Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 4 mars 2022
Énergie

Explosion des prix de l'énergie : le gouvernement ne prévoit toujours rien pour les collectivités

La guerre en Ukraine va accélérer et accélère déjà la hausse des prix de l'énergie, en particulier le gaz et le pétrole. La hausse est déjà tangible à la pompe, et les collectivités s'attendent à devoir faire face à des difficultés croissantes.

Par Franck Lemarc

Le patron du groupe Système U, Dominique Schelcher, l’a dit hier dans la presse : « La conséquence la plus forte ce matin de ce conflit en Ukraine, c’est la hausse brutale du carburant dans les jours à venir. »  Ce n’est pas (encore) dû à des difficultés d’approvisionnement, mais à des questions macroéconomiques : la guerre en Ukraine, parce qu’elle est un facteur de déstabilisation de toute l’Europe, provoque mécaniquement une baisse de l’euro par rapport au dollar. Le carburant acheté en gros par les fournisseurs a donc augmenté en quelques jours « d’au moins une dizaine de centimes par litre », selon Dominique Schelcher.

Records à la pompe

Résultat : les prix à la pompe s’envolent. La barre symbolique des 2 euros le litre est franchie un peu partout sur le territoire, y compris pour le gasoil, avec des pics de plus fréquemment constatés à 2,18, voire 2,20 le litre de SP98 ! Dans la capitale, même le SP95 a dépassé les 2 euros le litre. 

Et même les frontaliers de Moselle qui ont l’habitude d’aller prendre de l’essence « au Lux »  (Luxembourg) n’échappent pas au problème : le gouvernement y annonce presque quotidiennement des hausses de prix (+ 6,3 centimes par litre aujourd’hui). Même punition en Espagne, où un plein coûte aujourd’hui 18 euros de plus qu’il y a un an, et en Allemagne, où le prix du SP95 a grimpé de quelque 28 % par rapport à l’an dernier. 

Les conséquences de ces hausses vont rapidement devenir graves pour le pouvoir d’achat des consommateurs, d’autant que dans ce domaine, aucun dispositif de « bouclier »  n’a été mis en place. Elles vont aussi coûter fort cher aux collectivités – d’autant plus que c’est le gasoil qui a le plus augmenté, et que les flottes des collectivités, comme celles des entreprises, sont généralement constituées de véhicules diesel. 

Gaz : jusqu’à « 300 % »  d’augmentation dans certaines collectivités

La situation est encore plus critique sur le gaz : le gaz livré dans les ports des Pays-Bas a augmenté de 60 % sur la seule journée de mercredi ! Ce produit, bien que non encore concerné par les sanctions de l’Union européenne, fait l’objet d’une spéculation effrénée sur les marchés. 

Le prix du gaz payé en bout de chaîne, qui a déjà fait l’objet de très fortes hausses l’an dernier, va donc continuer de s’envoler. Et même si un « bouclier »  a été mis en place par le gouvernement à l’automne il ne concerne pas tout le monde, loin de là. Dans les zones rurales notamment, non reliées au gaz de ville, la situation est très tendue, puisque le propane n’est pas concerné par le bouclier tarifaire. 

Certaines collectivités étaient déjà frappées de plein fouet par ces hausses bien avant l’éclatement de la guerre en Ukraine. Le sénateur de l’Eure, Hervé Maurey, avait relayé leurs inquiétudes lors d’une séance de questions au gouvernement, fin janvier : « Une commune de mon département, Charleval, m’a saisi. Son fournisseur de gaz vient de lui annoncer que la facture passerait de 60 000 euros en 2021 à 100 000 euros en 2022, soit une augmentation de 67 %. »  Hervé Maurey rapportait que ces augmentations vont, d’un point du territoire à l’autre et selon les collectivités, de 30 % à 300 %. « Les collectivités locales, plus particulièrement les communes, seront donc très prochainement contraintes de répercuter ces dépenses supplémentaires, soit en augmentant leur fiscalité soit en abandonnant des projets. »  Le problème est connu depuis des mois et, pourtant, le gouvernement ne fait rien. « Je souhaite savoir quand le gouvernement compte sortir du déni dans lequel il est et prendre les mesures qui s'imposent pour aider les collectivités locales à faire face à cette augmentation supplémentaire », tonnait Hervé Maurey au Sénat.

Le gouvernement « pas conscient du problème » ?

La réponse du gouvernement, le 16 février, n’a rien eu de rassurant. Agnès Panier-Runacher, ministre chargée de l’industrie, s’est contentée de répéter les mesures déjà prises par le gouvernement : baisse de la TICFE de 8 milliards d’euros, distribution du chèque énergie de 100 euros, augmentation du volume de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) permettant d’accéder à une électricité « à 46,20 euros le MWh au lieu de 200 euros, qui est le coût annuel du marché. »  La ministre a rappelé que les petites collectivités (moins de 10 agents et recettes réelles de fonctionnement de moins de 2 millions d’euros) restent au tarif réglementé, et que « pour les autres », le prix de l’électricité « sera diminué grâce à la hausse du volume de l’Arenh ». Elle a, surtout… expliqué aux collectivités qu’elles avaient intérêt à faire des économies d’énergie. 

Un conseil qui, bien contre leur gré, sera suivi par les collectivités, de moins en moins rares, qui se trouvent obligées de fermer qui un centre aquatique, qui un équipement culturel, faute de pouvoir payer la facture d’énergie. 

Le sénateur Hervé Maurey s’est dit « absolument stupéfait »  par la réponse de la ministre. « Vous me répondez par des généralités. Vous n’avez rien dit du tout. Je ne sais pas ce que je vais répondre aux élus qui m'ont interpellé à ce sujet, sinon que le gouvernement ne propose rien et n'est apparemment même pas conscient du problème.» 

Rappelons que cet échange a eu lieu avant la nouvelle flambée des prix provoquée par la guerre. Il devient urgent que le gouvernement sorte, en effet, du « déni », et annonce des mesures pour aider les collectivités à faire face à la hausse des prix de l’énergie. Le président de l'AMF, David Lisnard, a interpellé par deux fois le Premier ministre à ce sujet par écrit, d'abord le 25 janvier puis, à nouveau, le 22 février. Sans réponse.

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