Maire-info
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Édition du mardi 29 mars 2022
Fonction publique territoriale

Contentieux dans la fonction publique : la médiation préalable obligatoire est généralisée

Après deux ans d'une expérimentation concluante, la médiation préalable obligatoire (MPO) a été généralisée par la loi en décembre dernier. La parution d'un décret, le 27 mars, met la dernière main à ce dispositif. Restent des questions sur son coût pour les collectivités.

Par Franck Lemarc

C’est la conclusion d’une longue histoire débutée il y a huit ans : en novembre 2016, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle lançait l’expérimentation d’une nouvelle méthode de résolution (ou de tentative de résolution) des contentieux dans la fonction publique : la médiation préalable obligatoire. Concrètement, cela signifie qu’avant d’aller devant le tribunal administratif, une tentative doit être faite de régler le conflit devant un médiateur. L’objectif étant de tenter de désengorger les tribunaux administratifs en réglant en amont les conflits qui pouvaient l’être.

Premier décret

Ce n’est que deux ans plus tard que cette disposition de la loi a trouvé une application dans un décret du 16 février 2018, déterminant les conditions de l’expérimentation, et un arrêté fixant la liste des départements où celle-ci allait se dérouler. 

Dans les départements concernés, la médiation devenait alors obligatoire (sous peine d’irrecevabilité du recours contentieux par le tribunal administratif) sur un certain nombre de sujets : contentieux liés aux rémunérations, aux détachements, disponibilités et congés non rémunérés, aux avancements en grade, à la formation professionnelle, etc. Avec une condition préalable : la médiation préalable obligatoire (MPO) n’était accessible qu’aux agents de la FPT dont la collectivité employeuse avait conclu une convention avec son centre de gestion, convention confiant à ce centre de gestion « la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec (ses) agents ». 

Précisons que la MPO n’a pas été expérimentée uniquement pour les agents de la fonction publique, mais également pour les citoyens dans le cadre des dossiers de prestations sociales (APL, RSA, allocation spécifique de solidarité, etc.) Dans ce dernier cas, le médiateur prévu par décret est le Défenseur des droits.

Comme le prévoyait la loi, l’expérimentation devait durer jusqu’en 2020.

Expérimentation concluante

Cette expérimentation a été une réussite. Sur les questions sociales (RSA, APL, etc.), la Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié en juin 2021 une étude faisant état de la satisfaction globale des usagers ayant eu recours à la MPO. 

En septembre 2021, c’est le Conseil d’État qui a à son tour rendu un rapport sur cette expérimentation, jugeant le dispositif « positif et encourageant »  et préconisant sa généralisation. Pour le Conseil d’État, cette procédure « renforce l’accès au droit »  et elle « permet de trouver une solution de manière plus rapide que devant le juge », en trente jours en moyenne. 

Pendant les trois années d’expérimentation, détaille le Conseil d’État, 5 516 demandes de MPO ont été enregistrées, dont 832 pour la fonction publique territoriale. Dans la FPT, elles ont permis de trouver un accord dans 52 % des cas, le temps de procédure moyen étant de 70 jours. C’est un résultat qui n’est pas négligeable, mais qui est beaucoup moins satisfaisant que sur les litiges auprès de Pôle emploi, dont le taux de réussite est de 98 % avec un temps moyen de traitement de 30 jours. 

Quoi qu’il en soit, si la moitié des contentieux dans la fonction publique territoriale pouvaient se résoudre sans avoir besoin de passer devant le tribunal administratif, ce serait tout de même une avancée considérable. D’où la proposition du Conseil d’État de généraliser le dispositif. 

Généralisation

Le gouvernement a suivi cet avis et a généralisé la MPO par amendement à la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, dont l’article 27 dispose : « Les recours formés contre les décisions individuelles qui concernent la situation de personnes physiques et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'État sont, à peine d'irrecevabilité, précédés d'une tentative de médiation. » 

Il restait à publier le décret, ce qui a été fait dimanche 27 mars. Le texte fixe la liste des décisions administratives pouvant faire l’objet d’une MPO et reproduit les mêmes conditions que le décret de 2018 : les agents ne peuvent se saisir de la MPO que si leur collectivité a signé une convention (volontaire) avec son centre de gestion. Le décret est applicable « à compter du premier jour du mois suivant la signature de la convention ». 

L’épineuse question du coût

Reste une dernière question : celle du coût de la procédure. 

Le Conseil d’État, dans son rapport, a soulevé ce point épineux : la loi prévoit « le financement de toutes les missions des centres de gestion par les collectivités locales ». Or durant l’expérimentation, « seuls 9 centres de gestion sur les 42 centres expérimentateurs ne prévoient pas de facturation »  de la MPO et considèrent que cette mission est incluse dans leur cotisation. Les autres centres « prévoient une facturation au cas par cas ou au forfait ». Ce qui, relevait le Conseil d’État en septembre 2021, « peut se heurter »  à l’article L213-5 du Code de justice administrative qui disposait jusqu'à présent que lorsqu’une médiation est obligatoire, elle « présente un caractère gratuit pour les parties ». 

Le législateur a en partie résolu ce problème en supprimant, dans le Code de justice administrative, cette disposition sur la gratuité, et l’a au contraire remplacée par une obligation de paiement : « Lorsque la médiation constitue un préalable obligatoire au recours contentieux, son coût est supporté exclusivement par l'administration qui a pris la décision attaquée »  (nouvel article L213-12 du CJA).

Cela ne résout pas entièrement le problème posé par le Conseil d'État : s’il est établi que c’est à la collectivité de payer le coût de la médiation, ce coût est-il, en quelque sorte, compris dans la cotisation au centre de gestion, ou doit-il faire l’objet d’une facturation particulière par celui-ci ? Et doit-il y avoir une différence de traitement entre les collectivités obligatoirement adhérentes aux centres de gestion et celles dont l'adhésion est facultative ? Du côté de la Fédération nationale des centres de gestion, contactée par Maire info ce matin, on explique que le CG « calculent toujours les coûts au plus juste »  et que chaque centre, dans les respect de la « libre administration », définit les modalités de facturation, y compris dans certains cas en établissant une différence entre les collectivités obigatoirement adhérentes et les autres. Mais la nouvelle obligation faite aux centres de gestion de répondre aux demandes des collectivités sur ce sujet a, évidemment, un coût. 

Cette question mériterait d’être clarifiée rapidement par les services de l’État. Parce que, dans la mesure où l’adhésion des collectivités au dispositif n’est pas obligatoire, la réponse pourrait être déterminante dans le choix de ces dernières à y adhérer ou non. 

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