Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 22 avril 2020
Coronavirus

Éducation, numérique, alimentation... Comment la crise creuse les inégalités dans les quartiers prioritaires

Le scénario privilégié par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, prévoit une rentrée scolaire post-confinement étalée sur trois semaines, entre le 11 et le 25 mai (lire article ci-dessus). D’ici là, l’école « à la maison », appelée aussi « continuité pédagogique »  (lire Maire info du 16 mars), se poursuit, malgré les inégalités sociales - reconnues par tous - qu’elle exacerbe : l’accompagnement familial peut se révéler aléatoire en fonction du niveau d’études des parents des élèves et les logements ne sont pas tous propices au travail individuel. Par manque de moyens, « toutes les familles ne sont pas équipées [non plus] en matériel informatique, en connexion Internet, en adresse de messagerie, en logiciels éducatifs, en outil de reproduction et de transmission (imprimantes, scanners) », se désolait Yannick Trigance, conseiller régional PS d’Île-de-France, dans une tribune publiée le 30 mars dans Libération, où il appelait le ministre à « abandonner »  la continuité pédagogique « qui n’existe pas dans la réalité quotidienne du confinement familial ». Dans le même journal, Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l'enseignement scolaire, analyse par ailleurs que « cette crise est en réalité un cruel révélateur des inégalités sociales et territoriales à l’œuvre dans notre pays. Quand les politiques publiques ont laissé se creuser de tels écarts de richesse et se concentrer au même endroit des élèves en grande difficulté sociale ou victimes de la ségrégation ethnique, il est plus difficile de créer une dynamique pédagogique. » 
« Des initiatives de collectivités locales, du monde associatif et de l'État se sont [bien] développées pour fournir des tablettes et des ordinateurs »  pour pallier ces carences, leur répondait Jean-Michel Blanquer, dimanche, dans Le Parisien, mais « 4 % »  des élèves sont encore injoignables (contre 5 % à 8 % fin mars), notamment en raison de manque de matériel numérique. 

15 millions d’euros investis dans les quartiers prioritaires
C'est pourquoi, le lendemain, le gouvernement a lancé un plan de 15 millions d’euros « pour renforcer la continuité éducative dans les quartiers prioritaires »  et tenter de réduire la fracture numérique. « Il permettra d’acheter et de distribuer du matériel informatique et de connexion aux élèves des quartiers n’ayant pas les outils nécessaires pour le suivi éducatif à distance », promettent les ministres Jean-Michel Blanquer et Julien Denormandie. Le ministre chargé de la Ville et du Logement « amplifie l’action débutée par certaines préfectures et rectorats pour acheter des tablettes numériques et de clés 4G et s’assure qu’elle soit élargie à l’ensemble des quartiers prioritaires. Ce programme s’appuie d’abord sur les 80 cités éducatives lancées en 2019 par les deux ministères (lire Maire info du 6 septembre 2019). Les crédits 2020 des cités éducatives seront immédiatement mobilisables pour ces actions ».
En complément, ce plan renforce l’accompagnement scolaire « en doublant d’ici le mois de juillet le nombre d’élèves (de 15 000 à 30 000) bénéficiant de mentorat (#mentoratdurgence et #reussitevirale) ». Un dispositif d’aide aux associations de très grande proximité est également « mis en place pour soutenir les actions de solidarité dans les quartiers ». Ainsi, cinq millions d’euros sont mobilisés « pour soutenir l’action au quotidien de ces acteurs de proximité et de faire face aux dépenses de fonctionnement nécessaires à leur pleine mobilisation durant toute la période de crise que nous traversons ».

« Les queues pour aller chercher des aides alimentaires ne cessent de grandir » 
Une crise qui frappe durement certains habitants des quartiers populaires, aujourd’hui sans travail et isolés. Partout, la solidarité s’organise : par exemple à Grigny (Essonne), où des bénévoles livrent plus de 100 colis alimentaires par jour aux habitants les plus défavorisés durant le confinement, comme l’a repéré franceinfo
Force est, néanmoins, de constater que la crise fait ses premières victimes. Hier, Clémentine Autain, députée La France insoumise de Seine-Saint-Denis a tiré la « sonnette d'alarme »  sur la situation dans son département. « Les queues pour aller chercher des aides alimentaires ne cessent de grandir et vous avez des populations qui aujourd'hui ont faim », a averti la députée sur franceinfo. Elle demande aux pouvoirs publics de mieux répondre à « l'urgence sociale »  amplifiée par la crise du covid-19 dans l’un des départements les plus fortement touchés par le virus avec, selon l’Insee, au mois de mars un nombre de décès très supérieur par rapport à mars 2019 (+ 62 %).
Pour aider ces habitants, Julien Denormandie a reconduit lundi, notamment en Île-de-France et en Outre-mer, le « dispositif de distribution de « chèques services »  lancé le 1er avril, qui permet aux personnes sans domicile fixe et familles précaires hébergées de pouvoir acheter des produits d’alimentation et d’hygiène ». D’un montant de 7 euros par jour, ces chèques « sont distribués par des associations aux personnes et aux ménages sans domicile en fonction de leurs besoins et dédiés à l’achat de denrées alimentaires, de produits d’hygiène et de produits à destination des enfants en bas âge. Ils sont utilisables durant la période de crise sanitaire », fait savoir le ministre. 
65 000 personnes avaient bénéficié de ces chèques début avril. Le ministre voudrait en toucher 90 000 « dans les prochains jours ». 

Ludovic Galtier

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