Édition du vendredi 22 octobre 2021

Social
« L'indemnité inflation » sera versée en janvier aux agents de la fonction publique
Le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé hier soir le versement d'une « indemnité inflation » de 100 euros à tous les Français gagnant moins de 2 000 euros net par mois. Les salariés du privé la recevront en décembre, les agents publics en janvier. Premiers éléments d'explication et réactions.

Après le « bouclier énergie », « l’indemnité inflation ». Sur TF1 hier, le Premier ministre a annoncé les mesures très attendues décidées par le gouvernement pour tenter de faire face à l’envolée des prix, en particulier ceux de l’énergie. 

C’est une question qui monte depuis la rentrée, au point que, selon un récent sondage, le pouvoir d’achat serait aujourd’hui la préoccupation numéro un des électeurs, à moins de six mois de l’élection présidentielle : hausse des prix de l’énergie (gaz, électricité, fioul, carburants), mais aussi hausse beaucoup plus générale liée à une pénurie des matières premières et des emballages, qui renchérit le prix y compris de nombreuses denrées de première nécessité. Selon un cabinet d’études, le prix du blé a grimpé de 14,6 % sur le marché mondial depuis le début 2021, celui du sucre de 29,5 %, du café, de 62 %. Le prix de la pâte à papier a grimpé de presque 50 %. Toutes ces hausses se répercutent ou vont se répercuter sur les produits du quotidien : selon le même cabinet d’étude (NielsenQ), le prix des pâtes alimentaires devrait augmenter dans les semaines qui viennent de 5 à 12 %, celui de l’huile de 7 à 16 %, du beurre de 2 à 9 %... 

Même si la hausse des prix de l’énergie est sans commune mesure (+ 60 % sur le tarif réglementé du gaz depuis le début de l’année), ces augmentations de prix se font de plus en plus sentir pour les ménages.
Ces hausses de prix ne concernent d’ailleurs pas que les ménages : pour les collectivités, par exemple, la hausse des prix dans l’alimentaire va mécaniquement avoir un impact sur l’activités des cantines scolaires. Et un dossier extrêmement sensible, en ce moment, est celui du coût des matières premières qui s’envolent et pèsent fortement sur les chantiers de travaux publics. 

« Indemnité classes moyennes »

Bien qu’il explique, depuis des semaines, que malgré les apparences le pouvoir d’achat des Français ne cesse d’augmenter, le gouvernement a finalement décidé de prendre des mesures. Plusieurs solutions étaient possibles, allant d’une subvention directe à une baisse des taxes sur l’énergie ou sur les carburants. Finalement, le gouvernement a tranché : ce sera une indemnité de 100 euros versée à tous ceux qui gagnent « moins de 2 000 euros net », qu’ils soient salariés, chômeurs ou retraités. 

« C’est une indemnité classes moyennes », a développé Jean Castex hier soir – un élément de langage un peu surprenant, dans la mesure où les personnes au smic, voire au RSA, les retraités pauvres, etc., toucheront heureusement cette indemnité, qui ne concernera donc pas que les « classes moyennes ». 

Il s’agit bien d’une indemnité individuelle, et non calculée sur les revenus d’un ménage. Il n’y aura aucune démarche à faire : l’aide sera versée directement par les employeurs, pour les salariés, par l’Urssaf pour les indépendants, par les caisses de retraites pour les retraités et par Pôle emploi pour les chômeurs. 

Il reste maintenant à connaître les modalités pratiques du dispositif, ce qui n’est pas de moindre importance pour les employeurs territoriaux : la fonction publique territoriale est, des trois versants de la fonction publique, celle qui comprend le plus d’agents de catégorie C, donc directement concernés par la mesure. Ils vont devoir, si l’on comprend bien les propos du Premier ministre, « avancer » cette indemnité de 100 euros, sur la paye du mois de janvier. Quand et comment l’État va-t-il les rembourser ? Il n’y a pas encore de réponse à cette question pour l’instant, et l’on peut espérer que la DGCL va y pourvoir rapidement.

Blocage du prix du gaz

Le Premier ministre a également annoncé hier que le prix du gaz, qui devait être « gelé » jusqu’au mois d’avril, sera finalement bloqué jusqu’à la fin de l’année 2022. Selon quel dispositif, là encore ? Le 30 septembre dernier, Jean Castex avait annoncé que ce gel serait ensuite « rattrapé » par une moindre diminution du prix du gaz, lorsque les prix sur le marché mondial baisseraient. Et le fait que le gouvernement bloque les prix à un niveau extrêmement élevé ne résout pas, loin de là, tous les problèmes. 

Réactions globalement négatives

Les réactions n’ont d’ailleurs pas été très enthousiastes, depuis hier soir, dans les milieux politiques comme associatifs. En dehors de ceux de la majorité, les commentaires sont globalement très critiques, notamment sur le fait que cette indemnité est distribuée à tous, et ne vise pas spécifiquement les personnes qui ont un usage important de la voiture, en particulier dans les campagnes. 

Les mots « d’aumône » et de « charité » reviennent en force depuis hier soir sur les réseaux sociaux. Philippe Bas, pour les LR, demande « une réforme, pas une aumône ». « Aurons-nous assez de sens civique pour nous indigner du chèque inflation, (…) un cadeau payé par l’aggravation du déficit et de la dette ? », s’interroge le sénateur de la Manche. Le maire LR du Touquet, Daniel Fasquelle, demande : « 38 millions de Français vont recevoir 100 euros, qu’ils aient ou non une voiture, qu’ils aient ou non accès aux transports en commun, qu’ils aient ou non des km à faire chaque jour pour se rendre au travail. Une mesure juste, monsieur le Premier ministre ? »

À gauche, la maire de Paris Anne Hidalgo estime que les annonces de Jean Castex « relèvent de l’improvisation et ne sont pas à la hauteur pour les Français qui peinent à boucler leurs fins de mois. » Pour la candidate à l’élection présidentielle : « À situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle : une baisse massive et temporaire de la fiscalité sur l’essence. » Le socialiste David Assouline dénonce « un chèque élection plutôt qu’un chèque inflation », tandis qu’Europe écologie Les Verts fustige « des mesures d’urgence qui ne s’attaquent pas au cœur du problème ». La France insoumise ironise sur « une indemnité de la trouille » et demande « le blocage des prix du carburant ». 

Côté associations de consommateurs enfin, l’enthousiasme n’est pas non plus partout de mise : « Une mesure pas immédiate, pas équitable, pas ciblée », pour l’UFC Que Choisir. Une indemnité « qui ne tient pas compte du tout des inégalités territoriales, (car) dans les territoires ruraux, il n’y a pas d’alternative à la voiture individuelle », estime Familles rurales. Seule l’association CLCV se montre un peu moins critique, saluant « un amortisseur tangible, (…) une bonne chose qui va permettre assez rapidement de toucher l’aide sans faire de démarche administrative ». 




Parité
Vers la parité dans tous les conseils municipaux pour 2026 ?
Une proposition de loi sur le renforcement de la parité dans les conseils municipaux et communautaires, proposant de mettre en place le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes, même les plus petites, a été déposée mercredi à l'Assemblée nationale. Avec, semble-t-il, quelques chances d'aller au bout de son parcours.

Le 11 octobre, après la parution du rapport parlementaire sur la parité dans les organes délibérants du bloc communal, Maire info écrivait : « Dernière étape avant une nouvelle loi ». Les choses n’ont, en effet, pas traîné : dix jours plus tard, Élodie Jacquier-Laforge, députée MoDem de l’Isère et co-rapporteure de cette mission, a déposé une proposition de loi. Et espère bien qu’elle sera adoptée « avant la fin de la mandature ».

« C’est possible ! »

« La parité dans tous les conseils municipaux, c’est possible, dès 2026. » Élodie Jacquier-Laforge, interrogée ce matin par Maire info, semble confiante. Il faut dire que le temps presse : la loi Engagement et proximité de décembre 2019 impose que le Parlement légifère « avant le 31 décembre 2021 » pour « étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ». Une échéance qui – épidémie de covid-19 oblige – semble aujourd’hui « irréaliste ». Mais les choses avancent. 

Dans le rapport publié début octobre, les rapporteurs tombaient d’accord sur le constat d’une trop faible représentation des femmes dans les conseils municipaux des communes de moins de 1000 habitants, où le scrutin de liste n’est pas obligatoire. Ils divergeaient en revanche sur les solutions : quand Raphaël Schellenberger prônait l’abaissement du seuil aux communes de 500 habitants (et donc le maintien du scrutin plurinominal avec possibilité de panachage dans les communes de moins de 500 habitants), Élodie Jacquier-Laforge, elle, demandait la suppression de tout seuil. « Sur la parité, on sait que sans contrainte légale, on n’y arrive pas, explique-t-elle. L’extension du scrutin de liste à toutes les communes est donc nécessaire, et les associations d’élus y sont favorables », à commencer par l’AMF, qui s’est prononcée pour cette solution dès 2018.

La fin des seuils

La proposition de loi qu’elle a déposée dispose donc, à l’article 1er : « Les membres des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants sont élus au scrutin de liste à deux tours. (…) Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. » Conformément à ce qui était proposé dans le rapport, le nombre de candidats est modifié : « au moins 5 candidats » dans les communes de moins de 100 habitants, au moins 9 entre 100 et 499, au moins 11 entre 500 et 999. 

Également pour faciliter la transition, la proposition de loi comporte une extension des dérogations au principe de complétude du conseil municipal aux communes entre 500 et 999 habitants – le conseil municipal serait réputé complet à partir de 11 membres.

La députée iséroise reconnaît qu’il y a « un travail de conviction et de pédagogie à faire y compris au sein du Parlement » – la preuve étant qu’elle n’a pas réussi à trouver d’accord avec son co-rapporteur sur le sujet. « Il y a des résistances, mais je pense que les Français sont pour – beaucoup ignorent que la parité n’est pas obligatoire dans les communes de moins de 1000 habitants. Les membres des cabinets ministériels que nous avons rencontrés sont ouverts, et le ministre chargé de la ruralité s’est prononcé pour cette réforme, à titre personnel. Il n’y a plus à tergiverser : il est indispensable d’ouvrir les portes de la démocratie locale aux femmes. »

Et les EPCI ?

Reste la question, bien plus complexe, des conseils communautaires, unanimement décrits comme les mauvais élèves de la parité, voire « des zones blanches de la parité ». L’explication est simple : 80 % des maires sont des hommes, et dans les communautés de communes en particulier, ce sont les maires qui siègent au conseil communautaire. D’où un déséquilibre très important en termes de parité. La seule véritable solution viendra de l’augmentation du nombre de femmes maires… mais elle est lente. 

En attendant, Élodie Jacquier-Laforge propose dans son texte une « première étape, un début ». Si la formulation législative est un peu compliquée, l’idée est simple : c’est la représentativité « en miroir » des femmes dans les bureaux des EPCI. Autrement dit : il devrait y avoir au moins la même proportion de femmes vice-présidentes d’EPCI que de femmes siégeant au conseil communautaire : « Si 35 % de femmes siègent au conseil communautaire, il faut qu’au moins 35 % des vice-présidents soient des femmes, explique Élodie Jacquier-Laforge. Cela n’aboutira pas à la parité dans les conseils communautaires, mais ce sera un début. Et c’est évidemment un minimum. »

Effets pervers

Un dernier aspect évoqué dans le rapport n’est, lui, pas inscrit dans la proposition de loi. Il s’agit des effets pervers de la disposition du Code électoral qui veut que si un conseiller communautaire vient à quitter son poste, il doit obligatoirement être remplacé par un conseiller du même sexe. Initialement prévue pour éviter que des hommes remplacent des femmes, cette disposition a eu, dans plusieurs endroits, un effet contre-productif. Exemple parmi d'autres à Castres-Mazamet, récemment conmmuniqué à Maire info par une lectrice, où un conseiller municipal dont la liste n’avait obtenu qu’un seul siège a démissionné. Une femme lui a succédé au conseil municipal… mais elle ne peut siéger, du fait de cette disposition, au conseil communautaire !

Les rapporteurs ont soulevé cette question et ont demandé au ministère de l’Intérieur de se pencher sur dessus. Pourquoi ne pas l’avoir inscrite dans la loi ? « C’est trop tôt, regrette Élodie Jacquier-Laforge. Il faut faire un état des lieux précis de la situation, une évaluation solide et consolidée des effets possibles d’un changement de la loi sur ce sujet. On reproche trop souvent aux députés de voter des lois sans s’être suffisamment penché sur ses effets ! C’est la raison pour laquelle, estimant que nous n’avons pas encore assez de recul sur cette disposition, qui est assez récente, j’ai décidé de ne pas l’inclure dans mon texte. » 

Cette proposition de loi peut-elle être adoptée avant la fin du quinquennat ? « Ce n’est pas impossible, et c’est ce que j’espère », conclut la députée, qui estime que terminer le quinquennat sur cette victoire pour la parité serait « un signe fort ». Elle souhaite, pour ce qui la concerne, que le texte soit examiné pendant la semaine de l’Assemblée, en janvier. 

Accéder à la proposition de loi.




Urbanisme
Loi Climat et résilience : les préfets sommés d'organiser le volet contractuel du ZAN
Tout juste publiée, une circulaire du 30 août somme les préfets d'agir vite pour mettre en place le volet contractuel de l'objectif zéro artificialisation nette d'ici 2050, inscrit dans la loi Climat et résilience. Sans même attendre ses textes d'application.

Quelques jours après la publication de la loi Climat et résilience, une circulaire signée des mains de Barbara Pompili, Jacqueline Gourault et Emmanuelle Wargon, a été diffusée aux préfets pour mettre en place le plus rapidement possible le cadre contractuel de l’objectif ZAN. Objectif : tenir les délais (très) contraints de la loi pour sa déclinaison dans les documents d’urbanisme –  d’ici 2 ans au niveau régional, d’ici 6 ans maximum au niveau local.

Sans attendre les décrets et circulaires nécessaires à l’application de la loi du 22 août, les préfets sont ainsi sommés « d’inviter les régions à constituer les instances de dialogue associant les collectivités et l’État pour dresser un état des lieux de l’artificialisation des sols et préparer la territorialisation des objectifs qui a vocation à intégrer leurs Sraddet ; de préparer et actualiser les notes d’enjeux de l’État aux collectivités en matière de sobriété foncière qui ont vocation à nourrir cette démarche ; d’accompagner spécifiquement les collectivités du bloc communal dans la préparation des échéances ».

Restructurer le foncier existant

Pour ce faire, la circulaire invite les préfets à utiliser plusieurs vecteurs contractuels, des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) aux outils opérationnels de la loi Élan de 2018 – projet partenarial d’aménagement (PPA), grande opération d’urbanisme (GOU) ou opération de revitalisation des territoires (ORT). Dans le cadre des ORT, le texte fixe un ordre de priorité, les préfets devant commencer « par les villes engagées dans le programme Petites Villes de demain », et « en complétant la couverture des villes engagées dans le programme Action cœur de ville ». 

Côté CRTE, « cadre partenarial propice pour (…) une mise en œuvre rapide des nouvelles orientations en matière d’aménagement de l’espace », l’intégration de cette ambition pourra reposer « sur un diagnostic local préalable, qui identifie les besoins en matière d’habitat, de commerce, d’industrie, d’infrastructures et équipements, en veillant à les penser ensemble, en évitant que ces fonctions se concurrencent entre elles et dans le respect des complémentarités entre les zones urbaines et rurales ». 

Dynamiser le processus des PLUi

Par ailleurs, le texte pousse les préfets à « favoriser et dynamiser le processus des PLUi », l’échelle intercommunale étant « la plus pertinente pour garantir l’efficacité des stratégies territoriales en matière de sobriété foncière dans la durée ». 

La circulaire rappelle les moyens dont disposent les préfets pour accompagner le changement, et notamment, le transfert de la compétence PLU aux intercommunalités. Pour l’heure, seul un tiers des EPCI compétents depuis 2014 ont achevé leur PLUi, en raison des coûts importants « pour produire les études urbaines, foncières, environnementales et conduire les concertations nécessaires ». En ce sens, les préfets sont invités à mobiliser « prioritairement la dotation générale de décentralisation de l’urbanisme, dotée de 23M€ chaque année, au bénéfice des collectivités qui s’engagent dans cette démarche. »

Autres leviers : les dotations aux collectivités (DSIL, DETR, FNADT), ainsi que « les moyens de France relance (Fonds friche, Fonds pour la revitalisation commerciale, aides à la pierre pour le parc privé et le parc social) au bénéfice des projets d’investissement les plus vertueux et en veillant à soutenir les territoires ruraux et les quartiers prioritaires de la politique de la ville. »

Pour mémoire, la loi Climat et résilience fixe un objectif de réduction du rythme d’artificialisation des sols de 50 % dans la décennie à venir, au regard de la consommation réelle observée des espaces naturels, agricoles et forestiers dans la décennie précédente. Un objectif national à décliner dans les schémas régionaux (Sraddet), et dans les documents d’urbanisme (PLU, SCoT, cartes communales). Mais pour être applicables, ces objectifs et déclinaisons dans les différentes parties du territoire régional doivent encore être précisés. De même que la loi renvoie à un décret – annoncé pour janvier 2022 – le soin de définir la nomenclature des espaces artificialisés. Avec cette circulaire, les préfets comme les collectivités pourraient se retrouver fort dépourvues : difficile de discuter… sans en avoir les données. 

L'AMF signale ce matin qu'elle va rapidement organiser un nouveau webinaire sur ce sujet complexe, avec la Fédération des SCoT. 


Circulaire du 30 août relative à la contractualisation et à la planification locale pour lutter contre l’artificialisation des sols.




Santé publique
Santé : 12 recommandations du Sénat pour lutter contre la désertification médicale
Mercredi dernier, Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres et Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin, ont présenté leur rapport d'information sur « les collectivités à l'épreuve des déserts médicaux : l'innovation territoriale en action », fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Synthèse. 

« C’est un sujet qui fait partie des essentiels », indique en préambule Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. L’accès aux soins est en effet « une préoccupation grandissante » pour les Français et pour les élus locaux. 

La présidente le rappelle : « La délégation aux collectivités territoriales se veut extrêmement pragmatique avec un souci d’efficacité dans les rapports qu’elle peut faire. Nous avons le souhait de formuler des recommandations et de communiquer sur des bonnes pratiques qui existent. Les élus locaux, nous le savons, sont des inventeurs de solutions et face parfois à la carence de l’État, au déficit de médecins, les élus ont inventé des solutions pertinentes qui mettent en avant la nécessité d’une bonne articulation entre l’État et les collectivités territoriales. » 

Des bonnes pratiques en référence 

« En matière de méthode, nous sommes partis dans une démarche d’auditions et d’observations », explique Philippe Mouiller, co-rapporteur du rapport Les collectivités à l'épreuve des déserts médicaux : l'innovation territoriale en action. L’AMF, ainsi que d'autres associations d'élus, a été auditionnée à plusieurs reprises par la délégation dans le cadre de la préparation de ce rapport.

Ce rapport insiste en premier lieu sur l’importance pour une région de « développer des synergies fructueuses avec les départements et de veiller à une coordination efficace entre ces derniers ». La région peut en effet attribuer des aides pour favoriser l’installation de professionnels de santé, soutenir des actions de promotion de santé, instruire des dossiers éligibles au Feder (lequel peut être affecté au financement de projets locaux de constructions de maisons de santé), et échanger directement avec l’ARS. 

En termes de bonnes pratiques encouragées par la délégation, on retrouve la création de centres de santé qui ont été créés historiquement par les communes et leurs groupements. « Si cette pratique est développée par un nombre croissant de communes et d'intercommunalités, elle est limitée par une demande de médecins pour le salariat inférieure à l’offre des centres de santé », est-il précisé dans le rapport. 

D’autres solutions sont mises en avant dans ce texte : la création de maisons de santé pluri-professionnelles (MSP) ainsi que la création de centres de santé qui sont des structures sanitaires publiques chargées de pratiquer principalement des soins de premier recours. Plus atypique, l’une des solutions relevée dans le rapport préconise le développement d’une offre en « médecine ambulante ». « En effet, de nombreux élus développent cette modalité particulière d’exercice de la médecine afin de rapprocher l’offre de soins des patients situés en zones sous-denses ; matériellement cela peut prendre la forme d’un bus, est-il précisé dans le texte. Les dispositifs de santé itinérante fonctionnent souvent avec l’aide précieuse de praticiens retraités. » 

D’autres collectivités ont fait des choix différents. Plutôt que de financer des structures de soins fixes ou itinérantes, certaines ont mené « des actions proactives afin de favoriser l’installation des médecins  » (logement, aides à l’emploi du conjoint, cadre de vie...). Les solutions développées par les élus « peuvent également porter sur des actions préventives (par exemple le programme « J’agis pour ma santé » lancé par la métropole de Montpellier en 2017). »

Le rapport évoque bien évidemment le déploiement de la télémédecine en France et surtout dans les territoires « en détresse depuis des années ». De nombreuses personnes interrogées insiste sur le fait que « la crise sanitaire devrait jouer un rôle d’accélérateur du déploiement des télé-cabinets ou des cabinets de télémédecine. »

Sept recommandations aux élus

À partir de ce tour d’horizon des bonnes pratiques, les rapporteurs ont pu émettre 12 recommandations. Sept concernent les élus locaux directement et cinq concernent l’État dans ses rapports avec les collectivités.

La première recommandation : Batir des centres ou maisons de santé « partenariaux », c’est-a-dire en étroite concertation entre les élus locaux et les professionnels de sante (organes représentatifs, conseil départemental de l’ordre...), et ce le plus en amont possible. « On s’est rendu compte sur le territoire que beaucoup d’initiatives heureuses ou malheureuses étaient liées à ce dialogue essentiel entre les élus locaux et les professionnels de santé », précise Philippe Mouiller.

Dans un même temps, renforcer les liens entre les collectivités et les facultés de médecine est indispensable. « Fontainebleau, par exemple, a réussi, avec une antenne universitaire, à créer un label universitaire dans les maisons de santé », explique Patricia Schillinger. Une troisième recommandation est formulée : Favoriser l’installation des médecins dans les zones sous-denses par des dispositifs incitatifs. « Cela peut aller des bourses financières pour les étudiants jusqu’au salariat, précise Philippe Mouiller. Certaines collectivités ont fait le choix de pouvoir directement salarier des médecins et quelques spécialistes. » 

Pour attirer les médecins il faut aussi des aides personnalisées afin de favoriser leur installation dans les territoires (par exemple aides au logement ou actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement). « C’est une démarche globale, on le voit bien et la cinquième recommandation est d’ailleurs celle de la recherche d’un échelon local pertinent », continue Philippe Mouiller. Selon le rapport, deux critères méritent d’être pris en compte : la soutenabilité financière et la technicité du projet. « C’est une question fondamentale qui dépend du territoire et ce niveau doit être évalué pour que le projet puisse durer dans le temps. »

L’avant dernière recommandation porte sur la généralisation des contrats locaux de santé (CLS) sur l’ensemble du territoire. Selon le rapport, « ces contrats, portés conjointement par l’agence régionale de santé et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé, sont l'expression des dynamiques locales partagées entre acteurs et partenaires sur le terrain pour mettre en œuvre des actions, au plus près des populations. » 

Dans une logique de « dernier recours », précise Philippe Mouiller, la recommandation finale à destination des élus porte sur la télémédecine. « La télémédecine ne doit pas se développer au détriment de la venue de médecins dans les territoires sous-dotés », indique le texte. 

Recommandations à l’État 

Le « trait d’union » essentiel entre ces recommandations est la concertation entre tous les acteurs. C’est pour cela que les recommandations formulées à l’État mettent en jeu essentiellement leurs rapports avec les collectivités. 

« Nous souhaitons vraiment que les élus locaux soient associés à la stratégie nationale de réduction des inégalités territoriales, explique Patricia Schillinger. On a remarqué qu’il manquait un outil territorial et national indispensable : une vraie cartographie de l’offre de soins. Il nous faut des outils de pilotage pour anticiper ! » 

Deuxième recommandation évoquée par les rapporteurs : évoquer, sans tabou, sur la formation et la liberté d’installation des médecins. « Nous n’avons pas pris position dans notre rapport car nous sommes des relais mais 100 % des élus que nous avons rencontré disent qu’il faut relancer ce débat. On ne pourra pas avancer tant que l’on n’aura pas relancé ce débat au niveau national, c’est un élément essentiel », insiste Philippe Mouiller. 

Une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires devrait aussi être lancée selon les rapporteurs. Patricia Schillinger précise qu’il « faut trouver une cohérence sur les territoires mais aussi dans les périmètres des départements, des cantons… Il faut que l’équilibre se fasse mieux que ce qu’il est fait aujourd’hui ». La cohérence territoriale serait la clef pour lutter efficacement contre la désertification médicale. 

L’avant dernière recommandation porte sur le renforcement du rôle facilitateur des ARS. « On a besoin de plus de proximité entre les ARS et les élus locaux », explique Philippe Mouiller. Certains élus ont rapporté avoir bénéficié d’un bon accompagnement lors de la création d’un centre de santé mais d’autres élus se sont retrouvés seuls dans leurs démarches. 

Il faudrait, enfin, associer davantage les collectivités territoriales à la politique menée par l’ARS. « Cette recommandation suppose, dans le cadre du projet de loi dit « 3DS » : de renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l’ARS ; d’élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS ; d’associer les collectivités locales à la détermination des déserts médicaux ». 

Des idées pour des évolutions législatives 

Ce rapport qui fait office de « boîte à outils » appuie sur le fait, selon Philippe Mouiller, « qu’il y a une urgence d’avoir des évolutions législatives tant sur la formation que sur l’installation. » Pourtant, on ne retrouve pas de recommandation concernant la légitimité des maires dans le domaine de la santé. Mercredi dernier, Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission Santé de l’AMF, confiait à Maire info que l’AMF réfléchissait à des pistes pour tenter de résorber les problèmes récurrents de la désertification médicale avec notamment la question de la gouvernance. « Les maires doivent redevenir présidents des conseils d’administration des hôpitaux », indiquait-il. Si le rapport loue les actions de certains élus, il n’est à aucun moment question de reconsidérer leurs capacités d’action, mais plutôt d’encourager un travail plus collectif entre les collectivités et l’État. 

Rappelons qu'au congrès de l’AMF, le jeudi 18 novembre à 9 h 30, un forum sera consacré au thème : « Agir pour la santé des habitants ».




Sécurité
Utilisation de drones dans les communes : une expérimentation très restreinte adoptée au Sénat
Le Sénat a adopté, mardi, le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Les sénateurs ont introduit dans le texte la possibilité pour les polices municipales de recourir à des drones, mais en deçà de ce que proposait l'AMF. 

Ce texte, déjà adopté par l’Assemblée nationale le 23 septembre (lire Maire info du 24 septembre), est en partie consacré à la responsabilité pénale – et notamment à la question de savoir le degré de responsabilité pénale d’une personne qui a commis un crime sous l’emprise de stupéfiants ; à la création d’une réserve opérationnelle de la police nationale ; et à l’utilisation des drones en matière de sécurité. 

Drones et sécurité publique

Sur ce dernier point, on se rappelle que le gouvernement avait introduit des dispositions dans le projet de loi Sécurité globale, mais que celles-ci avaient été censurées par le Conseil constitutionnel, en mai dernier. La nouvelle mouture de ces dispositions permet un usage plus encadré des drones en matière de sécurité, conformément aux remarques du Conseil constitutionnel.

À l’Assemblée nationale, déjà, un amendement avait été introduit – soutenu par l’AMF – pour permettre d’expérimenter l’usage des drones par les policiers municipaux et les gardes-champêtres. Jugé irrecevable, cet amendement a été retiré à l’Assemblée nationale. Il a été réintroduit au Sénat, mais modifié en commission des lois de façon assez radicale. Le principe d’une expérimentation reste posé, mais son champ d’application réduit largement le nombre de communes bénéficiaires. 

L’amendement de l’AMF et ce qu’il en reste

L’amendement porté par l’AMF à l’Assemblée nationale proposait une expérimentation assez large, ouverte aussi bien aux policiers municipaux qu’aux gardes champêtres. L’idée était de permettre l’utilisation de drones pour « assurer l’exécution des arrêtés de police du maire », notamment dans deux domaines spécifiques : le respect des règles d’urbanisme et le respect des arrêtés municipaux relatifs à l'environnement, notamment aux dépôts sauvages. On voit bien, très concrètement, comment les drones pourraient en effet être utilisés pour contrôler visuellement le respect ou le non-respect de certaines règles, en permettant une vision d'ensemble sur une zone. 

Au Sénat, le même amendement a été présenté, défendu notamment par Françoise Gatel. En commission des lois, les rapporteurs du texte, Loïc Hervé et Muriel Jourda, ont modifié cet amendement en en réduisant fortement la portée : les gardes-champêtres ont été exclus de l’expérimentation ce qui, déjà, limite celle-ci aux seules communes, très minoritaires, qui disposent d’une police municipale. Quant au champ de l’expérimentation, il s’est également beaucoup éloigné de la proposition initiale : plus de possibilité de surveiller le respect des règles d’urbanisme et de dépôts sauvages, mais seulement « la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles, (…) la régulation des flux de transport (et) la surveillance des espaces naturels ». En séance, cet article a été encore un peu plus raboté par amendement, puisque la « surveillance des espaces naturels » a été supprimée. En revanche, il a été ajouté la possibilité d’utiliser les drones pour « les mesures d’assistance et de secours aux personnes nécessaires en cas de survenue d’accidents ou de fléaux calamiteux, lorsque la direction des opérations de secours relève de l’autorité de police du maire. »

La disposition ainsi rédigée a été adoptée avec, il faut le noter, l’accord du gouvernement. Il s’agirait d’une expérimentation de cinq ans, très encadrée par les préfets puisque ceux-ci seraient chargés non seulement de délivrer les autorisations mais également de fixer eux-mêmes le nombre de caméras pouvant être utilisées par les différentes polices municipales. 

Tel qu'il a finalement été rédigé, on peut dire de cet amendement répond partiellement aux attentes mais qu’il est destiné essentiellement au monde des villes : le fait que les gardes champêtres en soient exclus et le champ d’application choisi évincent, de fait, presque totalement les communes rurales de cette expérimentation, malgré « la demande forte des élus » relayée au Sénat par Loïc Hervé.

Reste à savoir de toute façon si cette disposition restera dans le texte après la commission mixte paritaire, dont la date n’est pas encore fixée pour l’instant. 

Accéder au texte adopté par le Sénat.







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