Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 26 janvier 2022
Fiscalité

Le Medef demande une baisse drastique des impôts économiques locaux et la suppression du versement mobilité

Les propositions faites au nom du Medef par son président, Geoffroy Roux de Bézieux, dans le cadre de la campagne présidentielle, auraient, si elles étaient réalisées, un impact considérable sur les collectivités locales. 

Par Franck Lemarc

Comme toutes les organisations en ces temps de pré-campagne présidentielle, le Medef a livré, avant-hier, ses revendications pour le prochain quinquennat. L’organisation patronale a réclamé, sans surprise, une baisse – voire une suppression – des impôts de production, et remet sur la table la question du versement mobilité, ce qui a vivement fait réagir l’association France urbaine. 

Impôts de production

Ce que l’on appelle les « impôts de production »  (dont les impôts économiques locaux), a souvent été au cœur du débat ces dernières années. C’est une revendication constante du Medef, depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, que de réclamer une baisse drastique des impôts payés par les entreprises aux collectivités locales. En 2019, par exemple, le maire de Sceaux et alors secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, expliquait à Maire info : « Il y a une véritable offensive du patronat sur ce sujet, sur les impôts de production, dont la CVAE. »  Et de dénoncer un « accord »  tacite du gouvernement sur le sujet : « Ce que veut, au fond, l’État, c’est supprimer la fiscalité locale. Ils ont commencé par la taxe d’habitation, demain ce sera les impôts de production. » 

Ces sombres prévisions ont commencé à se réaliser en 2020, lorsque le gouvernement, dans le cadre du plan de relance, a annoncé la baisse de 10 milliards d’euros par an de la fiscalité économique locale. Dès le 1er janvier 2021, une baisse de 7,25 milliards d’euros a été engagée, via la suppression de la part régionale de la CVAE et une réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels. Bilan pour le bloc communal : une perte de 1,75 milliard d’euros sur la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de 1,54 milliard sur la cotisation foncière des entreprises (CFE). 

L’AMF n’a cessé, à cette période, de dénoncer cet « affaiblissement des marges de manœuvres des collectivités », jugeant que le gouvernement, « sous couvert de plan de relance, réactivait son projet de remplacement des recettes fiscales par des dotations de l’État ». Sans succès.

Il semble donc que le Medef, aujourd’hui, souhaite continuer sur cette lancée, puisque Geoffroy Roux de Bézieux, lundi, a demandé « un nouvel effort sur les impôts de production », dont il a demandé rien moins qu’une baisse de 35 milliards d’euros sur le prochain quinquennat : « On a encore 35 milliards d’euros d’écart avec la moyenne européenne, a-t-il expliqué. On demande un effort pour ramener sur cinq ans les impôts de production au niveau de la moyenne européenne. » 

Rappelons que la CVAE a représenté environ 15 milliards d’euros de recettes pour les collectivités en 2020, la CFE autour de 8 milliards d’euros.

Remplacer le versement mobilité par un chèque essence

Autre cible du Medef : le versement mobilité (ex-versement transport). C’est hier que, interrogé sur la hausse du prix des carburants, Geoffroy Roux de Bézieux a proposé de supprimer le versement mobilité et de le remplacer par « une indemnité essence ou véhicule »  de 300 euros par salarié et par an. 

Rappelons que le VM (versement mobilité) qui a remplacé en 2021 le VT (versement transport) est une taxe calculée sur la masse salariale et versée par toutes les entreprises de onze salariés et plus aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Cette taxe est dans le viseur du Medef depuis des années, si ce n’est des décennies (elle a été instaurée en 1974). Elle répond pourtant à une logique imparable : les employeurs ayant besoin de services de transport efficaces pour que leurs salariés puissent se rendre au travail, il ne paraît pas anormal qu’ils contribuent à leur financement.

Le taux du versement mobilité est décidé (dans des limites fixées par la loi) par chaque AOM, et son produit ne peut servir qu’à financer la mobilité. Il représente une part essentielle du financement de la mobilité. En Île-de-France, par exemple, le versement transport rapporte à la région (autorité organisatrice de la mobilité) 4,4 milliards d’euros par an, soit 42 % des ressources d’Île-de-France Mobilités !

La proposition du Medef de supprimer purement et simplement le VM a donc heurté nombre d’élus. Certains, parce qu’ils estiment qu’elle est contreproductive pour les entreprises elles-mêmes – c’est le cas par exemple de Matthieu Theurier, vice-président de Rennes Métropole aux mobilités et aux transports, qui a twitté hier : « La proposition du Medef est déconnectée de la réalité des entreprises. Les entreprises avec lesquelles nous travaillons demandent plus de transports en commun. Et elles ont raison car c'est bon pour leurs salariés, leur développement et le climat ! ».

Au-delà, l’association France urbaine, le Gart (Groupement des autorités responsables du transport) et Intercommunalités de France (ex-AdCF) ont clairement posé la question hier, par communiqué de presse, de savoir si le Medef voulait « mettre les transports publics à l’arrêt ». Particulièrement « étonnées »  de cette proposition, les deux organisations estiment que « remplacer les transports publics par un chèque permettant de faire le plein d’essence (…) entraînerait la congestion totale de nos villes et contredirait totalement les objectifs écologiques ». Comme l’élu rennais, elles rappellent que « les organisations territoriales du Medef se tournent vers (elles) pour développer ensemble des politiques locales de transports auxquelles elles sont étroitement associées », et que la proposition du Medef entre donc en contradiction avec « les objectifs des entreprises implantées dans les territoires ». 

Les trois associations souhaitent rencontrer prochainement le Medef afin de « lui rappeler ces évidences ». 

Il reste maintenant à voir quelles réponses apporteront les différents candidats à ces propositions du Medef en matière de fiscalité locale, question qui sera un enjeu majeur du prochain quinquennat pour les collectivités locales. 

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