Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 22 octobre 2021
Parité

Vers la parité dans tous les conseils municipaux pour 2026 ?

Une proposition de loi sur le renforcement de la parité dans les conseils municipaux et communautaires, proposant de mettre en place le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes, même les plus petites, a été déposée mercredi à l'Assemblée nationale. Avec, semble-t-il, quelques chances d'aller au bout de son parcours.

Par Franck Lemarc

Le 11 octobre, après la parution du rapport parlementaire sur la parité dans les organes délibérants du bloc communal, Maire info écrivait : « Dernière étape avant une nouvelle loi ». Les choses n’ont, en effet, pas traîné : dix jours plus tard, Élodie Jacquier-Laforge, députée MoDem de l’Isère et co-rapporteure de cette mission, a déposé une proposition de loi. Et espère bien qu’elle sera adoptée « avant la fin de la mandature ».

« C’est possible ! » 

« La parité dans tous les conseils municipaux, c’est possible, dès 2026. »  Élodie Jacquier-Laforge, interrogée ce matin par Maire info, semble confiante. Il faut dire que le temps presse : la loi Engagement et proximité de décembre 2019 impose que le Parlement légifère « avant le 31 décembre 2021 »  pour « étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements ». Une échéance qui – épidémie de covid-19 oblige – semble aujourd’hui « irréaliste ». Mais les choses avancent. 

Dans le rapport publié début octobre, les rapporteurs tombaient d’accord sur le constat d’une trop faible représentation des femmes dans les conseils municipaux des communes de moins de 1000 habitants, où le scrutin de liste n’est pas obligatoire. Ils divergeaient en revanche sur les solutions : quand Raphaël Schellenberger prônait l’abaissement du seuil aux communes de 500 habitants (et donc le maintien du scrutin plurinominal avec possibilité de panachage dans les communes de moins de 500 habitants), Élodie Jacquier-Laforge, elle, demandait la suppression de tout seuil. « Sur la parité, on sait que sans contrainte légale, on n’y arrive pas, explique-t-elle. L’extension du scrutin de liste à toutes les communes est donc nécessaire, et les associations d’élus y sont favorables », à commencer par l’AMF, qui s’est prononcée pour cette solution dès 2018.

La fin des seuils

La proposition de loi qu’elle a déposée dispose donc, à l’article 1er : « Les membres des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants sont élus au scrutin de liste à deux tours. (…) Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. »  Conformément à ce qui était proposé dans le rapport, le nombre de candidats est modifié : « au moins 5 candidats »  dans les communes de moins de 100 habitants, au moins 9 entre 100 et 499, au moins 11 entre 500 et 999. 

Également pour faciliter la transition, la proposition de loi comporte une extension des dérogations au principe de complétude du conseil municipal aux communes entre 500 et 999 habitants – le conseil municipal serait réputé complet à partir de 11 membres.

La députée iséroise reconnaît qu’il y a « un travail de conviction et de pédagogie à faire y compris au sein du Parlement »  – la preuve étant qu’elle n’a pas réussi à trouver d’accord avec son co-rapporteur sur le sujet. « Il y a des résistances, mais je pense que les Français sont pour – beaucoup ignorent que la parité n’est pas obligatoire dans les communes de moins de 1000 habitants. Les membres des cabinets ministériels que nous avons rencontrés sont ouverts, et le ministre chargé de la ruralité s’est prononcé pour cette réforme, à titre personnel. Il n’y a plus à tergiverser : il est indispensable d’ouvrir les portes de la démocratie locale aux femmes. » 

Et les EPCI ?

Reste la question, bien plus complexe, des conseils communautaires, unanimement décrits comme les mauvais élèves de la parité, voire « des zones blanches de la parité ». L’explication est simple : 80 % des maires sont des hommes, et dans les communautés de communes en particulier, ce sont les maires qui siègent au conseil communautaire. D’où un déséquilibre très important en termes de parité. La seule véritable solution viendra de l’augmentation du nombre de femmes maires… mais elle est lente. 

En attendant, Élodie Jacquier-Laforge propose dans son texte une « première étape, un début ». Si la formulation législative est un peu compliquée, l’idée est simple : c’est la représentativité « en miroir »  des femmes dans les bureaux des EPCI. Autrement dit : il devrait y avoir au moins la même proportion de femmes vice-présidentes d’EPCI que de femmes siégeant au conseil communautaire : « Si 35 % de femmes siègent au conseil communautaire, il faut qu’au moins 35 % des vice-présidents soient des femmes, explique Élodie Jacquier-Laforge. Cela n’aboutira pas à la parité dans les conseils communautaires, mais ce sera un début. Et c’est évidemment un minimum. » 

Effets pervers

Un dernier aspect évoqué dans le rapport n’est, lui, pas inscrit dans la proposition de loi. Il s’agit des effets pervers de la disposition du Code électoral qui veut que si un conseiller communautaire vient à quitter son poste, il doit obligatoirement être remplacé par un conseiller du même sexe. Initialement prévue pour éviter que des hommes remplacent des femmes, cette disposition a eu, dans plusieurs endroits, un effet contre-productif. Exemple parmi d'autres à Castres-Mazamet, récemment conmmuniqué à Maire info par une lectrice, où un conseiller municipal dont la liste n’avait obtenu qu’un seul siège a démissionné. Une femme lui a succédé au conseil municipal… mais elle ne peut siéger, du fait de cette disposition, au conseil communautaire !

Les rapporteurs ont soulevé cette question et ont demandé au ministère de l’Intérieur de se pencher sur dessus. Pourquoi ne pas l’avoir inscrite dans la loi ? « C’est trop tôt, regrette Élodie Jacquier-Laforge. Il faut faire un état des lieux précis de la situation, une évaluation solide et consolidée des effets possibles d’un changement de la loi sur ce sujet. On reproche trop souvent aux députés de voter des lois sans s’être suffisamment penché sur ses effets ! C’est la raison pour laquelle, estimant que nous n’avons pas encore assez de recul sur cette disposition, qui est assez récente, j’ai décidé de ne pas l’inclure dans mon texte. » 

Cette proposition de loi peut-elle être adoptée avant la fin du quinquennat ? « Ce n’est pas impossible, et c’est ce que j’espère », conclut la députée, qui estime que terminer le quinquennat sur cette victoire pour la parité serait « un signe fort ». Elle souhaite, pour ce qui la concerne, que le texte soit examiné pendant la semaine de l’Assemblée, en janvier. 

Accéder à la proposition de loi.

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