scolaire à l’AMF, la mesure est bonne car « le ticket moyen, pour une famille, d’un repas à la cantine, est de 3,5 euros », ce qui représente une aide considérable pour les familles et permet d’alléger le coût des aides versées par les centres communaux d’action sociale (CCAS).

Pas d’élargissement aux communes urbaines ou plus aisées

En revanche, comme cela a été souligné lors de la dernière réunion du groupe de travail sur la restauration scolaire de l’AMF, « le problème est que seulement les 10 000 communes rurales les plus fragiles sont ciblées ; alors que 112 000 élèves bénéficient actuellement de la cantine à un euro, l’Unicef identifie trois millions d’enfants pauvres. Il serait légitime d’ouvrir la mesure aux autres territoires », remarque Gilles Pérole, et notamment les quartiers politique de la ville (QPV).

Pour la déléguée interministérielle, les communes ayant des quartiers en QPV n’étaient pas concernées par la mesure, car « à 80 %, elles sont plus grandes et ont déjà une tarification sociale, alors que la proportion était inverse dans les petites communes rurales, qui n’avaient pas forcément ce réflexe ». De plus, les QPV ont bénéficié d’un autre dispositif : les petits-déjeuners gratuits.

L’enveloppe budgétaire, de trente millions d’euros par an actuellement, ne suffirait en outre pas pour étendre le dispositif aux autres communes ; par ailleurs, « avant de l’élargir, nous voulons déjà toucher le maximum de communes éligibles ».

Pour rappel, depuis le 1er avril 2021, ce sont l’ensemble des communes éligibles à la dotation de solidarité rurale « péréquation » qui peuvent bénéficier de l’aide de l’État (soit 12 500 communes) ; celui-ci passe une convention triennale avec la commune qui souhaite mettre en place la cantine à un euro.

A compter de septembre 2022, les demandes de remboursement doivent être adressées à l’Agence de services et des paiement (ASP) dès la fin du quadrimestre, et au plus tard 6 mois après.

Le commissaire régional à la lutte contre la pauvreté, ainsi que les sous-préfectures, peuvent renseigner sur l’application du dispositif.

Plus d’informations sur la cantine à un euro.




Aménagement numérique du territoire
Couverture mobile dans les territoires : l'Arcep cartographie désormais les zones à couvrir
À l'occasion de la publication des données de couverture mobile du deuxième trimestre 2022, l'Arcep annonce avoir fait évoluer ses outils. Le site Mon réseau mobile, la page de suivi du New Deal mobile, les cartes départementales à télécharger : des changements ont été opérés pour faciliter leur utilisation, notamment par les élus.

« Depuis plusieurs années, l’Arcep n’a cessé de mettre des outils à disposition de tous et désormais, grâce aux retours des utilisateurs – notamment des équipes-projets locales et des élus – l’Arcep a pu s’améliorer », explique à Maire info Guillaume Decorzent, chef de l’unité Couverture et investissements mobiles. 

En suivant une logique de précision et de simplification, l’Arcep a notamment fait évoluer le site Monreseaumobile.arcep.fr, la page de suivi New Deal mobile et les cartes départementales de couverture mobile. « Ces nouvelles modalités traduisent davantage le ressenti du terrain », ajoute Guillaume Decorzent.  

Ce travail d’information mené par l’Arcep a d'ailleurs largement été salué lors de la conférence annuelle Territoires connectés (lire Maire info du 26 septembre), par les élus qui ont cette envie d’être davantage informés de ce qui se passe au niveau de la couverture mobile des territoires... Et surtout au niveau des zones qui restent encore à couvrir ! 

Vue d’ensemble et données géolocalisées 

« Deux volets principaux ont été revus notamment pour faciliter la vie des élus, raconte Guillaume Decorzent. Nous avons eu des retours des équipes-projets locales qui devaient avoir 4 ou 5 onglets ouverts pour accéder à des informations complètes. On a voulu faciliter les choses et identifier les obligations à venir. »

Ainsi, le suivi du New Deal mobile, sur le site de l’Arcep, « donne une vision globale des avancées des opérateurs sur l’ensemble de leurs obligations liées au New Deal mobile. Toutes les données sont disponibles en open data. » Cette fonctionnalité correspond plus à « une logique de tableau de bord ». Elle permet aux élus d’avoir « une vue d’ensemble claire »

La plateforme Mon réseau mobile permet désormais aux utilisateurs de consulter « les zones à couvrir arrêtées par le gouvernement dans le cadre du dispositif de couverture ciblée ainsi que les axes de transport faisant l’objet d’obligations de couverture. » Ici, les élus ont accès à des données géolocalisées et peuvent désormais identifier les sites où les opérateurs sont tenus de construire un ou plusieurs sites pour apporter de la couverture en voix, SMS et en 4G sur la zone. 

On observe donc désormais sur la carte la répartition géographique des points d’intérêt identifiés dans les arrêtés du dispositif de couverture ciblée. Pour rappel, « pour chaque zone arrêtée, les opérateurs désignés disposent de 24 mois après la date de publication de l’arrêté pour y apporter leurs services de voix et SMS en "bonne couverture" et d’accès mobile à très haut débit, c’est-à-dire a minima en 4G. » Ce type d’information peut être précieuse pour les élus qui sont en première ligne sur le terrain et qui doivent répondre aux questions et sollicitations des habitants quotidiennement.

L’amélioration de la couverture des axes routiers et des axes ferroviaires régionaux sont des préoccupations importantes pour les élus et cette nouvelle mention dans les données New Deal mobile et sur la carte Mon réseau mobile est un progrès. « Nous allons d’ailleurs réfléchir prochainement– en concertation avec les associations d’élus – à une nouvelle version de Mon réseau mobile plus ergonomique et complète », annonce Guillaume Decorzent. 

Cartes départementales « clé en main » 

« Les cartes départementales sont des documents prêts à l’emploi – sans analyse à faire de données – pour avoir en un coup d’œil (ou deux) une idée de l’état de la connectivité dans un département », résume le chef de l’unité Couverture et investissements mobiles. 

C’est un complément du site Mon réseau mobile « qui permet de comparer les performances des opérateurs, ces cartes sont disponibles pour chaque département ». C’est un PDF qui est à télécharger sur le site de l’Arcep et qui s'appuie sur des données mises à jour chaque semestre. 

La nouveauté : ces documents synthétiques incluent désormais aussi des informations sur la couverture voix/SMS à l’intérieur des bâtiments, la couverture sur les axes routiers et ferrés, et l’avancement du dispositif de couverture ciblée. « Une représentation plus fine de la réalité du terrain vécu par les administrés », détaille le service communication de l’Arcep. 

L’Arcep se dit preneuse de « tout retour d’expérience » concernant ces nouvelles fonctionnalités. L’équipe de l’Arcep dédiée aux relations avec les territoires est disponible via cette adresse : territoires@arcep.fr. L'Arcep a également créé une newsletter dédiée aux mises à jour de l'outil Mon réseau mobile. 

Télécharger la plaquette de l’Arcep pour les élus locaux. 




Transition écologique
Valorisation des déchets, eau potable, énergies renouvelables : la FNCCR fait ses propositions
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a tenu la semaine dernière son congrès à Rennes. Elle a adopté plusieurs motions portant sur la question de l'eau, des déchets et de l'énergie.

À l’issue des tables rondes et ateliers qui ont marqué son congrès, du 27 au 29 septembre, la FNCCR a publié hier trois motions –consacrées à la question de l’eau, des déchets et des énergies renouvelables. Ces positions viennent compléter les demandes exprimées par plusieurs associations d’élus, vendredi dernier (lire Maire info d’hier).

Supprimer les blocages « absurdes »

La première motion  traite de « la contribution des collectivités en charge de l’eau à la transition écologique ». Constatant que les collectivités et leurs groupements sont aujourd’hui « les principaux acteurs de l’adaptation des territoires » au changement climatique, la Fédération demande « la mise en place d’une politique affirmée de développement de l’économie circulaire » avec « un cadre réglementaire stable, clair et adapté ». La FNCCR demande notamment que les « freins » soient levés en matière de co-méthanisation des boues d’épuration avec d’autres biodéchets. La Fédération souhaite par ailleurs que « des tarifs incitatifs d’achat du biogaz » soient mis en place pour pousser au développement des capacités de production. 

La FNCCR souhaite « la suppression des blocages absurdes pesant sur les collectivités qui souhaitent développer et gérer elles-mêmes des installations de production d’énergies renouvelables », notamment photovoltaïques. Si les collectivités produisent et revendent de l’énergie, « la création de régies industrielles et commerciales ne doit pas être imposée ». 

Autre proposition : la FNCCR demande que les EPCI compétents pour l’eau et l’assainissement puissent « obtenir le statut de personne publique associée à l’élaboration et la révision des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et des plans locaux d’urbanisme ». 

Soutien au « zéro phyto »

Face à la question de la pollution des eaux et de disponibilité de la ressource, la Fédération constate dans une deuxième motion à la fois « les résultats plus que mitigés des politiques nationales de réduction de la pollution de l’eau par des produits phytopharmaceutiques et fertilisants et les menaces de désertification de certains territoires ». Elle demande notamment que soient « accompagnés les agriculteurs engagés dans [la transition écologique] de manière claire et ambitieuse, sans faire reposer le coût sur les seuls usagers de l’eau potable. Ce qui doit se concrétiser par une réforme de l’attribution des aides européennes dans ce sens. Il est proposé de faire payer aux producteurs de produits phytopharmaceutiques « le coût des traitements nécessaires (…) pour rétablir la conformité de l’eau potable, y compris pour traiter [les effets] des produits maintenant interdits ». 

La FNCCR demande que les collectivités qui le veulent puissent davantage soutenir les exploitations agricoles engagées vers le « zéro phyto », en accordant des dérogations aux règles européennes de concurrence. 

La FNCCR demande que le développement de la réutilisation des eaux usées traitées pour des usages agricoles, espaces verts, nettoiement, etc., soit uniquement réservé « en milieu littoral ou lorsque les eaux usées traitées rejetées ne sont pas nécessaires aux besoins des milieux ou des usagers avals, ou encore lorsqu’elle permet une substitution à des prélèvements dans une masse d’eau en déficit ». 

Mesures drastiques sur la tarification

La troisième motion  porte sur le financement des services d’eau et d’assainissement. Actuellement, « ce sont les usagers domestiques qui financent l’essentiel de la préservation des ressources en eau notamment contre les pollutions diffuses agricoles ainsi que la potabilisation, la distribution de l’eau et l’assainissement des eaux usées », constate la Fédération. Quant aux collectivités, elles doivent faire face à « une équation économique de plus en plus compliquée » : les coûts sont fixes – voire en augmentation avec l’explosion des prix de l’énergie – alors que la consommation d’eau potable, qui constitue l’essentiel de leurs recettes, est « en baisse constante depuis vingt ans ».

Dans ce contexte, la FNCCR demande un certain nombre de mesures assez radicales : la légalisation de « tarifications saisonnières » et la possibilité d’adopter des tarifs spécifiques pour les résidences secondaires ; ou encore « la possibilité de couper l’eau ou de réduire le débit pour les abonnés qui ne réparent pas les fuites qui leur ont été signalées, que les factures soient payées ou non, et de mettre à la charge des propriétaires qui ne réalisent pas les travaux de réparation à leur charge les surconsommations d’eau consécutives à ces fuites ». 

Plus généralement, comme le demande l’AMF depuis plusieurs années, la FNCCR veut en finir avec le « plafond mordant » sur le budget des Agences de l’eau. Ce plafond, instauré en 2018, est venu s’ajouter aux ponctions effectuées depuis 2014 sur le budget des Agences de l’eau et a conduit à une diminution de quelque 20 % du budget de ces agences. Même si le plafond de dépenses des agences a été augmenté d’une centaine de millions d’euros en 2022 (lire Maire info du 4 mai), le principe de ces plafonds de dépense – plafond au-delà duquel les recettes des Agences de l’eau sont directement transférées à l’État – reste toujours en vigueur. 




Justice
Lanceurs d'alerte : certaines communes doivent désormais établir une procédure interne
Alors qu'une partie des communes et des EPCI est concernée, le Cnen craint des « dénonciations non fondées émanant de citoyens contestataires » envers les élus locaux. Si la confidentialité doit être garantie, le signalement peut se faire par écrit ou à l'oral et être réalisé physiquement, par téléphone, messagerie ou encore visioconférence.

Dans un décret publié ce matin au Journal officiel, le gouvernement vient de fixer les modalités selon lesquelles les procédures internes de recueil des signalements venant de lanceurs d’alerte, désormais obligatoires, doivent être établies.

Ce texte vient en application de la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, qui a elle-même été adoptée dans le but de transposer la directive européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union européenne. 

Collectivités concernées

Pour mémoire, cette loi a pour objet de donner une meilleure définition des lanceurs d’alerte, en reformulant certaines dispositions de la loi du 9 décembre 2016 sur la lutte contre la corruption, de la façon suivante : « Une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l'intérêt général (…) ». Sont exclus du « régime de l’alerte » ainsi défini : les éléments couverts par le secret défense, le secret médical, le secret des délibérations judiciaires, le secret de l’enquête ou celui des avocats.

De plus, cette loi impose désormais qu’un certain nombre de structures mettent en place « une procédure interne de recueil et de traitement des signalements ». Outre l’Etat et les entreprises employant au moins 50 salariés, les collectivités concernées sont celles correspondant aux « personnes morales de droit public employant au moins 50 agents, à l'exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ». 

En clair, toutes les communes de plus de 10 000 habitants et les EPCI comprenant au moins une commune de plus de 10 000 habitants, s’ils emploient plus de 50 agents, doivent dorénavant mettre en place cette procédure interne « dans des conditions et selon des modalités précisées par ces autorités et conformément aux règles qui les régissent, après consultation des instances de dialogue social ».

Modalités

Le décret explique ainsi que cette procédure instaure « un canal de réception des signalements » qui permet notamment aux membres du personnel « d'adresser un signalement par écrit ou par oral ».

Si la procédure prévoit la possibilité d'adresser un signalement par oral, celle-ci doit préciser qu’il peut s'effectuer « par téléphone ou par tout autre système de messagerie vocale et, sur la demande de l'auteur du signalement et selon son choix, lors d'une visioconférence ou d'une rencontre physique organisée au plus tard vingt jours ouvrés après réception de la demande ». 

« Le canal de réception des signalements permet de transmettre tout élément, quel que soit sa forme ou son support, de nature à étayer le signalement […] qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l'entité concernée », indique le texte, qui précise que « l'auteur du signalement est informé par écrit de la réception de son signalement dans un délai de sept jours ouvrés à compter de cette réception ».

« L'intégrité et la confidentialité des informations recueillies, […] notamment l'identité de l'auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci et de tout tiers qui y est mentionné », doivent être garanties. En outre, « l'accès à ces informations aux membres du personnel qui ne sont pas autorisés » est interdit, entre autres règles définies par le décret. 

Les signalements effectués oralement doivent être consignés, avec le consentement de son auteur, soit par « un enregistrement de la conversation sur un support durable et récupérable », soit par « un procès-verbal précis », l'auteur du signalement devant avoir « la possibilité de vérifier, de rectifier et d'approuver la transcription de la conversation ou le procès-verbal par l'apposition de sa signature ». Ils ne peuvent être conservés que « le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu'ils visent et des tiers qu'ils mentionnent ».

Si des « compléments d’information » peuvent être demandés à l’auteur du signalement afin, notamment, d’évaluer « l’exactitude des allégations », la procédure doit prévoir que « l'entité communique par écrit à l'auteur du signalement, dans un délai raisonnable n'excédant pas trois mois à compter de l'accusé de réception du signalement ou, à défaut d'accusé de réception, trois mois à compter de l'expiration d'une période de sept jours ouvrés suivant le signalement, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer l'exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l'objet du signalement ainsi que sur les motifs de ces dernières ».

A noter que si ces communes et EPCI emploient moins de 250 agents, ils pourront mutualiser cette procédure. 

Risque de « délation abusive » à l’encontre des élus

Des dispositions rejetées par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) qui a émis un avis défavorable, lors de sa séance du 15 septembre dernier.

« Sans contester le bien-fondé de la protection des lanceurs d’alerte », les représentants des élus envisagent qu’elle pourrait être « source de dérives susceptibles de porter préjudice au fonctionnement des services publics et de la fonction publique, qui plus est dans un contexte géopolitique incertain ». Ils craignent notamment que les élus locaux deviennent « les cibles privilégiées de dénonciations non fondées émanant de citoyens contestataires » et appellent donc à « une vigilance accrue sur les risques de délation abusive ».

De son côté, le ministère de la Justice fait valoir que la directive, « extrêmement contraignante, impose notamment d’assurer la traçabilité de la procédure du signalement et laisse peu de marge de manœuvre en droit interne pour transposer » et souligne que « les entités recevant le signalement auront, certes, une charge organisationnelle plus importante, mais ne seront pas davantage exposées ».

Les représentants du collège des élus ont également reproché au gouvernement l’absence de « prise de contact avec les associations nationales représentatives des élus locaux », la concertation s’étant « limitée à un appel émanant du cabinet de la Première ministre, le lundi 12 septembre 2022 ». Ce qui traduit, aux yeux des membres du collège des élus, « une certaine indélicatesse à leur égard ».

En outre, le collège des élus a, de nouveau, appelé le gouvernement à « la vigilance sur les risques de sur-transposition des directives européennes » puisque « ce phénomène, de plus en plus fréquent, est à l’origine d’une inflation normative qui prospère face à l’ineffectivité des actions prises par les pouvoirs publics pour en limiter les effets ». Concernant les sur-transpositions induites par la loi du 21 mars 2022, il signale que « la procédure mise en place apparaît plus complexe laissant présager des lourdeurs administratives importantes dans la mise en œuvre de la règlementation ».

Enfin, cela devient une habitude, les membres du Cnen ont, une nouvelle fois, déploré le recours à la procédure de saisine en extrême urgence (« déclenchée le lundi 12 septembre 2022 et nécessitant l’organisation d’une séance ad hoc dès le 15 septembre 2022 », empêchant les membres du Cnen de se prononcer « en connaissance de cause ») par le gouvernement, et rappelé à ce dernier que celui-ci « doit rester, par définition, exceptionnel ».
 

Télécharger le décret.






Journal Officiel du mardi 4 octobre 2022

Ministère de la Justice
Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte

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