Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 7 février 2025
Budget

Le Parlement adopte définitivement un budget 2025 dont « personne ne peut se satisfaire »

Après un parcours législatif très compliqué, le projet de budget pour 2025 doit encore franchir l'étape du Conseil constitutionnel en attendant sa promulgation à la fin du mois. Les collectivités retiendront notamment la ponction importante sur leurs recettes et l'amputation de moitié du Fonds vert.

Par Aurélien Wälti

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La France a enfin un budget. Ou presque. Après plus de quatre mois d’un marathon budgétaire mouvementé et inédit, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a été définitivement adopté, hier, par le Parlement, à la suite d'un ultime vote du Sénat et du rejet, la veille par l'Assemblée nationale, de la motion de censure visant le Premier ministre.

Reste, toutefois, à franchir l’étape du Conseil constitutionnel - qui pourrait amputer le texte de certaines mesures jugées fragiles juridiquement - , avant une promulgation prévue « d’ici à la fin du mois ». Avec plusieurs semaines de retard, le pays pourra alors sortir de la loi spéciale, qui a permis depuis le début de l’année de faire fonctionner l’État a minima afin d’éviter la paralysie budgétaire et un shutdown.

Budget « imparfait » 

Un texte qui a connu un parcours législatif particulièrement tourmenté. Suspendu début décembre par la chute d’un gouvernement Barnier sans majorité, ce projet de budget a ensuite été repris dans ses grandes lignes par François Bayrou, amendé par les sénateurs avant de faire l’objet d’un compromis avec les députés en commission mixte paritaire (CMP), vendredi dernier. 

Dominé par une alliance entre la droite et les centristes, le palais du Luxembourg a finalement approuvé, hier matin, définitivement ce PLF à 219 voix contre 107, lors d’un dernier vote sans suspense.

Parmi les sénateurs et les membres de l’exécutif présents hier dans l’hémicycle, un seul point a fait l’unanimité : c’est un budget « imparfait », « idéal pour aucun parti »  et dont « personne ne peut totalement se satisfaire ». 

Son adoption marque, cependant, « un coup d'arrêt à l'effondrement budgétaire passé pour entamer un indispensable redressement » , s’est félicité le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), alors que le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a salué un « texte de compromis »  et de « redressement financier »  qui doit permettre de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025. 

Pour cela, il prévoit « un effort jamais fait »  de 30 milliards d'euros d'économies et de 20 milliards d'euros de hausse d'impôts.

« Le compte n’y est pas », a déploré, pour sa part, le sénateur socialiste de la Sarthe Thierry Cozic, qui a dénoncé les « coupes sombres dans les diverses missions budgétaires ». « Par cette austérité, vous cherchez dans les poches de ceux qui n’ont pas créé le problème des solutions qui ne fonctionnent pas » , a-t-il lancé, se satisfaisant toutefois de « quelques inflexions sur la partie recettes ».

Regardant déjà au-delà de ce « budget d’urgence », la ministre chargée des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a prévenu que, « dès le prochain budget et jusqu’en 2029, nous aurons à lancer des réformes plus profondes pour dépenser mieux, pour revoir l’organisation de notre action publique avec les collectivités, dans la sphère sociale… » 

Collectivités : ponction sur les recettes

Que retenir de ce budget « imparfait »  pour les collectivités ? S’il est moins brutal que ce qui était annoncé initialement, les communes, EPCI, départements et régions devront tout de même endurer une ponction de 2,2 milliards d’euros sur leurs recettes, soit un peu moins de la moitié de l'effort de 5 milliards d’euros originel qui leur était demandé. 

Une contribution qui représente « bien moins que leur part relative dans la dépense publique », s’est réjoui le sénateur du Cantal, Stéphane Sautarel (apparenté LR), alors que Thierry Cozic a jugé l’effort « encore trop fort »  et rappelé que « leurs budgets sont en tension ».

Dans le détail, cette contribution se décompose en deux mesures : un gel de la TVA (qui coûtera 1,2 milliard d’euros aux collectivités) et la mise en place d’un dispositif de mise en réserve d'un milliard d’euros, appelé Dilico (pour « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales » )

Ce dernier ciblera quelque 2 000 collectivités en ponctionnant les recettes des communes et des EPCI à hauteur de 500 millions d’euros, celles des départements de 220 millions et celles des régions de 280 millions d’euros. 

Reste que la somme ainsi prélevée devra être reversée aux collectivités contributives, par tiers, pendant trois ans. Ce nouveau fonds de réserve a été qualifié d’ « erreur stratégique et financière »  par l’AMF qui a estimé qu’il allait « aggraver en réalité le déficit de l’État ». « Les projets locaux, déjà largement engagés, nécessiteront le recours à l’emprunt pour compenser les pertes de ressources, ce qui dégradera les comptes publics », selon l’association.

Fonds vert amputé

D’autant qu’à cet effort demandé aux collectivités, il faut également ajouter la baisse drastique du Fonds vert qui va passer de 2,5 milliards à 1,15 milliard d’euros. Sans compter la hausse de 12 points imposée, il y a quelques jours par l’exécutif, sur les cotisations employeurs à la caisse de retraite des agents hospitaliers et des collectivités locales (CNRACL) qui pèsera plus d'un milliard d'euros sur les budgets locaux. Mais aussi d'autres réductions de crédits, comme celles sur les opérateurs de l'Etat qui participent aux investissements locaux.

Au total, la facture s'alourdirait et la contribution pèserait ainsi plus de 6 milliards d'euros pour les collectivités, selon les calculs de l'AMF.

Et si la DGF sera finalement revalorisée de 150 millions d’euros, cela se fera en minorant d'autant les crédits de dotation de soutien à l'investissement local (Dsil). La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) sera, quant à elle, préservée cette année.

Face aux difficultés des départements, on peut aussi retenir que les parlementaires leur ont octroyé le pouvoir de relever de 4,5 % à 5 % le plafond des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour trois ans (avec exonération pour les primo-accédants) tandis que les régions pourront désormais voter un versement mobilité jusqu’à 0,15 % de la masse salariale des entreprises de onze salariés et plus.

Quelques concessions ont également été accordées sur la prévention des catastrophes naturelles, avec l’abondement de 230 millions d'euros du fonds Barnier, et l’augmentation de 11 % du budget des Outre-mer afin de soutenir la reconstruction de Mayotte et de la Nouvelle-Calédonie.

Exemption de TVA : les impacts de l’abaissement du seuil 

Autre mesure qui pourrait avoir d’importantes conséquences pour les collectivités : l'abaissement à 25 000 euros du seuil de la franchise de TVA (dont les effets sont similaires à une exonération).

Alors que le seuil de chiffre d’affaires en-dessous duquel un redevable peut bénéficier de ce régime était jusqu’à présent de 85 000 euros pour le commerce et de 37 500 euros pour les prestations de service, cette mesure risque de soumettre à cette taxe les activités des collectivités générant de faibles recettes.

Les locations de salles des fêtes, de locaux aux commerçants (boulangerie, épicerie en milieu rural…) ou à des professionnels de santé pourraient ainsi être concernées, entraînant une hausse des tarifs ou une baisse des recettes des collectivités si celles-ci ne répercutent pas la TVA sur les prix.

Mais devant la levée de boucliers des derniers jours, le gouvernement a annoncé, hier, la suspension de la mesure pour les micro-entrepreneurs dont la mise en œuvre était prévue le 1er mars. Le temps d'une concertation pour « ajuster cette mesure si nécessaire ».

En attendant les conclusions de cette consultation, « les entreprises et autres organismes ne sont pas tenus d’effectuer les nouvelles démarches déclaratives en matière de TVA », explique ainsi l’exécutif, dans un communiqué.

FRR : réintégration de 2 168 communes

Parmi toutes les mesures contenues dans le projet de budget pour 2025, on peut aussi rappeler la réintégration des 2 168 communes exclues, depuis le 1er juillet 2024, du nouveau zonage unique France ruralités revitalisation (FRR), celui-là même qui remplace l’ancien dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR). Ce qui leur permettra de continuer à bénéficier des exonérations fiscales et sociales de ce dispositif de soutien aux zones rurales en difficulté.

Du côté des fonctionnaires, les parlementaires ont décidé d’abaisser à 90 % l'indemnisation des agents en arrêt-maladie, mais n’ont pas allongé le délai de carence.

Par ailleurs, si le sénateur Thierry Cozic s’est félicité, hier au Sénat, de l’obtention d’une « enveloppe de 500 millions d’euros pour l’investissement dans les trains régionaux et des petites lignes », ainsi que « la mise en place d’un fonds climat territorial » , il semble bien que, comme les années précédentes, cette dernière disposition ait finalement été expurgée du texte final.

Consulter le PLF pour 2025.
 

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