Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 29 septembre 2022
Finances

Projet de loi de finances 2023 : les regrets et inquiétudes des associations d'élus

Plusieurs associations d'élus - dont l'association des Maires de France et des présidents d'Intercommunalités (AMF) - ont donné leurs avis à la suite de la présentation du projet de loi de finances pour 2023. Une crainte est partagée : celle que le projet de loi de finances aggrave encore les difficultés des collectivités.

Par Lucile Bonnin

Depuis plusieurs jours, le projet de loi de finances pour 2023 est au cœur de l’actualité. Présenté lundi par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué chargé des Comptes publics, il suscite de nombreuses réactions chez les élus. Hors sol, déconnecté de la réalité, manquement au principe de la libre administration : les associations s’inquiètent de certaines dispositions prévues dans le PLF. 

C’est le cas de l'association des Maires de France et des présidents d'Intercommunalités (AMF) qui a publié hier un communiqué de presse dénonçant le fait que ce PLF 2023 « ne répond pas à la situation à laquelle doivent faire face les communes et intercommunalités. »  

La situation est d’ailleurs particulièrement complexe pour les collectivités à cause de l’inflation qui « provoque une hausse des charges des communes et intercommunalités sans évolution notable de leurs ressources » , comme l’indique l’AMF qui rappelle que cette situation pourrait s’empirer en 2023 où l’inflation annoncée sera de 4,2 %. 

Indexation de la DGF sur l’inflation

Voilà plusieurs mois déjà que l’AMF propose « que soit garantie la stabilité des ressources en euros constants »  notamment via « l’indexation sur l’inflation de la DGF. »  L’AMF dit regretter que « la loi de finances ne prévoit pas cette indexation, ce qui équivaut à un prélèvement de l’État de plus d’un milliard d’euros sur de l’argent qui est dû aux communes et intercommunalités. » 

D’autres associations s’accordent sur ce point. L’association des Petites villes de France, par exemple, déplore qu’un soutien aux services locaux n’ait pas été prévu par ce biais. L’association indique dans son communiqué que beaucoup « de petites villes continueront à voir leur DGF diminuer en 2023, sans que la hausse de leurs dépenses liée à l’inflation, notamment énergétique, ne soient compensées. »  Les élus des petites villes rappellent d’ailleurs que l’épargne brute des communes pourrait baisser de 11,3 %. 

Même son de cloche du côté de l’association Villes de France qui regrette que l’augmentation de la DGF ne soit « pas à la hauteur de l’inflation qui impactera fortement les collectivités locales. »  La réévaluation du montant de la DGF est, selon Villes de France, indispensable pour « maintenir [les] capacités d’investissement [des collectivités] et la continuité des services publics à destination des Français. » 

Suppression de la CVAE

Pour rappel, l'article 5 du PLF 2023 prévoit de réduire de moitié la CVAE en 2023 et une suppression définitive en 2024. Ce point est contesté par les associations d’élus. Pour l’AMF, cette suppression, en plus de retirer « encore une fois une ressource fiscale locale » , va avoir des « dommages collatéraux » . Selon l’AMF, « la compensation par une fraction d’impôt national, la TVA, ne garantit pas en l’état le lien fiscal entre les entreprises et leur commune d’implantation, qui constitue pourtant un levier d’attractivité des communes. »  Conséquence : le dispositif de compensation va générer d’importants transferts de ressources notamment entre les intercommunalités, au détriment des territoires industriels, et affecter le calcul du montant de leurs dotations. 

L’AMF remarque aussi que ce dispositif « ne permet pas une compensation à "l’euro près" : en intégrant la baisse de la CVAE 2021 (qui est assise sur la valeur ajoutée des entreprises en 2020) induite par la crise sanitaire dans les calculs, l’État baisse d’autant le montant de la compensation qu’il est censé assurer. » 

Du côté des Départements de France, si la suppression de la CVAE est « regrettée » , la compensation semble satisfaire : « La période de référence retenue 2020-2022 est un sujet de satisfaction d’autant que le Gouvernement s’est engagé à intégrer par la suite l’année 2023 dans le période de référence selon des modalités à préciser. L’absence d’année blanche permettra par ailleurs de bénéficier de la dynamique de TVA observée entre 2022 et 2023. »  Pour Villes de France, cette compensation « est un moindre mal »  mais n’efface pas le besoin « d’une véritable compensation active permettant de préserver la dynamique de nos territoires. » 

Sur ce sujet l’AMF propose concrètement « un dégrèvement en 2023 et en 2024 afin de préparer correctement la mise en œuvre de la réforme. La compensation serait alors calculée sur la base des produits de CVAE 2022, 2023 et 2024. » 

« Contrainte étatique » 

L’AMF parle de « nouveau dispositif de contrainte étatique des dépenses locales », Villes de France en parle comme d’un « nouvel instrument visant à contrôler l’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités » … Après le dispositif de Cahors, l’Exécutif augmente le nombre de collectivités concernées et alourdit les sanctions applicables, comme l’expliquait Maire info lundi dernier. 

Du point de vue des petites villes de France, ce projet de loi de programmation « pose les bases d’un nouvel encadrement (…) restrictif et bureaucratique. L'État ne peut à la fois demander une réduction de dépenses et en imposer sans cesse de nouvelles. »  François Sauvadet, président de Départements de France appelle ainsi « le Gouvernement à faire confiance aux Départements, à lâcher prise, et à mettre effectivement leurs moyens en adéquation avec l’évolution des charges qu’il leur impose ! » 

Vivement attachés au principe de libre administration des collectivités locales, nombreux sont les élus qui dénoncent ce dispositif de limitation des hausses des dépenses de fonctionnement des collectivités, que le ministère juge pourtant « fondamentalement différent »  de celui des contrats de Cahors (lire le Maire info d’hier)

D’autres associations ne se sont pas encore directement exprimées sur le sujet. C’est le cas par exemple de l’association France urbaine dont la présidente Johanna Rolland et une délégation d’élus ont rencontré mardi la Première ministre pour présenter 12 mesures d’urgence « pour lutter contre les fractures sociales et territoriales » . Parmi elles se trouve notamment la non-suppression de la CVAE.
 

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