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Édition du lundi 24 avril 2023
Commerce

Vente de muguet pour le 1er mai : l'intérêt de prendre des arrêtés de réglementation

Dans une semaine, ce sera le 1er mai , jour où, à titre exceptionnel, la vente à la sauvette de muguet par des particuliers est tolérée. La Fédération des artisans fleuristes demande néanmoins aux maires, comme chaque année, de faire respecter scrupuleusement les règles et d'encadrer cette pratique par des arrêtés municipaux.  

Par Franck Lemarc

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© MIOM

« Il est revenu le temps du muguet… ». Comme à chaque veille de 1er mai, les artisans fleuristes s’inquiètent de la prolifération des vendeurs à la sauvette de la petite fleur à clochettes blanches, dont la vente est tolérée sans autorisation, de façon exceptionnelle, uniquement ce jour. 

Rebondissements juridiques

Rappelons que cette tradition a fait l’objet de maints conflits entre fédérations professionnelles et vendeurs, en particulier ceux du Parti communiste dont la vente de muguet le 1er mai a longtemps représenté un mode de financement traditionnel. Ce qui, soit dit en passant, peut faire sourire, quand on se rappelle que le muguet, tout comme le caractère férié du 1er mai lui-même, est un héritage… du maréchal Pétain. C’est en effet le régime de Vichy qui a transformé le 1er mai, jusqu’alors « journée internationale de lutte des travailleurs », en « Fête du travail et de la concorde sociale », rendant ce jour férié… pour éviter les grèves. Et qui a remplacé l’usage de l’églantine, dont la couleur rouge était une référence aux ouvriers tués lors de la grève de Fourmies du 1er mai 1891, par celui du muguet. 

Quoi qu’il en soit, c’est déjà dans les années 1990 qu’un conflit juridique a opposé les fédérations de fleuristes aux vendeurs à la sauvette. Conflit aux multiples rebondissements, puisque la justice a d’abord estimé, en 1996, que la vente de muguet au 1er mai n’était pas illégale, puisqu’elle ne présentait « pas de caractère répétitif ou habituel », avant que la Cour de cassation, quelques années plus tard, en 2000, casse cette décision. Mais un an plus tard, le ministère de l’Intérieur a admis une « tolérance » : « Cette vente fait l’objet d’une tolérance admise à titre exceptionnel conformément à une longue tradition », écrivait-il alors en 2001. En 2019 encore, le site du ministère de l’Intérieur rappelait que, « alors que toute vente de rue est en principe soumise à autorisation, la vente de muguet le 1er mai fait office d’exception », sous réserve de « respecter quelques règles ». 

Les règles à connaître

Première règle essentielle : cette tolérance existe seulement le 1er mai, et non avant : il est interdit de vendre du muguet à la sauvette les jours précédents ou la veille de ce jour. Seule la vente de brins de muguet « cueillis »  est autorisée, sans emballage, et non « accompagné d’autres fleurs ». Impossible donc de vendre des pots de muguet en terre. Il est également obligatoire de ne proposer que « de petites quantités », et interdit d’utiliser « tables et tréteaux ». Il est enfin demandé aux vendeurs de ne pas s’installer « à proximité »  d’un fleuriste. 

Ces derniers estiment en effet que cette vente à la sauvette représente une concurrence d’autant plus préjudiciable que, le 1er mai était un jour férié obligatoirement chômé (c’est le seul de l’année), les salariés qui travaillent quand même se voient payés double (article L3133-6 du Code du travail). Il y a donc « une distorsion de concurrence manifeste vis-à-vis des artisans fleuristes qui respectent la législation et rémunèrent ce jour-là leurs collaborateurs avec une majoration de salaire », écrit la Fédération française des artisans fleuristes (FFAF). 

Prendre un arrêté et le faire connaître

C’est pourquoi, chaque année, la FFAF s’adresse aux maires pour leur demander de réglementer le plus précisément possible cette vente de muguet. Celle-ci a, cette année encore, écrit au président de l’AMF, David Lisnard, pour l’alerter sur « l’importance de faire respecter la législation en vigueur concernant la vente du muguet »  et demander que celle-ci soit « encadrée par des arrêtés municipaux ». La FFAF a également envoyé à ses adhérents un « courrier type »  à adresser à leur maire, qui indique notamment : « Depuis trop longtemps inscrite dans une habitude s’avérant préjudiciable, ce phénomène tend à s’accentuer et à se répandre davantage chaque année, parfois même sur le seuil de boutiques de fleuristes, mettant ainsi en péril leur activité d’artisan ce jour-là », ce qui est particulièrement problématique « compte tenu de la situation économique à laquelle le commerce de proximité est aujourd’hui confronté ». Pour « préserver ces entreprises de proximité », les fleuristes demandent donc au maire de prendre des arrêtés pour encadrer strictement la vente à la sauvette et rappeler les règles. 

L’AMF conseille également aux élus de le faire. De nombreux maires, du reste, ont déjà pris l’habitude de prendre de tels arrêtés à la veille du 1er mai, notamment pour déterminer la distance minimale à respecter entre un point de vente et un fleuriste – certaines communes prescrivant « 50 m », d’autres 100 ou 200. Des maires ont, par le passé, tenté de prendre des arrêtés pour interdire carrément la vente à la sauvette de muguet sur leur commune, mais ces initiatives apparaissent juridiquement fragiles et ne sont pas conseillées. 

En revanche, on ne saurait trop encourager les élus non seulement à prendre des arrêtés mais à les faire connaître, y compris en informant la presse locale et en faisant mention de ces règles sur le site internet de la commune et/ou ses réseaux sociaux. 

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