Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 14 février 2024
Statut de l'élu

Statut de l'élu : deux textes en discussion

Le Sénat examinera, le 5 mars, une proposition de loi créant un statut de l'élu déposée par Françoise Gatel, présidente de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Les députés Violette Spillbout, Sébastien Jumel et David Valence ont déposé, le 6 février, un autre texte, en instance d'examen. Le Premier ministre souhaite que « des propositions puissent aboutir d'ici la fin du premier trimestre. »

Par Xavier Brivet

Abondance de rapports et de textes législatifs ne nuit pas, diront certains… Après les propositions formulées par l’APVF et l’AMF, début novembre, pour améliorer les conditions d’exercice du mandat d’élu local, sénateurs et députés ont déposé deux textes sur le sujet. Le Sénat discutera, à partir du 5 mars, une proposition de loi « portant création d'un statut de l'élu local », déposée le 18 janvier notamment par Françoise Gatel, présidente de la Délégation aux collectivités de la Haute assemblée. Ce texte, qui avait été annoncé par le président du Sénat devant le 105e congrès de l’AMF, fait suite aux trois rapports de la délégation aux collectivités du Sénat, présentés mi-novembre et début décembre (régime indemnitaire des élus – lire Maire info du 17 novembre ; amélioration et sécurisation de l'exercice du mandat et conciliation avec la vie personnelle et professionnelle ; sécurisation de la sortie du mandat – lire Maire info du 14 décembre). Le Sénat souhaite que l’engagement des élus soit « reconnu à sa juste valeur »  compte tenu d’une « professionnalisation croissante »  de l’exercice du mandat. Les auteurs du texte estiment qu’« il est urgent d’agir »  compte tenu « du risque latent d’un approfondissement de la crise des vocations à l’horizon 2026 »  et du nombre important de démissions de maires depuis 2020 évalué à « 1078 ».    

De leur côté, les députés Sébastien Jumel (76) et Violette Spillebout (59), rapporteurs de la mission sur le statut de l’élu, créée au sein de la délégation aux collectivités de l’Assemblée nationale, ont déposé, le 6 février, une proposition de loi « portant réforme du statut de l’élu local ». Ce texte, cosigné avec David Valence, président de la délégation aux collectivités, n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour. Il reprend les principales propositions du rapport d’information que la mission a présenté, le 20 décembre dernier. Sans faire des élus locaux « des citoyens "à part" », les auteurs estiment nécessaire « d’inscrire (…) dans la loi un véritable statut de l’élu »  car « cette belle fonction [d’élu], ce sacerdoce laïc souffre aujourd’hui d’une crise d’attractivité ».  Les députés poursuivent deux objectifs principaux : « regrouper un corpus juridique aujourd’hui composite, opaque et insuffisant dans un titre spécifique du Code général des collectivités territoriales »  dédié au statut de l’élu, a précisé Violette Spillebout, en soulignant que la mission inclut dans ses propositions « les conseillers municipaux, y compris d’opposition, qui sont l’angle mort du statut ». Et renforcer l’attractivité de la fonction d’élu dans tous les domaines (indemnités, disponibilité, protection contre les violences, couverture sociale, formation, déontologie, droits des élus de l’opposition, fin de mandat, etc.).

Le gouvernement n’est pas en reste sur le sujet. Devant le 105e Congrès de l’AMF, fin novembre, l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, avait affirmé vouloir « travailler sur un statut de l’élu en partenariat avec l’AMF pour résoudre tous les irritants »  en espérant aboutir « au premier semestre 2024 ». Son successeur, Gabriel Attal, veut aller plus vite. Devant les sénateurs, le 31 janvier, il a souhaité « mettre en place un véritable statut de l’élu »  en s’appuyant sur les nombreuses propositions des parlementaires et des associations d’élus. « Je souhaite que des propositions puissent aboutir d’ici la fin du premier trimestre ». Sans que l’on sache, à ce stade, si l’exécutif souhaite s’appuyer sur l’un des deux textes des parlementaires ou déposer son propre projet de loi. 

Les principales mesures proposées par les parlementaires

Indemnités : Sénateurs et députés s’accordent sur leur nécessaire revalorisation. Le Sénat augmente le barème applicable aux indemnités des maires, étend aux adjoints la règle selon laquelle les indemnités de fonction sont fixées au maximum légal sauf délibération contraire du conseil municipal. Il modifie le mode de calcul de l’enveloppe indemnitaire globale pour mieux indemniser les conseillers municipaux. 

Les députés proposent que « les indemnités de fonction des exécutifs locaux (…) et de leurs adjoints ou vice présidents (ou autres membres du conseil exécutif, le cas échéant) disposant d’une délégation de l’exécutif [soient] désormais fixées au plafond du barème prévu par la loi ou le règlement sans avoir besoin d’une délibération de l’organe délibérant, sauf si celui ci en décide autrement à la demande de l’exécutif »  ; et l’attribution à « tout élu d’une collectivité territoriale ou d’un EPCI à fiscalité propre (…) d’une indemnité de fonction minimale ». Son montant varierait selon la population (entre 40,85 et 245,15 euros brut par mois) et serait compensée « pour les communes de moins de 1 000 habitants par un relèvement de la dotation particulière "élu local" (DPEL) », souligne l’exposé des motifs du texte.  

Frais professionnels : le Sénat veut rendre obligatoire le remboursement par la collectivité des frais de transport des élus liés à l’exercice du mandat ; Il étend aux communes de moins de 10 000 habitants la compensation par l’Etat des frais de garde d’enfant ou d’assistance aux personnes âgées ou en situation de handicap engagés par les élus pour participer aux réunions liées à l’exercice du mandat. 

Les députés étendent à toutes les collectivités et à tous les EPCI la possibilité pour leurs exécutifs de disposer d’une indemnité pour frais de représentation ; la prise en charge des frais de séjour et de transport serait étendue « à tout élu disposant d’une délégation de l’exécutif lorsqu’il représente sa collectivité ou son EPCI en dehors de tout mandat spécial ».  

Crédits d’heures et autorisation d’absences : le Sénat veut étendre le champ d’application des autorisations d’absence des maires aux « cérémonies publiques », à la gestion « d’une situation de crise ou d’urgence », à sa participation aux réunions d’élaboration de certains documents stratégiques »  (SCoT, PLUi, PLH, PCAET…). Les sénateurs (comme les députés) portent de « dix à vingt jours le nombre maximum de jours d’autorisation d’absence dont peuvent bénéficier les candidats à une élection locale ».

Les députés portent « de quatre à cinq fois la durée hebdomadaire légale du travail le crédit d’heures dont disposent les maires des communes de 10 000 habitants et plus et les adjoints au maire des communes de 30 000 habitants et plus. Celui des maires des communes de moins de 10 000 habitants et des adjoints au maire des communes de 10 000 à 29 999 habitants est porté de trois fois et demie à quatre fois la durée hebdomadaire légale du travail ». Ils proposent d’inscrire « les élus qui ont conservé leur emploi salarié en CDD ou en CDI sur la liste des salariés protégés par le code du travail (…) pendant la durée du mandat ». 

Protection fonctionnelle : le Sénat rend son octroi automatique « pour l’ensemble des élus locaux victimes de violences, de menaces ou d’outrages, qu’ils aient ou non une fonction exécutive »  avec une compensation de l’Etat. Les députés élargissent « le champ des garanties offertes par les contrats d’assurance souscrits par les collectivités et les EPCI ».  

Formation : Le Sénat et l’Assemblée nationale portent de 18 à 24 jours la durée maximale du congé de formation des élus ; ils ouvrent aux élus des communes de moins de 3 500 habitants les formations du CNFPT ; le Sénat permet aux candidats à un mandat électif local de bénéficier des formations ouvertes aux élus via leur CPF. 

Une « formation de deux jours en début de mandat (…) pourrait être systématisée »  proposent les sénateurs, les députés proposant d’instaurer « une session d’information obligatoire de deux jours que tout élu local est appelé à suivre au cours des trois premiers mois de son mandat ». Les députés proposent d’imposer aux collectivités et EPCI un « plancher de dépenses budgétaires »  consacrées à la formation et correspondant « à 5 % »  (contre 2 % actuellement) de l’enveloppe indemnitaire globale (une mesure compensée par la DPEL pour les communes de moins de 1 000 habitants). Ils suppriment la procédure d’agrément des organismes de formation par le CNEFEL et permettent « à tout prestataire bénéficiaire de la certification de qualité »  prévue par le Code du travail « de proposer des formations aux élus. » 

Fin de mandat : le Sénat rend « automatique »  le bilan de fin de mandat et la démarche de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les maires et les adjoints. Comme l’Assemblée nationale, il étend le bénéfice de l’allocation différentielle de fin de mandat « à tout maire d’une commune de 500 habitants ou plus et à tout adjoint d’une commune de 3 500 habitants ou plus »  (3 000 habitants pour les députés qui étendent ce bénéfice « à tous les vice-présidents d’EPCI » ). Le Sénat et l’Assemblée nationale proposent que la durée de suspension du contrat de travail pour exercer un mandat soit prise en compte dans le calcul de l’ancienneté du salarié. Les députés souhaitent que « tout élu local, même non-membre de l’exécutif »  puisse « obtenir des droits au titre de l’assurance chômage pour le temps consacré à l’exercice de son mandat ». 

Retraite : les sénateurs accordent « une bonification d’un trimestre par mandat complet » 

Étudiants, personnes handicapées : le Sénat et l’Assemblée nationale prévoient la création d’un « statut de l’élu étudiant »  (aménagement de la scolarité, remboursement de frais…). Idem pour les personnes en situation de handicap (prise en charge des frais de déplacement, d’accompagnement, aide technique, aménagement du poste de travail…).  

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