Maire-info
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Édition du mercredi 1er mars 2023
Fiscalité locale

Impact de la révision des valeurs locatives : faute de données actualisées, la Cour des comptes réclame un nouveau « bilan » complet dès 2024

L'évaluation de la réforme visant les locaux professionnels permettrait de connaître les conséquences de l'actualisation des paramètres annoncée en 2025 sur les ressources des collectivités. Des effets qui restent encore particulièrement flous. Selon les magistrats financiers, elle permettrait aussi de mieux appréhender l'impact de la prochaine réforme programmée en 2028 et visant, cette fois, les locaux d'habitation.

Par A.W.

« Il serait opportun de tirer les enseignements [de la réforme visant les valeurs locatives des locaux professionnels] pour mieux définir celle, à venir, des locaux d’habitation. »  Dans un rapport publié lundi sur la gestion des « taxes foncières »  entre 2016 et 2021, la Cour des comptes pointe la « complexité »  de cette imposition, mais surtout estime qu’il « manque un bilan »  de la révision en cours permettant de déterminer l’impact sur les recettes des collectivités. 

Actualisation en 2025 : des effets encore méconnus

Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, les conséquences de la réforme des valeurs locatives engagée en 2017 pour les 3,6 millions de locaux professionnels ne semblent toujours pas totalement connues. Que ce soit pour les contribuables comme pour les collectivités. 

Bien qu’une évaluation de ses effets à horizon 2025 ait déjà été publiée et ait mis en avant les potentiels gagnants (supermarchés et hypermarchés) et perdants (parcs de stationnement à ciel ouvert, magasins de centres commerciaux ou les maisons de retraite et de repos) par catégorie de locaux, celle-ci n’a, depuis, pas été actualisée. Et ce, malgré les modifications substantielles intégrées à partir de 2017 : la suppression de la taxe d’habitation, les dispositifs de neutralisation et de planchonnement ou encore l’actualisation sexennale des paramètres reportée en 2025 par la loi de finances pour 2023, mais qui laissait entrevoir de « profondes évolutions »  dans certains territoires

« L’absence d’outils de simulation, qui tiendraient compte de ces évolutions, ne permet pas d’appréhender les conséquences de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ni du point de vue du contribuable, ni du point de vue des collectivités », déplorent ainsi les magistrats financiers. Résultat, « la trajectoire d’ensemble de la réforme ne peut […] être évaluée faute de données disponibles ». 

Pour y remédier, la Cour recommande donc de « réaliser une évaluation […] exhaustive de la révision des locaux professionnels, incluant les effets des mécanismes transitoires et l’analyse d’impact des actualisations périodiques, tant pour les différentes catégories de contribuables que pour les recettes des collectivités ». 

Baisse de la contribution fiscale depuis 2016

Des premiers chiffres d’évolution sur les dernières années sont, toutefois, disponibles et révèlent une diminution de la contribution fiscale des locaux professionnels avec, « à nombre de locaux inchangé, un rendement [qui] s’établit à 6,1 milliards d’euros en 2021 contre 6,4 milliards d’euros en 2016 ».

En parallèle, « la part des locaux professionnels dans la base d’imposition de la taxe foncière a progressé entre 2016 et 2021, passant de 21,6 % à 23,4 % », comme celle du rendement (20,1 % en 2016 contre 22 % en 2021). Cependant, « corrigée de l’évolution du nombre de locaux, la part des locaux professionnels dans la base de la TF s’établit à 20,5 % en 2021 (- 0,9 point par rapport à 2016) tandis que leur part dans le rendement s’établit à 19,3 % », notent les sages de la rue Cambon.

« Signe de la sensibilité politique et de la difficulté technique de ces chantiers, […] la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, qui concerne 52,6 millions de locaux, a, elle aussi, été décalée de deux ans, de 2026 à 2028 », rappellent-ils, en regrettant toutefois que cette révision des bases d’imposition ait été « trop souvent reportée », fragilisant ainsi « les fondements des taxes foncières et nui[san]t à l’équité de traitement des contribuables ».

Il leur apparaît donc d’autant plus « nécessaire »  de dresser « à court terme »  un bilan de la révision menée sur les locaux professionnels, que celui-ci permettra de « tirer des enseignements pour celle, à venir, des locaux d’habitation ». Les paramètres de cette dernière s’inspirant de ceux retenus pour les locaux professionnels.

Donner des outils de simulation aux collectivités

La « révision indispensable »  des valeurs des locaux d’habitation devrait ainsi être préparée « en donnant aux collectivités locales des outils d’analyse et de simulation pour leur permettre de mesurer l’impact sur leurs recettes de taxes foncières ».

Afin d’anticiper les effets de la révision de la valeur locative des locaux d’habitation, la remise d’un rapport au Parlement est d’ores et déjà prévue mais a également été reportée de 2024 à 2026 par la loi de finances pour 2023. Il doit notamment aborder « les transferts de fiscalité entre les catégories de contribuables et les effets de la révision sur les potentiels financier et fiscal des collectivités territoriales, la répartition des dotations de l’État et les instruments de péréquation ». 

Pour rappel, en 2017, une première expérimentation faisait état d'une hausse des valeurs locatives des locaux d'habitation du parc privé pouvant atteindre… les 240 % dans le département du Nord, par exemple (et de 151 % en moyenne). « De quoi faire sauter plusieurs gouvernements », s’était exclamé Daniel Raoul, sénateur du Maine-et-Loire, reprenant la célèbre phrase de Michel Rocard. 

Complexité et multiplicité des exonérations

La Cour des comptes relève, par ailleurs, le « rendement particulièrement dynamique »  de l’impôt foncier, mais pointe « la complexité du calcul de l’assiette, ainsi que celle d’un régime marqué par la multiplicité des abattements, exonérations ou dégrèvements ». 

Elle fait ainsi une série d’autres recommandations sur les améliorations à apporter à « la gestion par les services fiscaux dans leurs relations avec les contribuables et avec les collectivités locales ». Elle demande de « fournir aux décideurs locaux des informations statistiques précises sur la nature des contribuables assujettis aux taxes foncières dans leur commune (particuliers, entreprises, taille de l’entreprise le cas échéant…) ».

Les magistrats financiers suggèrent, par ailleurs, de « publier annuellement le rapport relatif au coût des mesures d'exonération et d'abattement d'impôts directs locaux », de « rendre compte de manière détaillée de la ventilation de l’ensemble des dégrèvements à la charge de l’État au titre des deux taxes foncières », mais aussi « d’accélérer la prise en compte des mutations afin de fiabiliser le fichier des assujettis aux taxes foncières »  ainsi que de « poursuivre la dématérialisation des déclarations foncières et la numérisation des outils à la disposition de la DGFiP pour actualiser plus rapidement les bases d’imposition ».

Les collectivités ont perçu 35 milliards d’euros de taxes foncières en 2021 (à raison de 34 milliards d’euros pour la TFPB et 1 milliard d’euros pour la TFNB). Les taxes foncières ont représenté cette année-là 54 % des recettes fiscales directes des collectivités locales. 

Télécharger le rapport. 
 

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