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Édition du lundi 30 janvier 2023
Stationnement

Stationnement payant : les collectivités peuvent « écarter » le droit d'opposition des automobilistes à la collecte de leur plaque d'immatriculation

Le ministère des Transports a récemment adressé une communication aux associations d'élus sur une épineuse question relative au stationnement payant : les collectivités peuvent-elles écarter le « droit d'opposition » des automobilistes à la collecte de leur numéro d'immatriculation ? Réponse - après consultation du Conseil d'État : oui. Explications. 

Par Franck Lemarc

Les automobilistes peuvent-ils s’opposer, au nom du RGPD, à la collecte de leur numéro d’immatriculation par les autorités chargées du stationnement payant sur la voirie ? Et celles-ci peuvent-elles, par délibération, les en empêcher ?

Cette question juridique complexe restait à trancher, après un différent qui a opposé, l’an dernier, la Cnil et la ville de Marseille. 

À la suite de la dépénalisation et de la décentralisation des amendes de stationnement et leur transformation en FPS (forfait post-stationnement), la ville de Marseille, comme toutes les autres communes faisant payer les stationnements, a mis en place un système de paiement par horodateur ou application mobile nécessitant la saisie de son numéro d’immatriculation. Mais lors d’un contrôle, la Cnil (Commission nationale informatique et liberté) a estimé que le dispositif mis en place contrevenait au RGPD et en particulier à son article 21, relatif au droit d’opposition. Cet article dispose que toute personne «  a le droit de s’opposer à tout moment (…) à un traitement de données à caractère personnel la concernant ». La Cnil a fait valoir que la ville de Marseille ne laissait pas aux usagers un droit à s’opposer à la saisie de son numéro d’immatriculation.

Cadre juridique « suffisant » 

Mais sans saisie de ce numéro d’immatriculation, c’est tout le dispositif du FPS qui devient inopérant. À la suite de cette décision de la Cnil, les associations d’élus, dont l’AMF et le Gart (Groupement des autorités responsables du transport), ont donc travaillé avec la DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités) à la rédaction d’un projet de décret permettant d’éclaircir le cadre réglementaire et de lever cette insécurité juridique. 

Le projet de décret a été présenté au Conseil d’État, avec pour objectif de définir le cadre dans lequel les collectivités pourraient « écarter le droit d’opposition »  à la saisie du numéro d’immatriculation. Mais le Conseil d’État a jugé qu’il n’y avait point besoin de décret, et que le cadre juridique actuel est « suffisant ». À condition que les collectivités concernées prennent une délibération. 

Objectifs d’intérêt général

La DGITM a rédigé une « note d’éclairage juridique »  très précise sur le sujet, qui détaille les droits et les obligations des collectivités en la matière, après l’analyse du Conseil d’État. 

Il est reconnu que le numéro d’immatriculation est bien « une donnée à caractère personnel »  et que, de ce fait, les usagers sont en droit de s’opposer à leur collecte. Mais la loi Informatique et libertés a précisément prévu la possibilité « d’écarter »  le droit d’opposition des usagers, dans des conditions très encadrées : cette dérogation est, en particulier, possible, si « elle constitue une mesure nécessaire et proportionnée (…) pour garantir d’autres objectifs importants d’intérêt public général »  (article 56 de la LIL). Cette dérogation doit alors être prise « par des mesures législatives ». 

Selon le Conseil d’État, une délibération prise par une collectivité dans le cadre de l’exercice de ses compétences peut être regardée comme « une mesure législative ». Il est donc possible de prendre une délibération pour écarter le droit d’opposition des automobilistes… à condition de prouver que cela permet de « garantir d’autres objectifs importants d’intérêt public général ». 

Conditions de forme et de fond

Si une telle délibération est possible et légale dans l’état actuel du droit, il est indispensable, souligne la DGITM, qu’elle respecte strictement un certain nombre de « conditions de forme et de fond ». 

« L’acte local écartant le droit d’opposition à la collecte du numéro de plaque d’immatriculation doit prendre la forme d’une délibération prise par le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’EPCI. »  Elle devra ensuite « figurer sur l’acte ayant autorisé le traitement ». 

Mais surtout, il est indispensable de prouver que cette dérogation sert un motif d’intérêt général. La note de la DGITM donne un certain nombre d’exemples. La collectivité peut par exemple arguer que le stationnement payant permet d’atteindre les objectifs d’une politique de mobilité, « afin de favoriser la fluidité de la circulation »  ; ou encore que la collecte des numéros d’immatriculation permet un meilleur « recouvrement des recettes publiques »  en « réduisant les erreurs de calcul du FPS »  ; ou encore qu’elle garantit « l’effectivité des recours », puisque la saisie du numéro d’immatriculation « permet à l’usager de prouver sans équivoque que le justificatif est bien le sien » … Autant de motifs qui sont en effet d’intérêt général. 

Enfin, la DGITM rappelle expressément que les communes et groupements, en tant que responsables du traitement de ces données, doivent impérativement faire figurer un certain nombre de renseignements sur la délibération écartant le droit d’opposition, sous peine de contrevenir à leurs obligations et de risquer de lourdes amendes. Ils devront notamment faire figurer dans la délibération « les finalités du traitement, les catégories de données concernées, l’étendue des limitations introduites, (…) l’identité des responsables du traitement… ». La liste complète des données à introduire dans la délibération figure à la fin de la note de la DGITM. 

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