Édition du vendredi 21 janvier 2022

Crise sanitaire
Jean Castex annonce une levée progressive des restrictions sanitaires entre le 2 et le 16 février
Lors d'une conférence de presse, le Premier ministre, Jean Castex, a dévoilé hier le calendrier de levée progressive des restrictions sanitaires élaboré, le matin même, en Conseil de défense. Le gouvernement espère que le bout du tunnel sera atteint le mois prochain.

« Nous pourrons, courant février, lever la plupart des restrictions prises pour freiner l’épidémie ». C’est la phrase que, forcément, l’on a le plus envie de retenir des propos de Jean Castex, hier soir. Les « évolutions encourageantes » qui se dessinent, le nombre très élevé de personnes vaccinées et la moindre dangerosité, maintenant avérée, du variant Omicron (lire article ci-dessous) sont autant d’éléments qui amènent le gouvernement à faire montre d’un optimisme prudent. 

Première tendance à la décrue

Le Premier ministre n’a pas caché « la tension forte » qui continue de régner dans les services de santé. Même moins dangereux, le variant Omicron est tellement contagieux qu’il provoque tout de même des hospitalisations en nombre important. Alors que la barre des 400 000 cas quotidiens avait été franchie la veille pour la première fois, c’est dès le lendemain celle des 500 000 qui a été dépassée ! Mais la tendance commence à s’inverser : le nombre d’hospitalisations et d’admissions en soins critiques décroît lentement, ainsi que les taux d’incidence, dans la plupart des départements. Ils restent toutefois astronomiques, lorsque l’on se rappelle du mois d’octobre où l’on voyait avec une certaine angoisse le taux d’incidence dépasser les 250 cas pour 100 000 habitants dans certains départements. Aujourd’hui, 6 départements ont un taux d’incidence supérieur à 4 000, et le moins touché des départements de métropole est l’Indre avec un taux d’incidence de… 1839. 

Le Premier ministre a souligné que dans les départements où le variant Omicron s’est implanté le plus tôt, notamment l’Île-de-France, il commence désormais à reculer. 
Autre chiffre frappant donné par Jean Castex, pour marquer clairement la différence entre le covid-19 et la « simple grippe » à laquelle certains le comparent encore : en année normale, la grippe saisonnière engendre 10 000 hospitalisations par hiver, c’est-à-dire sur trois mois. En ce moment, avec le variant Omicron, ce chiffre est atteint tous les 5 jours. 

Assouplissement surprise sur le pass vaccinal

Première mesure évoquée par le Premier ministre : le pass vaccinal. Cela ne constitue pas une annonce, puisque le dispositif est connu depuis le mois de décembre, mais il devrait entrer en vigueur, si le Conseil constitutionnel le valide – la décision est attendue aujourd’hui – ce lundi 24 janvier. À partir de cette date donc, sauf surprise, il sera impossible d’accéder aux établissements culturels, sportifs, de loisirs (y compris bars et restaurants), aux foires et salons, aux transports collectifs interrégionaux, sans pouvoir justifier d’un schéma vaccinal complet. Et, rappelons-le, ce schéma vaccinal n’est complet que s’il inclut une dose de rappel, dans un délai de 7 mois maximum après la dernière injection. Ce délai sera ramené à 4 mois à partir du 15 février. 

Le gouvernement a pris hier une décision nouvelle concernant le pass vaccinal, qui n’est pas dans la loi votée par le Parlement : le pass sera ouvert à des personnes qui auraient refusé de se vacciner jusque-là si elles reçoivent leur première dose « d’ici le 15 février ». Sous deux conditions : recevoir la deuxième dose un mois plus tard ; et, avant de recevoir celle-ci, présenter un test négatif pour pouvoir accéder aux équipements et établissements concernés. 

Sur le thème de la vaccination toujours, une autre annonce a été faite hier : dès lundi, la dose de rappel sera ouverte à tous les jeunes de 12 à 17 ans, même s’ils ne souffrent pas de pathologie chronique. Elle ne sera pas obligatoire, sauf pour les jeunes de 16 ans et plus, puisque le pass vaccinal les concerne également.

Première étape le 2 février

Si la situation continue d’évoluer favorablement, le desserrement des contraintes sanitaires commencera le mercredi 2 février. À compter de cette date, les jauges dans les équipements sportifs et culturels (salles de spectacle, stades, cirques, etc.) seront supprimées. Elles sont aujourd’hui, rappelons-le, de 2 000 personnes en intérieur et 5 000 personnes en extérieur. 

À cette même date du 2 février, « le télétravail ne sera plus obligatoire ». C’est un peu plus tôt que ce qui était prévu (lire Maire info d’hier), puisque la ministre du Travail avait laissé entendre que le télétravail obligatoire trois jours par semaine prendrait fin le 4 février. 

Le télétravail restera toutefois « recommandé ». S’il n’est plus obligatoire à partir du 2 février, cela signifie, au passage, que l’instauration d’une amende pour les employeurs récalcitrants que le gouvernement a fait adopter aux forceps dans le projet de loi sur le pass vaccinal n’aura, de facto, presque aucune occasion de s’appliquer. 

Le 2 février devrait enfin marquer la fin du masque obligatoire à l’extérieur, là où les préfets l’ont instauré. 

Deuxième étape le 16 février

Quinze jours plus tard, le mercredi 16 février, le gouvernement « lèvera les autres mesures ». Il sera donc à nouveau possible de consommer debout dans les bars, de consommer de la nourriture et des boissons dans les stades ou dans les trains, et « les discothèques pourront rouvrir ». 

Le Premier ministre s’est montré un peu plus prudent sur le protocole scolaire : le gouvernement « envisage » un allègement du protocole sanitaire à l’école « au retour des vacances scolaires », mais après avis des autorités sanitaires. Cet allègement signifierait la fin du port du masque en extérieur dans les écoles élémentaires et, surtout, la fin du cauchemar des trois tests à réaliser quand un élève est infecté dans la classe. 

Si l’on s’en tient aux propos du Premier ministre (« au retour des vacances »), le protocole pourrait être allégé le 21 février dans la zone B, le 28 février dans la zone A et le 7 mars dans la zone C. 

Enfin, le chef du gouvernement a confirmé que le pass vaccinal ne serait maintenu que le temps nécessaire : même si la loi l’autorise à le maintenir jusqu’au mois de juillet, « nous ne sommes pas tenus d’activer ces mesures de restriction aussi longtemps que la loi nous y autorise. (…) Il faut savoir lever les mesures de restriction dès que les conditions permettent de le faire. » Le pass vaccinal pourrait donc être « suspendu » dès que la pression hospitalière se réduira « fortement et durablement ». Le Premier ministre n’a pas, comme cela a été fait par le passé, donné de seuil précis en dessous duquel une telle mesure serait décidée. 




Crise sanitaire
La situation à l'hôpital sera « tendue » jusqu'à la mi-mars, selon le Conseil scientifique
Le Conseil scientifique a rendu, hier, un nouvel avis, aussitôt rendu public par le gouvernement. Ce document fait la synthèse des connaissances scientifiques sur le variant Omicron, et confirme de façon claire que ce variant provoque « des formes cliniques moins importantes ». Ce qui ne signifie pas que tout danger soit écarté pour le système de santé, à court comme à long terme.

La vague Omicron est « très différente des précédentes ». Cette conviction du Conseil scientifique est affichée dès le titre de ce nouvel avis, qui liste trois raisons justifiant cette « différence » : la transmissibilité accrue du variant ; sa moindre gravité ; et l’existence d’une couverture vaccinale très élevée.

Encore des menaces sur l’hôpital

Le variant Omicron s’est répandu à une vitesse inédite. Rappelons qu’il a été séquencé pour la première fois au début du mois de novembre, en Afrique du Sud. Deux mois et demi plus tard, il représente, selon le site CovidTracker, 96,2 % des cas en France. 

Le Conseil scientifique estime qu’entre 9 et 14 millions de personnes ont été infectées par le variant Omicron depuis son arrivée en France : 4,5 millions de cas ont été officiellement détectés, mais on sait qu’un grand nombre de cas, asymptomatiques, restent sous les radars. Il faut comparer ce chiffre avec celui de la première vague (mars-avril 2020), où seulement 3 millions de personnes avaient été infectées, alors qu’il n’existait, au début du moins, quasiment pas de mesures barrières. Aujourd’hui, avec l’habitude des mesures barrières nées de 2 ans d’épidémie, Omicron a touché entre trois et six fois plus de personnes, ce qui le rend « exceptionnellement » contagieux, notent les scientifiques. 

Si le nombre de cas journaliers commence à reculer dans les régions où le variant est arrivé le plus tôt, les scientifiques signalent qu’une remontée nette du nombre de cas est signalée depuis deux jours (460 000 cas le 18 janvier), en particulier chez les moins de 15 ans et les 30-44 ans. Le Conseil estime qu’il s’agit d’un effet « rentrée des classes » : le virus circule intensément à l’école et les élèves le transmettent ensuite à leurs parents. 

S’il est reconnu que le variant Omicron provoque moins de formes graves que le variant Delta, le très grand nombre d’infections conduit, statistiquement, à un nombre d’hospitalisations qui reste très élevé : il y a, à ce jour, quelque 28 000 patients hospitalisés pour covid-19 (précisément 27 931), ce qui n’est pas loin du pic d’hospitalisation connu au pire des précédentes vagues (30 000). En revanche, la situation est moins dramatique que lors de celles-ci en termes d’occupation des lits de réanimation, avec un chiffre qui reste en-dessous des 4 000 (contre plus de 6 000 au pire de la première vague). 

Le système hospitalier va donc rester « en tension très forte » jusqu’à « la mi-mars », estiment les scientifiques, qui pointent la dichotomie entre le ressenti de la population (« l’impression d’avoir évité le pire ») et la situation réelle dans les hôpitaux, peu différente de celle connue lors des précédentes vagues. Et ils soulignent un problème grave : si les services de réanimation seront sans doute moins saturés, les lits d’hospitalisation classique le sont et le seront davantage, avec pour conséquence « une déprogrammation des malades médicaux (cancers, maladies chroniques) plus marquée ». 

Les conséquences, à long terme, de ces périodes successives de déprogrammation massive des soins ne sont pas encore connues, mais il y a hélas fort à parier qu’elles s’ajouteront, à terme, au bilan déjà dramatique du covid-19.

Alerte sur le covid long

Autre question soulevée par les scientifiques : celle de la proportion de « covid longs » chez les patients atteints par le variant Omicron. Les précédentes variations du virus provoquaient des symptômes encore visibles au bout de cinq semaines chez 20 % des patients, et au bout de trois mois chez 10 % d’entre eux. Si cette proportion restait la même avec Omicron, les conséquences pourraient être significatives sur le système de santé : 10 % de 14 millions de personnes infectées représentent en effet 1,4 million de malades pouvant, à titre d’hypothèse, être touchés par un covid long. 

« Il conviendra, préviennent les scientifiques, de veiller à ce que les moyens humains et financiers soient alloués à la prise en charge nécessairement prolongée dans le temps de ces patients, notamment pour les métiers de la rééducation et de la santé mentale indissociables du parcours de soin ». 

Tests : le système a « tenu bon »

Une partie de l’avis du Conseil scientifique est consacrée à la stratégie de dépistage. Si les scientifiques reconnaissent l’utilité (et l’efficacité) des autotests, ils notent cependant que ceux-ci « entraînent une perte d’information pour le suivi des cas (plus de possibilité d’enregistrement des cas sur Sidep si les personnes positives en autotest ne se font pas confirmer avec un test antigénique ou PCR) ». 

La très forte contagiosité d’Omicron a conduit, poursuivent les scientifiques, à « une forme de saturation à la fois des acteurs du diagnostic (laboratoires et pharmacie), mais aussi du système assurant le suivi des cas (délai de rendu allongé à plus de 36 h, saturation de Sidep ». Le système a toutefois « tenu bon ». 

Le Conseil recommande de conserver le système actuel (PCR, antigénique et autotests), avant de se poser la question « d’une utilisation plus marquée des autotests » à partir du mois de mars, lorsque le niveau de contagion sera revenu à des niveaux plus faibles. 
 




Sécurité
Loi sur la sécurité intérieure : le Conseil constitutionnel invalide l'utilisation de drones par les polices municipales 
Cette expérimentation aurait permis aux policiers municipaux d'assurer notamment « la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles ». Les Sages ont, en dehors de ce cas, validé l'essentiel des mesures encadrant l'usage des drones par les forces de l'ordre.

Les policiers municipaux ne pourront toujours pas recourir aux drones. Dans une décision rendue hier, le Conseil constitutionnel a, à nouveau, jugé que cette mesure introduite dans la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure restait non conforme à la Constitution. Il a ainsi donné raison aux sénateurs et députés qu’ils l’avaient saisi dans la foulée de l’adoption de cette loi en décembre dernier.

Déjà une première censure l’an passé

Les décisions se suivent et se ressemblent donc pour le gouvernement. En effet, celle-ci fait suite à une première censure, au printemps dernier, de la part des Sages de la rue de Montpensier, dans le cadre de la loi de Sécurité globale. 

Le gouvernement avait pourtant revu sa copie en réintroduisant plusieurs mesures controversées de ce texte et pensait, cette fois, avoir donné toutes les assurances nécessaires pour garantir « le droit au respect de la vie privée ». Des garanties jugées insuffisantes en mai 2021.

Pour rappel, lors de l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure, à l’automne dernier, ce sont les sénateurs qui avaient à nouveau introduit dans le texte, à la demande de l'AMF, la possibilité pour les polices municipales d’utiliser les drones, mais à titre expérimental, pour cinq ans, et sous conditions. 

Encadrée par les préfets, cette mesure devait ainsi permettre à ces dernières de recourir à ce dispositif dans des cas précis : afin d’assurer « la régulation des flux de transport », « les mesures d’assistance et de secours aux personnes », mais aussi « la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles ». 

L’utilisation par les gardes-champêtres ainsi que l’extension de cette expérimentation à la surveillance des espaces naturels, du respect des règles d’urbanisme et de dépôts sauvages avaient d’ailleurs été écartées par le Sénat.

Le droit à la vie privée toujours pas respecté

Ces adaptions adoptées par les parlementaires n’ont donc pas suffi à convaincre les Sages qui ont retoqué l'usage des drones pour les polices municipales, en toutes circonstances. Ceux-ci ont pointé trois critiques.

D’abord, pour ce qui est de l’utilisation des drones lors de manifestations, ils reprochent à cette expérimentation de ne pas être « limit[ée] aux manifestations particulièrement exposées à des risques de troubles graves à l’ordre public ».

Ensuite, bien que le recours aux caméras aéroportées ne puisse se faire qu’après autorisation du préfet, ils relèvent qu’il n’a pas été prévu que ce dernier « puisse y mettre fin à tout moment, dès lors qu’il constate que les conditions ayant justifié sa délivrance ne sont plus réunies ».

Enfin, ils rappellent que, en cas d’urgence résultant d’ « une exposition particulière et imprévisible à un risque d’atteinte caractérisée aux personnes ou aux biens », les polices municipales auraient pu « recourir immédiatement à ces dispositifs aéroportés, pour une durée pouvant atteindre quatre heures et à la seule condition d’en avoir préalablement informé le préfet ». De ce fait, la définition trop large de ces cas d’urgence n'aurait pas permis de réserver le recours aux drones « à des cas précis et d’une particulière gravité ».

Au regard de ces manquements, le Conseil constitutionnel a donc estimé que « ces dispositions n’assurent pas une conciliation équilibrée » entre le droit au respect de la vie privée et la prévention des atteintes à l’ordre public.

Davantage de garde-fous

Concernant les policiers nationaux et les gendarmes, les Sages ont, là aussi, censuré la disposition leur permettant de recourir aux drones, pendant quatre heures, en cas d'urgence sans autorisation préalable du préfet. 

Pour le reste, ils ont estimé que la nouvelle loi a prévu davantage de garde-fous, celle-ci autorisant notamment l'utilisation de drones par les forces de sécurité pour « la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens », « la sécurité des rassemblements » sur la voie publique, « la prévention d’actes de terrorisme », « la régulation des flux de transport », « la surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier » et « le secours aux personnes ». 

« Le législateur a précisément circonscrit les finalités justifiant le recours à ces dispositifs », estime le Conseil constitutionnel dans sa décision et souligne que policiers, gendarmes et douaniers devront « préciser la finalité » poursuivie et justifier « la nécessité » de recourir aux drones pour obtenir l'autorisation préalable du préfet. 

Télécharger la décision.
 




Élection présidentielle
Parrainages : vive passe d'armes entre François Bayrou et l'AMF
Chose assez rare, c'est par un communiqué signé des quatre principaux responsables de l'AMF que celle-ci a répondu, hier, aux propos tenus par François Bayrou, maire de Pau et Haut-Commissaire au plan, à propos des parrainages. 

C’est en tant que président du MoDem que François Bayrou s’est exprimé hier auprès de l’AFP, pour reprendre à son compte la proposition faite il y a une dizaine de jours par Éric Zemmour : la constitution d’un « pool » de maires qui donneraient leur parrainage, en quelque sorte à l’aveugle, pour les mettre à disposition des candidats en  difficulté. 

« Réserve de signatures »

« Je propose qu'un certain nombre de maires décident qu'ils vont participer à une réserve de signatures disponibles pour le cas où il manquerait des signatures aux candidats ''légitimes'' », a plaidé le maire de Pau. Ce qui pose aussitôt la question de savoir qui sont ces candidats « légitimes », et plus encore qui déciderait de cette légitimité. Le dispositif des 500 parrainages est, malgré ses défauts, précisément fait pour permettre aux élus locaux de donner une forme de légitimité aux candidats, sans que ce soit une instance centrale (et laquelle ? le gouvernement ? le Conseil constitutionnel ?) qui ait à se charger de déclarer « légitime » tel ou tel candidat. 

François Bayrou propose deux pistes pour définir la « légitimité » : d’une part, « les représentants des grands courants qui ont participé sous la Ve République à l'élection présidentielle » ; et, d’autre part, « les candidats de surgissement », c’est-à-dire « ceux qui se sont imposés dans le débat politique et qui ont atteint la barre des 10 % dans les sondages ». 

Le maire de Pau voit comme principale difficulté au système actuel que « quand on donne sa signature à l'un, on est soupçonné de vouloir influencer l'issue de l'élection en multipliant le nombre de partants ». Ce qui n’est, en réalité, pas le seul ni peut-être le principal problème rencontré par les petits partis, ceux qui n’ont que peu ou pas d’élus ou manquent d’un réseau militant étoffé. Ceux-ci rencontrent plus souvent le problème de maires qui craignent que leur parrainage soit assimilé à un soutien politique (le président de l’AMF, David Lisnard, a d’ailleurs tenu à rappeler à plusieurs reprises que ce n’était pas le cas) ; ou encore de pressions subies par les maires pour ne pas parrainer tel ou tel candidat, avec parfois des menaces sur le maintien de subventions venues, par exemple, des régions. 

Quoi qu’il en soit, avec cette proposition de « réserve » de signatures, François Bayrou propose que des maires « « s'engagent à donner leur parrainage si la situation l'exigeait, non comme un soutien, mais comme une démarche citoyenne de la part d'élus qui, soucieux de démocratie, ne voudraient pas pour autant s'engager ».

« Mise en cause » de l’AMF

Éric Zemmour avait demandé que ce « pool » de signatures soit organisé par l’AMF. Il avait alors essuyé un refus poli de David Lisnard, le président de l’association, qui, sans méconnaître les difficultés liées au système actuel, identifiées depuis longtemps par l’AMF, avait répondu que « l’AMF est une association qui ne donne jamais une directive à ses membres, dans aucun domaine. [Elle] est au service des maires, dans le respect de leur indépendance, et ne peut se substituer à eux dans l’exercice de leurs compétences. Le ‘’droit de présentation’’ (dit parrainage) qui est reconnu aux maires est d’ailleurs une compétence individuelle et tracée. L’AMF ne peut être, et n’a pas à être, l’intermédiaire entre les maires et les candidats à l’élection présidentielle en recherche de leurs 500 parrainages. »

Quant à François Bayrou, il a estimé que l’AMF n’était pas le bon interlocuteur pour organiser cette « réserve » de signatures – non pour les raisons données par David Lisnard mais au motif que l’association serait trop « politisée ». Il propose donc de se tourner vers l’AMRF (maires ruraux). 

C’est peu de dire que cette déclaration sur la « politisation » de l’AMF a irrité celle-ci, qui a aussitôt fait paraître un communiqué de presse signé des quatre membres de son bureau exécutif, dont deux membres (David Lisnard et Murielle Fabre) appartiennent à la droite et deux autres (André Laignel et François Deluga) à la gauche. « Le Haut-Commissaire au Plan, président du MoDem, maire de Pau et adhérent de l’AMF, François Bayrou, en politique depuis 40 ans, a cru nécessaire de déplorer que l’AMF soit une association trop ‘’politisée’’ », écrivent les quatre maires. « Ceci constitue une mise en cause inadmissible d’une association totalement indépendante depuis 1907 qui regroupe plus de 98% des maires de France, dont une immense majorité de maires ruraux et sans étiquette politique. (…) L’AMF défend les intérêts communaux en toute liberté à l’égard de tous les partis politiques et de tous les gouvernements qui se sont succédé ». 

Les dirigeants de l’AMF renvoient dans les cordes le président du MoDem en déplorant sa « posture politicienne » et estiment, au passage, sa déclaration « d’autant plus incompréhensible que François Bayrou fait partie des quelques personnalités qui avaient tenté d’influencer le scrutin de novembre à l’AMF en lui donnant une coloration partisane ». « Les institutions associatives, syndicales ou professionnelles (…) assurent aussi la cohésion de notre pays », poursuivent les élus, et les « dénigrer systématiquement » relève de « l’arrogance ». 

Sur le fond, les responsables de l’AMF jugent que la proposition de François Bayrou est « purement incantatoire » et inapplicable en l’état du droit. Il aurait en effet fallu s’y prendre bien plus tôt pour changer les règles du jeu, ce qui paraît impossible à moins de trois mois du scrutin. L’AMF rappelle qu’en mai 2021, le gouvernement s’était engagé à lancer une réflexion avec tous les partis sur ce sujet, engagement qui n’a jamais été suivi d’effet. 

Enfin, le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), Michel Fournier, s'est pour sa part dit « agréablement surpris d'apprendre que (son) association pourrait à elle seule sauver la démocratie », mais a appelé à ne pas « considérer les maires ruraux uniquement comme des pompiers de services » ou « un sparadrap de la vie publique ».




Sécurité
Les territoires connectés : une solution pour améliorer la sécurité, selon un rapport sénatorial
Les outils numériques peuvent apporter beaucoup aux collectivités en terme de protection des populations et de prévention des risques. C'est ce qu'affirme un rapport présenté hier par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat.

Cinq années après le rapport sénatorial sur « les nouvelles technologies au service de la modernisation des territoires », un nouveau rapport élaboré par les sénateurs Antoine Lefèvre (Aisne), Anne-Catherine Loisier (Côte-d’Or), et Jean-Yves Roux (Alpes-de-Haute-Provence) a été présenté hier. 

Sous le titre « Territoires connectés et protection des populations, les élus inventeurs de solutions », ce travail répertorie les diverses pratiques d’utilisation des nouvelles technologies pour agir sur la sécurité d’un territoire. Le rapport met en avant l’existence de bonnes pratiques locales. « La pédagogie par l’exemple pourra inspirer des décideurs politiques locaux », explique Antoine Lefèvre. 

Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine et présidente de la délégation aux collectivités territoriales, insiste sur l’importance de l’innovation technologique au service des collectivités territoriales : « Les territoires connectés sont une solution pour améliorer les services, la capacité d’agir des territoires et protéger les habitants. »

Protection de l’ordre public 

La première partie de ce rapport met en évidence trois dispositifs concrets dont les maires peuvent se saisir afin d’assurer leur rôle « de protection de l’ordre public et de prévention de la délinquance ». 

Le centre de supervision urbain (CSU), salle équipée d’écrans affichant en direct les images des caméras de vidéo protection, sont, selon les rapporteurs, des outils essentiels pour « prévenir les atteintes aux biens et aux personnes, identifier les auteurs, réguler la circulation urbaine et sécuriser les bâtiments et les sites communaux ». La mission a par exemple salué le CSU de Charleville-Mézières, qui bénéficie d’une unité vidéo et d’un poste de commandement.

Les drones peuvent être utilisés pour la protection de l’ordre public. La ville d’Istres en a acquis deux et est devenue la première commune de France à doter sa police municipale de tels outils. Dépôts sauvages, surveillance des forêts en cas de risque incendie, identification de contrevenants, respect des règles d’urbanisme… Les champs d’actions peuvent être variés mais doivent protéger le droit au respect de la vie privée. Il faut rappeler toutefois que cette expérimentation prévue dans la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, à la demande de l'AMF, vient d’être invalidée par le Conseil constitutionnel (lire article Maire info ci-dessus). 

Autre solution listée : le dispositif « voisins vigilants » ou « participation citoyenne » pour sa version étatique. Loin d’être une nouveauté puisqu’environ 5 6000 communes l’ont déjà officiellement adoptée, cette démarche participative avait été définie précisément dans une circulaire en 2019. Cette mise en relation virtuelle entre les habitants d’un quartier ne semble pas, selon le rapport, être dénuée d'efficacité.

Prévenir les risques 

Un autre avantage apporté par les nouvelles technologies a été souligné : la capacité de s’adapter aux changements climatiques, ce qui constitue « un enjeu à la fois urgent et majeur »

La gestion du risque d’inondation peut être encadrée comme le fait la ville de Nîmes avec le dispositif d’évaluation et suivi des pluies en agglomération pour devancer l’alerte (ESPADA). « Il permet la surveillance de l’évolution des précipitations et du ruissellement par réseau de stations de mesures hydrométéorologiques et des caméras de surveillance ».

Même principe pour le risque incendie ou avalanche :  ces incidents peuvent être prévenus grâce à l’utilisation de drones par exemple. Le rapport précise néanmoins que ces derniers « n’ont pas vocation à se substituer aux interventions humaines, mais constituent un précieux moyen de soutien. »

Enfin, la commune d’Ajaccio a été citée pour sa mise en place d’un dispositif numérique « multirisques ». Au-delà de l’utilisation d’outils d’observations et de contrôle pour les incendies et inondations, la commune a développé une plateforme multicanale de télé-alerte pour prévenir la population en cas de crises. « Cette bonne pratique locale semble transposable dans d’autres communes », précisent les rapporteurs. 

Françoise Gatel insiste sur l’importance de ce type d’outils qui renforce la communication avec les citoyens. « Recevoir un message sur son téléphone en cas d’alerte, c’est un principe de prévention et de précaution, comme autrefois pouvait l’être la sirène. On doit pouvoir avoir accès à ces nouveaux outils compatibles avec un État de droit. »

Une réponse à la fracture territoriale 

Cinq recommandations sont donc directement formulées dans le cadre de ce rapport. Les sénateurs encouragent les élus à recourir aux nouvelles technologies de manière rigoureuse en procédant à un bilan coût/avantages, de faire de la sensibilisation aux enjeux de cybersécurité auprès du personnel et de suivre l’expérimentation du recours aux drones.

Il apparaît également important de développer des usages numériques en respectant le principe de subsidiarité. Concrètement, « les élus doivent réfléchir à la mise en commun d’agents de police municipale dans le cadre de CSU mutualisés. Ces derniers permettent en effet d’amortir le coût de réalisation de ces centres et de suivre des images dans une zone géographique aussi étendue que possible, la délinquance ne s’arrêtant pas au niveau des frontières de la commune. » Cette argumentation rappelle beaucoup celle du rapport Fauvergue-Thourot en septembre 2020, qui prônait une intercommunalisation à marche forcée de la sécurité. 

La dernière recommandation porte sur le renforcement de la coopération entre les collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’État dans le domaine de la protection des populations. Car, comme le rappelle Anne-Catherine Loisier, ce rapport qui vise à « attiser une culture du numérique après des élus et de l’État », met aussi en lumière « des freins à ces initiatives » et le fait qu’il n’y ait « pas toujours une bonne synchronisation. »

Ce point est d’autant plus important à la veille du déploiement en juin 2022 du système d’alerte dit « cell broadcast » (ou « diffusion cellulaire »). Ce dernier « reposera sur une communication efficace et hyper-réactive entre les maires et les services préfectoraux. »







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