Maire-info
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Édition du mercredi 12 octobre 2022
Budget de l'état

Programmation budgétaire : les députés rejettent une nouvelle fois les « contrats de confiance »  

Assimilé à « une déclaration de guerre aux collectivités », ce dispositif censé succéder aux contrats de Cahors a été balayé par une coalition des oppositions, au grand dam du gouvernement. D'autant que celui-ci n'a pas prévu de recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer ce texte, contrairement au budget.

Par Aurélien Wälti

Après son rejet en commission la semaine dernière, le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027 a été sérieusement détricoté, cette nuit, par les députés, lors de sa discussion en séance cette fois, en préambule à l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 qui s’annonce, lui aussi, compliqué pour la majorité présidentielle.

Dans un hémicycle surchauffé, le gouvernement a subi une série de revers et a été mis en minorité sur plusieurs articles, et notamment ceux destinés à mettre en place les « contrats de confiance » , un nouveau mécanisme de limitation des dépenses de fonctionnement des collectivités censé succéder aux contrats de Cahors. 

« Voie sans issue » 

Les députés se sont ainsi opposés à l’article fixant la trajectoire budgétaire des collectivités (article 16) et ont supprimé celui déterminant les sanctions contre celles qui ne respecteraient pas la règle (article 23).

« Vous déclarez la guerre aux communes », a lancé aux membres de l’exécutif le député communiste de Seine-Maritime Sébastien Jumel. « La seule direction que vous offrez aux collectivités, c’est une voie sans issue », avec une mesure « qui les plonge[rait] dans le noir », a-t-il fustigé, rappelant « l’explosion des dépenses de fonctionnement »  due à la flambée des prix.

Le député de la Marne Charles de Courson (LIOT) a, lui, pointé l’imprudence du gouvernement à vouloir fixer des limitations fondées sur des prédictions des chiffres de l’inflation sur les cinq prochaines années, dans le contexte économique et géopolitique actuel. « Et si l’inflation augmente ? C’est totalement intenable […] de voter un article 16 ainsi rédigé ».

Critiquant un « carcan austéritaire imposé aux collectivités », le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI), a de son côté assuré qu’« il s’agit bien de baisser les dépenses des collectivités au-dessous de l’inflation » : « C’est une erreur de ne pas faire un rapport entre la limitation du fonctionnement et la baisse des investissements, parce que pour investir il faut avoir des capacités de fonctionnement, et en réalité [un tel dispositif va conduire à] diminuer l’investissement ».

« Ce n’est en aucune manière une baisse des recettes des collectivités, cet article limite simplement la croissance de leurs dépenses de fonctionnement […] L’effet c’est que vous augmentez votre capacité d’autofinancement », a voulu rassurer le rapporteur du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance), vantant une mesure de « bonne gestion ». « Quand on transfère 105 milliards d’euros chaque année [de l’Etat vers les collectivités], je crois qu’un droit de regard s’impose », a-t-il ajouté.

« Vous êtes là pour le chaos ! » 

Dans leur amendement de suppression de l’article 23, les députés du groupe « Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires »  (LIOT) ont jugé que ce « contrôle de l’État »  est « contraire au principe de la libre administration des collectivités »  et ne « prend pas réellement en compte les spécificités de certains territoires », quand les « Insoumis »  ont condamné un nouveau dispositif « pire que l’ancien » , puisque visant un « plus grand nombre de collectivités »  avec des sanctions « plus sévères »  et « aucune carotte, aucune « récompense »  pour les bons élèves ».

Sans compter que « les collectivités ne sont pas responsables du déficit public », celles-ci étant contraintes par « la règle d’or », ont rappelé les écologistes, dans leur amendement

« Pour ceux qui veulent encore maîtriser les dépenses publiques sur cinq ans, cela va être difficile… puisque si l’on ne maîtrise ni les dépenses de l’Etat, ni celles de la Sécu, ni celles des collectivités, les totaux vont être vite faits », a blâmé le rapporteur du budget, estimant que la méthode des contrats de confiance n'a « absolument rien à voir, elle est même orthogonale », avec les contrats de Cahors.

Particulièrement agacé par la mise en minorité du gouvernement, le député du Gers a ainsi lancé aux oppositions : « Vous êtes là pour le chaos, vous êtes là pour voter contre tout ! ». « Vous n’êtes pas contre la trajectoire que propose le gouvernement, vous êtes contre le principe même de se fixer un cadre de maîtrise de nos dépenses publiques », a également vilipendé le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, lui aussi très exaspéré par le vote des oppositions : « Vous êtes totalement irresponsables ! Vous voulez faire de la France le pays le plus irresponsable de la zone euro, c’est grave et dangereux pour notre pays ».

Risque « d’amputation des fonds européens » 

Pour mémoire, ce nouveau dispositif a pour objectif de « maîtriser la progression »  des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités « à un rythme inférieur de 0,5 point au taux d’inflation »  durant les cinq prochaines années (soit 3,8 % dès l’an prochain, puis à 2,5 % en 2024, 1,6 % en 2025 et 1,3 % en 2026 et 2027). 

Cette mesure imposerait aux 500 collectivités ayant un budget supérieur à 40 millions d’euros d’économiser, sur la période, un total cumulé estimé à 15 milliards d’euros, selon une évaluation des oppositions. 

En cas de non-respect, ces collectivités se verraient privées « d’accès à toute dotation de l’État (Dsil, DETR, fonds vert…) ». Puis, si la situation perdure, elles pourraient être frappées de reprises financières avant de devoir mener, « avec le représentant de l’État », une « analyse des structures de la dépense de fonctionnement […], puis un travail pour un retour à une trajectoire financière de maîtrise des dépenses de fonctionnement ».

Au regard de ces critères, le président du Comité des finances locales (CFL), André Laignel, avait ainsi rebaptisé ces nouveaux « pactes de confiance »  en « contrats de méfiance ». 

A noter que, lors de la discussion en commission, le ministre des Comptes publics avait mis en garde les députés sur les possibles conséquences du rejet de ce projet de loi de programmation budgétaire. « La non-adoption de ce texte pourrait entraîner un retard, un délai, voire une amputation des fonds européens qui nous sont versés dans le cadre du plan de relance », avait expliqué Gabriel Attal, rappelant qu’« un certain nombre de fonds sont conditionnés à l'adoption d'une loi de programmation des finances publiques ».

Consulter le projet de loi de programmation des finances publiques.

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