Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 4 mars 2021
Coronavirus

Pas question d'ouvrir une fête foraine en « violation » des règles sanitaires, estime la justice

Sans surprise, le tribunal administratif de Dijon a immédiatement annulé la décision du maire de Chalon-sur-Saône, Gilles Platret,  d'autoriser la tenue d'une fête foraine sur sa commune. Explications.

La décision de Gilles Platret avait reçu une certaine publicité à l’échelle nationale : il était le seul maire à avoir décidé de ne pas tenir compte de l’interdiction explicite, figurant à l’article 45 du décret du 29 octobre 2020, d’ouvrir des fêtes foraines pendant l’état d’urgence sanitaire. Le décret est pourtant aussi clair que lapidaire : « Les fêtes foraines sont interdites. » 

Les arguments du maire

C’est par un arrêté municipal du 1er mars que le conseil municipal a décidé « (qu’)une fête foraine se déroulera sur le territoire de la ville de Chalon-sur-Saône du 5 au 14 mars 2021 ». L’arrêté déroule, dans une longue liste de considérants, les raisons qui ont conduit le maire à prendre cette décision : état psychologique de la population marqué par un sentiment « d’anxiété », de « solitude »  et de « détresse sociale », nécessité d’y répondre en permettant « l’accès à des vecteurs de vie culturelle et sociale » … « Une fête foraine constitue un divertissement qui est une soupape permettant d’aménager le mal-être qui s’est installé », peut-on lire dans l’arrêté. 
Le maire s’est également appuyé sur des éléments plus juridiques : à la fin du premier confinement, en juin dernier, une fiche interministérielle (10 juin 2020) a fixé comme principe « qu’une fête foraine qui n’est pas délimitée par une enceinte ne constitue pas un ERP [établissement recevant du public] dans son ensemble ». Pour le maire, une fête foraine n’est donc rien d’autre, « à l’instar d’une rue piétonne, qu’un espace public donnant accès à des commerces ambulants ». 
Enfin, Gilles Platret rappelle que le Conseil d’État, alors saisi par les forains, a reconnu que l’interdiction des fêtes foraines constituait « une atteinte grave aux libertés fondamentales », mais que celle-ci se justifiait « par un niveau particulièrement élevé de circulation du virus ». Le maire estime que l’épidémie étant en « décrue »  dans le département de la Saône-et-Loire, tant du point de vue du taux d’incidence que de la tension hospitalière, la tenue d’une fête foraine est possible, « dans le respect des gestes barrières et des protocoles sanitaires ». 
Dans plusieurs interventions dans les médias, Gilles Platret a insisté sur le fait qu’il avait mené « un travail avec les forains, qui aujourd'hui sont en capacité d'accueillir le public dans des protocoles sanitaires différenciés sans qu'il n'y ait aucun risque ». Et demandé au gouvernement de « tenir ses promesses »  en permettant une application différenciée des mesures d’un territoire à l’autre. 

La décision du tribunal

Dès la réception de l’arrêté municipal, le préfet a immédiatement saisi le tribunal administratif pour lui demander de suspendre celui-ci. 
Le juge des référés du tribunal administratif a agi rapidement, dans la mesure où la fête devait ouvrir dès demain. Après avoir entendu les parties – dont la Fédération des forains de France, qui a demandé à intervenir à l’audience – le juge a estimé que la demande du préfet était recevable. 
Principal argument du juge : le maire ne peut en aucun cas « faire usage de ses pouvoirs de police générale pour prétendre assouplir, en autorisant une fête foraine, les restrictions décidées par le Premier ministre au titre des pouvoirs de police spéciale »  qui lui sont conférés pendant l’épidémie. L’article 45 du décret du 29 octobre 2020 est toujours en vigueur, et sa « violation »  par le maire crée « un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ». 
L’arrêté du maire est donc suspendu, et la fête foraine de Chalon-sur-Saône, en conséquence, interdite. 
Il s’agit d’une position constante de la justice, depuis le début de la crise : les maires peuvent, éventuellement, durcir certaines décisions réglementaires « si le contexte local l’exige », mais ils n’ont aucunement le pouvoir de les alléger. Les règles sont claires : les pouvoirs de police spéciale en matière de lutte contre l’épidémie sont au Premier ministre et, par habilitation, aux préfets. Le Conseil d’État, dans une ordonnance du 22 mars dernier, a précisé que « les maires, en vertu de leur pouvoir de police générale, ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires, des interdictions plus sévères lorsque les circonstances locales le justifient ». 
Et encore : le ministère de l’Intérieur a constamment déconseillé aux maires, depuis le début de la crise, de prendre une telle décision sans prendre d’abord attache avec les services du préfet (lire Maire info du 27 mars 2020). 
Mais quoi qu’il en soit, ce sont uniquement des mesures « plus sévères »  qui pourront être validées par le préfet, jamais des mesures moins sévères que celles fixées par décret. Les maires de Perpignan et d’Issoudun, qui avaient décidé de rouvrir leurs musées, et maintenant de Chalon-sur-Saône, ont donc vu sans surprise la justice leur rappeler cette règle. 

Cet après-midi, les représentants du monde forain vont rencontrer les élus référents de l'AMF sur ce sujet, Bertrand Ringot et Arnaud Tanquerel. Une rencontre qui permettra, notamment, de faire le point sur ce sujet.

Franck Lemarc

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