Édition du vendredi 16 octobre 2020

Coronavirus
Couvre-feu : comment s'organiser ?

Les élus qui attendaient la parution, dans le Journal officiel de ce matin, de textes réglementaires sur l’organisation du couvre-feu et de l’état d’urgence sanitaire en seront pour leurs frais : aucun texte n’a été publié. En attendant dans la journée, probablement, des arrêtés préfectoraux dans les départements concernés par le couvre-feu, on ne peut donc s’appuyer que sur les indications orales données hier, en conférence de presse, par les ministres. 

À quand les textes réglementaires ?

La situation est un peu inédite. Comme le remarquait hier sur Twitter, agacé, le maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, « les maires concernés découvrent ce matin qu’il n’y a aucun projet de texte réglementaire ! Ils ne pourront organiser que vendredi soir la vie quotidienne à partir de samedi 0 heure ! ». Même surprise, voire « stupéfaction », pour l’avocat spécialiste du droit des collectivités Éric Landot, sur Twitter toujours, en faisant le même constat ce matin. Malgré un JO paru bien plus tardivement que d’habitude, un peu avant 7 heures, ce qui laissait penser que le ou les décrets avaient été finalisés dans la nuit… rien. Sauf à espérer que, fait rarissime, une deuxième édition du Journal officiel paraisse dans la journée, les maires devront donc, en effet, réfléchir à l’organisation de la commune sous état d’urgence sanitaire sans pouvoir s’appuyer sur un texte réglementaire.
Ceci est peut-être moins surprenant pour ce qui concerne le couvre-feu que pour ce qui touche à l’état d’urgence sanitaire. En effet, lors de son intervention télévisée de mercredi, le chef de l’État a indiqué que le couvre-feu serait organisé avec des « éléments de concertation locale ». Il semble donc qu’il va revenir aux préfets de prendre les décisions dans les 8 métropoles concernées et l’Île-de-France. À Paris par exemple, un arrêté de la préfecture est annoncé « dans la journée ». 

« À 21 heures, chacun devra être chez soi »
Le Premier ministre, Jean Castex, entouré de quatre membres de son gouvernement, a néanmoins donné hier un certain nombre d’indications sur la manière dont les choses vont se passer. Il a d’abord tenu à rappeler que ces décisions « difficiles » sont prises parce que l’épidémie, après une brève période d’accalmie pendant la seconde quinzaine de septembre, connaît aujourd’hui une « accélération soudaine et spectaculaire ». Les chiffres le confirment : hier, pour la première fois, le nombre de contaminations annoncé par Santé publique France a dépassé les 30 000 cas en 24 h (30 624 cas positifs).
La question du périmètre des couvre-feux n’est toujours pas suffisamment clairement tranchée. Mais en l’état actuel des choses, le Premier ministre, comme le chef de l’État la veille, a bien parlé de « métropoles ». Sauf mention contraire dans les arrêtés préfectoraux à venir, il y a donc des raisons de penser que ce sont les 1750 communes de ces métropoles et de la région francilienne qui sont concernés. Dans ces communes, la règle résumée par Jean Castex est simple : « À 21 heures, chacun devra être chez soi et, sauf exceptions, tous les lieux, commerces ou services recevant du public seront fermés. » 
Cinq exceptions sont – pour l’instant – admises : les raisons de santé (aller à la pharmacie ou à l’hôpital) ; les raisons professionnelles ; le fait de prendre un train ou un avion « qui arrive ou qui part après 21 h » ; les visites à un proche « en état de dépendance » ; et le fait de sortir un animal de compagnie. 
Il a été confirmé qu’une attestation, papier ou numérique, sera obligatoire pour justifier d’être dehors pendant le couvre-feu. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a rappelé que l’amende encourue en cas de non-respect du couvre-feu serait de 135 euros, puis 1 500 euros en cas de première récidive. À la troisième récidive, le contrevenant risquera « 6 mois de prison et 3 750 euros d’amende ». Pour effectuer les contrôles, « 12 000 policiers et gendarmes » seront, chaque nuit, affectés à ces territoires en plus des forces de l’ordre habituelles. Gérald Darmanin a indiqué que les polices municipales, là où « les maires organiseront les services de nuit ou les organisent déjà », pourront « faire respecter ces règles ». 

Ce qui peut rester ouvert
Un certain nombre d’établissements vont échapper, naturellement, à la règle de fermeture à 21 heures. Il s’agit des établissements de santé et médico-sociaux, « des structures d’accueil des plus précaires », des hôtels, des restaurants faisant de la livraison à domicile et « des établissements publics qui assurent un service en soirée et la nuit, comme les commissariats ». Cette liste a l’inconvénient d’être peu précise (en particulier les mots « établissements publics qui assurent un service en soirée »), et dans l’attente d’un décret qui listerait de façon exhaustive les établissements concernés, les maires resteront dans l’expectative. Quid, par exemple, des bibliothèques qui, parfois, restent ouvertes jusqu’à 22 h ? Les élus des communes concernées vont également, forcément, se poser la question de la tenue des réunions liées au mandat, au premier rang desquelles les conseils municipaux, qui se tiennent dans l’immense majorité des cas en soirée, et souvent jusque fort tard. Seront-elles autorisées ?
La liste des dérogations va, par ailleurs, peut-être s’allonger dès aujourd’hui. Ce matin, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, bataille pour permettre des dérogations pour les personnes ayant assisté à des concerts, des représentations théâtrales ou des séances de cinéma. Évoquant « un appel très fort » des professionnels de ce secteur, la ministre souhaite que le système soit le même que celui mis en place pour les voyages : un billet de spectacle ou de cinéma pourrait valoir justificatif pour rentrer chez soi au-delà de 21 heures. Cette décision est, ce matin, toujours en cours d’arbitrage : le Premier ministre, hier, ne l’a pas exclue, indiquant sobrement qu’« il faut qu’on l’étudie ». 
Par ailleurs, il faut retenir que dans les territoires soumis au couvre-feu, les règles restent les mêmes que dans les zones d’alerte maximale : fermeture complète des bars qui n’ont pas de service de restauration ; fermeture des salles de sport sauf pour les mineurs et les sportifs professionnels ; présence de 50 % des effectifs dans les universités.
Rappelons que le seul territoire en alerte maximale qui ne soit pas concerné par le couvre-feu est la Guadeloupe.

Franck Lemarc

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Coronavirus
État d'urgence sanitaire : dans les organes délibérants de tout le pays, retour du quorum d'un tiers et du vote par correspondance ?

Ce soir à minuit, l’ensemble du pays repassera sous régime d’état d’urgence sanitaire (EUS). Le Premier ministre a enfin donné quelques indications, hier, sur les conséquences concrètes de cette décision, en attendant un décret qui devra donner plus de détails et, plus tard, de probables textes législatifs. Reste que la promulgation de l’état d’urgence sanitaire, si l’on regarde la loi, semble entraîner mécaniquement la modification des règles de fonctionnement des assemblées délibérantes des collectivités locales et des EPCI.

C’est peut-être une question d’habitude… Après que la France eut passé deux ans sous état d’urgence, après les attentats du 13 novembre 2015, puis quatre mois en état d’urgence sanitaire, au printemps dernier, ce régime d’exception est, apparemment, devenu presque banal. Au point que dans son intervention de 45 minutes, mercredi soir, le président de la République n’a même pas jugé utile de l’évoquer, alors que la décision était prise et le décret signé. 
Hier, lors de sa conférence de presse, Jean Castex a, en revanche, évoqué l’état d’urgence sanitaire. Il a expliqué que le pays connaissait désormais deux régimes spécifiques : l’état d’urgence sanitaire, dans tout le pays, et, en plus, des mesures renforcées – le couvre-feu – en Île-de-France et dans huit métropoles. Il a confirmé que ces règles s’appliqueront automatiquement pour quatre semaines, et que le gouvernement demandera « au Parlement de les prolonger jusqu’à fin novembre, le temps de ralentir l’épidémie et de désengorger notre système de santé ». Afin de ne pas rajouter de l’angoisse à des annonces déjà pesantes, Jean Castex n’a pas précisé que ces mesures, notamment l’état d’urgence, pourraient parfaitement être prolongées au-delà du 1er décembre – le Parlement a la possibilité de proroger l’EUS sans que la loi fixe une durée maximale : « La loi autorisant la prorogation au-delà d'un mois de l'état d'urgence sanitaire fixe sa durée », précise simplement la loi du 23 mars 2020. 

Extension des restrictions à tout le territoire
Jean Castex a expliqué hier ce que signifie concrètement cet état de fait : en résumé, les règles qui ne s’appliquaient alors que dans les zones en alerte maximale s’appliquent désormais sur tout le territoire. En particulier : toutes les fêtes privées (mariages, anniversaires, soirées étudiantes, etc.) qui se tiennent dans des établissements recevant du public (salles des fêtes, salles polyvalentes…) sont interdites. Tous les restaurants du pays doivent désormais appliquer le « protocole sanitaire renforcé » : six clients au plus par table, enregistrement du nom et du numéro de téléphone de chaque client ; présence de gel hydroalcoolique sur chaque table. Dans tous les lieux publics où les personnes sont assises (théâtres, cinémas, concerts, stades, cirques, salles de conférences…), « la règle d’un siège sur deux devra s’appliquer », sauf dans le cas de familles ou groupes de six personnes qui viennent ensemble. Une jauge de 1000 à 5 000 personnes sera décidée par les préfets en fonction des situations spécifiques de chaque territoire. 
Enfin, dans les lieux « où l’on circule debout », par exemple « les centres commerciaux, supermarchés, musées, foires, salons, zoos », le nombre de visiteurs sera limité « sur la base d’une jauge fixée par le préfet » et, de plus, en interdisant la présence de plus d’une personne pour 4 mètres carrés. 
Sur tout le territoire, le télétravail est « encouragé », mais pas généralisé. Pour ce qui concerne la fonction publique, le Premier ministre a déclaré : « Sur l'ensemble du territoire et chaque fois que cela pourra être concilié avec les nécessités du service, les administrations définiront dès la semaine prochaine une organisation du travail intégrant les nécessités du service et permettant, à chaque fois que cela sera possible, deux à trois jours de télétravail par semaine. »

Organes délibérants
Une question d’importance se pose pour l’organisation des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales. Le sujet n’est pas simple, tant les textes se sont succédé au printemps dernier, mais si l’on s’en tient à loi, voici ce qui pourrait se dessiner. 
Par une ordonnance du 1er avril 2020, la loi sur l’état d’urgence sanitaire du 23 mars 2020 a été modifiée. Il en résulte qu’à ce jour, la loi en vigueur indique à l’article 10 que « pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article 3131-12 du Code de la santé publique (…) », les règles de délibération des organes délibérants des collectivités territoriales et des EPCI sont modifiées : le quorum est abaissé au « tiers des membres en exercice », (qui doit être « présent ») et les élus peuvent être porteurs de deux pouvoirs. La possibilité est ouverte de rétablir également le vote électronique ou par correspondance, sauf pour les votes à bulletin secret, mais la loi dispose que cela doit faire l'objet d'un décret pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire. 
Ce texte étant de portée générale, non pour le seul état d’urgence du printemps dernier mais pour toute situation d’état d’urgence sanitaire, il semble que l’instauration de l’EUS la nuit prochaine pourrait entraîner, mécaniquement, la mise en place de ces mesures dérogatoires, qui ont pris fin le 30 août.
Le gouvernement en décidera-t-il autrement – et en a-t-il le pouvoir sans une modification de la loi ? On le saura certainement dans les jours à venir, dans l’attente de précisions, à tout le moins, de la Direction générale des collectivités locales. 

F.L.

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Economie
Le gouvernement prolonge et étend les aides aux entreprises

Bruno Le Maire a annoncé, hier, un élargissement du fonds de solidarité ainsi qu'un allongement de six mois du dispositif de Prêt garanti par l'Etat (PGE) d’un coût d’un milliard d’euros pour les entreprises frappées par le couvre-feu. Une prime « aux plus vulnérables » sera également versée, mais celle-ci ne concernera les jeunes qu’à la marge.

Face au « désarroi » et à la « douche froide » qu’a constitué pour plusieurs secteurs économiques fragilisés la décision de mettre en place, dès demain, des couvre-feux dans neuf territoires de l’Hexagone, le ministre de l’Economie a assuré qu’il serait « à leurs côtés en renforçant les dispositifs qui sont déjà en vigueur ». « Tout ce qui doit être fait sera fait pour leur permettre de passer ces semaines de couvre-feu avec un impact économique le plus réduit possible », a-t-il garanti. 
Les secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, de la culture, de l'événementiel et du sport sont particulièrement ciblés par des mesures qui représenteront « un coût d'un milliard d’euros » sur la durée du couvre-feu et seront inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) de 2021.

Fonds de solidarité élargi
Trois mesures viennent d’abord compléter le fonds de solidarité. La première permettra à toutes les entreprises de moins de 50 salariés situées dans les zones de couvre-feu et qui ont « perdu 50 % de leur chiffre d'affaires par rapport à 2019 » de bénéficier d'une aide « allant jusqu'à 1 500 euros » pendant toute la durée des mesures sanitaires annoncées mercredi par Emmanuel Macron. Et ce quel que soit le secteur auquel elles appartiennent.
En ce qui concerne les secteurs les plus touchés (hôtellerie, cafés et restauration, culture, événementiel et sport), l’aide du fonds de solidarité allant jusqu'à 10 000 euros par mois pourra désormais être perçue par ces entreprises lorsque la perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % et « non plus 70 % ».
Par ailleurs, le plafonnement à 60 % du chiffre d'affaires conditionnant ces aides sera supprimé dès demain pour le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration.

Exonérations de charges
Ces mêmes établissements installés en zones de couvre-feu n'auront, en outre, plus à payer de cotisations sociales patronales jusqu'à la fin de celui-ci si leur perte de chiffre d'affaires excède 50 %, alors que « toutes les entreprises fermées administrativement bénéficieront d’une exonération totale de leurs cotisations sociales et patronales jusqu’à la fin du couvre-feu », annoncé le ministre de l’Economie. 
« Nous apporterons pour ces cotisations sociales salariales une aide jusqu’à 20 % de la masse salariale, qui permet en réalité de couvrir totalement le poids des charges sociales pour les entrepreneurs concernés », a précisé Bruno Le Maire.

Prêts garantis par l’Etat prolongés de 6 mois
D'autre part, le dispositif de Prêt garanti par l'État (PGE) est prolongé de six mois du 31 décembre 2020 jusqu'au 30 juin 2021. Rappelant que « 120 milliards d'euros » de ces prêts avaient déjà été délivrés, Bruno Le Maire a demandé à la Fédération bancaire française d'examiner « un report du remboursement de ces prêts pour une année supplémentaire pour les entreprises qui en ont réellement besoin ». Les prêts directs de l'Etat, pour les entreprises les plus en difficulté, sont également prolongés jusqu'au 30 juin prochain.
Reste que « ces mesures immédiates n'épuisent pas les interrogations des secteurs qui sont concernés », a reconnu le ministre de l’Economie qui prévoit d’examiner les autres « solutions » à apporter aux secteurs fragilisés. Notamment sur la question des loyers, pour lesquels le ministre envisage un crédit d’impôt pour les bailleurs, de la « bombe à retardement » des congés payés ou encore des assurances avec la création prochaine d’un « nouveau régime » en cas de catastrophe sanitaire impliquant une fermeture administrative.
Pour ce qui est des secteurs culturel et associatif, des solutions seront là aussi apportées « dans les prochains jours », a promis Bruno Le Maire.

Bénéficiaires du RSA : au moins 150 euros d’aide
Comme Emmanuel Macron l’avait annoncé mercredi soir, le Premier ministre a de son côté confirmé un soutien pour les publics « les plus fragiles, les plus pauvres et les plus vulnérables », entretenant toutefois la confusion autour de cette nouvelle aide qui doit être distribuée « avant la fin de l’année » et concerner « 4,1 millions de foyers ». 
« Une prime de 150 euros sera versée à chaque personne bénéficiant du RSA, de l’ASS et des APL [auxquels] s’ajouteront 100 euros supplémentaires par enfant » (jusqu’à 450 euros), a ainsi affirmé Jean Castex (reprenant l’annonce du président de la République) tout en assurant, par la suite, que ce dispositif serait finalement le même que celui appliqué au printemps dernier. Problème, le dispositif mis en œuvre il y a six mois n’était pas valable pour les bénéficiaires des APL dans leur ensemble, mais uniquement pour les parents ayant un enfant à charge. Seule l’aide de 100 euros par enfant leur était alors accordée et non pas la prime de 150 euros.
Le flou autour de cette déclaration vient, toutefois, d’être dissipé par l'entourage du Premier ministre qui a convenu que seuls les bénéficiaires du RSA et de l’ASS toucheraient la prime de 150 euros. Les bénéficiaires des APL toucheront, quant à eux, uniquement l’aide de 100 euros par enfant, tout comme les ceux du RSA et de l’ASS. 
Une nuance qui exclura de fait beaucoup de jeunes – tous ceux qui n'ont pas d'enfant - du dispositif, d’autant que le RSA, de son côté, n’est ouvert essentiellement qu’aux plus de 25 ans (et à certains jeunes actifs de 18 à 24 ans s'ils sont parents isolés ou justifient d’au moins deux ans d’activité professionnelle à temps plein au cours des trois dernières années). Emmanuel Macron avait pourtant assuré, mercredi, que ce dispositif bénéficierait à « tous les jeunes très largement » et notamment « les 18-25 ans ». 
Jean Castex devrait « préciser et compléter » ces mesures, demain, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.

A.W.
 

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Coronavirus
Chômage partiel et ASA : le Conseil d'État « suspend » la liste resserrée des pathologies

Voilà une ordonnance du Conseil d’État qui pourrait changer bien des choses, bien qu’elle soit passée à peu près inaperçue : la nouvelle liste, très resserrée, des pathologies ouvrant droit au chômage partiel – et aux autorisations spéciales d’absence dans la fonction publique – a été « suspendue ». En attendant que le gouvernement donne les précisions demandées par le Conseil d’État, c’est à nouveau l’ancienne liste qui s’applique donc. 

Rappelons que depuis le début de l’épidémie, le gouvernement a souhaité que certains salariés, jugés fragiles du fait d’une pathologie grave, soient soustraits au risque de contagion. Par un décret du 5 mai 2020 « définissant les critères permettant d'identifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d'infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle », le gouvernement avait fixé une liste de 11 cas ou pathologies impliquant la mise automatique des salariés en chômage partiel. Étaient notamment concernés tous les salariés âgés de 65 ans et plus, les femmes enceintes au troisième trimestre de leur grossesse, les personnes obèses, les diabétiques. 
C’est également ce décret qui a servi de base, dans les mêmes conditions, à l’obtention d’autorisations spéciales d’absence (ASA) dans la fonction publique – sans d’ailleurs que cela ait donné lieu à l’édition d’un texte réglementaire spécifique.
Mais voilà qu’à la fin de l’été, le gouvernement – encouragé dans ce sens par les employeurs privés – a fortement durci ces critères. La liste a été resserrée de onze à quatre cas : cancer évolutif, immunodépression, insuffisance rénale chronique sévère, et enfin un triple cumul : avoir plus de 65 ans et être diabétique et être obèse. Ces décisions ont été codifiées dans le décret n° 2020-1098 du 29 août 2020, et étendues dans la fonction publique pour la mise en ASA. 

Risque d’« erreur manifeste »
C’est précisément la Ligue contre l’obésité qui a porté l’affaire devant le Conseil d’État, en demandant la suspension du décret du 29 août 2020, « en ce qu’il limite indûment la liste des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ne qualifie pas certaines catégories de personnes comme vulnérables ». 
Le gouvernement a demandé le rejet de cette requête, en justifiant sa décision et en prétendant que la Ligue nationale contre l’obésité n’avait pas « intérêt à agir », ce qui, en termes juridiques, signifie qu’il ne lui reconnaît pas le droit de faire valoir les intérêts de ses membres dans cette affaire. 
Sur ce dernier point déjà, le Conseil d’État a sèchement donné tort au ministre de la Santé, dans son ordonnance rendue hier : « La Ligue nationale contre l’obésité est une association de représentants d’usagers du système de santé ayant notamment pour objet, aux termes de ses statuts, la promotion des droits des personnes souffrant d’obésité ou de surpoids et le développement par tous moyens d’actions en faveur de la prise en charge de ces personnes. Elle justifie ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre des Solidarités et de la Santé, d’un intérêt suffisant à la suspension de l’exécution du décret. »
Sur le fond, si le Conseil d’État ne valide pas tous les arguments de la Ligue nationale contre l’obésité, il lui donner toutefois raison, en estimant que pour prendre sa décision, le gouvernement ne s’était pas appuyé sur des avis suffisamment solides. Les juges relèvent d’abord que le Haut conseil de la santé publique, « dont le ministre a indiqué avoir pris en compte les avis », n’a jamais « modifié la liste qu’il avait établie auparavant ». 
Pour justifier du resserrement de la liste des pathologies, le ministre de la Santé s’est appuyé sur « une étude anglaise publiée le 8 juillet 2020 dans la revue Nature » et sur les résultats d’une étude française qui, relève le Conseil d’État, « ne formule toutefois à cet égard que des hypothèses renvoyant à des études ultérieures ». Dans ces conditions, il est permis d’émettre un « doute sérieux » sur la légalité de cette décision, car elle pourrait « être entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans le choix des critères de vulnérabilité ». Le Conseil d’État enfonce le clou en affirmant que le gouvernement « n’a pas suffisamment justifié, pendant l’instruction, de la cohérence des nouveaux critères choisis ». 

Le décret partiellement « suspendu »
Le Conseil d’État ordonne donc la suspension, notamment, de l’article 2 du décret, qui fixe la nouvelle liste, et de l’article 4 qui abroge le décret du 5 mai. Ces dispositions sont suspendues « jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur leur légalité ». Dans ces conditions, en attendant cette future décision, c’est donc de nouveau la liste des 11 pathologies décrétée le 5 mai qui revient en vigueur.
Le gouvernement, s’il veut que la liste resserrée soit rétablie, va donc devoir au plus vite rédiger un nouveau décret, en s’appuyant sur des bases plus solides. Le ministère de la Santé, annonce ce matin la Ligue nationale contre l’obésité sur son site internet, a convoqué dès cet après-midi « toutes les associations concernées par les modalités des décrets du 5 mai et 29 août ». Cette réunion « devrait permettre d’en savoir plus sur la direction que souhaite prendre le gouvernement en matière de protection des populations les plus fragiles face au covid-19 ».

Franck Lemarc

Télécharger l’ordonnance du Conseil d’État. 

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Fonction publique territoriale
Le CSFPT appelle les collectivités à se doter d'une « culture de la gestion de crise »

Réuni le 14 octobre en séance plénière sous la présidence de Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a accueilli Amélie de Montchalin. L’occasion pour l'instance en charge du dialogue social de présenter à la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques une motion analysant l’engagement des élus et des agents des collectivités dans la crise sanitaire liée au covid-19.
Dans ce texte, voté à l’unanimité, le Conseil supérieur souligne que la gestion de la pandémie « a révélé, et parfois amplifié, des différences, des inégalités, des dysfonctionnements » à travers les territoires. Face à cette hétérogénéité des situations, l’institution paritaire formule plusieurs remarques en direction du gouvernement, en souhaitant qu’elles soient prises en compte « quelles que soient la durée et l’ampleur de la crise sanitaire ».
Dénonçant en premier lieu « l’absence de statistiques globales, détaillées et indépendantes » concernant la fonction publique et particulièrement la territoriale, le CSFPT revendique en premier lieu de pouvoir bénéficier de données afin de « mieux évaluer le nombre de collectivités qui ont mis en place un Plan de continuité d’activité, essentiel pour adapter l’organisation des services aux situations d’urgence ». Plus largement, le Conseil supérieur pointe la nécessité de mettre en place « une culture de la gestion de crise » en prévision et prévention de futures catastrophes sanitaires. 
Le CSFPT souligne l’urgence de renforcer le dialogue social pendant cette période de tensions. « On constate que les collectivités qui avaient une culture et une pratique habituelle du dialogue social ont mieux résolu certaines difficultés que celles qui y sont moins accoutumées », indique notamment la motion qui appelle, par ailleurs, à ouvrir des discussions sur « l’évolution des conditions de travail » des agents. 
Enfin, le texte communiqué à Amélie de Montchalin rappelle deux revendications de la sphère territoriale : le classement de la Covid-19 comme maladie professionnelle pour les agents territoriaux qui ont eu affaire à des personnes atteintes et qui ont, de ce fait, été contaminés et la suspension du jour de carence durant la crise sanitaire. 

Nouvel avis négatif sur la réforme des commissions administratives paritaires
Outre cette prise de position liée à l’épidémie, l’instance paritaire a examiné trois textes, dont deux projets de décrets ayant fait l’objet d’un avis unanimement défavorable exprimé par les représentants des organisations syndicales lors de leur premier examen, le 23 septembre dernier. Concernant le projet de décret sur les commissions administratives paritaires (CAP), le texte précise les compétences de ces instances à compter du 1er janvier 2021. Il révise également leur composition en supprimant les groupes hiérarchiques à compter du prochain renouvellement général des CAP et supprime les conseils de discipline de recours. À l’issue de ce nouvel examen, le projet a fait l’objet d’un second vote négatif du CSFPT (14 avis défavorables au sein du collège employeur et 17 avis défavorables et 2 abstentions au sein du collège des organisations syndicales). 
Autre texte réétudié par le CSFPT le 14 octobre : le projet de décret fixant les modalités d’organisation des concours et examens professionnels des cadres d’emplois de sapeurs-pompiers professionnels. Le 23 septembre dernier, ce projet, qui précise la nature des épreuves ainsi que l’organisation et le déroulement des concours et examens professionnels d’accès ou d’avancement des différents cadres d’emplois, avait fait l’objet d’un avis unanimement défavorable exprimé par les représentants des agents. À l’occasion du second passage devant le Conseil supérieur, le texte a reçu un avis favorable (10 votes favorables et 4 abstentions pour le collège employeur, 8 votes défavorables et 11 abstentions pour celui des organisations syndicales).

Limitation des inscriptions multiples aux concours 
Enfin, le dernier texte examiné par les membres du CSFPT visait à limiter l’inscription multiple d’un candidat à un concours organisé simultanément par plusieurs centres de gestion. Ce projet de décret a reçu un avis favorable de la part de l’instance paritaire (14 avis favorables au sein du collège employeur, 4 avis favorables et 15 abstentions au sein du collège des organisations syndicales).
La prochaine séance plénière du CSFPT est prévue le 18 novembre.

Emmanuelle Quémard

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Journal Officiel du vendredi 16 octobre 2020

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 12 octobre 2020 modifiant les listes des espèces d'oiseaux justifiant la désignation de sites Natura 2000 (zone de protection spéciale) situés en région Occitanie
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 12 octobre 2020 modifiant l'arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments existants proposés à la vente en France métropolitaine
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
Arrêté du 6 octobre 2020 relatif aux pièces constitutives des dossiers de demande de la médaille d'honneur des sociétés musicales et chorales

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