Édition du mercredi 18 mai 2022

Laïcité
Burkini à Grenoble : l'État attaque la décision du conseil municipal, l'AMF demande des « clarifications »
Le conseil municipal de Grenoble a adopté hier, de justesse, l'arrêté proposé par le maire Éric Piolle autorisant - entre autres - le port du « burkini » dans les piscines municipales. Le ministre de l'Intérieur lui-même a demandé au préfet de l'Isère d'attaquer cette décision en « déféré laïcité ». Explications.

C’est une question qui fait grand bruit depuis plusieurs semaines : le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, a décidé de proposer à son conseil municipal de délibérer sur un arrêté assouplissant les règles d’accès aux piscines municipales de la commune : l’arrêté autorise, d’une part, les maillots de bain « couvrants », y compris ce que l’on appelle le burkini, c’est-à-dire une sorte de combinaison couvrant le tronc, les bras, les cheveux et une partie des jambes, défendu par certaines femmes musulmanes au nom de la « pudeur » ; mais aussi, a contrario, l’accès à la piscine pour les femmes souhaitant se baigner avec la poitrine nue. L’intention affichée du maire de Grenoble étant de laisser les femmes « libres de se baigner dans la tenue qu’elles veulent, qui ne nous regarde pas ». 

Cette décision du maire de Grenoble a soulevé une vive opposition, d’abord dans le cadre des discussions qui ont eu lieu à la métropole, où 45 maires sur 49 se sont dit opposés à cette décision – allant jusqu’à signer une tribune dans la presse pour demander à Éric Piolle de renoncer à son projet. Puis, au conseil municipal lui-même, où la délibération n’a été adoptée que par deux voix d’écart (29 voix pour, 27 contre et deux abstentions) – 13 élus de la majorité municipale ayant voté contre.

Plages et piscines : pas les mêmes règles

Cette question du burkini n’est pas nouvelle : on se rappelle qu’en 2016, plusieurs maires avaient pris des « arrêtés anti-burkini », qui s’étaient vu immédiatement annuler par le Conseil d’État. Ces arrêtés, avaient estimé les magistrats, portaient atteinte à la fois à la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle, et ne pouvaient être justifiés par des risques de troubles à l’ordre public ni par des manquements à l’hygiène. 

Cette décision du Conseil d’État, concernant les plages, ne peut pas s’appliquer par parallélisme aux piscines, a tenu à rappeler hier l’AMF, « par souci de précision », dans un communiqué. En effet, « la situation juridique est différente » pour ce qui concerne, d’une part, les plages, et, d’autre part, les piscines publiques, pour lesquelles les conseils municipaux et communautaires ont l’obligation de fixer un règlement, qui relève « de leur seule responsabilité », et qui leur permet de « réglementer (…) les tenues autorisées et prohibées ». Sans se prononcer sur le fond de cette décision, l’AMF relève donc que le conseil municipal de Grenoble est juridiquement dans son droit en délibérant sur cette question.  Mais elle souligne que le Code du sport, qui « fixe les prescriptions communes obligatoires à tous les règlements intérieurs des établissements nautiques », « ne dit mot des tenues de baignade et laisse donc les élus locaux sans cadre national ». 

Opposition frontale dans les deux camps

Dans cette affaire, deux visions s’affrontent frontalement. Les adversaires de la décision mettent en avant « la lutte contre le communautarisme » et « la défense de la laïcité ». C’est ce qu’on écrit, par exemple, les maires de la métropole signataires de la tribune, qui écrivent notamment : « Le débat sur le burkini nous est imposé par des groupes minoritaires, dont le seul objectif est de tester en permanence la sensibilité de nos institutions au fait religieux. Ainsi, les piscines publiques sont depuis plusieurs années devenues un enjeu. Nous le refusons. » C’est également la position du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, qui dès la décision votée au conseil municipal, hier, a annoncé qu’il suspendait toute subvention de la région à la ville, estimant que ce vote « est en rupture totale avec toutes les valeurs de la République ». Il faut préciser que l’opposition à cette décision dépasse les clivages politiques traditionnels, plusieurs personnalités de gauche s’étant prononcé contre, au nom de la défense des droits des femmes, de la défense de la laïcité et de « l’universalisme ». 

Du côté d’Éric Piolle et des partisans de la mesure, c’est également la défense de la liberté des femmes qui est mise en avant, avec l’idée que la collectivité n’a pas à imposer une tenue vestimentaire ou une autre aux femmes dans l’espace public. Un sociologue spécialiste des questions de laïcité, lundi, a également défendu l’idée que cette mesure était, au contraire d’une concession à l’intégrisme religieux, une façon de s’y opposer : « Les fondamentalistes musulmans détestent le burkini et veulent interdire aux femmes d’aller à la piscine, a-t-il expliqué. Accepter le burkini, c’est permettre aux femmes de s’opposer aux fondamentalistes tout en respectant leur religion. » 

Déféré-laïcité

Quant au gouvernement, il a, dès avant le vote du conseil municipal, dit son opposition totale à cette mesure, puisque le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, l’a qualifiée « d’inacceptable provocation communautaire », et a « donné instruction au préfet de déférer en déféré laïcité la délibération permettant le port du burkini ».

Le déféré laïcité, rappelons-le, est une nouvelle possibilité ouverte par la loi confortant le respect des principes de la République du 24 août 2021. Elle permet aux préfets, comme l’a précisé une circulaire au début de cette année (lire Maire info du 18 janvier), de demander la suspension d’un acte pris par une collectivité, à effet immédiat, avec l’obligation pour le juge administratif de se prononcer sous 48 heures, s’il estime que cet acte « porte une atteinte grave aux principes de laïcité et de neutralité ». « L’organisation des services publics locaux » entre dans le champ de ce nouveau dispositif. Mais il est déjà certain que cela soulèvera de nombreuses questions juridiques : la neutralité du service public, dans la jurisprudence, ne s’applique qu’aux agents et en aucun cas aux usagers. Il est par exemple obligatoire d’interdire à une employée communale de porter le voile dans l’exercice de ses fonctions, mais impossible de demander à une usagère de le faire pour accéder à un service public. 

C’est la raison pour laquelle, hier, l’AMF a demandé « des précisions » et « une clarification » sur ce sujet. La première clarification viendra de la jurisprudence, à la suite de la procédure engagée par le préfet. Au-delà, l’AMF estime que c’est une « clarification législative » qui sera nécessaire : « De même que la loi du 15 mars 2004 est venue définir une règle nationale sur le port du voile à l’école, et ainsi sécuriser les décisions prises par les directeurs d’établissements scolaires », une loi pourrait aussi, à l’avenir, « sécuriser les décisions prises par les conseils municipaux et intercommunaux ». 




Santé publique
Situation de plus en plus critique dans les services d'urgence
Il ne se passe quasiment pas un jour sans qu'un service d'urgences annonce sa fermeture, un week-end, plusieurs jours, voire des semaines. La pénurie de personnel est la raison principale. Elle n'épargne aucun hôpital, même les plus gros.  

L'annonce fait grand bruit. Mardi 17 mai, le CHU Pellegrin de Bordeaux – l'un des cinq plus gros centres hospitaliers du pays – a annoncé qu’il fermait ses urgences la nuit, faute de personnel. Entre 20 h et 8 heures, les urgences n'accueillent donc plus que les patients orientés par le 15. Il faut « réserver les urgences adultes aux personnes qui en ont réellement besoin », justifie la direction, expliquant dans un communiqué avoir pris la décision en relation avec l'ARS Nouvelle Aquitaine. 

La situation n'est pas isolée ni restreinte à la Gironde. Dans le Centre-Val-de-Loire, début mai, les urgences du Centre hospitalier intercommunal d'Amboise - Château-Renault ont annoncé qu'elles fermaient la nuit pendant le week-end. Là encore faute de médecins pour les nuits de garde. Ce genre de situations se rencontre dans plusieurs départements depuis plusieurs mois, et de façon plus intense depuis plusieurs semaines. Mi-avril, confronté à des problèmes de recrutement, le CHU de Poitiers prévenait que les urgences de Montmorillon fermeraient les 15 et 22 avril. Il y a quelques jours, c'est cette fois pour faire face aux difficultés de recrutement d’infirmières, que le Centre hospitalier de Libourne a décidé, avec l’ARS, de réorganiser le service des urgences en le fermant plusieurs jours de suite avant le week-end.  En tout, une cinquantaine de services d'urgences seraient en danger selon le collectif Santé en danger (https://collectif-sed.org). 

Sursis à Oloron, mais pour combien de temps ? 

Les urgences d'Oloron viennent, elles, d'éviter de justesse le même sort. Les élus soufflent dans le Béarn, mais la respiration reste artificielle, pour user d'une image médicale… Ces urgences devaient fermer jour et nuit voire tout l'été. La nouvelle, connue le 6 mai, a fait l'effet d'un électrochoc. Tout comme l'annonce de leur réouverture quelques jours plus tard, le 10 mai. Ce même jour, dans la rue, les manifestants s'étaient donnés rendez-vous pour défendre l'hôpital. La mairie et la Communauté de communes du Haut-Béarn avaient donné quartier libre à leurs salariés et de nombreux commerçants avaient baissé leur rideau. Finalement, ce n'est pas tant leur mobilisation – bien que massive – qui a joué, mais la décision de quelques médecins de finalement rester travailler au centre hospitalier encore quelques mois. 

« La direction de l'hôpital et l'ARS n'avaient pas pris cette décision de fermer les urgences, en réalité, cela s'imposait car il n'y avait pas le personnel suffisant pour assurer les gardes sans avoir des trous dans le planning », corrige Valérie Revel, maire de Lescar et vice-présidente de l'association des maires de Pyrénées-Atlantiques. L'élue connaît bien le centre hospitalier d'Oloron pour avoir présidé, en tant que médecin, sa commission médicale. 

La décision des praticiens de rester sur Oloron offre donc un sursis. Rien n'est réglé pour autant. Car ici, sur les 12 médecins qui font tenir l'hôpital, seuls trois sont titulaires, les autres étant intérimaires. « Il nous faut construire la coopération avec l'hôpital de Pau, support du groupement hospitalier de territoire », relance l'élue, désolée qu'il ait fallu cet électrochoc pour relancer ce travail prévu au début de la création du GHT. Ce qui, une fois de plus, met en évidence l’importance d’associer les élus aux décisions stratégiques du GHT et notamment le projet médical de territoire.

Le risque de la course aux vacataires

Face à la pénurie de médecins, le risque est réel que la « course au plus offrant » s'exacerbe entre les hôpitaux. Les enjeux des urgences sont considérables car leur fermeture risque à chaque fois d'entrainer la fermeture d'autres services (chirurgie, etc.). Certains en auront les moyens, d'autres pas. La loi Rist devait justement limiter et encadrer le recours à l'intérim des médecins dans le public en janvier. Le gouvernement a reporté son application (jusqu'à nouvel ordre). Une décision qui semble paradoxale mais qui s'imposait, selon Valérie Revel. « Sinon cela aurait été la catastrophe. » Elle ne pourra s'appliquer que lorsque les hôpitaux se seront a minima organisés dans les territoires, selon elle. 

La situation actuelle des services des urgences renvoie aux problématiques récurrentes de l'organisation des soins de premiers recours : la démographie médicale, la situation de l'hôpital et la question des vacataires surpayés. La réponse n'est donc pas unique.  « Nous devons travailler à la coopération territoriale entre les hôpitaux, former plus de médecins et mieux rémunérer les gardes de la permanence des soins », conclut l'élue, reprenant les crédos défendus par l'AMF.

Sauver les urgences, voilà donc sans doute le titre de l'un des premiers dossiers à atterrir sur le bureau du futur ministre de la Santé. Les maires, eux, auront l’occasion d’en reparler lors de la prochaine réunion de la commission santé de l'AMF, le 22 juin prochain.
 




Énergies renouvelables
Micro-centrales hydroélectriques et continuité écologique : le Conseil constitutionnel rend une décision importante
Le Conseil constitutionnel a rendu, le 13 mai, une décision concernant les micro-centrales hydroélectriques et la continuité écologique. Il a confirmé que les exemptions dont bénéficient certaines installations, notamment gérées par les collectivités territoriales ne sont pas contraires à la Constitution. 

C’est une étape importante dans le conflit qui oppose, depuis des années, les propriétaires de micro-centrales hydroélectriques (moulins à eau) et les défenseurs de la biodiversité. Le problème spécifique de ce débat étant que s’opposent deux sujets qui, tous deux, sont parfaitement vertueux du point de vue de l’écologie : les petites centrales électriques installées sur les rivières contribuent à l’objectif d’augmenter la part de production d’énergies renouvelables… mais elles sont, en même temps, un obstacle à la « continuité écologique », c’est-à-dire en l’espèce à la libre circulation des poissons, ce qui pose un problème en termes de biodiversité. 

Le problème se pose depuis des années : il existe environ 18 000 ouvrages de type « moulins à eau » dans le pays, qui, s’ils ne produisent chacun qu’une petite quantité d’électricité, représentent dans leur ensemble une part non négligeable de la production d’énergie renouvelable du pays ; mais qui représentent également des « obstacles » à la circulation des poissons, et doivent donc, selon la loi, être « traités », c’est-à-dire aménagés pour permettre un passage pour les poissons, voire détruits. 

Évolutions législatives

Depuis la Lema (Loi sur l’eau et les milieux aquatiques) de 2006, cette question a connu de multiples évolutions législatives, par des modifications régulières de l’article L214-17 du Code de l’environnement, révisé deux fois en 2015, deux fois en 2016 et une dernière fois en 2021, dans le cadre de la loi Climat et résilience. Lors du débat sur cette loi, en juin dernier, les sénateurs avaient défendu l’idée que « la continuité écologique ne saurait en aucune façon servir de prétexte à l’autorité administrative pour promouvoir des solutions de destruction de moulins à eau ». 

Les débats ont abouti à une nouvelle rédaction de l’article L214-17 qui fixe plusieurs règles. Premièrement, les préfets doivent établir une liste de cours d’eau « en très bon état écologique » qui doivent « jouer le rôle de réservoirs biologiques » et nécessitant « une protection complète des poissons migrateurs ». Sur ces cours d’eau, « aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour de nouveaux ouvrages s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique ». Une seconde liste de cours d’eau doit être établie, cours d’eau « dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs ». Sur ces cours d’eau, les ouvrages doivent être « gérés, entretenus et équipés » de façon à permettre la continuité écologique, mais « sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie ». Dans le cas des moulins à eau permettant la production d’électricité et situés sur les cours d’eau de cette seconde liste, la loi ne permet pas leur destruction. 

Par ailleurs, l’article 2014-18-1 du Code de l’environnement mentionne spécifiquement « les moulins à eau équipés par leurs propriétaires, par des tiers délégués ou par des collectivités territoriales pour produire de l'électricité » et situés sur la seconde liste, et précise que ces installations ne sont pas soumises aux règles d’aménagement prévues par la loi. 

Conformité à la Constitution 

C’est cette exemption qui a été attaquée notamment par l’association France nature environnement devant le Conseil constitutionnel, par le biais d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité). Les associations « reprochent à ces dispositions d'exempter désormais les moulins à eau de toutes les obligations et prescriptions que l'administration peut édicter pour assurer la migration des poissons et le transport des sédiments », ce qui serait d’après elle en contradiction avec l’article 1er de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle (cet article 1er disposant que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »). Les associations estiment également que ces dispositions « instituent une différence de traitement injustifiée entre les moulins à eau équipés pour la production hydroélectrique et les autres ouvrages hydrauliques. »

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision rendue le 13 mai, ne leur a pas donné raison. Il a estimé que le législateur « a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables » et a, « ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général ». 

Les Sages ont également rappelé que cette exemption ne s’applique pas sur les cours d’eau de la première liste, ceux qui sont définis comme « en très bon état écologique » et qui restent sanctuarisés. 

Enfin, le Conseil constitutionnel rappelle que les exemptions attaquées n’empêchent pas que les installations concernées doivent maintenir « un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques ». 

Les dispositions contestées par France nature environnement sont donc conformes à la Constitution, ont tranché les Sages. 




Tourisme
L'an passé, la fréquentation touristique a reculé d'un quart par rapport à 2019
Malgré une certaine embellie en fin d'année, ce sont les zones urbaines qui ont le plus souffert, contrairement aux littoraux et aux montagnes. Dans les campings, la fréquentation retrouve presque son niveau d'avant-crise grâce à la clientèle française.

La fréquentation des hébergements touristiques français a baissé de 26,7 %, l’an passé, par rapport à son niveau de 2019, celui d’avant la crise sanitaire. Au total, ce sont 324 millions de nuitées qui ont été enregistrées dans l'Hexagone l'an passé, soit 118 millions de moins qu'en 2019, d’après les données publiées hier par l’Insee dans son bilan touristique de l’année 2021.

Un nouveau repli donc après une année 2020 désastreuse qui a vu le nombre de nuitées françaises chuter de plus de 50 %, du fait de la pandémie de covid-19.

La clientèle étrangère fait toujours défaut

Et comme l’an passé, ce sont les vacanciers français qui ont permis au secteur et aux hébergeurs d'éviter un plongeon bien plus sévère et de résister à l’absence des clientèles étrangères. 

En retrait au cours des six premiers mois de l’année du fait des restrictions de déplacement, l'activité touristique s'est progressivement redressée à partir de mai mais surtout à compter du mois de juillet (avec la fin de l’état d’urgence sanitaire et du couvre-feu, en métropole), la fréquentation revenant même « presque à son niveau d’avant-crise » après l’été.

Avec 97 millions de nuitées en France métropolitaine, la fréquentation des hôtels reste toutefois inférieure de 16 % au second semestre à ce qu’elle était en 2019 à la même période. 

Essentiellement portée par les vacanciers français grâce notamment à une « embellie estivale » dans les campings (+11 % durant l’été), l’activité a encore pâti de la perte de nuitées d’affaires et de la moindre fréquentation de la clientèle internationale, en net recul (– 45 %), celle-ci n’ayant représenté que 24 % des nuitées totales, contre 36 % en 2019.

À partir du mois de juillet 2021 et malgré l’allègement des restrictions aux frontières, le retour de la clientèle non résidente est resté plutôt timide, les deux principales clientèles étrangères, en provenance du Royaume-Uni et des États-Unis, faisant toujours défaut. 

Le nombre de nuitées des Britanniques a, par exemple, chuté de 66 % entre juillet et décembre 2021 par rapport à la même période avant-crise tandis que les touristes chinois et japonais ont été « quasi absents », le nombre de leurs nuitées s’effondrant de 93 % entre 2019 et 2021. 

Résultat, seuls les Néerlandais ont passé davantage de nuitées dans l’Hexagone qu’en 2019 (+ 6 %), les Belges et les Allemands devenant, pour leur part, les deux premières clientèles non résidentes en France métropolitaine. 

Les professionnels du tourisme pourront se consoler en apprenant que ce déficit de fréquentation a été moindre que dans les principaux pays touristiques d’Europe (chute d’un tiers en Allemagne et en Italie entre 2019 et 2021, et de moitié en Espagne).

L’Île-de-France perdante, le littoral et la montagne résistent

Cette situation a, en outre, été très variable d’une région à l’autre. Selon le profil de la clientèle, certaines d’entre elles sont restées éloignées de leur niveau d’avant-crise. 

Si la fréquentation hôtelière a bien été en retrait dans toutes les régions de France métropolitaine, c’est l’Île-de-France qui a subi le plus gros choc, avec une baisse de 34 % du nombre de nuitées au second semestre 2021 par rapport à la même période en 2019. La région parisienne a ainsi perdu rien de moins que plus des deux tiers des nuitées hôtelières perdues en France métropolitaine (soit 13 millions sur un total de 18 millions). 

Outre la baisse de la clientèle étrangère, la région capitale a aussi souffert de la montée en puissance du télétravail et de l’annulation d’un grand nombre de congrès, de salons et de séminaires qui ont « fortement » réduit le nombre de nuitées d’affaires. 

L’activité hôtelière a également diminué de plus de 10 % dans le Grand Est (– 17 %), les Hauts-de-France (– 13 %) et l’Occitanie (– 12 %), mais aussi en Normandie et en Bourgogne-Franche-Comté qui suivent de près.

La reprise a été « plus marquée » sur le littoral, en montagne ou encore en zone rurale, avec « un niveau d’activité comparable à celui d’avant la crise sanitaire ». La fréquentation hôtelière de la Nouvelle-Aquitaine, des Pays-de-la-Loire, de la Bretagne et de la Corse n’ont, par exemple, pas baissé de plus de 2,7 % par rapport à 2019.

A l’inverse, dans les campings et dans les autres hébergements collectifs de tourisme, la fréquentation a presque retrouvé son niveau d'avant-crise durant l’été grâce à la clientèle résidente. « En Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes, la fréquentation est supérieure ou équivalente à ce qu’elle était en 2019 (alors qu’elle) recule fortement dans le Grand Est (– 19 %) et dans les Hauts-de-France (– 15 %) », indiquent les auteurs de l’étude.

Du côté des départements d’outre-mer, le bilan touristique a été inférieur d’un tiers à ce qu’il était en 2019. Après une embellie durant le mois de juillet, la dynamique est très vite retombée avec la mise en place de l’état d’urgence sanitaire, notamment dans les Antilles.

En 2022, les hôtels toujours en difficulté

Si l’Insee annonce un « retour à la normale » dans les hébergements marchands et non marchands durant la fin d’année dernière, l’Institut observait, la semaine passée, dans une note de conjoncture, que le premier trimestre 2022 était toujours en repli (- 11,3 %) par rapport à la période d’avant-crise sanitaire. 

La fréquentation des hébergements collectifs touristiques, hors campings en France, était ainsi en recul de 16,4 % dans les hôtels et de 1,2 % dans les autres hébergements collectifs de tourisme. 

Et si la fréquentation des touristes français a été encore un peu en-deçà de son niveau d'avant la crise sanitaire (−7,1 %), celle des touristes venus d'autres pays reste « nettement en retrait, de - 36,7 % », selon les chiffres publiés par l’Insee.

Accéder à l’étude.




Risques
Des collectivités s'allient pour mieux connaître les risques de pollution industrielle
L'association Amaris, qui regroupe des collectivités concernées par les risques technologiques, lance un nouveau programme pour mieux comprendre et connaître la problématique des pollutions industrielles. Explications avec le président de l'association, Alban Bruneau.

« Plus on en sait, mieux c’est. » C’est par cette formule lapidaire qu’Alban Bruneau, maire de Gonfreville-L’Orcher (Seine-Maritime) et président d’Amaris, résume la démarche lancée par l’association et officialisée dans un communiqué le 13 mai, au lendemain de la diffusion d’une émission d’Envoyé spécial consacrée à une éventuelle pollution du réseau d’eau potable de Lyon par des perfluorés. 

Informer les citoyens

Rappelons qu’Amaris est une association d’élus qui regroupe des communes concernées par le risque technologique ou industriel – tous les adhérents d’Amaris ont au moins un site Seveso seuil haut sur leur territoire. « Jusqu’à présent, Amaris s’est beaucoup concentrée sur la question des accidents industriels, explique à Maire info Alban Bruneau, et sur cette question les choses ont beaucoup progressé ces dernières années, avec les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) », mis en place dans la foulée de la catastrophe d’AZF en 2001. « Mais sur les sujets de santé et d’environnement liés à l’activité industrielle, poursuit le maire, les choses sont beaucoup plus floues, les élus sont mal informés, et ont donc des difficultés à informer les citoyens, qui sont très demandeurs. » 

D’où la décision d’Amaris, au début de cette année, de lancer un programme d’étude « pour une meilleure connaissance des pollutions industrielles et de leur impact sur la santé », en partenariat avec l’Institut écocitoyen et la Métropole de Lyon. 

Ces deux acteurs sont directement concernés par la question des pollutions industrielles : l’Institut écocitoyen est une association implantée à Fos-sur-Mer, et fait travailler ensemble industriels de la pétrochimie et scientifiques sur les conséquences de cette activité sur la pollution de l’air, de l’eau et des sols. Quant à la Métropole de Lyon, elle abrite, autour de Saint-Fons et Feyzin, la fameuse « vallée de la chimie », avec plusieurs dizaines d’usines classées Seveso seuil haut. 

Besoin de « transparence »

Les adhérents d’Amaris ont fait le constat que « les connaissances sur les pollutions auxquelles les collectivités ont accès ne leur permettent pas d’agir », ni d’informer les habitants qui s’interrogent sur les conséquences de ces pollutions sur la santé, le sujet étant « absent des études produites dans le cadre réglementaire », note Alban Bruneau. De plus, Amaris remarque que « la réglementation fixe un cadre national qui s’applique de façon identique sur l’ensemble du territoire : les mesures et suivis des polluants ne sont pas adaptés aux spécificités des bassins industriels ». 

L’association va donc faire travailler ses adhérents et ses partenaires ensemble – avec le soutien de l’École nationale des travaux publics de l’État –, avec pour objectif de « dresser un état des lieux général pointant les atouts et les manques de la réglementation », de « rechercher et aller à la rencontre des territoires ayant engagé des démarches de connaissance et de participation citoyenne pouvant servir de socles à l’ensemble du réseau », et enfin de « partager tout au long du projet et rendre compte des résultats en formulant des propositions concernant les politiques publiques de santé environnementale ». 

Il ne s’agit nullement, précise le président d’Amaris, d’une démarche qui s’opposerait à la présence de sites industriels dans les territoires : « Je suis convaincu que l’on peut avoir une activité industrielle vertueuse », affirme Alban Bruneau. « Mais il faut de la transparence, des données, des études. Il faut que l’État se donne les moyens de faire les contrôles nécessaires, et que les industriels fassent l’effort d’être plus transparents. Dans la population – surtout après des émissions comme celle d’Envoyé spécial, il y a des questionnements, des doutes, des soupçons. La seule manière de rassurer, c’est d’avoir à disposition des études et des données fiables. » 

C’est l’objectif de cette démarche « participative et collégiale » initiée par Amaris, qui n’en est encore qu’au « début de son histoire », souligne le maire de Gonfreville-L’Orcher. Une trentaine de collectivités a déjà manifesté son intérêt pour la démarche et participé à « de premiers échanges ». 







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