Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 9 janvier 2023
Santé publique

Le plan santé d'Emmanuel Macron pour « rebâtir le système »

Afin de sortir de ce qu'il a appelé « un jour de crise sans fin », le chef de l'État a présenté de nouvelles mesures afin de réorganiser le travail à l'hôpital, fonder un nouveau pacte avec la médecine libérale, mais également assurer des logements dédiés aux soignants via « une grande initiative » qu'il souhaite engager avec les élus locaux.

Par A.W.

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© Élysée

Réorganiser le travail à l'hôpital, sortir de la tarification à l'acte, proposer des logements dédiés aux soignants ou encore mieux rémunérer les médecins assurant la permanence des soins. En pleine grogne des généralistes et alors qu’un appel à une grève illimitée a été lancé à partir du 10 janvier par FO – deuxième syndicat de la fonction publique hospitalière –, le chef de l’Etat est venu présenter des mesures et ses vœux aux soignants, vendredi, au Centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes, en assurant vouloir « aller beaucoup plus vite, beaucoup plus fort et prendre des décisions radicales ».

Rappelant « l'épuisement personnel et collectif »  de la profession et « le sentiment au fond, de passer d'une crise à l'autre »  sans jamais en sortir, Emmanuel Macron a voulu « donner une impulsion nouvelle »  pour l’ensemble du système de santé.

La situation va se dégrader « dans les années qui viennent » 

Mais il n'existe pas de « recette miracle »  où « en un seul coup on va créer un système de santé formidable », a-t-il aussi prévenu. « On va vivre dans les années qui viennent dans une situation qui va plutôt se dégrader en terme d’offre »  car « on ne forme pas des médecins en un ou deux ans », a-t-il averti, soulignant que « ce n’est pas simplement une crise de moyens », mais une crise « multifactorielle ». 

« Notre défi collectif c’est de dégager du temps de médecins, du temps de soignants face aux patients et donc de complètement repenser notre organisation collective »  avec « plus de temps médical », a-t-il assuré.

À ses yeux, « la solution pour bâtir l’avenir, elle est dans la coopération entre personnels administratifs et soignants, entre soignants paramédicaux et entre la ville et l’hôpital ». Emmanuel Macron a donc promis d'« accélérer le recrutement des assistants médicaux pour les médecins »  pour « délester les tâches périphériques aux soins »  en les faisant passer de près de 4 000 actuellement à « 10 000 d'ici la fin de l'année prochaine ». Il souhaite également « l'appliquer à l'hôpital »  en basculant « des personnels administratifs, logistiques, techniques, au plus près des services pour permettre aux soignants de se concentrer sur le cœur de leur métier ».

En outre, il a dit vouloir « former davantage »  d’infirmières « avec les régions ».

Hôpital : vers « une meilleure organisation du travail » 

Surtout, le chef de l’État a décidé de « rebâtir le système »  et de mettre en place une « meilleure organisation du travail »  à l'hôpital, « d'ici au 1er juin », pour le rendre plus attractif, mais aussi pour « retrouver une échelle humaine ». « On doit, à court terme, tout faire pour garder les personnels qui sont là. Cela, c'est le défi des prochains mois. Et à cet égard, je souhaite que l’on puisse se concentrer sur tout un travail qui permet plus de sérénité, de sécurité des soignants auprès des malades », a-t-il affirmé, déplorant au passage l’« hyper-rigidité »  dans l'application des 35 heures et un système qui « ne marche qu'avec des heures supplémentaires ».

Dans la foulée, le ministre de la Santé, François Braun, a dû préciser qu’il n’a « jamais été question que l’on supprime les 35 heures », mais de « rendre de la souplesse à ce mode fonctionnement », tandis que Sylvain Palat, porte-parole du collectif inter-hôpitaux, a jugé qu’une remise « en question du fonctionnement d’une unité alors que les bras manquent, […] ça manque de sens ».

Côté financement, Emmanuel Macron souhaite changer le dispositif actuel et réformer la tarification à l’activité (T2A) qui est aujourd’hui unanimement critiqué. 

« On doit sortir de la tarification à l'activité dès le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale », la sortie serait ainsi programmée pour 2024. Le nouveau financement reposerait sur des objectifs de santé publique, c’est-à-dire que « pour l'hôpital public, les établissements privés, les professionnels de santé dans le libéral, il faut qu'il y ait une part structurante de la rémunération qui repose sur des objectifs de santé publique qu’on négocie à l'échelle d'un territoire », a indiqué le chef de l’État. 

« Il doit y avoir une rémunération effective des missions réalisées par chacun, prise en charge de la mission et de sa complexité, et enfin une part de rémunération à l'activité qui est tout à fait légitime et qui doit continuer », a-t-il toutefois précisé.

Ce nouveau financement concernera à la fois « les établissements publics et privés », mais aussi « la rémunération de la coopération entre la ville et l'hôpital » . « Les besoins de santé évoluent et personne ne peut plus supporter que des établissements se fassent une concurrence nuisible », a-t-il dénoncé.

« Allons-y, finançons l’hôpital avec des objectifs de santé publique, à condition que cette suppression concerne également le privé parce que sinon il y aura un système à deux vitesses », a, de son côté, soutenu le maire de Reims Arnaud Robinet (Horizons), également président de la Fédération hospitalière de France. 

Des logements dédiés

Évoquant les « conditions de vie »  parfois « très difficiles »  des soignants (logements chers, horaires décalés…), le chef de l’État a dit vouloir engager « une grande initiative »  avec les élus locaux pour définir « d'ici l'été prochain »  un « plan d'action partagé »  pour créer un « parc de logements dédiés »  parce que « ça ne marche pas dans le logement social ». 

Il faut donc, à ses yeux, un parc de logements dédiés « pour les personnels qui en ont besoin »  en aidant « celles et ceux dans ces zones où le logement est très cher ». « Il faut qu'on ait aussi, sur des sujets aussi clairs que l'accompagnement aux déplacements, les stationnements, etc. , des choses très concrètes »  avec « un plan d'accompagnement pour que partout sur les territoires où, c'est un besoin criant, d'ici l'été prochain, on ait là aussi des solutions nouvelles qui soient apportées ».

Emmanuel Macron prévoit également de « redistribuer les efforts pour assurer une permanence et une universalité des soins »  pour répondre aux problématiques des déserts médicaux et de « la thrombose »  des soins non programmés aux urgences, en pédiatrie...

Les CNR territoriaux de la santé généralisés

Côté médecine de ville, en pleine grève de généralistes pour une augmentation du prix de la consultation, il a ainsi proposé de « mieux rémunérer »  ces derniers quand ils « assurent la permanence des soins », notamment des gardes, et ceux qui « prennent en charge des nouveaux patients ». 

« C'est sur les professionnels qui sont prêts à s'organiser sur un territoire avec d'autres et assurer la permanence des soins qu'on va mettre plus de moyens »  en sortant d'un financement à l'acte pour aller vers « un financement à la mission, à la réponse en termes de santé pour une population ».

Il souhaite ainsi bâtir « un nouveau pacte de droits et de devoirs »  avec la médecine libérale, appelant à construire « une forme de solidarité collective »  dans chaque territoire, un « réseau territorial ».

Pour cela, les Conseils nationaux de la refondation (CNR) territoriaux de la santé vont être « systématisés »  sur l’ensemble des bassins de vie afin de « bâtir d’ici à la fin de l’année une feuille de route ». L’objectif est de « déboucher soit sur des nouvelles communautés professionnelles de territoires de santé [CPTS] soit sur des réseaux, entre des CPTS, des hôpitaux existants et autres ». L'ensemble des professionnels de santé devra « s’engager sur une réponse pour pouvoir assurer la continuité des soins ».

À noter que le chef de l'État a aussi plaidé pour la libéralisation de la « télé-expertise », alors qu’actuellement, un médecin ne peut réaliser, sur une année civile, plus de 20 % de son volume d'activité à distance.  

Il a également annoncé que les 600 000 patients souffrant d'une maladie chronique et ne disposant pas, à l'heure actuelle, d'un médecin traitant s'en verront proposer un « avant la fin de l'année ».
 

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