Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 20 février 2024
Budget de l'état

10 milliards d'économies : des coupes budgétaires jugées « incompréhensibles » et « incohérentes »

Les choix du gouvernement sont très critiqués par les acteurs concernés par les ponctions visant notamment le Fonds vert, l'ANCT et MaPrimRénov'. S'agissant du Compte personnel de formation, une « participation forfaitaire » des salariés sera mise en place dès 2024. 

Par A.W.

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© Capture d'écran TF1

Des décisions « incompréhensibles »  et « incohérentes ». L’objectif de 10 milliards d'économies « immédiates »  annoncé, dimanche, par Bruno Le Maire, afin de tenir la trajectoire de réduction du déficit, a entraîné une avalanche de commentaires et de réactions critiques parmi les acteurs des secteurs concernés. 

Des économies qui porteront notamment sur les dépenses courantes des ministères, l'aide au développement, mais aussi le dispositif MaPrimeRénov' de rénovation thermique, le Fonds vert, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou encore le compte personnel de formation (CPF).

CPF : une « participation forfaitaire »  dès 2024

Au lendemain de ces annonces, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a d’ailleurs fait savoir que serait mise en place, dès 2024, une « participation forfaitaire »  des salariés à ce dispositif qui leur permet de disposer d’un système de crédit en euros afin de bénéficier de formations professionnelles.

« Cette participation forfaitaire va être mise en œuvre dès cette année, ce qui nous permettra de générer 200 millions d’euros d’économies sur un total de 2 milliards », a-t-il déclaré, évoquant une mesure « juste »  et « nécessaire ». Un décret en ce sens serait ainsi prévu pour avril.

En parallèle, la ponction d'un milliard d’euros dans les crédits de MaPrimeRénov’ a d’ores et déjà particulièrement fait réagir. « Sur un sujet aussi consensuel que la rénovation énergétique, le gouvernement est quand même parvenu à braquer tout le secteur », a d’ailleurs commenté sur X le directeur des études de la Fondation Abbé-Pierre, Manuel Domergue. 

Alors qu’une enveloppe supplémentaire de 1,6 milliard d’euros était prévue pour ce dispositif de rénovation des bâtiments, l’augmentation sera réduite à 600 millions d’euros, Bercy « récupér[ant] 1 milliard », a détaillé le ministre de l'Economie. 

Son ministre des Comptes publics a assuré que cette révision du budget consacré à MaPrimeRénov' n’empêchera pas celui-ci de « continuer à augmenter mais de manière moins importante »  et « un peu moins vite »  qu’annoncé, a-t-il défendu : « D'abord car on doit faire des économies et d'autre part parce que Christophe Béchu a entrepris une révision du calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui peut changer le nombre global de logements à rénover ». 

Si la promesse du ministre de la Transition énergétique de modifier le DPE afin de faire sortir 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés du statut de passoire thermique (classés F ou G) a été globalement saluée par les professionnels du logement et du bâtiment, ceux-ci ont nettement moins goûté à l’annonce d’une ponction sur le budget de MaPrimRénov’.

MaPrimeRénov’ : « Incohérence totale » 

« On rase gratis le jeudi et on hache menu le dimanche ! Idem pour le logement neuf : pas de vision, pas de cohérence », a taclé, sur l’ancien Twitter, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron.

La FFB dénonce ainsi l’« incohérence totale »  du gouvernement sur « la seule mesure réellement positive [de la loi de finances pour 2024] : la majoration d'1,6 milliard d'euros ». La Fédération s'insurge ainsi contre « cette coupe franche, trois jours seulement après l'échange avec les ministres de la Transition écologique et du Logement, afin de relancer MaPrimeRenov' »  en la simplifiant. 

« Comme pour le logement neuf, ces coups de barre laissent craindre qu'il n'y ait plus de vision au sommet de l'État. […] À quoi peuvent donc servir les 22 territoires engagés pour le logement dans un tel contexte ? », s’est ainsi interrogée la FFB, en référence à l’objectif de construire, d'ici 2027, plus de 30 000 logements dans ces territoires. 

De son côté, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui représente les très petites entreprises du bâtiment, estime qu’avec « plusieurs centaines de millions d’euros non consommés de l’enveloppe MaPrimeRénov’ en 2023, l’urgence en 2024 n’est pas budgétaire mais la révision immédiate du [fonctionnement du] dispositif »  afin de permettre de consommer le budget de l’année.

Sur Sud Radio ce matin, son vice-président, David Morales, a ainsi mis en avant le fait que ce dispositif « un casse-tête pour les artisans »  et réclamé « la relance d’un dispositif en perte de vitesse à cause de sa complexité ».

Une décision également jugée « incompréhensible »  pour la Fnaim alors que « les obligations de travaux énergétiques imposés par la loi doivent s'accélérer ».

Pour sa part, le Réseau pour la transition énergétique (CLER) estime que « les objectifs de rénovation énergétique sont mis à mal dans un contexte de hausse des prix de l'électricité ». « Il est urgent de rectifier le tir »  , selon l’association présente dans plusieurs instances officielles telles que la commission nationale des aides de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

Fonds vert : une baisse de moyens « incompréhensible » 

Si Bruno Le Maire s’est, d’abord, voulu rassurant en affirmant que les collectivités (et la Sécurité sociale) ne seraient « pas touchées »  par ces annonces, il a vite été rattrapé par la réalité, s'agissant notamment du milliard d'euros d'économies visant « les opérateurs de l'État ». 

Le ministre a ainsi lui-même expliqué que l'Agence nationale de la cohésion des territoires serait touchée par cette réduction budgétaire, tandis qu’elle a pour mission d'accompagner les projets des collectivités notamment en matière d'ingénierie. Et alors même que la Cour des comptes déplorait encore la semaine dernière, dans un rapport, le manque de moyens accordés au déploiement de ses missions dans les territoires. 

« Que de mensonges », a ainsi dénoncé sur X le maire d’Alfortville et vice-président de l’AMF, Luc Carvounas avant d’ironiser : « On nous dit que cela ne touchera pas les collectivités et pourtant le ministre donne comme exemple d’économies la baisse du budget de l’ANCT. C’est sûr, cela ne concerne pas nos collectivités… » 

Réaction similaire s’agissant de la baisse de l’enveloppe initialement prévue pour le Fonds vert, ce dispositif visant à soutenir les projets environnementaux du bloc communal. Alors qu’elle devait augmenter de 500 millions d'euros, celle-ci sera finalement « limitée à 100 millions d’euros ». Un « coup de rabot »  jugé sur X « incompréhensible », par Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette et également vice-président de l'AMF, pour qui « dette climatique et dette publique [c’est le] même combat ! ».

Le Réseau Action climat a, de son côté, estimé que, « en supprimant 400 millions d’euros au Fonds Vert qui finance, par le biais des collectivités territoriales, la transition écologique des territoires (rénovation des écoles, renaturation, mobilités durables, etc.), l’État met en péril la capacité d’investissement local, pourtant l’un des leviers les plus efficaces pour la transition écologique ». Un choix budgétaire qui « démontre bien que l’État n’est pas le seul à devoir « faire des efforts ». Comment demander d’une part aux collectivités d’investir toujours plus dans la transition écologique, tout en ne leur permettant pas d’avoir confiance dans les ressources accordées par l’État, qui une fois votées en décembre, peuvent être retirées en février ? », a regretté le réseau qui regroupe 27 associations. 

Pour rappel, cette année, il a été prévu, dans une circulaire publiée en début d’année, qu’une enveloppe de 250 millions d'euros, au sein du Fonds vert, soit allouée aux plans climats. Reste à savoir si ce soutien aux EPCI pour financer les PCAET fera, lui aussi, indirectement les frais des coupes budgétaires décidées par le gouvernement. 

A noter que ces mesures d'économies voulues par Bruno le Maire ne seront pas prises dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais par voie réglementaire car le gouvernement ne dépassera pas la limite de 1,5 % des crédits annulés fixée par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

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