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Édition du lundi 14 février 2022
Crise sanitaire

Télétravail : des « difficultés accrues » pour les agents de la fonction publique

La Dares constate que les femmes et les agents de la fonction publique connaissent davantage de difficultés. Deux groupes qui disposent moins souvent de moyens matériels adaptés, entraînant notamment des troubles de la santé. La majorité des télétravailleurs souhaitent toutefois prolonger l'expérience.

Par A.W.

Dans une enquête parue la semaine passée et réalisée auprès de plus de 5 220 salariés et agents publics ayant télétravaillé entre mars 2020 et janvier 2021, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) présente la diversité des pratiques en la matière, les impacts sur les conditions de travail ainsi que sur la santé.

Elle a également recensé les aspirations des premiers concernés pour l’avenir. Résultat, les salariés et agents de la fonction publique souhaitent pouvoir continuer à télétravailler… mais de manière moins intensive qu’il y a un an, durant le pic de la crise sanitaire. 

Huit télétravailleurs sur dix souhaitent continuer

Alors que la crise sanitaire a favorisé « une extension sans précédent »  du télétravail avec encore 27 % des salariés qui le pratiquaient en janvier 2021 (contre 4 % en 2019), huit télétravailleurs sur dix disent ainsi souhaiter poursuivre l'expérience tandis que 13 % pourraient continuer mais ne le souhaitent pas, et 7 % ne souhaitent pas télétravailler jugeant leurs tâches incompatibles avec le télétravail.

Cependant, plus ces derniers ont une pratique intensive du télétravail, plus ils souhaitent la poursuivre, avec une intensité toutefois moindre. Parmi les télétravailleurs, ils sont sept sur dix à souhaiter poursuivre cette pratique au moins une fois par semaine, mais moins de 10 % tous les jours de la semaine. La fréquence privilégiée est d’un ou deux jours par semaine. 

Ceux qui étaient en télétravail toute la semaine en janvier 2021 souhaitent majoritairement le poursuivre au moins trois jours par semaine, tandis que ceux qui le pratiquaient surtout entre un et quatre jours préfèrent passer à un ou deux jours hebdomadaires. Parmi ceux qui ne l’ont pratiqué qu’en 2020, seul un tiers d'entre eux envisagent poursuivre le télétravail de façon régulière.

Afin d’affiner son enquête la Dares a déterminé cinq groupes de télétravailleurs aux profils différents (exclusifs, intensifs, vulnérables, occasionnels et exceptionnels).

Durée de travail, douleurs et troubles du sommeil en hausse

Malgré ces résultats largement favorables à la pratique du télétravail, les salariés et agents publics ont subi plusieurs types de difficultés et de contraintes très variables et différemment ressentis selon le groupe auquel ils appartiennent.

Si sept télétravailleurs sur dix avaient une pratique régulière qui a accru leur autonomie, celle-ci a abouti à des horaires décalés et des durées de travail allongées. Entre mars 2020 et janvier 2021, les télétravailleurs ont ainsi travaillé plus longtemps par rapport à l’avant-crise, plus souvent en horaires décalés, et ce, davantage que l’ensemble des salariés. 

Dans l’ensemble, ces contraintes ont été plus fortes pour les télétravailleurs télétravaillant cinq jours sur cinq (dits « exclusifs » ) que pour les autres télétravailleurs réguliers et a fortiori irréguliers, bien que l’intensité de leur travail ne s’est pas davantage accrue que pour la moyenne des télétravailleurs. À la différence des salariés rencontrant des difficultés matérielles dans le télétravail (dits « vulnérables » ) qui ont, eux, subi à la fois « un fort allongement de la durée du travail »  et de « son intensité », notamment du fait de devoir « travailler sous pression »  ou « penser à trop de choses à la fois ». 

Ce groupe de télétravailleurs (qui représente 17 % de l’ensemble des télétravailleurs) est celui qui a connu la plus grande évolution de ces conditions de travail par rapport à l’avant-crise. S’ils ont pratiqué le télétravail de manière régulière (un à quatre jours par semaine), ils n’ont pas pu l’expérimenter avant la crise sanitaire et ont finalement ressenti des difficultés importantes dans la pratique (problèmes de connexion, mauvais matériel ou manque d’équipement, etc.). À noter que « près de la moitié de ces salariés travaillaient au sein de l'administration publique, en particulier en qualité de cadres et de professions intermédiaires », souligne la Dares. 

Davantage que les autres groupes, ces salariés dits « vulnérables »  ont cumulé « des dégradations de tous les facteurs de risque ». Ainsi, « ce groupe est spécifiquement touché par des hausses marquées des exigences émotionnelles et des conflits de valeur, ainsi que des difficultés de conciliation entre vie professionnelle et vie privée ».

Parmi les autres problèmes associés au télétravail, davantage de douleurs physiques et de troubles du sommeil apparaissent. Si les trois groupes de télétravailleurs réguliers (« exclusifs », « intensifs »  et « vulnérables » ) ont plus souvent connu une augmentation des douleurs que les autres, ce sont là aussi les salariés vulnérables qui ont été les plus touchés par le développement des douleurs physiques et des troubles du sommeil. De plus, « ils sont aussi 37 % à présenter des symptômes dépressifs, contre 23 % pour l’ensemble des salariés », soulignent les auteurs de l’étude.

Fonction publique : des conditions de travail plus dégradées

L’enquête de la Dares révèle, en outre, des « difficultés accrues »  pour les agents de la fonction publique, par rapport aux salariés du privé, et ce, « même au sein de groupes homogènes en matière de pratique du télétravail ».

Comparativement au secteur privé, le télétravail dans le public se serait accompagné « d’une plus forte dégradation des conditions de travail », selon les auteurs de l’étude, qui citent « les conflits de valeur, les difficultés de conciliation entre vie privée et professionnelle, les exigences émotionnelles, la durée et l’intensité du travail ». 

En revanche, les télétravailleurs du public auraient été relativement préservés de la hausse du sentiment d’insécurité de l’emploi, par rapport au privé (+ 30 points, contre + 11 points dans le public). Ils ont aussi gagné un peu plus en autonomie et retrouvé plus de sens à leur travail.

Dans l’ensemble, pour les femmes et les agents de la fonction publique, le télétravail occasionne davantage de difficultés que pour les salariés du secteur privé. 

« L'écart entre genre persiste » 

En moyenne, les télétravailleuses ont connu « une plus forte dégradation de l’intensité du travail que leurs homologues masculins », qu’elles soient en télétravail régulier ou non. 

Par rapport à l’avant-crise, elles sont ainsi « plus nombreuses à subir une augmentation de la pression au travail, devoir penser à trop de choses à la fois, ou encore, recevoir des ordres contradictoires »  et ont connu une plus grande dégradation des exigences émotionnelles. Par rapport à l’avant-crise, elles ont, par ailleurs, été plus nombreuses à « se voir reprocher par l’entourage, leur manque de disponibilité ».

« Une partie de l’explication vient de la différence dans la composition des profils de télétravailleurs, le groupe de ceux qui éprouvent des difficultés matérielles dans sa mise en œuvre (dit « vulnérables » ) étant le plus féminisé », pointent les auteurs de l’enquête. Reste que « l’écart entre genre persiste au sein du groupe qui télétravaille toute la semaine (dit « exclusifs » ) : la conciliation vie professionnelle/vie personnelle est plus difficile pour les femmes qui se situent dans ce groupe ».

Télécharger l’enquête.

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