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Édition du lundi 8 mars 2021
Logement social

Logement social : la Cour des comptes réclame un dispositif de réduction des loyers HLM « plus lisible » et « moins opaque »

La réduction de loyer de solidarité instaurée en 2018, afin de permettre à l'État de faire des économies, pourrait être à l'origine d'une baisse des investissements des bailleurs sociaux « qui ne serait pas longtemps soutenable », selon la Cour.

Un dispositif conçu « sans concertation » et « opaque » qui aurait entraîné une « rupture d’égalité » entre locataires et une « réduction des investissements » des bailleurs sociaux. Trois ans après la mise en oeuvre du dispositif de réduction de loyer (RLS), la Cour des comptes pose un constat très critique sur cette réforme dont l’objectif est de réduire le coût pour l’État des aides personnalisées au logement (APL).. 
Dans un référé, rendu public en fin de semaine dernière, le Premier président de la Cour, Pierre Moscovici, souligne les « difficultés importantes »  et les « effets de bord » qu’elle soulève, « en raison notamment de son insuffisante préparation, de sa complexité et de son impact financier pour les bailleurs sociaux ». 

« Rupture d’égalité » 

Particulièrement « complexe » et « opaque »,  la RLS fonctionne « comme une baisse de loyer » financée par les bailleurs sociaux sous condition de ressources, « mais qui est neutralisée par une baisse concomitante et quasi équivalente (de 90 % à 98 %) » des APL des locataires qui en sont allocataires. Quasi indolore pour ces derniers (le gain moyen est estimé à 76 centimes d’euros par mois), le dispositif a cependant permis à quelque 40 000 autres locataires du parc social - non allocataires des APL mais situés sous les plafonds de ressources - de bénéficier réellement de la RLS grâce à une baisse de loyer nette. 
Devant la « rupture d’égalité »  manifeste entre ces locataires bénéficiaires et ceux allocataires des APL, ces gagnants de la réforme risquent pourtant de « devoir rembourser, à terme, plusieurs mois ou années d’indus en cas de changement de situation ou, à l’inverse, d’être privés durablement d’une baisse de loyer », pointent les magistrats qui critiquent également la « fragilité technique et juridique »  que ce dispositif engendre tout comme « la charge de la responsabilité supplémentaire qu’il fait peser sur les bailleurs ».

Réduction des investissements

Sur le plan budgétaire, l’opération devait permettre à l’État d’économiser initialement 1,5 milliard d’euros par an. Or, ceux-ci ont été rapidement réduits à 800 millions d’euros par an pour les années 2018 et 2019 - « du fait d’une négociation tardive avec les bailleurs et d’une prise en compte tout aussi tardive des impacts possibles de la réforme » - puis à 1,3 milliard d’euros en 2020, et autant prévu en 2021 et 2022.
Si cette réforme a ainsi bien permis « une nette réduction des dépenses de l’État pour le financement des APL », la Cour souligne que « ces économies sont en partie contrebalancées par une moindre recette fiscale, un rendement moindre pour les épargnants du livret A, un engagement financier accru de la Banque des territoires et une prise en charge financière des baisses de loyer notamment par les bailleurs publics (Offices publics de l’habitat) » puisque des mesures d’accompagnement spécifiques ont dû être mises en place pour assurer la soutenabilité de la réforme auprès des bailleurs, qui ont tout de même perdu 4,5 % du montant des loyers.
Bien que l’impact exact de la RLS sur les organismes de logement social reste incertain (faute de disposer de leurs comptes sur les deux dernières années) et que « tous les rapports récents » concluent que l’incidence financière sur les acteurs du logement social a été jusqu’à présent « amortie [...] sans conséquence immédiatement visible », la Cour pointe « certains signaux d’alerte » qui seraient apparus depuis 2018. 
Ainsi, l’autofinancement du secteur HLM a diminué, conduisant à une réduction des investissements : « Les dépenses d’entretien courant et surtout de gros entretien ont diminué » de 7 %. Résultat, « un retard d’engagement des bailleurs dans le nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU) » est apparu, « accentué récemment par le faible nombre d’agréments et de mises en chantier dans le secteur », précisent les magistrats qui estiment, sans préjuger des effets de la crise sanitaire, que « s’il apparaissait que cette baisse a un lien direct avec la RLS, une telle réponse de gestion des bailleurs ne serait pas longtemps soutenable, avec le risque de voir la qualité des bâtiments se détériorer dans le temps, les charges s'accroître, et l’attractivité du parc social faiblir ».

Améliorer le dispositif en 2022

La Cour des comptes souhaite donc la mise en oeuvre, dès 2021, d'outils pour mesurer « les impacts réels de la RLS sur la situation financière et les capacités d’investissement des bailleurs sociaux » et demande l’amélioration du dispositif, lors de son réexamen en 2022, afin de le rendre « plus lisible, moins complexe, mieux sécurisé et rédui[re] son coût de gestion ». 
Dans leur réponse, les ministres de l'Économie, Bruno Le Maire, et des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont regretté qu'un « regard aussi critique [soit porté] sur une réforme qui a atteint ses trois objectifs principaux: à savoir inciter les bailleurs sociaux à une gestion plus efficace de leur parc, permettre des économies substantielles sur le budget de l'État et ne faire aucun perdant parmi les allocataires ».

A.W.

Télécharger le référé.

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