Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 10 mars 2022
Élection présidentielle

Parrainages : les maires représentent près de 70 % des parrains

Le Conseil constitutionnel a rendu son verdict lundi 7 mars : 12 candidats ont obtenu les 500 parrainages d'élus nécessaires pour pouvoir concourir à l'élection présidentielle. 13 427 élus ont parrainé un candidat, et l'analyse du fichier complet des parrains livre des informations intéressantes.  

Par Franck Lemarc

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© D.R.

Outre la liste des 12 candidats qualifiés, livrée lundi par Laurent Fabius, le Conseil constitutionnel a rendu publique la base de données de l’ensemble des parrains, avec, comme l’exige la loi, leur nom, fonction et la date de leur parrainage. Maire info a analysé ces données pour comprendre comment se répartissent les parrains.

13 427 parrains pour 64 citoyens

Au total, 64 citoyens ont reçu au moins un parrainage. Rappelons, en effet, qu’il n’est pas besoin d’être candidat pour être « présenté »  par un élu, comme l’a prouvé le président de la République lui-même qui a recueilli 2 098 parrainages alors qu’il n’était pas encore officiellement déclaré candidat. 

Sur ces 64 citoyens, 37 n’ont recueilli qu’un seul parrainage et 7 n’en ont que deux (dont Michel Barnier, candidat malheureux à la primaire des LR). Une petite poignée de citoyens a reçu entre 3 et 10 parrainages – c’est le cas de l’humoriste Guillaume Meurice (6), de l’écologiste Antoine Waechter (7), ou du médiatique entrepreneur Rafik Smati (10). 

Vient ensuite un groupe de porte-parole plus ou moins connus de mouvements politiques qui ont recueilli plus de 100 parrainages, sans atteindre le seuil des 500. C’est le cas de l’essayiste Gaspard Koenig (107), de la représentante du Parti animaliste Hélène Thouy (139), du cheminot trotskyste Anasse Kazib (160). Deux anciens candidats à de précédentes élections présidentielles, Christiane Taubira et François Asselineau, font partie de ce groupe, avec respectivement 274 et 293 parrainages. 

Quant aux 12 candidats qualifiés, ils ont obtenu entre 576 parrainages (Nathalie Arthaud) et 2636 (Valérie Pécresse). 

69,5 % de maires parmi les parrains

On ne connaît pas à ce jour le nombre parfaitement exact d’élus habilités à parrainer, mais il s’établit aux alentours de 42 000. Ce sont donc environ 31 % des élus habilités qui ont parrainé au moins un citoyen, cette année – chiffre en baisse par rapport à 2017 où 14 280 élus avaient parrainé (34 % du total). 

Même si l’on parle encore trop souvent des « parrainages de maires », ce sont en fait de nombreuses catégories d’élus qui ont la possibilité de parrainer, incluant les conseillers départementaux et régionaux, les parlementaires, les représentants français au Parlement européen, etc. 

Sur les 13 427 élus qui ont présenté au moins un candidat, ce sont néanmoins, assez logiquement, les maires qui sont les plus nombreux, tout simplement parce que le vivier est bien plus large que les autres catégories d’élus : 9 207 maires ont parrainé au moins un candidat (8 712 maires, 468 maires délégués et 27 maires d’arrondissement), auxquels il faut ajouter 131 conseillers de Paris (tous les membres du conseil municipal de Paris ont, par exception, le droit de parrainer). 

Ces 9 207 maires représentent donc 69,5 % du total des élus qui ont parrainé. C’est moins que ce qu’ils représentent dans le total des élus habilités, puisque les maires et maires délégués représentent 85 % du total de ceux-ci. 

Qui parraine ?

Il est intéressant de considérer, pour chaque catégorie d’élus, la part de ceux qui ont, ou non, parrainé. 

Très logiquement, les catégories d’élus qui parrainent le plus sont les plus « politiques », c’est-à-dire celles dans lesquelles les élus sont presque tous rattachés à un mouvement politique. Au premier rang desquels les députés et les sénateurs : 91 % des députés et 85 % des sénateurs ont présenté un candidat, ainsi que 89 % des députés européens français. Par exemple, la quasi-totalité des députés LaREM et MoDem ont parrainé Emmanuel Macron, qui bénéficie de quelque 335 présentations de députés. Même unanimité chez les LR, puisque 105 députés ont parrainé Valérie Pécresse (alors que le groupe LR à l’Assemblée nationale ne compte que 101 membres). 

Les conseils régionaux, eux aussi très « politiques », ont également fourni de nombreux parrains : 62 % des conseillers régionaux ont présenté un candidat. La proportion est un peu moindre chez les conseillers départementaux (39,2 % ont parrainé). 

Chez les maires, les chiffres sont bien inférieurs : 24,9 % des maires ont parrainé, et 18,7 % des maires délégués. Un quart des maires, 91 % des députés… est-ce à dire que les maires seraient moins enclins à faire un geste citoyen que leurs homologues élus nationaux ? Au contraire. Il faut rappeler que l’écrasante majorité des maires n’est pas affiliée à un parti politique, contrairement aux parlementaires. Si ces derniers parrainent donc en général par solidarité de parti (ce qui n’a rien de répréhensible, naturellement), les maires, et en particulier ceux des petites communes, parrainent bien plus par souci démocratique, y compris en « présentant »  des candidats dont ils ne partagent pas les idées.  

Maires et appareils politiques

Cette différence entre les candidats appartenant à un grand parti politique avec de nombreux élus nationaux et locaux, et les autres, s’illustre d’ailleurs dans la répartition des parrains par candidats. 

La part des maires dans le total des parrains, pour chaque candidat, est en effet bien plus faible chez les candidats qui ont un appareil politique et des élus nationaux, régionaux ou départementaux en nombre : c’est le cas pour Valérie Pécresse, pour qui les maires ne représentent que 52 % des parrains, Anne Hidalgo (49 %), Marine Le Pen (50 %). Ces candidates peuvent puiser dans leur vivier de conseillers départementaux et régionaux, notamment : 39 % des parrains de Marine Le Pen sont conseillers régionaux, 27 % de ceux d’Anne Hidalgo sont conseillers départementaux. 

À l’inverse, les candidats qui n’ont pas d’élus (ou très peu) ne peuvent compter presque que sur les maires pour obtenir leurs parrainages : c’est le cas par exemple d’Éric Zemmour, dont les maires constituent 90 % des parrains ; de Philippe Poutou (92 %) ; et de Nathalie Arthaud qui frise, elle, les 100 %, puisque sur ses 576 parrains, 575 sont maires ou maires délégués. 

Il n’est donc pas exagéré de dire que c’est essentiellement grâce aux maires que des candidats qui n’appartiennent pas aux partis traditionnels de gouvernement, quelle que soit leur étiquette politique, peuvent se présenter. 

 

 

Disparités territoriales

On peut enfin se pencher sur la répartition géographique des parrains. Les disparités sont assez importantes d’un département à l’autre pour ce qui concerne le nombre de parrains. Le podium en valeur absolue (en ne comptant que les maires et les maires délégués) est occupé par l’Aisne (219 parrains), la Côte-d’Or (216) et la Haute-Marne (193). À l’autre extrémité du spectre, le Tarn-et-Garonne ne comprend que 20 maires parrains.  

La différence s’explique en partie par le nombre de communes que comprennent ces départements : l’Aisne compte 805 communes et le Tarn-et-Garonne seulement 195. Mais si l’on compare les proportions, la différence reste marquée : seuls 10,2 % des maires du Tarn-et-Garonne ont parrainé, contre 27 % de ceux de l’Aisne, ou 33 % de ceux du Nord.

On ne peut toutefois pas conclure, de façon générale, à une plus faible proportion de maires parrains dans les départements les plus ruraux : les maires de Lozère et de l’Aveyron ont été, par exemple, 26 % à parrainer, ce qui est similaire à la moyenne nationale. 

Mais en proportion et non en valeur absolue, ce sont naturellement les départements comptant le plus de villes et de grandes villes, où les maires sont les plus politisés, qui ont le plus parrainé : en Seine-Saint-Denis, par exemple, 33 des 40 maires du département ont parrainé, soit 82,5 %. 

Il reste à savoir ce qui va advenir, maintenant, de ce système de parrainage par les élus qui a été largement décrié dans les semaines qui viennent de s’écouler. On ne peut qu’espérer que le prochain gouvernement aura à cœur de remettre le débat sur la table pour inventer, à l’avenir, un système plus juste et, surtout, suscitant plus d’adhésion. 

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