Versement mobilité : le Medef s'oppose à toute hausse, le Gart demande une « concertation nationale »
Par Franck Lemarc
« Impôts ou avenir, il faut choisir. » C’est sous ce titre volontairement provocateur que 105 dirigeants départementaux du Medef ont signé une tribune publiée par Les Échos du 18 novembre. Les auteurs de la tribune répondent aux propositions qui ont été récemment exprimées par plusieurs acteurs du transport pour financer le « mur d’investissement » que suppose le développement de l’offre de transports. Certains prônent en effet un relèvement du plafond du versement mobilité, tandis que d’autres demandent une régionalisation de cette taxe – elle n’est, à l’heure actuelle, perçue que par les autorités organisatrices.
Solution « inéquitable »
Rappelons le fonctionnement du versement mobilité (VM) : il est versé par les entreprises de 11 salariés et plus et est calculé sur la masse salariale. Les autorités organisatrices qui le perçoivent peuvent délibérer sur le taux du VM, en respectant un plafond (1,75 % de la masse salariale en province, 2,95 % en Île-de-France).
Récemment, plusieurs élus ont milité pour un relèvement de ces plafonds. C’est le cas par exemple de la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, qui a rappelé que les besoins de financement de la région en matière de transports devraient augmenter de quelque 10 milliards d’euros d’ici 2030. Le gouvernement, l’été dernier, ne s’est pas montré fermé à l’idée d’un relèvement des plafonds, le ministre des Transports déclarant par exemple qu’une telle mesure « permettrait aux métropoles ou régions d'assumer les politiques de transport en ayant en main un levier de financement, qu'elles choisiront d'actionner ou pas ». Mais finalement, Bercy a dit non, pour ne pas « augmenter les impôts de production » … sauf en Île-de-France.
Pourtant, le Medef a décidé de revenir sur le sujet la semaine dernière pour rappeler la position : un relèvement du plafond serait « inéquitable et pénalisante pour les entreprises ». Il rappelle que le VM a augmenté ces dernières années nettement plus vite que la masse salariale. « Le VM ne doit pas devenir la variable d'ajustement fiscale servant à compenser un modèle de financement trop souvent déficitaire. »
Par ailleurs, les responsables du Medef demandent à être mieux associés aux décisions au sein des autorités organisatrices : « Les organisations représentatives des entreprises doivent participer à la gouvernance de ces autorités organisatrices, afin de travailler aux côtés des collectivités sur l'organisation et le financement des transports de demain. »
Relèvement du plafond en Île-de-France
Sur ce dernier sujet, le Gart, dans un communiqué publié en réponse à la tribune du Medef, rappelle aux représentants du patronat que la LOM de 2019 « a instauré un comité des partenaires, (…) qui permet aux autorités organisatrices de la mobilité de consulter les employeurs en matière d’offre de mobilité et recueillir leurs propositions d’amélioration de la desserte des zones d’emplois ». L’association invite donc les employeurs à s’emparer de cet outil et à « s’impliquer activement ».
Concernant l’évolution du VM, le Gart donne raison au Medef quand celui-ci écrit que « le modèle économique du transport public local est à bout de souffle ». Mais les réponses diffèrent. Le Gart reproche à l’État de n’apporter « aucune réponse pour les AOM hors Île-de-France ». Pour comprendre cette nuance, il faut se référer au projet de loi de finances pour 2024, qui prévoit en effet des mesures spécifiques pour la région francilienne en la matière.
Il s’agit de l’introduction dans la loi de finances d’un accord conclu entre l’État et la région fin septembre, qui prévoit notamment un relèvement du plafond du VM en Île-de-France, plafond qui passerait de 2,95 % de la masse salariale à 3,20 %. En revanche, le projet de loi de finances ne prévoit rien de tel pour les autres régions. La justification de l’auteur de l’amendement (Renaissance) est la suivante : « Le développement des transports en Île-de-France bénéficie à l’ensemble des territoires français, non seulement parce qu’il permet le développement économique de la région et donc de tout le pays, mais aussi parce que le budget d’Île-de-France Mobilités comprend 4 milliards d’investissement par an, qui remplissent les carnets de commande des usines françaises de matériels roulants ferrés, de bus, de vélos, d’équipements billettiques, … En effet, ces 4 milliards d’investissements sont quasiment intégralement versés aux industries françaises. »
VM : les pistes du Gart
Le Gart demande néanmoins que les autres régions ne soient pas oubliées. Il ne plaide toutefois pas pour une augmentation brutale du VM, préférant demander le lancement d’une « concertation nationale entre l’État et les parties prenantes de la mobilité urbaine et régionale visant à renforcer la soutenabilité financière des AOM ».
Le Gart, dans les propositions qu’il met en avant pour « renforcer le modèle économique des AOM » , évoque plusieurs pistes sur le versement mobilité, qu’il souhaite voir discutées lors de cette (éventuelle) concertation. Parmi ces pistes : l’abaissement du seuil de 11 salariés (la tendance de ces dernières années a plutôt été un relèvement de ce seuil), le relèvement du taux plafond à l’échelle nationale, ou encore « la création d’une majoration ‘’offre supplémentaire’’ » . Par ailleurs, le Gart estime que « l’opportunité de mettre en place un versement mobilité à la faveur des régions agissant en tant qu’AOM locale de substitution en lieu et place des communautés de communes qui n’ont pas pris la compétence mobilité (doit être) interrogée, tout comme l’évolution du versement mobilité additionnel des syndicats mixtes SRU afin de faire évoluer ses modalités de collecte et financer des actions ou des services contribuant à l’intermodalité (RER métropolitains ou cars express par exemple. »
Reste qu'avant de discuter de l'éventualité d'une telle « régionalisation » du VM, il faudrait d'abord réinterroger la prise de compétence par les communautés de communes, dont un certain nombre ont transféré la compétence aux régions ou bien du fait de pressions de celles-cil, ou bien dans la précipitation imposée par le calendrier extrêmement contraint, au sortir de la crise du covid. C'est pourquoi l'AMF soutient de façon constante la nécessité de rouvrir une période de choix, pour permettre y compris aux communautés de communes de changer d'avis et de reprendre la compétence qu'elles ont transféré si elles le souhaitent. Une porte est entre-ouverte, sur cette question, dans la proposition de loi sur les Serm (RER métropolitains).
Le gouvernement va-t-il accepter de lancer la grande concertation réclamée par le Gart ? C'est à espérer – faute de quoi, on ne voit pas comment les collectivités vont pouvoir faire face à ce fameux « mur d’investissement » , qui, selon le Gart, pourrait atteindre les 100 milliards d’euros d’ici 2030. La question du financement sera cruciale, par exemple, pour espérer voir réussir le projet de RER métropolitains.
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