Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 19 avril 2023
Déchets

Consigne sur les bouteilles plastique : les associations d'élus plus que jamais vent debout contre le projet

Dix associations et réseaux d'élus ont « uni leurs forces » pour présenter des solutions alternatives au projet gouvernemental de consigne sur les bouteilles plastique, rebaptisé « fausse consigne ». Ces « 14 solutions » sont accompagnées d'un dossier de presse particulièrement argumenté.

Par Franck Lemarc

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© AMF

C’est peu de dire que le projet de mise en place de la consigne sur les bouteilles plastique, que le gouvernement, malgré l’opposition farouche des collectivités locales, veut tenter à tout prix de mettre en place, fait l’unanimité contre lui du côté des associations d’élus. 
Dans un dossier de presse d’une vingtaine de pages, les associations (1) assassinent littéralement ce projet, jugé contre-productif socialement, économiquement et écologiquement. 

Tous perdants, sauf les industriels

Rappelons que ce projet fait l’objet d’une concertation depuis la fin janvier, qui va durer jusqu’au mois de juin. Le gouvernement cherche ici à recycler, c’est le cas de le dire, une idée qui lui tient visiblement beaucoup à cœur, puisqu’il n’a eu de cesse que de la promouvoir depuis 2019, malgré l’opposition des associations d’élus qui dénoncent, depuis le début, un « non-sens écologique et environnemental ». 

De quoi s’agit-il ? De proposer d’augmenter le prix des boissons en bouteilles plastique (de 20 centimes), et de demander aux consommateurs de rendre la bouteille après usage, dans des points de collecte, pour récupérer les 20 centimes – d’où le terme de « consigne ». Autrement dit, alors qu’il suffit aujourd’hui aux consommateurs de jeter, gratuitement, leur bouteille plastique dans un bac jaune, le gouvernement veut mettre en place un système parallèle, plus coûteux pour le consommateur, et fort profitable pour les producteurs, puisque l’on peut déjà gager qu’une bonne partie des consommateurs ne ramèneront pas les bouteilles, ce qui permettra aux producteurs de gagner 20 centimes de plus sur chaque bouteille non rapportée. 

Il ne s’agit pas, précisons-le, d’une consigne pour réemploi, comme c’est le cas pour les bouteilles en verre qui, lorsqu’elles sont rapportées, sont lavées et réutilisées : les bouteilles plastique rapportées seront détruites pour être recyclées, exactement comme si elles étaient passées par le bac jaune. C’est donc bien, expliquent les associations, « une fausse consigne qui consiste à augmenter artificiellement le prix des boissons en bouteille plastique ». Elle n’aura pour effet ni de réduire la pollution (les bouteilles plastique ne représentent que 10 % des déchets plastique produits en France), ni de simplifier le geste de tri, au contraire, puisque la véritable simplification, intervenue cette année, consiste à pouvoir jeter sans réfléchir tous les emballages dans le bac jaune. 

Pire, l’instauration de ce système pourrait déséquilibrer la filière du recyclage, en rendant surdimensionnées les installations mises en place, au prix de lourds investissements, par les collectivités locales. Et, cerise sur le gâteau, elle aurait un impact carbone négatif, eu égard à la lourde logistique qu’il faudra mettre en place pour transporter les bouteilles depuis les points de collecte jusqu’aux lieux de recyclage. 

En revanche, le gain pour les metteurs en marché de bouteilles plastique pourrait s’élever à 700 millions d’euros par an, estiment les associations, entre les consignations non rendues, la vente du plastique recyclé et les économies sur l’éco-contribution à la filière REP. Côté consommateurs, ce sera la double peine : ils continueront de payer la taxe ou la redevance sur les ordures ménagères, et 20 centimes de plus sur chaque bouteille achetée. 

Pour les collectivités enfin, le manque à gagner pourrait s’élever à quelque 300 millions d’euros, entre les pertes sur la vente de matière et celles du soutien Citeo.

Autrement dit, les seuls gagnants de ce système quelque peu ubuesque seraient les industriels. 

14 propositions

Les associations ne proposent pas le statu quo, mais font au contraire 14 propositions pour atteindre l’objectif, fixé par la loi, de 90 % de collecte pour le recyclage des bouteilles plastique. 

Elles proposent notamment de prendre le mal à la racine en réduisant la consommation la consommation de bouteilles plastique – notamment pour l’eau –, et en multipliant les points de collecte des emballages partout (espaces publics, ERP, transports, lieux de travail…) : les associations veulent promouvoir « un geste de tri partout, pour tous et tout le temps », en « mettant en place d’ici 2025 une collecte sélective des bouteilles plastique et de tous les emballages consommés hors domicile ». 

Elles suggèrent aussi de rendre « les objectifs plus ambitieux et plus  contraignants pour les éco-organismes en matière de collecte sélective et de tri de tous les emballages plastique », grâce à « l’amélioration du taux de prise en charge des coûts des collectivités locales (en y intégrant) le coût des emballages dans les ordures ménagères afin de les inciter à aller chercher plus de déchets d’emballages ». 

Les associations souhaitent également que le cadre juridique de la tarification incitative continue d’évoluer pour que les collectivités s’en emparent plus facilement.

Au-delà de la seule question des bouteilles plastique, les associations demandent à l’État plus d’ambition sur la lutte contre la pollution plastique, et de faire de la lutte contre les déchets sauvage « une grande cause nationale ». Parmi les autres propositions : réformer la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes), pour la rendre « plus juste et plus incitative », avec « une recette affectée entièrement au développement de l’économie circulaire en particulier au déploiement du tri a la source des biodéchets ». 

Reste à savoir si le gouvernement va entendre l’opposition unanime des associations d’élus – ainsi que celle du CNR, le Cercle national du recyclage. Ou s’il sera plus sensible aux arguments des multinationales de la boisson. Réponse en juin, à l’issue de la concertation.  


(1)   AMF, Amorce, AMRF, ANPP, APVF, CNR, Départements de France, France ubraine, Intercommunalités de France et Villes de France. 

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