Maire-info
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Édition du mercredi 24 novembre 2021
Finances locales

La Cour des comptes confirme les effets collatéraux de la refonte de la fiscalité locale 

Les objectifs ayant guidé les réformes de la taxe d'habitation et des impôts économiques n'ont pas « toujours [été] atteints », selon les magistrats financiers. Si ces derniers estiment que la situation financière des collectivités est redevenue « favorable », les incertitudes liées au contexte sanitaire persistent. 

Par A.W.

Malgré un contexte incertain, la situation financière des collectivités devrait se redresser en 2021. C’est ce que confirme la Cour des comptes dans le second fascicule de son rapport, publié hier, sur la situation et les perspectives concernant les finances publiques locales en 2021. Les magistrats financiers pointent, toutefois, les effets collatéraux des dernières révisions de la fiscalité locale. 

Une « exposition accrue »  à la conjoncture

En effet, ils confirment que les réformes de la taxe d’habitation et des impôts économiques ont une incidence « structurelle »  sur les ressources des collectivités, « tous les niveaux de collectivités vo[ya]nt leur panier fiscal profondément modifié ». 

D’un côté, « le remplacement de la taxe d’habitation (pour les EPCI) et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (pour les départements), dont l’assiette est territorialisée, par une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sans assiette locale, renforce la perte de lien fiscal avec le territoire », tandis que, de l’autre, les régions « ne disposent plus de ressources directement rattachées à l’activité économique locale », ce qui pourrait avoir un « effet désincitatif », soulignent les magistrats financiers qui confirment les critiques des associations d’élus, dont l'AMF. Dans sa réponse à la Cour, cette dernière soucrit d'ailleurs à l'essentiel des analyses présentées dans ce rapport.

A cause de la réforme de la fiscalité locale, les départements « ne disposent plus de pouvoir de taux et deviennent plus exposés à une dégradation de la conjoncture, qui se traduirait par une contraction de la quasi-totalité de leurs recettes fiscales et une hausse de leurs dépenses sociales », expliquent-ils. 

Pour ce qui est des communes, ils pointent le dispositif de « coefficient correcteur »  mis en place pour assurer la neutralité de la réforme et qui conduirait à « des transferts de fiscalité entre territoires ». La compensation entraînerait ainsi « une perte partielle de territorialité de la taxe puisque 9,5 % du produit de la TFPB est redistribué en direction des communes sous-compensées, soit 30 % des communes ».

Un « effet collatéral »  dénoncé depuis plusieurs semaines par la députée socialiste Christine Pires Beaune (Puy-de-Dôme), et également évoqué, hier, par la députée Les Républicains Véronique Louwagie (Orne), lors des questions au gouvernement.

La réforme de la fiscalité locale pourrait également avoir un « impact désincitatif »  pour les communes concernant la réalisation de logements sociaux puisque « ceux-ci sont exonérés de TFPB sur de longues durées alors qu’ils généraient de la TH », ajoutent las auteurs du rapport.  

Ils estiment, par ailleurs, que si ces réformes ne portent pas atteinte à l’autonomie financière des collectivités « au sens du droit constitutionnel », ils font remarquer que le remplacement d’impôts locaux par des fractions d’impôts nationaux, des dotations ou des prélèvements sur recettes entraîne « une rigidification des ressources et tend à réduire les marges de manœuvre des collectivités ». Ainsi, leur panier fiscal est « davantage exposé à la conjoncture », en particulier les départements.

Situation « favorable »  en 2021

Reste que les collectivités locales devraient « bénéficier d’une situation financière favorable »  en 2021, avec notamment « une stabilité des transferts financiers de l’État à périmètre constant »  (« le gel de DGF correspond cependant à une perte de pouvoir d’achat pour le bloc communal », nuance l’AMF dans sa réponse). Malgré un contexte sanitaire et économique « encore incertain », la Cour confirme, là, l’analyse qu’elle avait formulée, en juin, dans le premier fascicule de son rapport.

Cette amélioration proviendrait ainsi de « recettes moins affectées qu’en 2020 et aux mesures exceptionnelles de soutien de l’État à destination des collectivités les plus fragilisées ou en faveur de l’investissement local ».

A noter que la réforme de la taxe d’habitation n’a pas entraîné une hausse générale de la taxe sur le foncier bâti (TFPB) puisque « 85 % des communes ont maintenu leur taux, certaines l’ayant même diminué », une proportion « supérieure »  à celle observée en 2015. La Cour précise que 14 % des communes ont procédé à une augmentation de leur taux cette année.

Investissements : rebond « probable » 

Une situation qui confirmerait le rebond « probable »  et attendu de l’investissement local en 2021. Bien que celui-ci soit sujet à de « multiples réserves », la Cour constate que les dépenses d’investissement étaient en hausse au 30 septembre, que ce soit pour les communes (+ 7,9 %), les EPCI (+ 11,2 %), les départements (+ 16,1 %) ou bien les régions (+ 9,9 %), comme leurs dépenses d’équipement (+ 12,9 % toutes collectivités confondues).

Reste que, « malgré l’importance des investissements menés par les communes et leurs groupements, l’information financière disponible sur leurs choix d’investissement est insuffisante, alors qu’elle est essentielle pour piloter la mise en œuvre de stratégies territoriales. Il en est de même pour l’évaluation des plus grands projets d’investissement, a priori comme a posteriori », soulignent les magistrats financiers. 

Et ces derniers de rappeler que « la conservation et le maintien en l’état du patrimoine nécessitent un effort suffisant d’entretien et de renouvellement ». Si des « progrès »  ont été observés en matière de maintenance et de surveillance des risques de dégradation - conservation des ouvrages d’art (tunnels, ponts) et de réseaux d’eau et d’assainissement (stations d’épuration) - , « les besoins de renouvellement devraient s’accélérer au cours de la prochaine décennie et faire apparaître une « dette grise »  pesant sur les collectivités pour renouveler leur patrimoine et assurer le niveau du service rendu à la population ». 

À l’inverse, précisent-ils, « certains choix d’investissement (centres aquatiques, voirie ou parcs de stationnement) se révèlent encore souvent disproportionnés au regard des moyens financiers des collectivités et des besoins des habitants ». Une conclusion contestée par l’AMF, dans sa réponse à la Cour.

 

Télécharger le rapport.

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