Édition du mercredi 12 mai 2021

Coronavirus
Sortie de crise sanitaire : la période de transition raccourcie d'un mois 
Après un certain nombre de coups de théâtre, en soirée et dans la nuit, la durée de la « période transitoire » de sortie de la crise sanitaire a finalement été réévaluée : elle se terminerait au 30 septembre et non au 31 octobre. Après plusieurs rebondissements, le principe du pass sanitaire a également été adopté.

Dans son édition d’hier, Maire info concluait ainsi son article consacré au projet de loi de gestion de la sortie de crise : « La disposition instaurant le pass sanitaire a été adoptée par l’Assemblée nationale. » Mais le soir même, il était annoncé que l’Assemblée nationale avait finalement rejeté le pass sanitaire. « Qui croire ? », nous écrivait hier soir un lecteur. D’autant plus que ce matin, on apprend que le pass sanitaire a, finalement, été adopté. Explication de cet imbroglio, dû à d’inattendus renversements d’alliances au sein de la majorité. 

Coup de semonce

Les dispositions sur le pass sanitaire ne représentent qu’un alinéa (le 4e) dans l’article 1er du projet de loi, qui fixe les grandes orientations de la période « transitoire », prévue initialement du 1er juin au 31 octobre. Lors des débats de lundi, de nombreux amendements ont été discutés pour modifier, voire supprimer cet alinéa 4. Tous ont été rejetés, ce qui nous permettait d’écrire, à raison, que le principe du pass sanitaire avait été validé. 
Mais hier, en fin d’après-midi, après discussion de tous les amendements, c’est l’ensemble de l’article 1er qui a été mis aux voix. Et là, à la stupéfaction générale, l’article a été rejeté. Stupéfaction, le mot n’est pas trop fort : les images du Palais-Bourbon montrent le président de séance annoncer les chiffres (pour 103, contre 108), marquer un temps d’arrêt, appeler le secrétaire de séance pour lui montrer que ces chiffres sont bien réels… alors qu’une ovation se lève sur les bancs de l’opposition. 
La chose est en effet extrêmement inhabituelle : dans une Assemblée où la majorité LaREM-MoDem règne sans partage, il n’arrive pour ainsi dire jamais qu’un texte du gouvernement, qui plus est aussi fondamental que celui-ci, soit rejeté. 
Que s’est-il passé ? La réponse est venue du député MoDem de la Vendée, Philippe Latombe : « Le groupe MoDem a voté de façon unanime contre cet article premier, pour indiquer que depuis le début nous avions indiqué des lignes rouges et avions dit clairement (…) ce que nous étions capables d’accepter. Or nous constatons qu’il n’y a pas eu de dialogue, pas eu d’écoute. »
Un tir de semonce du MoDem pour signifier au gouvernement qu’il faut compter avec lui, la majorité du groupe LaREM ayant fondu au fil des démissions. 

Deuxième délibération

Cet épisode a obligé le gouvernement à revoir sa copie, afin de tenir compte des revendications du MoDem. Comme le permet le règlement de l’Assemblée nationale, le gouvernement a le privilège, quand un de ses textes est en discussion, de demander une seconde délibération. C’est ce qui s’est passé, cette nuit. Le gouvernement a présenté un nouvel amendement, avec une version remaniée de l’article 1er, dans laquelle la date du 31 octobre était remplacée par celle du 30 septembre. 
Sur le reste de l’article 1er, rien n’a changé, malgré les multiples amendements redéposés par l’opposition, pour tenter de faire reculer le gouvernement sur le pass sanitaire. Dans la version finalement adoptée de l’article, le pass sanitaire est bien présent, sans qu’aient été ajoutées les précisions demandées sur plusieurs bancs. 

Débat sur la consultation des élus locaux

Il est aussi à noter que plusieurs députés ont tenté hier d’introduire des amendements pour inscrire dans la loi une obligation de consultation des élus locaux par les préfets avant de prendre des décisions de restrictions. Le projet de loi prévoit en effet que les préfets, si la situation sanitaire l’exige et en cas de « circulation particulièrement importante du virus », puissent prendre eux-mêmes des mesures de fermeture des certains lieux ou de restrictions de circulation. 
Paul Molac, pour le groupe Libertés et territoires, et Stéphane Peu (PCF) ont notamment défendu de tels amendements. « La consultation des élus locaux est loin d’être automatique. Dans certains départements, la réouverture des marchés, par exemple, a été bloquée par le préfet ou par l’ARS. (…) La concertation et l’écoute des élus locaux ne sont pas toujours naturelles chez les préfets », a plaidé Paul Molac. Pascal Brindeau a également demandé « une marque de confiance envers les élus locaux. (…) Nous souhaitons inscrire dans la loi l’obligation de consultation des élux locaux. Si celle-ci a bien eu lieu dans certains départements, cela n’a pas été le cas partout. Il s’agit d’un amendement de bon sens qui ne devrait pas poser de difficultés. »
Cela n’a pas été l’avis du gouvernement ni de la majorité, qui ont repoussé ces amendements, en estimant que ces demandes sont « satisfaites dans la pratique », et qu’il faut « que le système conserve de la souplesse et de la réactivité ». Il n’y aura donc pas de consultation obligatoire des élus, en l’état actuel du projet de loi. 




Numérique
Le « 100 % fibre » en 2025 conditionné à la création du service universel, selon l'Avicca
L'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) table, dans ses prévisions, sur un déploiement de la fibre de 87 % en 2022, soit 7 points de plus que l'objectif.

Qu’il semble loin le temps où l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) et le gouvernement bataillaient pied à pied sur les modalités de réouverture du guichet France très haut débit… La crise sanitaire et le télétravail ont « été un accélérateur » pour le déploiement de la fibre, a reconnu, hier lors de l’événement printanier annuel de l’association, son délégué général, Ariel Turpin. Garantir une bonne connexion internet est, en effet, indéniablement aujourd'hui un gage d’attractivité supplémentaire pour les communes rurales. 
A tel point que le déploiement de la fibre, un chantier estimé à plus de 3,5 milliards d’euros d’argent public (le gouvernement avait annoncé, en janvier 2021, une rallonge de 570 millions d’euros), est désormais largement « en avance » sur les objectifs. D’après les prévisions de l’Observatoire du très haut débit, dévoilées hier par l’Avicca, InfraNum et la Banque des territoires, 87 % des Français seraient raccordables à la fibre en 2022. L’objectif fixé par le gouvernement à cette échéance est 80 %. 

2,1 millions de locaux « en difficulté »

Dans le détail, 16,1 millions de prises seraient déployées en zone Amii en 2022, 7,1 millions en zone très dense, 1 million en zone Amel (13 territoires) et 12 millions en zone d’initiative publique (Rip). 2021 devrait d’ailleurs être celle du pic pour les réseaux portés par les collectivités. Rien que cette année, 3,6 millions de prises de raccordement devraient être issues des Rip, près du double par rapport à 2020 (1,9 million). 
Toujours est-il que 2022 reste un point d’étape, un tremplin vers l’objectif du 100 % fibre en 2025. 6,5 millions de locaux, dont 4 millions en zone Rip, restent à raccorder pour tendre vers la « société du gigabit ».
Parmi ces 6,5 millions de locaux, 2,1 millions, soit 5 % du total des locaux, sont « en difficulté », selon l’Observatoire. Dans les zones plus reculées, le déploiement est plus long et plus coûteux. « Déployer en zone Rip est différent que de déployer en zone privée bien que les prises soient désormais de plus en plus difficile à construire y compris en zone privée », confirmait hier Ariel Turpin. « Comme toujours, les dernières prises sont les moins simples à déployer », abondait dans son sens le sénateur de l’Ain et président de l’Avicca Patrick Chaize.

Service universel de la fibre

Ces 5 % de locaux ne pourront pas tous être raccordables (certains utiliseront d’autres technologies comme le satellite, le THD radio ou le 4G fixe), c’est pourquoi, en novembre 2020, le gouvernement a demandé à Orange et SFR de lui « faire des propositions pour qu’il y ait 100 % de possibilités de raccordables sur demande d’ici la fin 2021 ». Ces offres de raccordement à la demande n’ont, pour l’heure, toujours pas été officialisées. Un appel à manifestation d’intérêt de 150 millions d’euros, visant à « surmonter les difficultés de raccordement à la fibre optique et assurer à tous un accès effectif à la fibre optique », se fait, lui aussi, attendre. Il s’annonce primordial tant le taux d’échec de raccordement (environ 20 %) est « inacceptable », dixit le secrétaire d'Etat aux Communications électroniques Cédric O et la présidente de l'Arcep, Laure de la Raudière. 
« Les sujets opérationnels ayant un impact direct sur la qualité sont nombreux, rappellent ce matin InfraNum, la Banque des territoires et l'Avicca dans un communiqué, simplification du recours aux poteaux électriques (1 millions de prises concernées, dont 75% en zones Rip), traitement des adresses mal répertoriées (3 millions en avril 2021), mise en œuvre effective de Grace THD (généralisation d'un protocole commun aux acteurs de l'écosystème), et bien sûr le traitement du mode stoc avec l'adoption récente d'un contrat cadre « v2 » et la mise en place très prochaine d'une charte de qualité côté sous-traitants.
Cette somme - 150 millions d'euros - ne « suffira [donc] pas » tant « le coût total pour la complétude et la vie du réseau est bien supérieur », assure déjà l’Avicca, selon qui « il faut créer le service universel de la fibre pour atteindre le 100 % fibre, c’est-à-dire un fonds de péréquation pour assurer la vie du réseau, sur le modèle de l’énergie ». Le 100 % fibre est, rappelons-le selon les déclarations du gouvernement, une condition sine qua non à la fermeture du réseau cuivre, dont Orange a annoncé plusieurs expérimentations cette année, en plus de celle observée à Lévis-Saint-Nom (Yvelines).

Inversion des courbes

En attendant 2025, 2021 pourrait être l’année d'un croisement des courbes. « Dès 2021 », analyse InfraNum, le nombre d’abonnés à la fibre devrait être « supérieur » au nombre d’abonnés ADSL. Cela peut s’expliquer par une augmentation des besoins numériques. Les confinements successifs, notamment, ont démontré l’apport de la fibre en matière de travail ou de consultation médicale à distance. « L’utilisateur de 2014 n’a pas les mêmes besoins que celui de 2021 ». L’augmentation du nombre de logements est un autre facteur d’explication à cette envolée de la fibre. Un besoin aujourd’hui partagé par tous qui n’a pas toujours fait consensus, se souvient Patrick Chaize. « Il y a dix ans, Orange prétendait que la fibre ne serait pas utile aux particuliers. Il y a dix ans, on nous prenait pour des extraterrestres ».




DĂ©centralisation
Consultation des élus par le Sénat : les élus municipaux « dans l'attente d'une évolution de l'organisation territoriale »
Le président du Sénat, Gérard Larcher, et la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, Françoise Gatel, ont dévoilé hier les résultats de « la consultation nationale des élus en matière de décentralisation, dans la perspective du projet de loi 4D ».

Le projet de loi 4D, pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification, est présenté ce matin en Conseil des ministres. A cette occasion, le Sénat, qui milite, par la voix de son président Gérard Larcher, pour de nouveaux transferts de compétences au profit des départements (47 présidents de départements, qui s'estiment « oubliés » dans un projet de loi 4D « sans relief », ont signé hier une tribune dans Le Monde en ce sens) et des régions mais aussi pour que les Agences régionales de santé soient présidées par les élus (dispositions qui ne figurent actuellement nullement dans le texte du gouvernement), a dévoilé hier les résultats de « la consultation nationale des élus en matière de décentralisation, dans la perspective du projet de loi 4D ». Dans la même ligne, il avait déjà proposé, l'été dernier, cinquante propositions « pour le plein exercice des libertés locales ».
Selon cette consultation (CSA Research, novembre 2020), les élus municipaux souhaitent que l’organisation territoriale évolue : 64 % des élus municipaux plébiscitent une « adaptation en douceur », donc pas de « big bang » territorial, contre 54 % des élus départementaux et 43 % des élus régionaux, qui encouragent, au contraire, une « réforme en profondeur ».
La « lisibilité de la répartition des rôles et des compétences à l’échelon local fait débat », synthétisent en somme Gérard Larcher (Yvelines, Les Républicains), Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine, UDI) et Mathieu Darnaud (Ardèche, Les Républicains) : elle est « claire » seulement pour 54 % des élus municipaux des communes de moins de 3 500 habitants.

Une demande de décentralisation et de déconcentration

Sans surprise, par ailleurs, sept élus municipaux sur dix sont enclins à davantage de décentralisation. La majorité s’accroît à mesure que la collectivité s’agrandit : 68 % des élus des communes de moins de 3 500 habitants et 85 % des communes de 3 500 à 19 999 habitants sont favorables à cette proposition. La tendance est plus forte encore chez les élus départementaux (81 %) et régionaux (86 %). L’environnement (42 %), les politiques de logement (42 %), l’offre de soins (41 %) et l’action sociale et médico-sociale (personnes âgées, handicap, santé scolaire) (39 %) arrivent en tête des domaines de compétences qui pourraient être transférés aux collectivités, selon les élus. Les élus municipaux, spécifiquement, sont surtout favorables aux transferts des trois premières compétences. Les transferts de gestion, en revanche, trouvent moins grâce à leurs yeux.
Les élus locaux adhèrent, en parallèle, à davantage de déconcentration : les élus municipaux des communes de 3 500 à 19 999 habitants sont quasi unanimes sur l’intérêt d’une plus grande déconcentration. La préfecture de département est, selon les élus, « l’échelon à privilégier ». 

Des compétences différentes à des collectivités de même catégorie ? Les élus disent oui

En matière de différenciation, les élus, parmi lesquels près de trois élus municipaux sur quatre, se montrent aussi « nettement plus favorables que le grand public concernant la possibilité de confier des compétences différentes à des collectivités de même catégorie ». Ils sont, par exemple, favorables à une écrasante majorité (92 %) à ce que les élus locaux puissent adapter la répartition des compétences communes-intercommunalités en fonction des réalités locales. 72 % des élus disent plutôt oui également à l’idée selon laquelle « les lois nationales puissent être adaptées aux spécificités des territoires, sur la base du volontariat de ces derniers » (exemples : les départements peuvent décider de modifier les limitations de vitesse sur l’ensemble du réseau routier ; les régions pourraient par exemple conduire une politique universitaire, notamment en fixant les droits d’inscriptions à l’université sur leur territoire).
Les élus locaux regrettent, enfin plus généralement, un « manque d’autonomie financière » dans la gestion de leurs budgets. Les contrats de Cahors de maîtrise de la dépense locale, imposés par le gouvernement, contribuent sans doute à ce sentiment. 




Interview
La HATVP veut simplifier le processus de déclaration pour les élus locaux
Didier Migaud, président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), a répondu aux questions de Maire info et Maires de France, alors que les élus départementaux et régionaux doivent déposer leur déclaration de situation patrimoniale respectivement d'ici les 1er et 2 juin. Une échéance dont le respect conditionne le remboursement de leur frais de campagne.

A la veille des élections régionales et départementales, les élus doivent adresser à la HATVP, d’ici début juin, une déclaration de situation patrimoniale. Quel bilan d’étape tirez-vous de cette campagne déclarative ? 

Les conseillers régionaux et départementaux doivent adresser à la HATVP leur déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat avant le 1er juin pour les conseillers départementaux, et avant le 2 juin pour les conseillers régionaux. Le contrôle de ces déclarations vise à s’assurer du respect des obligations de sincérité, de complétude et d’exhaustivité, comme la loi le prévoit, et à détecter un éventuel enrichissement illicite, puisque nous comparons les déclarations de début et de fin de mandat. La période étant en cours, il est trop tôt pour faire un bilan de la situation. 

La HATVP appliquera-t-elle un délai de tolérance pour les retardataires ? 

J’attire l’attention des élus sur le fait que le remboursement de leurs frais de campagne est désormais conditionné au dépôt, dans les délais légaux impartis, de leur déclaration de situation patrimoniale. La HATVP n’a aucune marge de manœuvre dans ce domaine et aucun délai de tolérance n’est admis s’agissant du remboursement de ces frais de campagne.  
En l’absence de dépôt dans les délais légaux, nous procédons d’abord à des relances personnelles. Si l’élu n’y répond pas, nous lui adressons une injonction pour qu’il puisse régulariser sa situation déclarative. S’il ne le fait pas, le dossier peut être transmis au procureur de la République qui décidera des suites à donner à notre signalement. Dans leur très grande majorité, les élus respectent leurs obligations déclaratives.

Quelles sanctions encourent les élus qui n’auront pas accompli ces obligations ?

Le fait de ne pas déposer une déclaration de patrimoine ou une déclaration d’intérêts, comme d’omettre une partie substantielle de son patrimoine ou des intérêts, ou de fournir une évaluation mensongère du patrimoine peut être puni de trois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. 

En cas de réélection, quelles seront les obligations des élus départementaux et régionaux ?

S’ils sont réélus, les conseillers régionaux et départementaux seront dispensés d’une nouvelle déclaration de situation patrimoniale. En revanche, ils devront déposer une déclaration d’intérêts, dans les deux mois suivant leur réélection. Celle-ci devra être actualisée en temps réel, au gré de l’évolution de leur situation personnelle (nouvelles fonctions par exemple), via une déclaration d’intérêts modificative. De même, la déclaration de situation patrimoniale doit être actualisée par les élus en cas de modification substantielle, liée par exemple à un héritage, à l’achat ou à la vente d’un bien immobilier.

Certains agents et personnels de cabinet doivent aussi accomplir une déclaration. Quelles sont leurs obligations ?

Les directrices et directeurs de cabinet, leurs adjoints et les chefs de cabinet doivent faire une déclaration de situation patrimoniale dans les deux mois suivant la cessation de leurs fonctions, de même que les directrices et directeurs généraux des services régionaux et départementaux. Les premiers devront également déposer une déclaration d’intérêts auprès de la Haute Autorité dans les deux mois qui suivent leur nouvelle prise de fonctions.
En cas de manquement, les sanctions sont les mêmes que celles appliquées aux élus.

Les élus peuvent-ils contacter la HATVP pour avoir des conseils ?

Absolument. Une « hotline » leur est dédiée pour joindre nos agents qui répondent à leurs questions, du lundi au vendredi (01 86 21 94 97). Ils peuvent aussi nous saisir par mail (adel@hatvp.fr). 

Quel bilan tirez-vous de la campagne déclarative liée aux élections municipales de 2020 ? 

Le bilan est contrasté. Aujourd’hui, on constate un taux très satisfaisant du respect des obligations déclaratives, qui est de 99 %, mais ce résultat n’a pu être obtenu qu’après un travail de relance très important de notre part : à l’issue des délais légaux, qui avaient été prorogés de trois mois compte tenu de la crise sanitaire, seuls 47 % des maires et 39 % des adjoints avaient déposé leurs déclarations. Nous avons commencé à publier les déclarations d’intérêts des élus sur notre site. 

Les élus critiquent un dispositif complexe de déclaration. Allez-vous le simplifier ?

Les élus ne comprennent pas toujours la nécessité de déposer plusieurs déclarations d’intérêts. Ils doivent faire une déclaration en tant que maire, mais aussi, le cas échéant, une deuxième déclaration en tant que président d’EPCI et une troisième s’ils président un Office public de l’habitat (OPH). Nous étudions actuellement avec les pouvoirs publics la possibilité d’avoir une déclaration unique. L’enjeu de ces déclarations n’est pas dans leur accumulation mais dans leur actualisation au gré des modifications des situations personnelles. 

La déclaration des actions entreprises auprès des élus locaux a été reportée, d’abord au 1er juillet 2020, puis au 1er juillet 2022, en réponse à une demande de la HATVP : quels enjeux ce dispositif représente-t-il pour les élus ? 

D’ici l’été prochain, nous allons présenter au Parlement un premier bilan de la mise en place du répertoire des lobbies au niveau national et rendre une « étude de faisabilité » de l’extension de ce répertoire aux collectivités. Il faut déterminer, en concertation avec les associations d’élus locaux, quelles peuvent être les obligations qui seraient imposées aux représentants d’intérêts, les seuils pertinents, les secteurs concernés en priorité (transports, BTP, gestion des déchets et de l’eau…). Nous avons retenu un échantillon de collectivités avec lesquelles nous travaillons pour formuler des propositions opérationnelles au Parlement, dès cet été. Ce répertoire, qui devrait être opérationnel en 2022, pourra contribuer à une transparence utile pour les élus et les citoyens et, peut-être, à une certaine régulation des pratiques.   

La HATVP est devenue référente en matière de déontologie publique. Quel est votre rôle en la matière ?

En application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, la HATVP est exclusivement compétente pour examiner les demandes de mobilité des emplois les plus sensibles : cela représente autour de 20 000 emplois concernant les trois fonctions publiques, dont la fonction publique territoriale (les directrices et directeurs généraux des régions, départements et communes de plus de 40 000 habitants, notamment). Le contrôle de la mobilité n’intervient plus seulement dans le cadre d’un mouvement du public vers le privé. Nous sommes aussi compétents pour examiner la compatibilité des fonctions qui sont exercées dans le secteur privé durant les trois dernières années avec l’exercice de certaines fonctions publiques stratégiques (DGS de collectivités notamment). Ce contrôle se fait en amont des nominations. En cas de risque majeur, nous pouvons émettre un avis d’incompatibilité. Leur méconnaissance peut entraîner des sanctions disciplinaires, voire la résiliation du contrat passé avec l’agent public.   
Pour les autres agents publics, qui constituent la très grande majorité de la fonction publique, c’est l’autorité hiérarchique qui est compétente.  

Le délit de prise illégale d'intérêts doit-il être réformé ? Le juge pénal est d’une sévérité extrême à l’égard des élus…

Nous apprécions ce risque pénal au regard de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Il est indispensable de faire preuve de toute la fermeté nécessaire en cas de manquements à la probité. Certains élus attirent notre attention sur une interprétation qu’ils jugent extensive de ce risque dans la jurisprudence et dans certaines de nos décisions. Nous avons engagé une réflexion sur ce sujet sensible, en liaison avec les autorités judiciaires, pour parvenir à un juste équilibre entre la nécessité de la sanction pénale de la prise illégale d’intérêts et la sécurisation juridique des agents publics et des élus. Dans le cadre de notre rapport d’activité, que nous publierons prochainement, nous formulerons une proposition à ce sujet. 




Fonction publique territoriale
Comité social territorial : le décret est paru
Le décret fixant les règles des nouveaux comités sociaux territoriaux (CST) est paru ce matin au Journal officiel. Les CST, à partir de 2022, vont remplacer à la fois les comités techniques et les CHSCT. Explications.

Pour plagier une célèbre réplique de film, « c’est du brutal » : le décret publié ce matin au Journal officiel compte pas moins de 107 articles, qui vont régir les nouveaux comités sociaux territoriaux, instances de dialogue social qui naîtront l’an prochain de la fusion des comités techniques et des comités hygiène, sécurité et conditions de travail. Sans prétendre décrypter l’ensemble de ces dispositions, réponses à quelques questions-clés.

CST, de quoi parle-t-on ?

C’est la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 qui a créé, à l’article 4, les CST. Ces comités, détaille la loi, doivent être créés dans « chaque collectivité ou établissement employant au moins 50 agents ainsi qu'auprès de chaque centre de gestion pour les collectivités et établissements affiliés employant moins de cinquante agents ». Par ailleurs, un EPCI peut créer un CST compétent pour les agents de tout ou partie des communes qui le composent. 
La loi dispose que dans les collectivités ou établissements employant plus de 200 agents, le CST doit comporter une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Une telle formation pourra aussi être constituée dans des structures plus petites, « si des risques professionnels particuliers le justifient ». 
Les CST ne pourront être présidés que par l’autorité territoriale. 
Rappelons que la création des CST ne correspondait à aucune demande des employeurs territoriaux, comme l’ont rappelé les associations d’élus lors de la séance du Conseil national d’évaluation des normes du 14 janvier dernier. Les employeurs territoriaux, tout comme les organisations syndicales d’ailleurs, estimaient « que le fonctionnement des comités techniques et des CHSCT était globalement satisfaisant ». L’extension de cette réforme, initialement conçue pour la fonction publique de l’État, à la fonction publique territoriale, a donc été imposée par en haut, ce dont les employeurs territoriaux ne peuvent que « prendre acte ». 

Quand les CST entreront-ils en vigueur ?

La fusion entre les CT et les CHSCT s’opérera au prochain renouvellement de ces instances, c’est-à-dire au moment des élections professionnelles dans les trois versants de la fonction publique, en 2022. D’ici là, les règles ne changent pas, en dehors du fait que le décret prévoit (article 82) la possibilité de tenir les réunions des instances de dialogue sociale par visioconférence, voire par téléphone, « en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ». 
Le décret précise par ailleurs que les attributions des CST entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2023. 

Que contient le décret ?

Ce long décret prévoit tous les détails de fonctionnement des futurs CST : effectifs, organisation des élections, constitution des listes électorales, conditions d’éligibilité… Le titre III du décret détaille les attributions du CST – forcément très larges : il sera consulté sur les projets relatifs au fonctionnement et à l’organisation des services, les lignes directrices de gestion, les projets relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que sur toutes les questions relatives aux formations, rémunérations, temps de travail, action sociale, formation, etc. 
Le titre IV du décret prévoit le fonctionnement de cette nouvelle instance : secrétariat, déroulement des séances, fréquence de celles-ci (au moins deux fois par an), déroulement des votes au sein du comité, etc. 

Qu’est-ce que la formation spécialisée ?

Conformément à la demande des employeurs territoriaux, le décret comporte un chapitre détaillé concernant la formation spécialisée santé/sécurité/conditions de travail. Elle sera notamment consultée sur toutes les questions « relatives à la protection de la santé physique et mentale, à l'hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l'organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, à l'amélioration des conditions de travail et aux prescriptions légales y afférentes », ainsi que sur l'élaboration et la mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels.

La réforme impliquera-t-elle des charges supplémentaires pour les employeurs ?

Dans l’ensemble, la réforme n’impliquera que peu de charges. À une exception tout de même : le décret prévoit une obligation de formation, à la charge des employeurs territoriaux. Tous les représentants du personnel (titulaires et suppléants) qui siègent en formation spécialisée bénéficieront d’une formation de cinq jours dans les six premiers mois de leur mandat, sur les questions d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Ceux qui ne siègent pas en formation spécialisée auront droit à une formation de trois jours. 
Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a chiffré le coût de cette obligation à environ 7,5 millions d’euros sur l’ensemble de la mandature 2022-2026. Au Conseil national d’évaluation des normes, les représentants des élus ont donné un avis favorable à ce texte, à l’unanimité.
Signalons également que l'AMF a publié, hier, un Guide sur la mise en oeuvre des lignes directrices de gestion. Afin de sensibiliser les employeurs publics sur cette nouvelle obligation, elle aussi issue de la loi de transformation de la fonction publique, l'association a recensé dans ce guide « leurs principales responsabilités dans quinze domaines allant de l’organisation des services, la rémunération, le recrutement... jusqu’à la radiation des agents et le rôle joué par le maire en qualité d’ancien employeur ». 

Télécharger le décret. 







Copyright 2020 AMF - www.maire-info.com - Tous droits réservés