Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 31 mars 2023
Politique de l'eau

Tarification progressive de l'eau : « généraliser » ou « faciliter » ?

Le chef de l'État a demandé hier que soit « généralisée » la tarification progressive de l'eau. Mais les projets prévus dans le Plan Eau publié depuis sont un peu plus nuancés. Explications. 

Par Franck Lemarc

Dans son discours d’hier, Emmanuel Macron a annoncé une réflexion sur la tarification de l’eau : il a dit souhaiter que « la tarification progressive et responsable »  soit « généralisée » : « Les premiers mètres cubes (seraient) facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant, (…) ensuite au-delà d’un certain niveau, le prix du mètre cube (serait) plus élevé, et c’est normal pour les consommations que j’appellerai de confort et pour inciter à la sobriété », a expliqué le chef de l’État. 

Le terme de « généralisation », qui implique un caractère uniforme et obligatoire, a immédiatement fait bondir certains élus. À commencer par David Lisnard, le président de l’AMF, qui a aussitôt twitté sèchement : « La tarification est du ressort des autorités organisatrices de l'eau, c’est-à-dire des collectivités, donc est le fruit de la démocratie locale (…). Elle est pertinente, « responsabilisante »  et modèle. Que l'État reste à sa place. » 

Réflexion

Le dossier de presse diffusé par le ministère est heureusement plus nuancé, puisqu’il ne parle pas de « généraliser »  la mesure : il mentionne uniquement le fait de « faciliter la mise en place par les collectivités d’une politique tarifaire adaptée aux enjeux des territoires ». Et annonce que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) va être saisi pour réfléchir aux « évolutions nécessaires pour faire des recommandations sur la tarification progressive de l’eau ». Ce qui, soit dit en passant, peut surprendre, dans la mesure où le Cese est une des seules assemblées consultatives dans lesquelles… les élus locaux ne sont pas représentés. 

Reste que Christophe Béchu, en conférence de presse ce matin, a clairement rejeté l’idée d’un système uniforme pour tout le territoire, expliquant que le président de la République avait seulement « fixé un cap, ce qui est son rôle ». Et ajoutant : « L’eau est une compétence décentralisée. [La fixation d’un tarif unique] serait une insulte à la gestion locale, en plus d’un non-sens, eu égard aux spécificités locales ». 

Sans compter que la tarification progressive se heurte à de nombreux problèmes, en particulier le fait qu’il paraît impossible de fixer une consommation « de base »  sans tenir compte de la composition des ménages : une famille nombreuse consomme mécaniquement plus d’eau qu’un célibataire. Il faudra donc en tenir compte. Doit-on également faire varier le prix en fonction des revenus ? Christophe Béchu n’y est pas opposé, déclarant ce matin que pour lui, « la tarification sociale n’est pas un gros mot ». Celle-ci existe d’ailleurs, depuis la loi du 15 avril 2013 qui a rendu possible son expérimentation dans les collectivités territoriales volontaires. Mais, a souligné Christophe Béchu, « il y a aujourd’hui assez peu de cas ». 

Le ministre a soulevé de nombreuses autres questions : à qui appliquer la tarification progressive ? « On ne peut pas traiter de la même façon les particuliers, un hôpital et les pompiers. » « Tout cela n’est pas simple, a conclu le ministre, d’où l’étape intermédiaire de réflexion qui va être demandée au Cese ». 

Il reste à espérer que ni le gouvernement ni le Cese n’oublieront de consulter, sur ce sujet, les élus locaux, qui restent les premiers concernés. 

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