Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 4 juillet 2023
Violences urbaines

Émeutes : l'heure des comptes pour les communes

Alors que le retour au calme semble se confirmer, vient le temps d'un premier bilan. Le chef de l'État va recevoir plus de 200 maires, aujourd'hui, pour les « Ã©couter », et les communes commencent à chiffrer le montant des dégâts. Le gouvernement assure que « personne ne sera laissé au bord du chemin ». 
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© Villeneuve-les-Salines

Il est encore trop tôt pour faire un état des lieux chiffré de ce qu’auront coûté les émeutes. Si le Medef brandit déjà un chiffre global d’un milliard d’euros de dégâts, rien ne permet, si tôt après les événements, de savoir s’il est sur ou sous-estimé. 

Commerces 

Le gouvernement a très rapidement annoncé des mesures d’aides pour les commerçants touchés par les destructions et les pillages. Dès dimanche, Bercy indiquait avoir pris attache avec les assureurs pour leur demander de faire preuve de « simplicité, rapidité et bienveillance »  et de s’engager à « réduire au maximum le montant des franchises ». Bercy a également demandé aux banques de faire preuve de « la plus grande compréhension vis-à-vis des échéances bancaires ». Du côté de l’État, un « report des charges sociales et fiscales »  est à l’étude, et le gouvernement étudie la possibilité de « prolonger d’une semaine la fin des soldes »  – ce qui, il est vrai, ne changerait pas grand-chose pour les commerces détruits, mais permettrait de « rattraper »  les jours perdus pendant les émeutes, pour les autres. 

Plusieurs fédérations de commerçants ont également demandé au gouvernement le report des échéances de remboursement des PGE (prêts garantis par l’État) contractés pendant la pandémie, sans réponse pour le moment. 

Dégâts considérables

Du côté des communes et EPCI, il faudra plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour établir un bilan chiffré des dégâts. Il est évident que les dépenses seront considérables – rappelons qu’en 2005, la facture pour les collectivités s’était élevé à quelque 200 millions d’euros de réparation, a indiqué ce matin la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure. La semaine dernière, les émeutes ont touché beaucoup plus de communes qu’en 2005, mais ont aussi duré nettement moins longtemps. Malgré tout, entre les bâtiments publics endommagés ou détruits, la voirie à refaire, le mobilier urbain abîmé (feux de signalisation, panneaux, lampadaires, abribus…), les véhicules brûlés (voitures de la police municipale, bus, voire tramway…), la facture sera lourde. 

Garantie émeutes

Ce sont bien sûr, en premier lieu, les assurances qui vont indemniser les collectivités. Maire info a interrogé hier Élodie Alleau, directrice des indemnisations à la Smacl, principal assureur des collectivités territoriales, qui a mis en place « une cellule de crise »  dès jeudi dernier. L’assureur se livre depuis la semaine dernière à un travail de recherche et de veille pour « identifier les communes qui ont été impactées », en même temps qu’elle recense les demandes d’indemnisations déjà arrivées. À ce jour, la Smacl constate qu’environ « 60 % des collectivités identifiées comme ayant fait l’objet de violences »  sont assurées chez elle. 

« Une cinquantaine de déclarations »  étaient parvenues hier à la Smacl, ce qui est relativement peu mais n’a rien d’étonnant : « Ces derniers jours, les maires et leurs services étaient dans l’action », et le temps du bilan et des expertises ne vient, en général, qu’une fois les événements passés. 

La situation sera, sur la question assurantielle, plus simple pour les collectivités que pour les entreprises ou les particuliers. En effet, les contrats d’assurance classiques excluent en général des dégâts causés par les émeutes, comme en dispose l’article L121-6 du Code des assurances : « L'assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires. » « Pour les collectivités locales, le risque émeute est en général prévu dans les contrats », précise Élodie Alleau, qui indique que 95 %  des assurés de la Smacl ont pris une « garantie émeute », qui est même incluse dans le contrat de base pour les communes de moins de 5 000 habitants. 

30 % d’acompte « immédiat »  à la Smacl

Les déclarations peuvent être faites jusqu’au 31 juillet. La Smacl souhaite pouvoir verser des acomptes à ses assurés très rapidement : « Nos experts adresseront un chiffrage sous dix jours, avec versement d’un acompte de 30 % immédiatement. »  Les réponses des experts peuvent être plus ou moins longues : dans le cas de l’incendie d’un bâtiment par exemple, il peut être nécessaire de réaliser des expertises complémentaires sur la structure du bâtiment avant de donner un chiffrage. 

Pour l’instant, Élodie Alleau indique que deux expertises seulement ont été finalisées pour deux collectivités où se sont produits des incendies « majeurs », la première à 2,8 millions d’euros et la seconde à 1,4 million d’euros. Mais elle ajoute que « les dossiers les plus lourds n’ont pas encore été expertisés ». 

Quant aux frais occasionnés, par exemple, par l’obligation d’utiliser des bâtiments de remplacement pour accueillir un service dont le siège habituel a été détruit, ils ne sont pas forcément pris en charge par l’assurance : ce n’est le cas que si l’assuré a pris une « garantie contractuelle de perte d’usage », ce qui n’est pas obligatoire. 

Fonds d’urgence

Reste le cas des rares communes dont les biens ne seraient pas assurées pour le risque d’émeutes. Le gouvernement, par la voix de Dominique Faure, a affirmé ce matin « qu’aucune commune ne serait laissée sur le bord du chemin », et que le gouvernement étudie la question de la création d’un « fonds d’urgence »  destiné à « compléter »  ce que les assurances ne rembourseraient pas, fonds qui pourrait éventuellement être abondé, en plus, par « les départements et les régions ». Pour l’instant, le gouvernement a seulement annoncé le déblocage de « 20 millions d’euros »  pour réparer ou remplacer les caméras de vidéo-protection abîmées et brisées pendant les troubles. Mais l’une des premières urgences à traiter, en ce début de vacances d’été, va être celle des centres de loisirs dont certains ont été attaqués. 

Heures supplémentaires

Autre question importante : celle des heures supplémentaires effectuées par les agents municipaux pendant ces jours agités. Dans certaines communes, les agents (policiers municipaux, agents de la voirie) ont été sur-sollicités pour faire face aux dégradations. Or le décret du 14 janvier 2002 dispose que le nombre d’heures supplémentaires, dans la fonction publique, « ne peut dépasser un contingent mensuel de 25 heures ». Dans la mesure où ce contingent a été fréquemment dépassé pendant la crise, l’AMF a interrogé le ministère de la Transformation et de la Fonction publique sur ce sujet. Le cabinet de Stanislas Guerini a répondu que le même décret prévoit (article 6) que « lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient et pour une période limitée, le contingent mensuel peut être dépassé sur décision du chef de service qui en informe immédiatement les représentants du personnel au comité social d'administration compétent ». 

Rappelons que les heures supplémentaires doivent être rémunérées avec une majoration de 1,25 pour les 14 premières heures, puis 1,27 pour les suivantes. Les heures supplémentaires sont majorées de 100 % lorsqu’elles sont effectuées la nuit, et des deux tiers les dimanches et jours fériés. 

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