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Édition du mardi 30 avril 2024
Transition écologique

Transition écologique : les collectivités devraient investir 21 milliards d'euros par an d'ici 2030, selon l'IGF

Dans un contexte de revue des dépenses, l'Inspection générale des finances a listé une série de propositions pour favoriser l'investissement des collectivités dans la transition écologique.

Par A.W.

Dans un rapport remis en octobre dernier, mais publié il y a quelques jours, l'Inspection générale des finances (IGF) évalue à 21 milliards d’euros par an l’investissement que devront consacrer les collectivités territoriales à la transition écologique d’ici à 2030.

Afin de faire face à ces besoins d’investissements, l’IGF estime que cela « nécessitera des redéploiements et une mutualisation accrue ».

La coûteuse rénovation thermique des bâtiments

Dans le détail, les collectivités devraient débloquer 15 milliards d’euros pour la réduction des gaz à effet de serre et 6 milliards d’euros pour « l’adaptation au changement climatique et la préservation de la qualité de vie et des écosystèmes ». 

Représentant un tiers des investissements totaux, le poste de dépenses le plus coûteux serait celui de la rénovation énergétique des bâtiments avec 7 milliards d’euros par an. Suivent quatre autres postes dont le coût se situe entre 2,2 et 2,6 milliards d’euros : les pistes cyclables, le transport ferroviaire, les réseaux d’eau et d’assainissement ou encore le recyclage des friches et la renaturation.

Selon les inspecteurs, les besoins d’investissement dans la transition écologique représenteraient ainsi « environ 40 % du niveau des dépenses d’équipement »  des collectivités territoriales alors que celles-ci étaient évaluées à 54 milliards d’euros en 2022, dont les deux tiers portés par le bloc communal. « Leur financement nécessitera donc des choix de la part des exécutifs locaux », préviennent-ils.

Économies et mutualisation intercommunale

A leurs yeux, les besoins nouveaux pourraient ainsi être financés, en partie, par « l’autofinancement dégagé par des réorientations d’investissements, des mutualisations et un développement de l’amortissement ».

La mission met, d’abord, en avant les économies réalisées grâce à la rénovation des bâtiments qui sont estimées à 1 milliard d’euros par an sur les consommations énergétiques des collectivités, mais aussi grâce à la réduction des dépenses dites « brunes »  ou négatives pour l’environnement (1,44 milliard d’euros, par exemple, économisés via la sobriété foncière et donc une réduction des investissements en voirie neuve).

Par ailleurs, la diminution du nombre d’élèves – et donc du nombre d’écoles – , ainsi que la transition numérique – qui « ouvre la possibilité d’optimiser le bâti administratif »  – devraient également soulager financièrement les collectivités. Sur le premier point, « les investissements pouvant être redéployés sur d’autres priorités par les communes pourraient atteindre 115 millions d’euros par an à compter de la fin 2026 », alors qu’une « réduction de 10 % de la surface du bâti administratif pourrait se traduire par 500 millions d’euros d’investissements annuels pouvant être redéployés », assurent les inspecteurs.

Afin de réaliser d’autres économies, ces derniers encouragent également une « mutualisation intercommunale des équipements et des investissements structurants »  encore « plus poussée »  qu’elle ne l’est actuellement.

Recours à la trésorerie et à l’endettement

L’IGF assure, en outre, que les collectivités disposent de marges de manœuvre financières suffisantes pour « répondre aux enjeux d’investissements des années à venir », notamment en piochant dans leur trésorerie, qui a atteint en 2022 les 65,7 milliards d’euros.

« Si les collectivités ramenaient leur trésorerie au niveau de 2015, elles pourraient mobiliser environ 20 milliards d’euros », évaluent les auteurs du rapport qui reconnaissent toutefois que « certaines collectivités ont davantage de marges de manœuvre financières que d’autres »  et que « la conjoncture (...) pourrait freiner l’investissement des collectivités à compter de 2024 ».

Jugeant que leur situation financière reste donc « favorable », ils estiment qu’elles peuvent aussi « s’endetter davantage ». « Les collectivités territoriales, et en particulier les communes, EPCI, syndicats et départements, disposent en moyenne de marges de manœuvre pour s’endetter davantage, compte tenu de la diminution de leurs délais de désendettement jusqu’en 2022 », selon les inspecteurs.

Ces derniers expliquent ainsi que « si toutes les collectivités qui ont en 2022 un délai de désendettement inférieur à cinq ans portaient leur endettement à ce niveau, le bloc communal pourrait mobiliser 23 milliards d’euros, les départements 31 milliards d’euros et  les régions 3 milliards d’euros », hors évolution de la conjoncture en 2023.

Appels d’offres à rationaliser

La mission préconise, en outre, « une meilleure visibilité et une forte rationalisation des appels à projets de l’État et de ses opérateurs ». Selon elle, le préfet de département serait ainsi « légitime pour diffuser l’information sur les appels à projets et signer les décisions d’attribution de subventions ». Elle critique, notamment « le foisonnement des appels à projets (...) qui décourage les petites et moyennes collectivités »  en « imposant des délais de réponse qui ne sont pas nécessairement compatibles avec la réalisation des projets »  et « avec des dossiers complexes à remplir ».

Afin de soutenir les collectivités qui en ont d’ailleurs le plus besoin pour réaliser des « investissements de qualité », la mission préconise qu’au plan local, « l’ensemble de l’offre de l’ingénierie des agences soit sous le pilotage du préfet de département, sur le modèle actuellement en vigueur pour l’ANCT, afin de favoriser leur appropriation par les collectivités territoriales ».

Dotations, FCTVA et CRTE à revoir

Reste que « la visibilité sur les financements de l'État offerte dans le cadre des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) est également à améliorer », selon l’IGF qui propose qu’elle soit « pluriannuelle »  et que « des objectifs de résultats, quantitatifs et qualitatifs, (soient) fixés conjointement ».

La mission souhaite, par ailleurs, que les financements de l’État soient « regroupés, et orientés vers des priorités de politique publique plutôt que vers des types de collectivités ou de territoires »  afin d’accroître « la lisibilité des priorités données aux subventions d’investissement de l’État ». Elle recommande ainsi de rassembler les dotations dédiées à l’investissement local dans seulement deux dotations : une consacrée à la « transition écologique »  (contractualisée dans un CRTE) et l’autre à la « cohésion des territoires »  (non contractualisée).

« Sans ignorer la sensibilité du sujet », prévient la mission, celle-ci recommande de rendre le FCTVA « plus efficace, plus équitable, et plus incitatif au bénéfice des investissements verts ». Dans ce cadre, elle suggère de mener un audit de ce dispositif évalué à plus de 6,4 milliards d'euros en 2022 qui conduirait, « s’il confirme les limites identifiées », à le « réorienter progressivement »  au profit du « renforcement de la dotation budgétaire “transition écologique” ». Cette réduction du FCTVA pourrait également permettre d’aider les collectivités « les plus défavorisées », si ce n’est de réintégrer ces sommes au budget de l’Etat pour faire tout simplement « des économies ». De quoi ravir le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui prône de nouvelles restrictions budgétaires pour 2025.


Consulter le rapport.

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