Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 11 avril 2022
Élection présidentielle

Premier tour : de grandes disparités selon les territoires

Une analyse des premiers résultats par territoires montre une France très contrastée d'une région, d'un département ou d'une commune à l'autre, en particulier en fonction de critères socio-économiques. 

Par Franck Lemarc

La carte de France électorale, en ce lendemain de premier tour, n’est pas homogène. En attendant la publication du fichier de données complet qui permettra d’affiner les résultats, il ressort dès ce matin d’importants clivages d’un bout à l’autre du pays qui reflètent, essentiellement, des disparités sociales. 

L’abstention

Premier enseignement : comme c’est le cas depuis de nombreuses années, c’est avant tout l’abstention qui est influencée par la sociologie des territoires. En forçant largement le trait, on peut dire une fois encore que les territoires les plus pauvres, les plus marqués par le chômage et la désindustrialisation, sont ceux qui s’abstiennent le plus, et vice-versa. Ainsi, l’abstention est nettement plus forte dans l’Aisne (27 %), le Nord (28,3 %), la Moselle (28,19 %) ou les Ardennes (26,5 %) que dans les Hauts-de-Seine (21 %), à Paris (21,7 %), en Gironde (21,5 %) ou la Vendée (21,8 %). 

Les villes les plus durement touchées par la pauvreté sont aussi celles où le taux d’abstention est le plus fort : à La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, on s’est abstenu à 34,45 %, à Drancy à 32,90 %, à Calais (Pas-de-Calais) à 35,11 %, à Forbach (Moselle) à 39,22 % dans les quartiers Nord de Marseille (14e arrondissement) à 40,5 %... 

A l’inverse, le très aisé 16e arrondissement de Paris n’a connu une abstention que de 21 %, la commune de Noisy-le-Roi (Yvelines), de 17,13 %, celle de Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône), de 16,51 %. 

Les taux d’abstention sont extrêmement élevés dans les outre-mer : 46,36 % à La Réunion, autour de 55 % en Martinique et en Guadeloupe, et même presque 64 % en Guyane et 66 % en Nouvelle-Calédonie.

Grandes régions

La carte électorale montre également que le candidat Emmanuel Macron a un électorat plutôt aisé et a supplanté la droite LR dans ses fiefs traditionnels. Au niveau régional, le président sortant arrive en tête en Bretagne (32,79 %), en Normandie (29,26 %), en Nouvelle-Aquitaine (27,63 %), dans le Grand est (29,54 %) ou encore en Auvergne-Rhône-Alpes. 

Marine Le Pen est très largement en tête dans les Hauts-de-France (33,35 %), moins largement en Paca (27,59 %) et en Occitanie (24,62 %). 

On notera le résultat de l’Île-de-France, où c’est Jean-Luc Mélenchon qui arrive pour l’instant en tête dans la région – bien que d’extrême justesse devant Emmanuel Macron – avec 30,24 %. Ces résultats peuvent toutefois encore évoluer puisqu’il n’y a que 3 000 voix d’écart entre les deux candidats. 

Les partis traditionnels laminés

La carte électorale montre également que les fiefs traditionnels des anciens partis ont explosé, du moins à l’occasion de la présidentielle. Une ville aussi acquise aux LR que Neuilly-sur-Seine (92), a donné une large victoire à Emmanuel Macron qui y frôle les 50 %, suivi non pas de la candidate LR (qui n’arrive que troisième) mais d’Éric Zemmour. À l’autre extrémité du prisme, les anciennes banlieues rouges ne votent plus PCF mais Mélenchon : la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, anciens fiefs historiques du PCF, ont voté Fabien Roussel à 2,14 et 2,54 %, quand le candidat Insoumis y recueille 49,09 % et 32,67 %. Dans certaines villes de Seine-Saint-Denis, Jean-Luc Mélenchon dépasse les 60 % des voix, comme à Bobigny par exemple. 

Les fiefs communistes et socialistes du Nord sont, eux, passés au Rassemblement national depuis de nombreuses années – et ce scrutin ne dément pas ce constat. Le Pas-de-Calais a voté Marine Le Pen à 38,68 %. L’un des bastions PCF du département, Avion, a certes voté à 12,7 % pour Fabien Roussel, mais à 39,10 % pour Marine Le Pen et 22,61 % pour Jean-Luc Mélenchon. 

Élections locales et élection présidentielle

On ne peut qu’être frappé par la dichotomie entre les résultats des élections municipales, qui avaient vu triompher les partis traditionnels, les mieux implantés, ceux dont le réseau d’élus locaux est le plus serré, et les scores réalisés à l’élection présidentielle par ces mêmes partis. L’exemple le plus frappant étant sans doute celui de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui, dans la capitale où elle a été confortablement réélue en 2020, recueille aujourd’hui… 2,17 %. Poitiers, qui a élu en 2020 une maire écologiste, a relégué son parti à 6,98 % et donné une large victoire à Jean-Luc Mélenchon (34,91 %), tout comme Strasbourg où Yannick Jadot ne recueille que 6,41 %. 

Le constat est le même à droite : Nice, qui a très largement élu un maire (alors) LR en 2020 a donné la victoire à Emmanuel Macron, suivi de Marine Le Pen, la candidate LR ne recueillant que 5,1 % des voix. Dans le 7e arrondissement de Paris, qui a élu triomphalement Rachida Dati en 2020, Emmanuel Macron frise les 50 %... et les exemples sont innombrables. On peut d’ailleurs faire le même constat au niveau régional : la Bourgogne-Franche-Comté, qui a donné une assez nette victoire à la gauche aux régionales de 2021, met cette fois sur le podium, dans l’ordre, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. 

L’élection présidentielle est bien une élection exceptionnelle, lors de laquelle on ne vote pas pour un parti ni en fonction de l’appétence que l’on a pour « son »  élu local, mais pour une personnalité.

À une exception près, car un candidat, a contrario, fait preuve d’un remarquable ancrage local : c’est Jean Lassalle, qui arrive en tête du scrutin dans plusieurs dizaines de communes des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées, dépassant même les 45 % dans plusieurs d’entre elles. 

Outre-mer : Jean-Luc Mélenchon largement vainqueur

Un mot enfin des résultats dans les outre-mer, pour conclure ce premier regard sur le résultat du premier tour. 

Jean-Luc Mélenchon arrive en tête – et souvent largement – dans six collectivités ultra-marines sur neuf. Le candidat Insoumis est en tête dans presque toutes les communes de Guyane, dans la totalité des communes de Martinique et de Guadeloupe (y atteignant parfois les 58 %), dans les huit dixièmes des communes de La Réunion, ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Saint-Martin. 

Emmanuel Macron arrive en revanche largement en tête dans toutes les communes de la Polynésie française et la moitié des communes de Nouvelle-Calédonie (l’autre moitié a été remportée par Jean-Luc Mélenchon). Le seul département d’outre-mer qui a largement voté Marine Le Pen est Mayotte, où la candidate RN arrive en tête dans 15 communes sur 17, dépassant même les 62 % dans le sud de l’île. 
 

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