Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 6 mars 2019
Logement

Logement insalubre : une proposition de loi pour donner davantage de moyens aux collectivités

Le Sénat a examiné hier – après une interruption de ses travaux d’une semaine – une proposition de loi de Bruno Gilles (LR, Bouches-du-Rhône) « visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux ». Ce texte, qui fait suite au drame survenu à Marseille en novembre dernier, vise notamment à « renforcer les capacités de contrôle et d’intervention des collectivités territoriales ». Bien que l’essentiel des sénateurs – et le ministre présent – se soient dits globalement favorables à l’esprit de ce texte, il a été renvoyé en commission pour un examen plus approfondi.
Le 5 novembre 2018, l’effondrement de trois immeubles en plein centre-ville de Marseille avait fait 8 morts et conduit à l’évacuation de 1 600 personnes, dont l’écrasante majorité n’a toujours pas été relogée à ce jour. Il y aurait, aujourd’hui, quelque 420 000 logements indignes dans le parc privé en France, a rappelé Bruno Gilles en présentant son texte. Pour que de tels drames puissent être évités, il faudrait, selon le sénateur, « mettre en place une chaîne structurée et intégrée d’actions ». Plusieurs sénateurs ont relevé le caractère « kafkaïen »  des procédures, dans un domaine où le nombre d’acteurs est extrêmement important : cinq ministères concernés, des échelons de décisions pas toujours bien identifiés entre maires, EPCI et préfets… Comme l’a relevé le ministre en charge de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, il existe pas moins de « treize polices différentes de lutte contre l’insalubrité, qui forment un ensemble kafkaïen ». « Le pouvoir de police du maire s'articule avec les pouvoirs de polices spéciales et les échelons et compétences s'entrecroisent tellement qu'il est difficile de déterminer qui fait quoi et dans quel délai », a aussi plaidé Michel Amiel (LaREM, Bouches-du-Rhône).
Une mission a été confiée, sur ce sujet, au député du Val-d’Oise Guillaume Vuilletet, qui devrait rendre ses conclusions « en juin ».

Une proposition de loi en trois axes
Le texte proposé par Bruno Gilles se décompose en 9 articles et « trois axes » : « renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements », « accélérer les réponses aux situations d'insalubrité et de dangerosité des immeubles »  et « renforcer l'efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil ». On retiendra notamment, dans ce texte, la possibilité pour les communes ou EPCI de soumettre à autorisation préalable « toutes les opérations tendant à diviser un logement en plusieurs logements », même en l’absence de travaux ; le durcissement des conditions d’attribution du « permis de louer »  prévu par la loi Élan ; la simplification des règles d’expropriation en raison d’insalubrité ou de dangerosité. D’autres articles visent à accélérer la visite d’un agent dans un logement insalubre en cas de saisie d’un citoyen (en faisant passer le délai de trois à un mois) ou l’aggravation des sanctions, jugées « pas assez dissuasives », contre les marchands de sommeil.

La question des moyens
Lors du débat, hier, une relative unanimité s’est dessinée sur l’idée que « cela ne peut plus durer ». Si le ministre Julien Denormandie a salué les mesures déjà prises, notamment dans la loi Élan – en particulier avec le versement direct aux collectivités des astreintes payées par les propriétaires récalcitrants et non plus à l’État – plusieurs sénateurs ont dénoncé, au contraire, un engagement insuffisant de l’État, estimant par exemple que « le budget de l’Anah n’est pas à la hauteur ». Les récentes mesures défavorables au logement social font aussi partie du problème, a expliqué Joël Labbé (RDSE, Morbihan), car « de nombreuses personnes se retrouvent dans des logements indignes, faute de logement social ». Philippe Dallier (LR, Seine-Saint-Denis) ne s’est pas dit opposé à un nouveau durcissement de loi mais a relevé que « la difficulté principale est dans les moyens »  des collectivités. « On demande toujours plus aux collectivités territoriales qui doivent concomitamment limiter leurs dépenses de fonctionnement. Peut-être faudrait-il que vous leviez la fameuse toise de 1,2 % que vous imposez aux collectivités, monsieur le ministre ? » 
Sylvie Vermeillet (UC, Jura) a également appelé à ne pas oublier la question du logement insalubre dans les communes rurales, « où se situent un cinquième des logements préoccupants ». Elle a proposé qu’une fraction de DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) puisse être consacrée à l’éradication des logements insalubres.
Au final, sur proposition de la commission des affaires économiques, le texte a été renvoyé en commission : « Cette proposition de loi va dans le bon sens. Certains articles font déjà consensus »  mais d’autres méritent « d’affiner la réflexion », a conclu Dominique Estrosi-Sassone, rapporteure du texte. Le renvoi du texte en commission a été voté à l’unanimité. Il est possible que son parcours parlementaire s’arrête là, mais qu’une partie des propositions qu’elle contient soient intégrées dans l’ordonnance sur l’habitat insalubre que le gouvernement va prendre après publication du rapport Vuilletet.
F.L.
Télécharger la proposition de loi.

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