Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 25 février 2020
Élections

La « période de réserve » préélectorale a commencé

C’est hier qu'a débuté, selon l’instruction du Premier ministre envoyée le 20 décembre dernier, la traditionnelle « période de réserve »  précédant les élections municipales. Elle durera jusqu’au 22 mars. Si cette instruction est adressée aux membres du gouvernement, la période de réserve concerne-t-elle aussi, d’une façon ou d’une autre, les élus locaux et les agents des collectivités ? Éléments de réponse. 

Questions de vocabulaire
Première précision : attention à ne faut pas confondre la « période de réserve »  et le « devoir de réserve ». Le second est totalement indépendant des périodes électorales : en tout temps, « les fonctionnaires et les agents contractuels sont soumis au devoir de réserve », est-il rappelé sur le site service-public.fr, avec cette précision : « Cette obligation concerne le mode d’expression des opinions et non leur contenu. »  Autrement dit, un agent public peut – liberté d’opinion oblige – penser ce qu’il veut, mais il n’a pas forcément la possibilité de l’exprimer. Cas d’espèce : en 1988, une chargée de mission auprès d’un préfet, qui était également présidente d’une association de défense du droit des femmes, avait publié dans ce cadre un communiqué dénonçant la politique du gouvernement en la matière. Cette publication ayant constitué un manquement caractérisé au devoir de réserve, elle avait été licenciée, ce que le Conseil d’État avait validé. 
Très différente est la « période de réserve »  en période électorale. Contrairement au devoir de réserve, qui est codifié par la loi portant droits et obligations des fonctionnaires, aucun texte législatif ou réglementaire ne fait mention de la période de réserve. Il s’agit, a rappelé le gouvernement dans plusieurs réponses à des questions parlementaires, d’une « tradition républicaine ». 
Mais cette « tradition »  s’impose essentiellement, au-delà des membres du gouvernement, aux services de l’État. Pour ce qui est des ministres, l’instruction du Premier ministre est claire : « Il est d’usage que les membres du gouvernement s’abstiennent de se déplacer dans l’exercice de leurs fonctions à l’approche d’échéances électorales. »  Néanmoins, ajoute Édouard Philippe, « ces règles ne font aucunement obstacle à ce que vous participiez, en dehors de l’exercice de vos fonctions ministérielles, à la campagne électorale ». 
La période de réserve s’applique par ailleurs, comme il est expliqué dans une réponse du ministère de l’Intérieur à une question sénatoriale, en 2011, « aux chefs de service de l'État et aux agents placés sous leur autorité. Tous les fonctionnaires qui sont amenés à participer, dans l'exercice de leurs fonctions, à des manifestations ou cérémonies publiques sont concernés par cette obligation. »  L’obligation « a pour objectif de préserver la neutralité (…) et l’impartialité des agents » , et d’éviter aux agents « d’être mis en difficulté parce qu’ils assisteraient, dans le cadre de leur service, à une manifestation publique au cours de laquelle pourrait naître une discussion politique. » 

Quid des collectivités locales ?
Faut-il le rappeler ? Il n’existe pas de « période de réserve »  pour les maires, qui restent « sur le pont », à la direction des affaires de leur commune, jusqu’à la dernière heure de leur mandat. 
Pour ce qui concerne les agents, la question est rendue difficile par le caractère « traditionnel »  de cette obligation, et l’inexistence de textes législatifs ou réglementaires. La seule référence quelque peu officielle en la matière est la réponse ministérielle citée plus haut, qui ne fait explicitement référence qu’aux agents de l’État. Il n'y a donc pas de texte officiel qui fasse mention d'une période de réserve pour les agents des collectivités territoriales, mais ceux-ci sont, de toute façon, soumis en permanence au devoir de réserve qui leur interdit, dans le cadre de leurs fonctions, de prendre position ou d'agir pour le compte d'un candidat. 
Les agents ont évidemment parfaitement le droit de participer à une campagne électorale et de s’y présenter (en dehors de certaines exceptions, voir ci-dessous), au nom de la liberté d’expression. Mais cette expression doit donc se faire dans le respect du devoir de réserve évoqué plus haut, et, d’autre part, ne peut s’exercer qu’en dehors de leur service et de leur temps de travail. 
Dans tous les cas, il est expressément spécifié par la loi (article L50 du Code électoral) qu’il « est interdit à tout agent de l’autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, professions de foi et circulaires des candidats ». Il s'agit bien là de la distribution de matériel officiel. Rien ne s'oppose, en dehors du service, à ce que les agents puissent faire campagne en distribuant, par exemple, des tracts. 

Incompatibilité et inéligibilité
Rappelons enfin qu’il existe un certain nombre de cas d’inéligibilité et d’incompatibilité entre une fonction et l’exercice d’un mandat. On parle d’inéligibilité lorsqu’une personne n’a pas le droit de se présenter à une élection ; et d’incompatibilité lorsque, une fois élue, elle devra choisir entre sa fonction professionnelle et son mandat électif.
En dehors des conditions générales d’inéligibilité (privation des droits électoraux par décision de justice, tutelle et curatelle, etc.), il existe un certain nombre de cas d’inéligibilité dite « relative », c’est-à-dire l’impossibilité d’être élu dans certaines circonscriptions seulement. Toute une série de fonction est concernée, sous diverses conditions : préfets et sous-préfets, certains magistrats, emplois fonctionnels. Mais l’essentiel à retenir ici est qu’il est strictement interdit à un agent salarié d’être élu au conseil municipal de la commune qui l’emploie.
Quant aux cas d’incompatibilité, ils sont également variés. Ils concernent les militaires, à deux exceptions près : ceux-ci peuvent être élus (mais ni maires ni adjoints) dans les communes de moins de 9 000 habitants ; et conseillers communautaires (mais ni présidents ni vice-présidents d’EPCI) dans les EPCI de moins de 25 000 habitants. Outre les cas des préfets, sous-préfets, secrétaires généraux de préfecture, présidents, vice-président et de magistrat de la chambre régionale des comptes, il faut retenir que sont incompatibles avec un mandat municipal les emplois au sein d’un CCAS (dans la même commune) ; et qu’un emploi salarié au sein d’un EPCI ou de l’une de ses communes membres est incompatible avec le mandat de conseiller communautaire.
Tous les cas d’inéligibilité et d’incompatibilité sont listés de façon exhaustive dans deux fiches disponibles sur le site de l’AMF et téléchargeables ci-dessous.

Franck Lemarc

Télécharger la fiche « Incompatibilités » 
Télécharger la fiche « Inéligibilité » 

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