Édition du lundi 26 juillet 2021

Coronavirus
Projet de loi sanitaire définitivement adopté : ce qui reste dans le texte et ce qui n'y est plus
Députés et sénateurs ont fini par se mettre d'accord, hier soir, sur le texte consacré au pass sanitaire et à l'obligation vaccinale, au terme de cinq jours de marathon parlementaire. Le texte est assez proche de celui qui avait été proposé par le gouvernement, à l'exception d'un certain nombre de points que Maire info détaille. 

L’époque est décidément aux compromis impossibles entre Assemblée nationale et Sénat. Après la loi Climat et résilience, où les vues des deux assemblées paraissaient irréconciliables avant qu’un accord soit trouvé à l’arraché, c’est sur le projet de loi sanitaire que la commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, a finalement trouvé un compromis. 

Le texte du Sénat

Samedi, les sénateurs avaient rendu leur copie – assez sensiblement différente de celle de l’Assemblée nationale : rétablissement de l’état d’urgence sanitaire, refus d’appliquer le pass sanitaire dans les centres commerciaux, suppression des licenciements pour les salariés ne présentant pas de pass sanitaire dans les secteurs où il est obligatoire et pour les personnels soignants qui refuseraient de se faire vacciner, possibilité pour les jeunes entre 16 et 18 ans de se faire vacciner sans accord parental, remplacement de l’obligation de placement à l’isolement des personnes infectées par un simple « engagement » de la personne à rester chez elle… Il a donc fallu de longues heures de discussion en CMP – et des concessions des deux côtés – pour parvenir à une version commune, qui a finalement été adoptée par les deux chambres dans la soirée, après une ultime modification du gouvernement. 

Période transitoire et état d’urgence

Le premier compromis trouvé l’a été sur les dates de la période de transition, pendant laquelle le Premier ministre conserve des pouvoirs spéciaux. Le gouvernement souhaitait que celle-ci coure jusqu’à 31 décembre ; les sénateurs voulaient, eux, « appeler un chat un chat » et rétablir l’état d’urgence sanitaire, arguant, comme beaucoup de parlementaires et d’élus depuis le mois de juin, que cette « période transitoire » voulue par le gouvernement est en réalité un état d’urgence qui ne dit pas son nom. 

Finalement, il a été acté que la période transitoire serait prolongée, mais jusqu’au 15 novembre seulement au lieu du 31 décembre. Au-delà, le gouvernement devra revenir devant le Parlement s’il souhaite la prolonger.

L’état d’urgence sanitaire est en revanche bien présent dans la loi, puisqu’il est décrété à la Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ; le texte anticipe également la possibilité d’une mise en place de l’état d’urgence à Mayotte – ce qui semble surprenant, dans la mesure où Mayotte est, à ce jour, le département où le taux d’incidence (4 pour 100 000) est le plus bas du pays.

Certains centres commerciaux soumis au pass sanitaire

Les plus âpres discussions ont eu lieu sur le pass sanitaire, qui, au final, devrait bien être exigé dès la publication de la loi dans de nombreux lieux, dont les transports longue distance, les restaurants et cafés, les établissements de santé (sauf en cas d’urgence), en plus des lieux de culture et de loisir où il est déjà obligatoire. Le Sénat souhaitait que le pass ne soit pas exigé pour la restauration en extérieur (terrasses), il n’a pas obtenu gain de cause. En revanche, la « vente à emporter de plats préparés » en sera exemptée. 

À l’issue de la CMP, les centres commerciaux avaient bel et bien été exclus du champ du pass sanitaire. Mais lors de l’ultime lecture de ce texte, lors de laquelle les parlementaires n’ont plus le droit de déposer des amendements, le gouvernement a fait usage de son droit à amender le texte – droit qui n’est utilisé que de façon rarissime. Le gouvernement a déposé un unique amendement, rétablissant le pass sanitaire dans les centres commerciaux, et celui-ci a été adopté par les deux chambres (« au pied du mur », dira même le rapporteur du texte au Sénat, Philippe Bas). Les « grands magasins et centres commerciaux » pourront donc être concernés, sur « décision motivée » du préfet, et en tenant compte de l’offre commerciale et de l’offre de transports sur le territoire concerné. Un « seuil » de surface minimale (on parle de 20 000 mètres carrés) sera défini par décret. 

Ces nouvelles règles sur le pass sanitaire seront mises en place en trois temps : dès la parution de la loi pour le public adulte ; à partir du 30 août pour les personnes qui y travaillent (salariés, agents ou bénévoles) ; et à partir du 30 septembre pour les « mineurs de plus de douze ans ». 

Point important : pour les gérants et exploitants de lieux soumis au pass sanitaire qui ne contrôleraient la présentation de celui-ci, les règles changent. Alors que le gouvernement proposait une amende forfaitaire, le Sénat a obtenu l’adoption d’un autre dispositif : en cas de manquement (c’est-à-dire si, par exemple, un restaurateur ne contrôle par le pass sanitaire pour ses clients), le propriétaire ou gestionnaire reçoit une « mise en demeure » de « l’autorité administrative ». (Le texte ne précise pas quelle sera cette autorité administrative : le maire ou le préfet ?) Si au bout de 24 h le propriétaire ne s’est pas conformé à la réglementation, il pourra faire l’objet d’une mesure de fermeture administrative de sept jours maximum. Si un même manquement est constaté trois fois sur une période de 45 jours, le propriétaire ou le gestionnaire tombera sous le coup d’une amende de 9 000 euros et d’une peine d’un an de prison.

La définition du pass sanitaire ne change pas, du moins pour l’essentiel du public : il peut s’agir ou d’un certificat de vaccination complète, ou d’un test négatif de moins de 48 h, ou d’un certificat de rétablissement du covid-19, c’est-à-dire un test positif datant de moins de 6 mois et plus de 11 jours. Des règles spécifiques ont été édictées pour les soignants, qui sont décrites plus bas. 

Il a été conservé l’application des circonstances aggravantes pour toute violence contre des personnes chargées de contrôler le pass sanitaire. Pour l’utilisation ou la diffusion de faux pass sanitaires, la peine encourue est une amende de 4e ou 5e classe (135 à 1 500 euros), voire de la prison en cas de récidive. 

Obligation vaccinale

Le chapitre sur l’obligation vaccinale a été quelque peu modifié, non sur la liste des professionnels concernés, qui n’a quasiment pas bougé, mais sur le parcours vaccinal et les sanctions. Sur la liste des personnes concernées, un seul changement à noter : tous « les membres des associations agréées de sécurité civile » ne seront pas concernés par l’obligation vaccinale, mais seulement ceux qui interviennent sur « des opérations de secours » ou lors des grands rassemblements. 

Là encore, l’obligation vaccinale se mettra en place par étape, et un délai de grâce d’un mois a été décidé. Première étape : de la publication de la loi jusqu’au 14 septembre, les professionnels concernés n’auront le droit d’exercer que sur présentation d’un pass sanitaire. À partir du 15 septembre, ils devront être vaccinés, mais sans avoir obligatoirement achevé leur « parcours vaccinal » (deux doses plus sept jours) : « par dérogation », du 15 septembre au 15 octobre, les personnes pourront venir travailler si elles justifient de l’injection d’au moins une dose, sous réserve, dans ce cas, de présenter régulièrement à leur employeur un test négatif. Enfin, à partir du 15 octobre, il sera obligatoire de justifier du schéma vaccinal complet. Cette mesure a été ainsi résumée, en fin de débats, par Olivier Véran, le ministre de la Santé, qui a donné l’accord du gouvernement au dispositif : « Les soignants ayant reçu une première injection avant le 15 septembre disposeront d'un délai supplémentaire pour achever leur parcours vaccinal jusqu'au 15 octobre, pour donner le maximum de chances à la mobilisation collective. » 

Plus de licenciement automatique

Les sénateurs ont également obtenu satisfaction sur un point : il n’y aura pas de licenciement pour les personnes qui refusent l’obligation vaccinale ou le pass sanitaire : les personnes concernées se verront proposer de mobiliser leurs congés, puis seront mises en congé sans solde pendant deux mois (sauf si elles présentent entretemps les justificatifs demandés). Au-delà des deux mois, le congé sans solde sera prolongé, ce qui ne laissera à l’intéressé que deux possibilités : ne plus percevoir aucune rémunération ou démissionner. 

Pour le cas des personnes travaillant dans des ERP où la présentation d’un pass sanitaire est obligatoire, l’employeur privé ou public devra toujours, sous trois jours, convoquer le salarié ou l’agent à un entretien pour discuter de la situation avec lui et lui proposer, si possible, une autre affectation temporaire « à un poste non soumis à cette obligation ». 

En revanche, pour les professionnels de santé soumis à l’obligation vaccinale, le texte final a supprimé l’entretien entre l’employeur et le salarié ou l’agent. La suspension prendra effet, après l’information du salarié ou de l’agent, dès que l’employeur constatera que ce dernier « ne peut plus exercer ses fonctions » au regard de la loi. 

Isolement

Enfin, dans le texte final, l’obligation d’isolement pour les personnes infectées par le covid-19 a été rétablie. Seul changement : le contrôle de cette obligation reviendra en premier lieu à l’Assurance-maladie. Autrement dit, les forces de l’ordre qui iront visiter une personne malade à son domicile pour vérifier qu’elle y est présente agiront sur réquisition de l’Assurance-maladie. Rappelons que les policiers municipaux seront habilités à procéder à ces contrôles. Plus précisément, en cas de constat ou de suspicion du non-respect de l’isolement, l’Assurance-maladie saisira l’ARS, qui saisira le préfet, qui, à son tour, ordonnera le contrôle domiciliaire. 

***

Il reste à présent une dernière étape à franchir avant la promulgation de la loi : celle de l’avis du Conseil constitutionnel, qui a été saisi à la fois par le gouvernement lui-même et par l’opposition. Tant que le Conseil constitutionnel n’aura pas validé le texte, celui-ci ne pourra être promulgué, et les obligations qu’il contient ne s’appliqueront pas. 

Maire info reviendra sur ce texte au moment de sa promulgation si les Sages censurent des éléments importants de ce texte. 

Accéder au texte adopté.




Coronavirus
Projet de loi sanitaire : le Parlement bien loin de l'unanimité
Lors de l'adoption définitive du projet de loi sur le pass sanitaire et l'obligation vaccinale, les groupes parlementaires ont pu s'exprimer, certains se félicitant du compromis trouvé et d'autres faisant part de leur amertume, voire leur colère. Revue de détail. 

Sans surprise, le ministre de la Santé, devant le Sénat comme devant l’Assemblée nationale, hier soir, s’est longuement félicité de l’adoption d’un texte de compromis, saluant les « soixante heures de débat », « l’engagement des parlementaires » et de nouveaux dispositifs « plus proportionnés, (…) plus gradués, plus pondérés et, nous le croyons, tout aussi efficaces. » Olivier Véran a également salué le fait que les deux chambres ont accepté l’amendement de dernière minute proposé par le gouvernement sur le pass sanitaire dans les centres commerciaux (lire article ci-dessus), destiné à éviter, « en cas de flambée épidémique », la fermeture de ces centres commerciaux. 

C’est d’ailleurs le principal avantage que les défenseurs de ce texte – sur les bancs de la République en marche en particulier – lui trouvent : ne pas avoir à restreindre à nouveau, à l’avenir, « la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté de travailler, d’étudier, d’accéder aux lieux culturels », c’est-à-dire éviter un nouveau confinement (Yaël Braun-Pivet). 

Les défenseurs du texte n’ont pas cherché à cacher que ce texte consacre un affaiblissement des libertés individuelles, rendu nécessaire par la remontée en puissance de l’épidémie et le variant Delta : « Personne ne se satisfait des mesures contenues dans le projet de loi. Personne ne se satisfait de leur mise en application un peu brutale, car très rapide. Malgré tout, les chiffres sont là ; l’évolution de l’épidémie est là », a reconnu Pascal Brindeau (UDI). « Oui, le succès coûte l’effort. C’est vrai, nous proposons aux Français de la rigueur, du courage et des obligations. Il faut les assumer ! », a renchéri Jean-Louis Bourlanges (MoDem). « J'entends les arguments sur l'atteinte aux libertés, mais j'estime pour ma part que le pass sanitaire peut être un passeport pour une liberté retrouvée. Sans mesures fortes, un nouveau confinement ne pourra être évité », a également plaidé, au Sénat, Véronique Guillotin (Mouvement radical).

Les Républicains, par la voix de Philippe Gosselin, ont décidé de soutenir ce texte malgré « certains désaccords » : « Notre parti assume des différences avec la majorité mais assume aussi de s’engager. Aujourd’hui il y a urgence car nul ne peut ne contester que nos concitoyens ont besoin de protection. Nul ne peut contester que des mesures doivent être prises. La maison brûle, nous ne regarderons pas ailleurs. » 

À gauche, les socialistes ont voté contre le texte non seulement par désaccord avec certaines mesures jugées attentatoires aux libertés, mais surtout parce que groupe souhaitait l’extention de la vaccination obligatoire à toute la population. Il aurait fallu « la vaccination universelle et massive contre le covid », a plaidé Gérard Leseul. « Cette mesure aurait pu être progressive, concerner l’ensemble des concitoyens et ne pas stigmatiser une ou deux professions. » 

Quant à la France insoumise, qui a proposé une motion de rejet du texte dans son ensemble, elle s’est indignée, par la voix du président de groupe Jean-Luc Mélenchon, d’une loi « liberticide » : « Liberté conditionnelle, donc, comme pour les condamnés qui se sont bien tenus ! C’est la société du contrôle permanent. Le pass sanitaire sera vérifié cent fois par jour ; à tout propos, vous ferez scanner et rescanner la population par toutes sortes de gens sans mandat, y compris par des gens qui ne le souhaitent pas ! ». 

Critiques sur les conditions du débat

À l’Assemblée nationale comme au Sénat, plusieurs orateurs se sont exprimés autant sur le fond du texte que sur la manière dont il a été débattu – en cinq jours, jour et nuit, au sens propre du terme. Les deux dernières séances publiques, au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg, qui devaient adopter le texte de la CMP, se sont tenues quelques minutes après la fin de celle-ci. Les parlementaires, s’est plaint un sénateur, ont donc dû s’exprimer « à l’aveugle » sur un texte final qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier en profondeur. « Nous achevons dans le chaos l'examen de ce texte », s’est désolée la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie. « Nous avons travaillé dans des conditions extrêmement difficiles, sans doute mal travaillé. Nous avons manqué de recul pour apprécier des mesures graves, attentatoires aux libertés et parfois assumées comme telles. Le Parlement doit pouvoir légiférer dans des conditions décentes. » 

Enfin, plusieurs parlementaires se sont indignés du dépôt d’un amendement par le gouvernement après l’accord de la CMP – comme le communiste Pierre Dharréville : « Il est étonnant de voir un gouvernement corriger par un amendement la copie issue de (la) CMP. C’est pour nous le signe de l’abaissement du Parlement, que nous dénonçons depuis trop longtemps désormais. » 

Le texte a finalement été adopté par les deux chambres, aussi partagées l’une que l’autre : au Sénat, 195 voix pour et 129 contre ; à l’Assemblée nationale, 156 voix pour, 60 contre. La session extraordinaire du Parlement a été officiellement clôturée hier, à l’issue de ce vote. Les débats reprendront, à nouveau en séance extraordinaire, le 24 septembre.




Santé publique
Un an après le Ségur de la Santé, les maires veulent être « une partie de la solution »
Un an après le Ségur de la Santé, le gouvernement a réuni, mardi, un nouveau comité de suivi du Ségur pour faire le point sur l'avancement des mesures décidées l'an dernier. Côté gouvernement, le ton était plutôt à la satisfaction, estimant que les trois quarts des objectifs sont atteints. Les représentants des élus se sont montrés un peu moins optimistes.

« Cent réunions au ministère, près de 200 contributions écrites, plus de 118 000 réponses de professionnels de santé, plus de 200 réunions organisées… ». Le ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, a rappelé le travail considérable qui a présidé, l’an dernier, à l’organisation du Ségur de la Santé, « événement qui a changé la donne au cœur de la tempête », selon lui. 
Outre les crédits dégagés pour la revalorisation des salaires des soignants (9 milliards d’euros) et les investissements de modernisation (19 milliards d’euros), le Ségur est aussi, pour le ministre, « un changement de méthode et de regard sur notre société : co-construire, décloisonner, privilégier le travail collectif et la proximité territoriale ».

Les premières réalisations du Ségur

Dans un dossier de presse très étoffé, le gouvernement fait un point d’étape sur les mesures réalisées à ce jour, affirmant que « 75 % » de celles-ci sont devenues réalité (« réalisées ou en cours de déploiement »). « Cinq ordonnances, 17 décrets et 36 arrêtés » ont été pris pour concrétiser ces décisions. 

En matière de revalorisation des salaires, le gouvernement annonce qu’une revalorisation nette de 160 à 183 euros a été effectuée pour les personnels non-médicaux, et de 183 à 578 euros net par mois pour les personnels infirmiers. Des augmentations dont les syndicats contestent toutefois la réalité, la CGT estimant par exemple qu’il s’agit d’une « tromperie médiatique » et que « nombreux sont ceux qui n’en ont jamais vu la couleur ».

Sur le terrain des investissements, les 19 milliards d’euros débloqués à l’occasion du Ségur se répartissent en trois enveloppes (15,5 milliards pour le volet sanitaire, 2,1 milliards pour le médico-social et 1,4 milliard pour le numérique). Une circulaire de cadrage sur ces investissements (lire Maire info du 18 mars) a été publiée depuis.

Sur ce terrain de la gouvernance, le gouvernement se félicite là encore des réalisations : publication de l’ordonnance relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital (mars 2021), suppression du très décrié Copermo (Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers), remplacé par le Cnis (Conseil national de l’investissement en santé), qui associe des représentants des élus locaux (AMF, ADF et Régions de France). 

Parmi les autres mesures engagées, on peut citer la réduction de la part de la T2A (tarification à l’activité) : un nouveau mode de financement, appuyé non plus seulement sur l’activité des services mais également sur un critère populationnel, va être mis en place. Il l’a déjà été, depuis le mois de janvier, pour les services d’urgences. 

Pour l’année à venir, les ministres ont notamment annoncé que les objectifs prioritaires seraient « la concrétisation des engagements du Ségur dans les territoires,  le renforcement de la coopération ville-hôpital et le recrutement de 15 000 professionnels dans les établissements de santé ». 

Les maires, « ensembliers et facilitateurs »

Lors du comité de suivi de mardi, les représentants des élus locaux ont pu s’exprimer, et sans remettre en cause les avancées du Ségur de la Santé, ils ont dressé un tableau moins optimiste de la situation dans les hôpitaux. Frédéric Chéreau, maire de Douai et co-président de la commission santé de l’AMF, a notamment pointé « l’épuisement » des soignants et le nombre important des démissions, en particulier dans les services d’urgence. Il s’en explique ce matin pour Maire info : « Avec le Ségur, il y a des choses qui ont été faites, c’est indiscutable. Mais la situation reste très tendue, avec un épuisement et une perte de motivation de certaines équipes qui rendent la situation plus difficile qu’avant la crise. »  

Frédéric Chéreau a également insisté sur les conséquences de l’épidémie de covid-19 en matière de répartition des charges entre hôpital public et privé : les établissements publics ayant été presque totalement accaparés cette année par les conséquences de la crise sanitaire, une partie de leurs activités se sont reportées sur le privé avec, à la clé, un important déséquilibre entre la situation financière des deux secteurs aujourd’hui. « Dans les Hauts-de-France, note ce matin le maire de Douai, tous les hôpitaux publics sont en déficit. Comment vont-ils faire pour boucler leur budget ? Reprendre l’activité à marche forcée, en cherchant à faire de l‘activité à tout prix pour faire rentrer un peu d’argent ? C’est ce que j’appelle ‘’l’effet Knock’’, et ce n’est évidemment pas souhaitable. Nous n’avons pas besoin que les hôpitaux fassent de l’activité pour l’activité : ce qu’il faut au contraire, c’est faire en sorte que les patients aient de moins en moins besoin d’aller à l’hôpital ! »  

D’où la nécessité, défendue par Frédéric Chéreau et l’AMF, de créer de nouvelles « passerelles » entre la médecine de ville et l’hôpital. « Il faut des hôpitaux experts, et une médecine de ville capable de prendre en charge ceux qui doivent l’être, explique le maire de Douai. Il faut donc plus de collaboration entre les deux secteurs, il faut qu’ils se parlent, qu’ils travaillent ensemble, alors que du côté de l’État, on a tout fait pour séparer les deux. Il y a d’un côté les ARS qui s’occupent des hôpitaux, de l’autre la Cnam qui gère les médecins de ville. Nous militons pour qu’il existe des lieux où puisse se faire la synthèse entre les deux. Et les maires sont capables de faire cela, ce sont des ensembliers, ils peuvent être facilitateurs de ce dialogue entre la ville et l’hôpital, en intégrant y compris le médico-social et les acteurs essentiels que sont les associations, qui sont au plus près des habitants. Nous sommes, nous les maires, une partie de la solution ! »

Et le maire de Douai de conclure : « On accuse souvent les maires d’être des demandeurs d’argent. Bien sûr, nous réclamons des moyens ! Mais là, ce que nous proposons, c’est de travailler plus intelligemment, de réfléchir à une organisation locale et intégrée de la médecine, de mettre l’accent sur la prévention pour que demain, les gens aient moins besoin d’aller à l’hôpital. Et cela, demain, ça coûtera moins cher. »




Élus locaux
Crise sanitaire : les Français critiquent la gestion des pouvoirs publics et réaffirment leur confiance dans les maires
Interrogés par le Cevipof et l'AMF, les Français jugent positivement l'action des maires mais sont plus sévères à l'égard de l'Etat. Concernant la décentralisation, une majorité d'entre eux estime que le principe d'efficacité doit primer sur celui d'égalité territoriale.

Les débats qui ont opposé l’Etat, partisan d’une gestion centralisée de la crise sanitaire, et les maires, fervents défenseurs d’une réponse de proximité, n’ont pas échappé aux Français. L’enquête de l’Observatoire de la démocratie de proximité, réalisée par le Cevipof et l’AMF auprès d’un échantillon de 10 105 personnes âgées de 18 ans et plus, du 7 au 11 juillet, le démontre : interrogés sur la gestion de l’épidémie, les Français livrent une opinion contrastée qui est cependant plutôt favorable aux maires. Ainsi, 70 % des Français jugent comme « justes » (c’est-à-dire ni insuffisantes, ni exagérées) les mesures prises par les maires pour lutter contre la COVID, contre seulement 46 % pour le président de la République. Ces mesures ont été perçues comme « insuffisantes » et « exagérées » de la part des maires pour respectivement 21 % et 9 % des personnes interrogées. Une proportion qui atteint 36 % et 18 % pour le chef de l’État. 

Cependant, en dépit des multiples initiatives prises par les maires et de la bonne appréciation des Français, ces derniers jugent sévèrement l’action des pouvoirs publics. Interrogés sur le rôle des acteurs publics face à la crise sanitaire, le manque de transparence (37 %), l’impréparation (34 %) et l’incompétence (32 %) sont les trois principaux qualificatifs qu’ils mettent en avant pour évaluer la manière dont ils ont géré l’épidémie, loin devant la responsabilité (23 %), la réactivité (15 %) et l’efficacité (13 %). Mais que les maires se rassurent : la crise sanitaire n’a pas écorné le degré de confiance des Français à leur endroit, qui progresse même (74 % contre 71 % en 2019). Le maire reste l’élu préféré des Français, loin devant les autres élus, locaux et nationaux. Et le fort taux de renouvellement des maires en 2020 (40 %) n’a pas entamé leur crédit, bien au contraire.   

Excès de centralisation dans la gestion de la crise

« Durant cette période inédite de mise à l’arrêt de l’appareil productif et de gestion d’une épidémie mortelle, l’ensemble de la chaîne de décision publique a été mobilisée avec parfois des désordres dans la coordination de l’action des services de l’État et des collectivités territoriales », souligne le Cevipof en rappelant que l’épidémie a « mobilisé voire réquisitionné les équipes municipales pour suppléer un appareil d’État impréparé à l’ampleur du choc et aux nombreuses réponses d’intervention à concevoir ». En novembre 2020, les maires eux-mêmes avaient déjà jugé sévèrement la gestion de la crise par l’État en déplorant ne pas avoir été suffisamment associés à la mise en œuvre de l’état d’urgence. 
C’est précisément ce que les Français pointent du doigt et leur sévérité plus grande à l’égard du chef de l’État sanctionnerait « un excès de centralisation dans la décision publique ». « Ainsi, rappelle Martial Foucault, directeur du Cevipof, plusieurs maires ont pris l’initiative d’avoir recours aux arrêtés municipaux pour limiter les déplacements, pour fermer des sections d’école maternelle, pour imposer des restrictions de consommation, pour rendre obligatoire le port du masque à l’extérieur… Souvent invalidées par le tribunal administratif, ces initiatives soulignent l’implication des maires face à une coordination grippée avec l’État. C’est le cas par exemple de la distribution de masques où plusieurs maires et leurs équipes ont décidé, très tôt, de faire l’acquisition de stocks de masques pour les mettre à disposition de leurs administrés », quand l’État se montrait défaillant et ne remboursait ensuite que partiellement les dépenses engagées par les communes. « C’est encore le cas lors du lancement de la campagne de vaccination avec l’ouverture de bâtiments municipaux », souligne le Cevipof. L’AMF avait du reste alerté l’État, dès le mois de décembre 2020, sur le fait que le succès de la campagne nationale de vaccination reposerait sur un partenariat étroit avec les maires. Et la réalité a confirmé ses dires.

Décentralisation : privilégier l’efficacité à l’égalité

L’excès de centralisation dans la gestion de la crise sanitaire ne fait pas pour autant des français les chantres de la décentralisation même s’ils appellent des évolutions en la matière. L’enquête Cevipof-AMF révèle en premier lieu que « près d’un Français sur deux [48 %] déclare connaître et comprendre ce qu’est le processus de décentralisation » (59 % dans les villes de 200 000 habitants et plus). Un tiers a déjà entendu parler du principe sans pour autant comprendre de quoi il s’agit. Enfin, « 17 % des personnes interrogées ne connaissent pas le processus ». 
Le Cevipof constate que « plus le niveau de connaissance sur la décentralisation est élevé, plus la demande de transfert de compétences et donc d’autonomie des collectivités territoriales est élevée. À l’inverse, le statu quo est privilégié chez les personnes les moins informées ». Globalement, un gros quart des Français (28 %) souhaite « aller beaucoup plus loin vers plus de libertés (ou compétences) aux collectivités », la moitié (53 %) souhaite « aller un peu plus loin sur certaines compétences locales », 12 % « rester à l’état actuel » et 7 % « redonner davantage de pouvoirs à l’État ».

Quel que soit le niveau de connaissances de la décentralisation des personnes interrogées, mais aussi la taille de la commune dans laquelle ils résident, « une large majorité se dégage pour privilégier un modèle d’organisation politique où les décisions seraient prises au nom d’un principe d’efficacité justifiant une adaptation dans chaque territoire (75 %) contre un principe d’égalité territoriale (25 %) » sur tout le territoire national, souligne le Cevipof. Toutefois, les raisons invoquées pour justifier davantage de décentralisation dépassent le seul principe de l’efficacité : l’enquête montre ainsi que « la prise en compte des réalités différenciées du territoire (35 %), la capacité de saisir les besoins des citoyens (34 %) et la rapidité des décisions (33 %) sont les principales motivations pour une accélération du mouvement de décentralisation », explique le Cevipof. 
À l’inverse, « le risque d’inégalités territoriales (41 %), la crainte d’un manque de moyens pour certaines collectivités territoriales (30 %) et d’une augmentation des dépenses publiques (30 %) ou encore du retrait de l’État (18 %) dans les territoires » sont les premiers motifs avancés par le quart des Français attachés au principe d’égalité territoriale pour maintenir une organisation centralisée de l’État. 

Télécharger les résultats de l'enquête du Cevipof.




Élections
Assesseurs : lors des dernières élections, près de 1 300 bénévoles ont proposé leur aide via la réserve civique
Face au manque de volontaires pour tenir les bureaux de vote le mois dernier, à l'occasion des élections régionales et départementales, la plateforme numérique publique JeVeuxAider.gouv.fr a contribué à aider près de 400 maires à trouver des assesseurs et scrutateurs bénévoles en urgence. 

« Un dispositif inédit et efficace. » Un mois après les élections départementales et régionales, le service gouvernemental en charge de l’« Engagement civique » affiche sa satisfaction devant les résultats de la plateforme « JeVeuxAider » qui a permis de mettre en relation des communes en difficulté et des bénévoles, en pleine crise sanitaire.

115 assesseurs recrutés à Marseille

Alors que le manque d’assesseurs et de secrétaires pour tenir les bureaux de vote était un véritable problème, début juin, la plateforme a permis à 380 maires de résoudre ce casse-tête en allant piocher directement dans le réservoir de bénévoles engagés dans la réserve civique.

Parmi eux, 115 ont par exemple été mobilisés à Marseille via la plateforme en tant qu’assesseurs, 40 à Salon-de-Provence, 38 à Chambéry, 37 à Tours, ou encore 32 à Dijon. En tout, ce sont ainsi 1292 bénévoles qui ont proposé leur aide.

« Ce dispositif est réactif », explique-t-on ainsi à la mairie de Clermont-Ferrand (dans un témoignage recueilli par le service chargé de l’« Engagement civique »), et pour qui la plateforme a permis de recruter sept assesseurs sur 23 candidats. Un coup de main qui a rendu « service à quelques bureaux de vote en difficulté ».

Des candidats déjà prêts « pour la prochaine fois »

Ayant retenu 12 assesseurs sur 19 candidats, le directeur de la Réglementation, des Affaires générales et du Commerce de la ville de Bourges, Hervé Segart, a également fait part à l’administration de sa « surprise » devant « le nombre de volontaires ».

Et contrairement aux assesseurs « traditionnels » qui sont « désignés par les partis politiques », Hervé Segart a observé que, « sur la plateforme, il s’agit de personnes ayant un sens civique important et pour la plupart actives dans le tissu associatif local ». « Certains d’entre eux ont même d’emblée proposé leur candidature pour la prochaine fois, plusieurs nous ont dit avoir particulièrement apprécié l’expérience », relate-il.

Un presque septuagénaire bénévole - dont le témoignage a également été recueilli et transmis par le service « Engagement civique » -  voulait ainsi « prendre le pouls de la démocratie locale », tandis qu’un homme de 38 ans a voulu « inculquer les valeurs de la République et de la démocratie » à son fils de 18 ans, « qui votait pour la première fois ». Si certains ont trouvé « la journée de 13 heures un peu longue », une jeune fille de 26 ans, pour qui « voter est un devoir », a dit s’être engagée après avoir « appris qu'il manquait des volontaires ».

À Grenoble, le recours régulier à la plateforme lors des futures élections n’est pas exclu : « Cela dépendra des décisions prises à la fois nationalement et localement sur la question des assesseurs », explique-t-on, en espérant que « cela fera partie des débats politiques et institutionnels des mois à venir ». Alors que « des assesseurs ont dû être payés pour compléter les bureaux de vote dans de nombreuses villes », une représentante de la mairie constate que cela « provoque un sentiment d’iniquité et nous revient en effet boomerang ».

« Simple comme Le Bon coin »

« La Réserve civique, c’est simple comme Le Bon coin », expliquait en juin dernier à Maire info le chef de mission Réserve civique au ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Yannick Prost. « Il s’agit de mettre en relation des structures qui ont des besoins et des bénévoles qui sont prêts à y répondre ». Les structures (associations, communes…) s’inscrivent sur la plateforme et définissent une « mission », avec tous les détails nécessaires (jour et heure, description de la mission, éventuellement profil recherché – en l’occurrence, pour les assesseurs, il faut être inscrit sur la liste électorale de la commune –, personne à contacter). De l’autre côté, les volontaires du territoire concerné recevront cette demande de mission et pourront s’y inscrire.

Instituée par la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017, la Réserve civique « permet l’engagement bénévole et occasionnel de citoyens et étrangers résidant régulièrement sur le territoire français » pour des missions d’intérêt public, qui peuvent aller de la solidarité à l’éducation en passant par les interventions en situation de crise, et la citoyenneté – domaine qui couvre l’organisation des élections. 

Elle est ouverte à toutes les personnes majeures et même aux mineurs de plus de 16 ans, sous réserve d’accord des parents. Les bénévoles qui s’inscrivent à la Réserve civique sont volontaires pour participer à des missions d’intérêt général. Ils ont par exemple été mobilisés pour aider à l’organisation logistique des centres de vaccination, pour distribuer des colis aux sinistrés de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes, en septembre dernier, ou encore pour procéder aux collectes de la banque alimentaire. En juin, 330 000 bénévoles étaient inscrits dans le dispositif.







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