Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 24 novembre 2017
Congrès des Maires de France

Finances locales : face à Gérald Darmanin, l'inquiétude demeure chez les élus

Alors qu’Emmanuel Macron a confirmé, en clôture du Congrès des maires hier après-midi, la plupart des mesures décidées par le gouvernement pour les collectivités (lire article ci-dessus), le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, l’avait précédé dans la matinée afin de répondre aux questions des élus locaux et tenter de les rassurer dans le cadre du débat sur les finances locales.
Il n’est pas certain qu’il y soit parvenu tant les incertitudes et le flou entourant les principales dispositions inscrites à la fois dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 et dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) 2018-2022 ont persisté tout au long du débat.
Et, en premier lieu, concernant le projet de contractualisation de l’État avec les plus grandes collectivités qui prévoit de limiter les dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an, inflation comprise. L’ancien maire de Tourcoing a assuré que « ce que propose le gouvernement, c’est un encadrement pour les 300 plus grosses collectivités »  (l’hypothèse des 600 est également sur la table, lire Maire info du 22 novembre), « c’est-à-dire que la quasi-totalité des collectivités ne sont pas concernées par la cible des dépenses ».
Ainsi, pour une commune rurale qui « ferait 1,7%, 1,8%, 1,9% de dépenses, il n’y aura pas de mécanismes de correction, pas de contraintes, pas de baisse de dotations… », a affirmé le ministre. Une affirmation - confirmée par le chef de l’Etat quelques heures plus tard - qui a eu le don de troubler les élus présents puisque, comme l’a rappelé le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, « ce n’est pas ce que nous a dit le Premier ministre »  qui a indiqué que, pour les collectivités hors contrat, « si l’évolution spontanée de la dépense n’est pas inférieure à 1,2 % »  alors le gouvernement « prendrait les mesures nécessaires en 2020 ». « Si on ne s’y plie pas, on sera rattrapé par la patrouille, ce qui s’appelle une menace si ce n’est un chantage », a-t-il ajouté.
Même sentiment d’incompréhension de la part des élus concernant le projet de suppression partielle de la taxe d’habitation, « alors qu'on ne sait pas par quoi elle sera remplacée ». « Elle représente une injustice »  pour les communes « bien gérées »  qui possèdent « une taxe d’habitation très faible », a regretté la maire de Saint-Malo-de-Beignon, Marie-Hélène Herry. « Le dégrèvement sera important dans celles qui avaient des taux et des valeurs locatives élevés mais il sera très bas dans des petites communes rurales aux valeurs locatives faibles et aux taux très bas ». Seulement, « l'injustice existe déjà entre collectivités », a rappelé Gérald Darmanin confirmant qu’il y aura bien une liberté des taux puisque « les maires pourront toujours les augmenter l'année prochaine pour l'intégralité des contribuables (…), et vous aurez la même recette et elle sera dynamique ».
« Ai-je bien compris? Si on augmente les taux de la taxe d’habitation en 2018, on sera compensée avec l’augmentation des taux ? », s’est interrogé le maire adjoint d’une commune de 400 habitants dans le département de l’Allier, preuve du « brouillard »  qui règne encore autour de cette réforme du gouvernement, comme l'a signalé Antoine Homé, maire de Wittenheim et membre du bureau de l’AMF. « Ce que j'ai cru comprendre, c'est que si le taux ne change pas sur la partie exonérée, la taxe d'habitation sera exonérée, mais si le taux change, le contribuable repaiera la petite partie d'augmentation », a dû expliquer le secrétaire général et président de la commission des finances de l'AMF, Philippe Laurent, suite au départ de Gérald Darmanin, au milieu du débat, pour le Sénat afin d'assister à la discussion du budget pour 2018.
Avant de quitter le Congrès des maires, il a toutefois évoqué sa volonté de revenir sur la baisse de 240 millions d’euros sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) lors de la seconde lecture du budget. Il s'est également montré « pas défavorable »  à l'instauration d'un projet de loi finances des collectivités territoriales ou à une réforme des valeurs locatives. Mais, avant de réaliser cette dernière réforme, il a demandé que l'on « se pose, d'abord, la question de savoir quel sera l'impôt local le plus juste possible de demain », confirmant au passage que le gouvernement réalisera une réforme de la fiscalité locale.
« Je crois que les discours un peu lénifiants, un peu enrobés qui nous ont été tenus ne lèvent pas les questionnements que nous avons, a estimé Antoine Homé. Il va falloir être offensifs et mobilisés, nous ne lâcherons rien... » « Construisons un cadre stable et équitable pour l'ensemble de nos communes de France et puis, ensuite, faites-nous confiance et, si j'osais… foutez-nous la paix ! », a conclu Philippe Laurent.
A.W.

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